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Bons pour le travail, les bas salaires, et sans droits : les clandestins aux Etats-Unis

jeudi 1 mai 2014 à 22:30

[Tous les liens mentionnés sont en anglais]

Cet article, écrit par Peter Watt, a été publié à l'origine sur le site de NACLA (North American Congress on Latin America, le Congrès Nord-Américain sur l'Amérique Latine). Peter Watt enseigne les études d'Amérique Latine à l'université de Sheffield. Il est le co-auteur du livre Drug War Mexico: Politics, Violence and Neoliberalism in the New Narcoeconomy (Zed Books 2012).

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Image du Seattle Times.

Pablo a 14 ans et cueille des fruits à l'est de l'Etat de Washington. Racontant comment il a quitté le Mexique pour les Etats-Unis avec son père, il se décompose et commence à pleurer à chaudes larmes, incapable de s'arrêter. Un médecin bénévole travaillant avec les “clandestins” non assurés estime que Pablo souffre d'un stress post-traumatique, un trouble habituellement rencontré par les vétérans de l'armée, mais qui augmente parmi les migrants sans papiers mexicains. Pablo et son père, qui ne souhaitent pas migrer vers le nord, font partie des deux millions de réfugiés économiques qui quittent leur pays.  

Tout commence par un voyage de plusieurs centaines de kilomètres, par tous les temps, sur le toit d'un train mexicain. Un trajet s'accompagnant de la peur constante et incessante d'être agressé et kidnappé par les gangs armés comme les Zetas, qui travaillent avec la police. Une fois arrivés au nord de la frontière, ils tentent désespérément d'échapper à l'attention indésirable des soldats des cartels, qui cherchent à recruter par la force de nouveaux trafiquants de drogue et assassins. Ils traversent ensuite la frontière hautement militarisée et errent dans le désert pendant des jours, sachant qu'être perdu ou être à court d'eau est synonyme de mort atroce. Même dans le désert, des gangs criminels sont à l'affût de migrants malchanceux. Tout comme l'importante force de police américaine, la Border Patrol. Au-delà de la frontière, 1 500 kilomètres supplémentaires restent à parcourir à l'est de l'Etat de Washington pour rejoindre quelques membres de la famille, qui gagnent un salaire de misère en effectuant les vendanges pour l'industrie du vin de l'Etat, actuellement en plein essor. Le moindre dérapage ou malchance se traduira par une expulsion, ou au moins une séparation avec un père qui sera peut-être détenu dans un centre de détention privé pendant des mois. Les invisibles, les travailleurs des classes inférieures du Mexique et des Etats-Unis, ont rarement été aussi convoités, mais pour les plus mauvaises et les plus perverses des raisons.

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Vendanges à Sunnyside, Etat de Washington. Image de Goodfruit.com.

Les Etats-Unis détiennent la plus grande main-d'oeuvre d'immigrés au monde. Les immigrants constituent 14% des travailleurs des Etats-Unis et 20% de la main d'oeuvre à bas salaire. Les immigrants mexicains des Etats-Unis, qui forment le plus important groupe d'immigrants du pays, comprennent également le plus grand nombre de travailleurs sous-payés dans l'économie la plus puissante du monde. Actuellement, jusqu'à 52% des 11,1 millions de migrants clandestins des Etats-Unis sont nés au Mexique.

En 2003, les consommateurs des Etats-Unis nés au Mexique ont contribué à hauteur de 395 millions de dollars à l'économie américaine. Néanmoins, le gouvernement américain ne dispose que de peu d'obligations légales pour fournir ne serait-ce que des avantages sociaux minimums aux immigrants sans-papiers. Ainsi, alors qu'ils peuvent produire et dépenser des milliards aux Etats-Unis, l'Etat ne leur propose que peu de choses en retour, une situation qui récompense à la fois le gouvernement et les employeurs, mais qui s'avère désastreuse pour le travail clandestin.

La contribution à l'économie américaine ne serait pas possible sans une main d'oeuvre parmi laquelle des millions de personnes ont failli être emprisonnées, expulsées, violentées, et mourir. Considérés comme parmi les plus dangereux au monde, les voyages sur les toits de trains de marchandises mexicains se transforment dorénavant en un rite d'initiation particulièrement vicieux. Un rite de passage vers un rêve américain brisé dans lequel travailler dans les champs, comme concierges ou être exploités dans les industries de services, bien souvent pour un salaire en-dessous de la rémunération minimale, est préférable à des opportunités encore plus limitées en Amérique Centrale et au Mexique.

Les migrants, loin de rechercher des aides financières, entrent massivement aux Etats-Unis afin d'échapper à la misère noire au Mexique. Pourquoi risquer tous ces dangers lors de leurs trajets vers le nord, supporter des conditions de travail humiliantes et de bas salaires, avec la possibilité d'être arrêté, incarcéré, voire d'être expulsé, si ce n'est par désespoir ? D'un côté, la politique américaine encourage l'intégration de marchés au niveau mondial et la libre circulation de biens, mais criminalise ceux qui tentent de circuler aussi librement que les capitaux étrangers. En résumé, une grande partie de l'histoire des migrants mexicains aux Etats-Unis peut être perçue comme une criminalisation de la pauvreté.

