PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

Netizen Report : le gouvernement éthiopien bloque l'accès à Internet dans la capitale sur fond de heurts ethniques et politiques

samedi 22 septembre 2018 à 15:45

Manifestation dans la région Oromo en Ethiopie, en 2016. Photo extraite de la page Facebook d’Abdi Lemessa avec son accord.

Le Netizen Report de Global Voices Advox offre un aperçu des défis à relever, des victoires obtenues et des tendances émergentes en matière de libertés numériques dans le monde.

Cinq mois après l’entrée en fonction du nouveau Premier ministre Abiy Ahmed, Addis-Abeba a été envahie mi-septembre par des manifestations liées aux tensions ethniques et à la politique menée en matière de droit foncier qui ont entraîné la mort d’au moins 20 personnes [tous les liens sont en français ou en anglais].

Lundi 17 septembre, apparemment en vue de contrer les troubles sociaux, l’accès au réseau Internet mobile a été fermé dans toute la capitale. La compagnie publique Ethio Telecom, seul fournisseur de services Internet et de téléphonie du pays, n’a fait aucune déclaration sur le sujet.

Abiy Ahmed est entré en fonction en avril 2018, après presque de trois ans de manifestations de masse, de conflits ethniques et d'interventions militaires musclées dans certaines régions du pays. L’ancien Premier ministre Hailemariam Desalegn avait démissionné de lui-même de ses fonctions en février 2018, après que sa coalition, auparavant au pouvoir, ait éclaté sans espoir de retour en arrière, ouvrant la voie à l’élection d’Ahmed.

Salué en tant que réformateur, le nouveau Premier ministre a ordonné la libération de milliers de prisonniers politiques, fait remplacer les hauts responsables de la police et de la sécurité du régime précédent et travaillé à un rapprochement avec l’Érythrée. Il a également fait lever l’état d’urgence, institué par intermittence depuis 2015.

La recrudescence des manifestations et le blocage d’Internet qui s’en est suivi, deux marqueurs évoquant la vie publique sous le précédent régime, font craindre que les efforts d’Ahmed pour rétablir la paix et œuvrer en faveur des droits humains dans le pays ne soient voués à l’échec.

Dans un tweet, le militant et ancien prisonnier d'opinion Atnaf Brhane a réagi avec ironie à la décision du gouvernement de couper l’accès à Internet :

- Le 22 juin, le gouvernement a annoncé avoir mis fin au blocage des sites Internet jugés critiques envers le gouvernement.
– Le 17 septembre, le gouvernement a fermé l’accès au réseau Internet mobile dans la capitale, Addis-Abeba, suite à une manifestation dénonçant une attaque menée pour des raisons ethniques

Un journaliste ukrainien arrêté par la police kazakhe

Le journaliste ukrainien Aleksandr Gorokhovsky a été arrêté à Oural, une ville du nord-ouest du Kazakhstan, alors qu'il animait une formation relative aux méthodes de vérification des faits à l'intention d’un groupe de journalistes kazakhs. L'atelier était organisé par le journal régional Uralskaya Nedelya, qui est depuis longtemps la cible de harcèlement de la part des autorités ;  ce notamment du fait de la situation précaire de cette région frontalière de la Russie, où les courants politiques pro-Moscou sont puissants. Gorokohovsky a été condamné à une amende deux jours plus tard par un tribunal local, après que le procureur a fait valoir que Gorokhovsky n'avait pas indiqué sur le formulaire d’entrée sur le territoire kazhak qui l'avait invité dans le pays.

Quel rôle peut jouer Facebook dans les élections camerounaises et alors que les tensions ethniques s'aggravent ?

A l’approche de l’élection présidentielle du 7 octobre, le gouvernement camerounais veut contrer la propagation en ligne d’éléments de désinformation. Les campagnes en ligne appelant à la violence interethnique pèsent de plus en plus dans les dissensions internes que connaît le Cameroun, où un mouvement séparatiste a notamment provoqué des affrontements avec les forces militaires dans les régions anglophones ; les soldats ont attaqué des villages et obligé des dizaines de milliers de personnes à fuir leurs foyers. Pendant 230 jours en 2017 et 2018, les régions anglophones du Cameroun ont par ailleurs connu l'une des plus longues coupure d'Internet ayant jamais eu lieu sur le continent.

Les autorités camerounaises ont récemment rencontré des représentants de Facebook pour leur faire part de leur inquiétude quant aux appels à la violence interethnique qui continuent de se propager via la plateforme, celle-ci constituant de ce fait une menace pour la sécurité publique.

Sur le site Quartz Africa, Amindeh Blaise Atabong s’interroge sur les réelles motivations des autorités : via Facebook ont été partagées des vidéos dont des experts locaux affirment qu’elles montrent des soldats tuant des civils non armés dans les régions séparatistes ; le gouvernement pourrait espérer bloquer ces informations.

En Malaisie, la loi « anti fake news » pourrait bien faire long feu

Le Sénat malaisien a bloqué une tentative de la chambre basse du Parlement d'abroger la loi « anti fake news », qui sanctionne la diffusion « d’actualités, d’informations, de données et de rapports qui seraient partiellement ou totalement faux » par le biais d’amendes pouvant aller jusqu'à 500 000 ringgits (environ 103 000 euros) ou d’une condamnation à une peine maximale de six ans de prison. La loi a été critiquée par un groupe de rapporteurs spéciaux des Nations unies pour avoir engendré des entraves à la liberté d’expression et son abrogation était l’une des priorités affichées pendant sa campagne par le Premier ministre récemment élu Mahathir Mohamad. Elle doit à présent être débattue de nouveau à la chambre basse avant un nouveau vote.

La stratégie de Google en Chine fait la part belle à la censure et à la surveillance

Après avoir quitté le marché chinois en 2010 au motif de son inquiétude pour les droits humains, Google s’apprête à lancer une version censurée de son moteur de recherche en Chine. L'application Dragonfly serait en effet capable d‘identifier et de censurer automatiquement les sites Web tels que Facebook, Twitter, Wikipedia, la BBC, Global Voices et de nombreux autres sites actuellement bloqués en Chine, ainsi que de supprimer les résultats du moteur de recherche que les responsables gouvernementaux estimeraient sensibles.

Selon les nouveaux éléments découverts par le journal en ligne The Intercept, l’application va également associer les recherches des utilisateurs à leurs numéros de téléphone personnels afin que Google (et très probablement les autorités chinoises) puissent contrôler leur activité en ligne. Cela renforce les inquiétudes soulevées par une coalition de 14 groupes de défense des droits humain dans une lettre ouverte adressée au PDG de Google Sundar Pichai : selon elle, le stockage des données de Google en Chine pourrait permettre aux programmes de surveillance du gouvernement d'accéder aux données des utilisateurs et rendre Google complice de violation de droits humains.

La Cour européenne des droits de l'homme juge les programmes de surveillance britanniques contraires aux droits humains

La Cour européenne des droits de l'homme a estimé que les programmes de surveillance de masse du Royaume-Uni étaient menés en violation du droit à la vie privée et de la liberté d'expression. Le jugement, rendu dans le cadre d’une affaire amenée devant la cour par des organisations telles qu'Amnesty International et Privacy International, a été motivé par le fait que les programmes manquaient de la supervision nécessaire en matière de collecte de données et allaient à l’encontre des principes et des lois relatifs aux droits humains. Il n’a pas été précisé si l’existence d’un système de collecte en masse de données était en elle-même illégale.

Nouvelles recherches

 

Recevoir le Netizen Report par e-mail

 

 

Le premier parc de skate board de Katmandou veut faire changer les mentalités

samedi 22 septembre 2018 à 12:12

Ktm Skate Park dans la vallée de Katmandou. Photographie issue de la page Facebook de Skate Park, reproduite avec autorisation.

Au milieu des bâtiments étroits qui bordent les rives de la Bishnumati, un groupe de jeunes se rassemble pour se perfectionner dans un sport encore largement désapprouvé par la société népalaise : le skate board.

C'est dans ce petit terrain bétonné que se trouve “Ktm Skate Park”, le tout premier parc de skate board de Katmandou. À la tête des opérations : Ujwol Dangol, qui a sauté sur son premier skate board à l'age de quatorze ans et qui ne l'a jamais regretté. Il s'est entretenu avec Global Voices en juin 2018 sur ses projets actuels et futurs.

Son inspiration pour ouvrir un parc de skate board dans la vallée de Katmandou lui est venue en 2014 après un séjour à Bangkok, où le skate board s'est développé depuis plus longtemps. Il a d'abord ouvert un magasin, puis s'est mis à rassembler du matériel et des rampes pour le parc, tout en faisant les démarches pour obtenir un endroit où le construire. Son rêve est devenu réalité en 2016 :

Le premier skate parc !!!
Ktm Skate Park !!!
On s'est battus vraiment dur pour qu'il devienne réalité. Nous avons enfin un incroyable parc de skate board dans la capitale. Il va changer la vie de tant de jeunes et les rendre plus forts, plus confiants et plus sérieux quant à leur skate boarding.

Voici Ujwol et son skate board :

Le premier et l'unique parc de skate board de Katmandou, Ktm Skate Park !!!
Venez le visiter !! Faites du skate board et amusez-vous !!

Ujwol occupe maintenant le devant de la scène du skate board au Népal, où ce sport a lentement décollé. Malgré sa popularité croissante dans le monde (et qui va même faire sa première apparition aux Jeux olympiques de Tokyo en 2020), il est encore associé aux drogues et au crime au Népal.

Mais Ujwol ne se décourage pas pour autant : il organise des leçons dans les écoles et dirige des événements pour contribuer à populariser l'activité dans tout le pays. À terme, il aimerait voir le skate board faire partie des sports couramment acceptés à l'école.

En 2016 il a emmené deux skateurs aux Championnat d'Asie de skate board à Shanghai. En 2018 il a été responsable de l'équipe de skate board aux Jeux d'Asie de Jakarta, même si malheureusement, le Népal n'a rapporté aucune médaille de ces compétitions.

Jitendra, qui ne laisse pas son infirmité l’empêcher de pratiquer sa passion, fait partie des assidus du parc de skate board d'Ujwol :

View this post on Instagram

Skater homie Jitendra is really cool guy. I met him 3 years ago and he was like shy guy. Slowly, he became very good and friendly person. He skates good. Happy to support him with this old school deck which he liked a lot. #skaterhomie #sponsorskater #helpinghand #supportingacause #supportingskaters #firstskateshopofnepal2015 #hamroskateshop #worldskate #worldskatenepal #nepalskateboarding

A post shared by Hamro Skate Shop (@hamroskateshop) on

<script async defer src="//www.instagram.com/embed.js">

Ujwol utilise fréquemment les médias sociaux pour mettre en valeur les skateurs du parc :

View this post on Instagram

HSS Rider Dhiraj skates hard. After school he shows up to Ktm Skate Park and learns new tricks. An amazing photos of him captured by Francine Boer. Many appreciation for such wonderful photos. Thank you for supporting Nepal Skateboarding Scene. @francineboer #hssrider #sponsorskaternepal #passionateskater #juniorskater #nepalskateboardingchampion2075 #firstskateshopofnepal2015 #hamroskateshop #internationalsupport #worldskate #worldskatenepal #nepalskateboarding

A post shared by Hamro Skate Shop (@hamroskateshop) on

<script async defer src="//www.instagram.com/embed.js">

Des filles enseignent aux filles a faire du skate board !!
Les jeunes aiment vraiment le tout premier parc de skate board de Katmandou.
Les gens viennent nous voir et nous soutiennent.

Le Ktm Skate Park, semble-t-il, suscite un véritable engouement pour le skate board au Népal : d'autres parcs ouvrent ailleurs dans le pays, le dernier en date étant l’Annapurna Skate Park de Pokhara.

Ce film sur une résistante monténégrine veut garder vivantes les valeurs anti-fascistes

samedi 22 septembre 2018 à 11:33

Arrêt sur image du film “Le combat de Mare Bogdanova.”

Quand nous avons dit pour la première fois à la fille de Mare Lakovic que nous voulions faire de sa défunte mère le point de mire d'un documentaire pour les 70 ans de la libération anti-fasciste et féminine au Monténégro, sa première réaction à cette idée a été de stupéfaction. “C'est sûrement une entourloupe” m'a-t-elle rétorqué ainsi qu'à mon coauteur, Dragan Koprivica.

Mais Vidosava Laković, 80 ans maintenant, s'est ensuite ravisée. Cinq mois après ce premier contact par téléphone, et en grande partie grâce aux souvenirs qu'elle a partagés avec nous, l'histoire de sa mère est désormais connue de dizaines de milliers de Monténégrins près avoir été mise sur les ondes par la radiodiffusion publique de ce pays des Balkans le 12 juillet 2018.

Mare Lakovic, née en 1910 dans la ville de Cetinje au Monténégro, a vécu une vie ordinaire en des temps qui ne l'étaient pas. À juste 30 ans et mère de quatre enfants, elle est devenue veuve quand les forces nazies ont envahi le pays alors connu sous le nom de Royaume de Yougoslavie. Son mari Bogdan, un partisan communiste a été tué au combat pendant la bataille de Pljevlja en décembre 1941. Mare a été non seulement témoin de la défaite du 1945, mais aussi une participante active de la lutte clandestine des partisans.

Dans les turbulences qui ont suivi la rupture dramatique de ce pays communiste d'avec l'Union soviétique en 1948, elle a failli être internée dans une prison politique sur une île déserte de l'Adriatique. Ce sont ses actions inlassables pour la cause des partisans pendant la guerre, et son réseau d'alliés dans les Balkans qui l'ont sauvée, avec l'intervention de personnes influentes au plus haut niveau de la hiérarchie yougoslave. Elle a vécu assez longtemps pour voir l'effondrement de la Yougoslavie, presque un demi-siècle après que les femmes du pays ont obtenu le droit de vote, mais est morte dix ans avant que son Monténégro natal gagne l'indépendance en 2006.

Mare Lakovic n'était pas une complète inconnue avant que nous fassions notre film. Nous l'avions trouvée parmi une kyrielle de personnages apparus dans une passionnante chronique intitulée “Le Rocher des aigles—100 ans de la vie d'une famille monténégrine” écrite par le célèbre animateur et éditeur monténégrin Nebojša Bato Tomašević. Tomašević, un survivant de la catastrophe aérienne de Munich en 1958 où ont péri 23 personnes, dont les membres du club britannique de football Manchester United, est décédé l'an dernier, à l'âge de 87 ans. “Le Rocher de l'aigle” continue à attester de l'héroïsme de femmes ordinaire des Balkans telles que son mentor de jeunesse Mare Lakovic en des temps d'inimaginables épreuves, et a contribué à inspirer le film que nous avons appelé Le combat de Mare Bogdanova (publié en ligne avec des sous-titres anglais).

En faisant des recherches et en partageant l'histoire du combat d'un individu ordinaire, nous avons voulu rappeler aux générations plus jeunes comment les droits dont nous jouissons aujourd'hui ont été gagnés, et que chaque droit a son champ de bataille, au prix d'immenses sacrifices. Le titre reflète la coutume balkanique d'appeler la femme par le nom de son mari, répandue à l'époque où elle a vécu. Dans son entourage, Mare Laković était connue comme Mare Bogdanova, la Mare de Bogdan.

Un combat contre le fascisme, mais aussi contre le patriarcat

Mare Bogdanova (1910-1996)

La Mare Lakovic qui émerge de l’œuvre de Bato Tomašević est un modèle puissant, qui a donné à l'auteur sa première mise en contact avec le mouvement  partisan à Cetinje, sous occupation des Nazis de 1941 à 1944. C'est Mare qui a confié à Tomašević beaucoup de ses tâches dans le mouvement, qui l'envoya observer les exécutions publiques de combattants de la résistance capturés. S'informer de l'attitude des condamnés à mort était important pour le mouvement, pour savoir s'ils avaient craqué sous la torture. Mare l'envoya porter de la nourriture aux prisonniers, diffuser les nouvelles de la radio et la tenir informée de tout ce qu'il voyait en circulant à travers la ville.

La lutte des partisans propulsa des femmes comme Mare, qui était illettrée à l'époque, à des postes de discret commandement. La preuve fut faite qu'elles n'étaient pas seulement indispensables à l'intérieur du foyer, mais aussi à leurs collectivités et à leur pays, ce qui a conduit à un glissement graduel des valeurs à travers la Yougoslavie.

Mais si des femmes comme Mare ont formé l'arrière-plan de la résistance anti-fasciste, le mouvement avait aussi besoin de pionnières.

A la différence de Mare, la membre du Front antifasciste des jeunes et des femmes communistes Bosa Vuković a baigné dans la littérature politique dès son plus jeune âge. Bosa Vuković était une opposante plus déclarée au conservatisme patriarcal que la vaste majorité des femmes de son époque. Après sa participation au mouvement anti-fasciste, elle est devenue la rédactrice en chef d'un magazine appelé “Nos femmes”, qui fut rapidement considéré comme vital pour l'éducation et l'émancipation des femmes au Monténégro. Le mouvement féministe au Monténégro est un autre sujet central de notre film.

Ne pas laisser péricliter la mémoire, rejeter le révisionnisme historique

Une de nos principales motivations pour préserver les souvenirs de cette époque de lutte constante a été le fait que tant de personnes qui ont connu Mare et son mari sont maintenant très âgées. Nous avons eu la chance de pouvoir parler à ces sources vitales de mémoire humaine, qui nous ont aidés à construire une image d'une vie sur laquelle il existe peu de documents dans les archives publiques.

La Radio-Télévision du Monténégro (RTCG), le diffuseur public du pays, quant à elle nous a aidés à intégrer du contexte historique dans l’œuvre en fournissant d'excellentes images de l'époque, en provenance de Lovćen film, le studio de cinéma du Monténégro de l'ère communiste. Le fait que la télévision publique ait diffusé le film montre que le combat anti-fasciste parle encore à la société. La fête nationale du Monténégro le 13 juillet n'est d'ailleurs autre que la commémoration du soulèvement anti-fasciste de cette date en 1941.

Mais tout en échappant en partie au populisme de droite visible dans d'autres pays des Balkans, le Monténégro n'est pas indemne des tendances conservatrices traversant l'Europe et le monde qui font fi des principes du mouvement anti-fasciste. L'accent mis par les conservateurs sur les valeurs familiales et religieuses menace de restreindre les droits individuels et de défaire une grande partie des avancées forgées dans des circonstances extrêmes par Mare et d'autres. L'avortement et les lois potentielles sur les unions entre personnes de même sexe sont deux cibles centrales pour ces groupements, mais rien ne garantit qu'ils s'arrêteront là. La distance séparant les différentes catégories dans la société croît à un rythme inquiétant, et les plus vulnérables sont en risque d'être laissés pour compte.

C'est là qu’intervient l'éducation. Ceux qui créent les politiques de l'enseignement doivent être conscients de ces évolutions et plus attentifs à l'éducation civique dans les écoles. Critiquer les jeunes parce qu'ils ignorent les événements que leurs arrière grands-parents ont traversés, ou s'en désintéressent, ne suffit pas. Il est de la responsabilité de leurs enseignants de leur montrer que les valeurs de l'anti-fascisme ne sont pas que de l'histoire ancienne, et que cette histoire est étudiée non pas pour glorifier le passé, mais pour sauvegarder l'avenir.

Le film Le combat de Mare Bogdanova a été produit avec le soutien de l'Union européenne par le Centre pour la transition démocratique (CDT), une organisation à but non lucratif, et en coopération avec Media Solution. Le film est disponible sur Internet avec des sous-titres anglais.

Au Bangladesh, l'érosion catastrophique des berges d'un fleuve fait des milliers de sans-abris

vendredi 21 septembre 2018 à 13:57

Un immeuble englouti par le fleuve Padma au Bangladesh. Arrêt sur image d'une vidéo YouTube de l'utilisateur TechTV BD.

Alors que le Padma, un puissant fleuve du Bangladesh, connaît des niveaux sans précédent d'érosion des sols de ses rives, une vaste zone de l’upazilla [circonscription administrative] de Naria dans le district de Shariatpur a été engloutie.

Les flots du Padma sont actuellement gonflés par une période prolongée de pluies de mousson dans les régions en amont. Plus de 5.000 familles et de 500 entreprises de Naria ont perdu la totalité de leurs terrains et de leurs possessions ces derniers mois, selon Relief Web. En une semaine, 3.000 familles dans la zone de Mokhtar Char ont tout perdu. En plus des maisons, beaucoup de routes, ponts, écoulements, entreprises, boutiques et autres infrastructures ont été emportés par les eaux.

Le Padma dévore un immeuble de trois étages dans l'upazila de Naria (Shariatpur). L'érosion de cette berge du fleuve a pris une tournure sérieuse : 4.000 familles devenues sans-abri en quelques mois.

Le Padma dévore un une nuit un village vieux de 200 ans et réduit à l'état de ruines le bazar tricentenaire de Mulfotganj à Naria, Shariatpur, Bangladesh.

Dataful.xyz, un projet de data journalisme à but non lucratif, a reproduit des données satellite sourcées du service géologique des USA (United States Geological Survey), fournissant des visualisations de l'érosion par le Padma au cours des dix dernières années. La Fédération internationale de la Croix-Rouge et les les Sociétés du Croissant-Rouge (IFRC) ont qualifié l'érosion fluviale de catastrophe silencieuse au Bangladesh.

Des dommages structurels massifs

On a vu apparaître en ligne des vidéos sidérantes des énormes dégâts causés par l'érosion des sols le long du Padma, avec des immeubles entiers engloutis en quelques secondes :

Md. Nowfel Mahmud Bhuiyan, un doctorant à la Tennessee Technological University, publie sur Facebook de l'information sur l'impact de l'érosion des sols :

The Padma river has eroded approximately 0.4 sq km near Naria Upzilla (Shariatpur) in last few weeks. A quick analysis using satellite images shows at least three mosques, one health complex, one school, and one bank have been partially or totally engulfed by the Padma river. In the meantime, approximately 1.5 km of road and hundreds of houses and commercial infrastructure were lost although 2018 has not yet been a flood year in that area.

Le Padma s'est érodé d'approximativement 0,4 km² près de l'upzilla de Naria (Shariatpur) ces dernières semaines. Une rapide analyse à l'aide d'images satellite montrent qu'au moins trois mosquées, un centre de santé, une école et une banque ont été partiellement ou totalement engloutis par le Padma. Dans le même temps, 1,5 km de route et des centaines de maisons et d'infrastructures commerciales ont été perdues alors que 2018 n'était même pas une année d'inondations dans cette zone.

Une évaluation qualitative des dommages causés par l'érosion du Padma près de Mulfatganj Bazar (Naria, Shariatpur) au 11 septembre 2018. L'analyse a été faite en utilisant les données d'imagerie satellite et de Google Earth, puisque les données mesurées sur le terrain n'étaient pas aisément disponibles pour vérification. Il faut noter aussi que les dommage dans cette zone ont forcément évolué à la date de préparation du présent article, car le Padma s'érode journellement. Crédit image Md N M Bhuyian, utilisation autorisée.

Les riverains du Padma sont familiers des dommages de l'érosion des sols du fait des changements de lit du fleuve, mais l'allure à laquelle la région de Naria disparaît est alarmante.

Le site est à une vingtaine de 20 kilomètres en aval du projet de pont sur le Padma, le plus grand pont en construction du Bangladesh.

Les projets contestables du gouvernement

Le gouvernement bangladeshi a fait disposer des sacs de terre et de sable le long du Padma non canalisé, mais pas assez pour remédier au déluge d'eau et de débris qui se fraient un chemin à travers les grands et fragiles bancs de sable longeant les berges. Les autorités ont aussi prépositionné 39 centres de crise pour fournir vivres et abris aux victimes.

Début 2018, le gouvernement a approuvé un budget de 255 millions de dollars US pour le Programme d'investissement de gestion du risque d'érosion des berges fluviales permettant la construction par le Conseil de développement hydraulique du Bangladesh d'au moins 50 kilomètres de protections des berges et la réhabilitation au moins 89 kilomètres de digues, mais le projet n'a jamais démarré et est désormais à l'arrêt du fait des hautes-eaux.

M.A. Latif, un internaute, a écrit :

…The devastating erosion of the Padma river is ongoing for the last couple of years, no initiative to build a dam or embankment was taken by the local administration. A big portion of Naria Upazila Health Complex and a mosque adjacent to the hospital already washed away…

…L'érosion dévastatrice par le Padma se poursuit depuis deux ans, aucune initiative de construction de barrage ou de digue n'a été prise par l'administration locale. Une grande partie du centre de santé de l'upazila de Naria et une mosquée adjacente à l'hôpital ont déjà été emportées…

M. Latif estime que le gouvernement doit déclarer la zone en situation de catastrophe, et commencer le drainage du fleuve et la construction de digues pour empêcher de nouveaux dégâts. La vidéo ci-dessous montre des gens ordinaires menant de difficiles actions de secours le long des rives :

L'érosion des berges, un problème persistant

Pendant la mousson, les quelque 24.000 kilomètres de voies d'eau du Bangladesh charrient d'énormes volumes de limon, de sable et d'eaux boueuses. Selon un rapport publié en août 2018 par l'observatoire terrestre de la NASA, plus de 66.000 hectares de terres ont été perdus depuis 1967 par l'érosion causée par le Padma. Chaque année, au moins 200.000 personnes deviennent des réfugiés environnementaux du fait des terres perdues par l'érosion des sols :

Le fleuve Padma : la forme de l'érosion

Une étude de 2018 du Centre de services d'information environnementale et géographique (CEGIS) a calculé une perte prévue de 2.270 hectares de terrains en 2018 du fait de l'érosion des berges de fleuves. Le rapport a aussi prédit 22 localisations vulnérables probables le long des rives de la Yamuna, du Gange et du Padma.

Les journalistes Mohammed Norul Alam Raju and Afroza Taznin ont écrit dans une tribune du Daily Star :

The government initiative is mainly focused on some subsidy programmes including relief distribution, Vulnerable Group Feeding (VGF), Vulnerable Group Development (VGD), etc., however, these programmes are often inadequate, disorganized, politicized, ad-hoc and ineffective; thus there is much scope for improvement of government initiatives.

The government should include river bank erosion disaster in its five-year programmes and a clear vision should be set for addressing it.

Le projet du gouvernement est principalement centré sur des programmes de subsides comportant de la distribution d'aides humanitaires, Vulnerable Group Feeding (VGF), Vulnerable Group Development (VGD), etc., pourtant ces programmes sont souvent inadaptés, désorganisés, politisés, ponctuels et inefficaces ; il y a donc une grande marge d'amélioration des initiatives publiques.

Le gouvernement doit inclure l'érosion catastrophique des berges de fleuves dans ses programmes quinquennaux et une vision claire doit être établie pour y répondre.

Répondre aux violations des Droits de l'Homme en Afrique, hashtag après hashtag

jeudi 20 septembre 2018 à 22:29

Image du contour de l'Afrique par Natasha Sinegina (CC BY-SA 4.0). Image éditée par Georgia Popplewell.

Sur l’ensemble du continent africain, nombreux sont les présidents de longue date qui ont trouvé un adversaire de taille: les contestations en ligne, nouveaux tests de leur capacité à conserver le pouvoir.

Tandis que des pays comme l'Ouganda, le Nigeria et le Rwanda ont des constitutions qui, dans le texte, garantissent des droits tels que la liberté d'association, d'expression et de réunion, ces droits sont souvent bafoués. Aujourd'hui, galvanisées par une connectivité accrue, les communautés en ligne composées de la jeunesse panafricaine utilisent les réseaux sociaux pour dénoncer la répression et soutenir les jeunes candidats qui défient les dirigeants accrochés au pouvoir depuis des décennies.

Ces derniers mois ont vu se développer un niveau d'activisme en ligne encore sans précédent, avec des hashtags à la popularité galopante tels que #FreeBobiWine (Ouganda); #FreeJonesAbiri et #FreeSamuelOgundipe (Nigeria) et #FreeDianeRwigara (Rwanda), lancés par des “citoyens du net” africains pour sensibiliser, créer de la solidarité et faire pression sur leurs gouvernements au niveau international.

Ouganda

#FreeBobiWine

En décembre 2017, Yoweri Museveni, âgé de 74 ans et président de l'Ouganda depuis 32 ans, a obtenu la modification constitutionnelle pour laquelle il avait vigoureusement fait campagne. Cet amendement supprime la limite d'âge de 75 ans pour les candidats à la présidence, ouvrant la voie à Museveni pour prolonger son mandat à l'expiration de son terme actuel, en 2021. La plupart des citoyens étaient pourtant en faveur du maintien de la limite, et le Parti Démocrate avait mené pour la protéger une campagne intitulée «Togikwatako» (“N'y touchez pas” en luganda).

Pendant les débats sur la limite d’âge, le jeune musicien-devenu-politicien Robert Kyagulanyi Sentamu – plus connu sous le nom de «Bobi Wine» – a attiré l’attention de Museveni avec son nombre croissant de partisans, tant en ligne que lors de ses rassemblements politiques. Craignant peut-être l'influence grandissante de Bobi Wine, Museveni avait alors écrit une lettre publique sur un large éventail de questions de gouvernance et avait poussé d'autant plus fort pour la suppression de la clause limitant l'âge des candidats. À la suite de la campagne Togikwatako, le gouvernement a imposé une taxe sur les réseaux sociaux pour «endiguer les rumeurs», déclenchant une importante vague de manifestations, avec Bobi Wine comme fer de lance du mouvement.

Bobi Wine a stimulé la participation politique des jeunes Ougandais, qui se retrouvent dans son histoire personnelle et ses débuts modestes dans la banlieue pauvre de Kamwokya, où il a construit un studio de musique et entamé une carrière fulgurante sur la scène musicale ougandaise. Par la suite, lors des élections partielles de juin 2017, il a mené avec brio une campagne parlementaire qui s'est soldée par sa victoire sur ses opposants à la fois du parti au pouvoir – le Mouvement national de résistance – et de l'opposition.

Le 13 août 2018, Bobi Wine s'est joint à Kassiano Wadri, candidat indépendant aux élections partielles d'Arua, pour apporter son soutien à sa campagne. Des violences ont alors éclaté après l'attaque par jets de pierres du cortège présidentiel, que l'État a attribué aux partisans de Wadri. Plusieurs personnes dont des parlementaires – et y compris des individus qui n'étaient pas même présents sur les lieux – ont alors été arrêtées et brutalement battues.

Stella Nyanzi et son équipe de quatorze manifestants pacifiques campent à Gulu pour exprimer leur solidarité avec les 34 détenus d'Arua, dont des députés, inculpés pour trahison.

Lors des échauffourées, le chauffeur de Bobi Wine a été tué par balle alors qu'il était assis dans une voiture garée. Il s'est par la suite avéré que Bobi Wine était la cible visée. Selon ses avocats, Bobi Wine a été torturé et détenu dans un centre de détention militaire. Les charges, fabriquées de toutes pièces, ont été abandonnées au bout de dix jours, mais Bobi Wine a ensuite immédiatement été accusé de trahison. Les autres détenus ont, quant à eux, été libérés sous caution le 27 août.

Museveni demande une RÉVOLUTION il est temps que la jeunesse ougandaise RÉPONDE. Nous n'avons rien à perdre à part notre futur. Soulevez-vous citoyens. Soulevez-vous dans l'esprit de Lumumba, Biko, Sankara et maintenant BOBI et les 33 d'Arua.

Les dictateurs doivent tomber.

Soulève-toi Ouganda

L'arrestation et la détention brutales de Bobi Wine ont suscité une vague de condamnations sur la scène internationale, provoquant l'apparition des hashtags #FreeBobiWine et # FreeArua33, ainsi que des manifestations de rue dans le monde entier, la plus importante ayant eu lieu à Nairobi.

Nigeria

#FreeJonesAbiri

Le gouvernement du président nigérian Muhammadu Buhari a considérablement réprimé la liberté de la presse ces dernières années. Entre août 2015 et mars 2018, environ 17 journalistes et blogueurs nigérians ont été illégalement arrêtés ou détenus par la police. Buhari a ouvertement exprimé son aversion pour la presse libre et la liberté d'expression. Dans un discours récemment prononcé devant des avocats, il a déclaré que «l’État de droit doit être soumis à la suprématie de la sécurité et de l’intérêt national».

Plusieurs hashtags ont pris de l'ampleur dans les réseaux sociaux cette année en réponse aux intimidations des journalistes et des citoyens orchestrées par le gouvernement Buhari. L'un d'entre eux concerne Jones Abiri, rédacteur en chef de Weekly Source, arrêté le 21 juillet 2016 par des agents de la Sûreté de l’État (DSS) à son bureau à Yenagoa (État de Bayelsa).

Souvenez-vous des journalistes qui ont passé des années en prison
Souvenez-vous des femmes emprisonnées illégalement

La DSS a accusé Abiri d'être un militant au sein du groupe qui a «fait sauter des oléoducs» dans la région du delta du Niger, riche en pétrole. Cette imputation a été appuyée par le gouvernement, qui a de plus accusé Abiri de ne pas avoir d'accréditation officielle de journaliste.

Des défenseurs des Droits de l’Homme ont riposté aux accusations en avançant qu’Abiri avait été arrêté pour avoir publié des informations «déplaisantes». Le hashtag #FreeJonesAbiri a été fortement relayé durant plusieurs jours sur Twitter, et s'est soldé par une victoire: Abiri a été libéré le 15 août 2018, après deux ans de détention. Il a depuis porté plainte contre le gouvernement et demande une indemnisation de 200 millions de nairas (soit environ 556 000 dollars) pour détention sans procès.

#FreeSamuelOgundipe

Samuel Ogundipe a été arrêté par la police nigériane le 14 août 2018 pour avoir refusé de révéler la source d'un article. Selon la police, Ogundipe a divulgué une lettre écrite par l'Inspecteur Général de police au Président par intérim, le Professeur Osinbajo, concernant le siège de la DSS au Parlement. La police a accusé Ogundipe d'avoir publié un document classé confidentiel, provoquant «une atteinte à la sécurité nationale et une violation de la loi et de l'ordre public».

L'arrestation d'Ogundipe a été condamnée sur la scène internationale par les internautes, les défenseurs des droits civiques et les journalistes du monde entier, qui ont appelé à sa libération. Pendant des jours, #FreeSamuelOgundipe a été un hashtag populaire sur Twitter. Ogundipe a finalement été libéré le 17 août 2018.

Pendant mon incarcération, je n'avais aucune idée de l'ampleur du soutien du public. Après ma libération un peu plus tôt aujourd'hui, la direction de Premium Times m'a expliqué que ma liberté avait été obtenue grâce à la pression que vous avez tous exercée.

Je vous en suis très reconnaissant. Merci!

#FreeOwerri112

Le 17 août, 112 femmes ont été arrêtées à Owerri, dans le sud-est du Nigeria, pour avoir organisé une manifestation pacifique demandant la libération de Nnamdi Kanu, leader séparatiste du Peuple Autochtone du Biafra (IPOB, son acronyme anglais). Depuis l'année dernière, après que le gouvernement eut déclaré l'IPOB organisation terroriste et suite à une descente de l'armée nigériane dans la maison de son père, la situation et la localisation de Kanu restent inconnues. L'arrestation du groupe de femmes a déclenché une tempête sur les réseaux sociaux, provoquant la percée du hashtag #FreeOwerri112.

Les femmes ont finalement été libérées le 24 août.

Rwanda

#FreeDianeRwigara

Sous la présidence de Paul Kagame, le Rwanda affiche la plus forte proportion de femmes au gouvernement dans le monde. Cependant, en réalité, si elles n'appartiennent pas au parti au pouvoir, les femmes leaders politiques qui prennent position s'attirent alors la fureur du régime. Ce fut tout d'abord le cas de Victoire Ingabire, avocate de 49 ans et leader du parti d’opposition FDU-Inkingi, revenue de son exil aux Pays-Bas pour participer aux élections de 2010. Ingabire a été arrêtée et accusée de collaborer avec une organisation terroriste et «d'idéologie génocidaire». Elle purge actuellement une peine de 15 ans de prison [NdT : Elle a été libérée il y a une semaine à la surprise générale].

Plus récemment, Diane Shima Rwigara, une femme d'affaires rwandaise et candidate indépendante aux élections présidentielles de 2017, a vu ses ambitions présidentielles s'arrêter net après sa disqualification par la Commission électorale rwandaise. La même année, Rwigara a été arrêtée pour incitation et fraudeet emprisonnée. Elle encourt une peine de 20 ans de prison.

Les gens qualifient le Parlement de Kagame de progressiste à cause du nombre record de femmes qui y siègent, mais ils oublient qu'il a torturé et détenu pour un temps indéfini Diane Shima Rwigara (et sa mère), qui s'est présentée contre lui aux élections de 2017, et qu'il a également mis aux enchères leurs biens familiaux.

Mais oui, le développement.

Ça n'a que trop tardé! Nous devons parler en son nom, elle risque 20 ans de prison pour avoir osé se présenter à la présidence du Rwanda !

Alors que Kagame préside l’Union Africaine en 2018, de nombreux internautes africains appellent à la libération de ses opposants politiques.