La récente grève de la faim dans le centre de détention privé de Tacoma, au nord-ouest de l'Etat de Washington, est la parfaite illustration de cette tendance. Cette grève fut déclenchée à l'initiative de ceux dont le crime est d'être pauvres, afin de dénoncer le traitement lamentable des détenus et leur incarcération interminable. En plein cœur de la crise financière américaine, la main d'oeuvre clandestine nécessaire est désormais excédentaire. En réponse à cela, la président Obama a expulsé 2 millions de migrants, soit bien plus que n'importe quel autre président américain. En outre, les centres de détention privés comme celui de Tacoma – dans une logique incroyablement cynique de la fin du capitalisme – réalisent désormais d'enviables profits (grâce à la générosité des contribuables) sur le dos de la main d'oeuvre restante.

Un grand nombre de personnes expulsées vers le Mexique (et ailleurs) ont vécu aux Etats-Unis depuis leur enfance et ne possèdent plus aucun lien avec leur pays, hormis leur citoyenneté. Ils ont grandi et ont fondé une famille. Sous le programme d'expulsion Secure Communities créé sous l'administration Bush et développé sous Obama, 39% de ceux emprisonnés pour des infractions à l'immigration ont des époux ou des enfants (voire les deux) de nationalité américaine. Une situation qui entraîne le plus souvent la rupture et la ruine des familles chaque fois qu'un autre gagne-pain “clandestin” est expulsé.

Il y a près de 120 ans, l'organisateur politique A. L. Montalvo déplora la discrimination raciale dont souffraient les travailleurs américano-mexicains, ajoutant qu'ils étaient traités comme des “bêtes de somme”. Il déplorait ainsi que les immigrants “soient assez bons pour travailler mais pas assez pour faire valoir leurs droits civiques”, une plainte qui résonne aujourd'hui avec une alarmante intensité.

Pour mettre fin au travail de vidage des toilettes par les femmes, en Inde

jeudi 1 mai 2014 à 20:31
Manual scavenging is illegal in India. Yet, the practice continues to exist in pockets. Image courtesy UNICEF India

La récupération manuelle des déjections est illégale en Inde mais la pratique continue d'exister. Cette femme du district de Moradabad, Uttar Pradesh, transporte des déjections humaines pour leur élimination. Image cédée par UNICEF Inde.

Tous les liens associés à ce post renvoient à des pages en anglais, sauf mention contraire.

La récupération manuelle des déchets, ou l'enlèvement manuel des déjections humaines des toilettes sèches, continue d'exister dans des petites régions en Inde malgré des lois contraignantes  [pdf]. Une équipe de blogueurs, dont des membres de Global Voices, a visité quelques villages du district de Moradabad, Uttar Pradesh, Inde. Elle a pu en apprendre plus sur cette pratique illégale et déshumanisante qui perdure.

En partenariat avec l'UNICEF, le gouvernement indien a lancé un programme ambitieux et faisant appel à la communauté pour un effort d'assainissement total – le programme Nirmal Bharat Abhiyan (NBA), qui vise à faire cesser la défécation en plein air d'ici 2017. Un post précédent de Global Voices décrivait comment la campagne #poo2loo (#CrottesAuxToilettes) d'UNICEF Inde utilise des méthodes innovantes pour sensibiliser la population urbaine et éveiller la reflexion sur le problème de la défécation en plein air.

Cependant, outre l'influence des campagnes sur les normes traditionnelles pour faire cesser la défécation en plein air et construire des infrastructures d'installations sanitaires dans tout le pays, le programme NBA traite aussi des méthodes hygiéniques pour l'élimination des déchets solides et liquides. Et c'est dans ce contexte que l'équipe de blogueurs a appris comment les “toilettes sèches” traditionnelles n'étaient pas hygiéniques. De plus, ces régions manquant d'un réseau d'assainissement correct, ce type de toilettes encourageaient la méthode d'élimination illégale des déjections – par leur récupération manuelle. 

A traditional dry toilet in a village of Uttar Pradesh, India, that requires manual scavenging to clean. Image by author

Des toilettes sèches dans un village à Uttar Pradesh, Inde, nécessitant la récupération manuelle des déchets pour être nettoyées. Image par Aparna Ray.

L'officier du Conseil du District de Moradabad, Uttar Pradesh, Inde, a expliqué pourquoi, selon lui, les toilettes sèches (toilettes sans système de chasse) étaient pires que la défécation en plein air. Il a souligné que la défécation en plein air dans les villages avaient généralement lieu dans les champs ouverts ou les zones boisées, loin des habitations humaines, mais que dans les toilettes sèches traditionnelles, les déjections restaient dans un espace ouvert dans l'enceinte de la maison, contribuant à répandre les maladies plus rapidement au sein de la communauté (vu que les déjections attirent les mouches, qui se posent ensuite sur la nourriture, etc). 

En réalité, il s'agissait d'une des raisons pour lesquelles de nombreuses familles ont préféré ne pas avoir de toilettes dans leur habitation. De plus, ce type de toilettes sèches nécessite aussi des récupérateurs manuels des déjections pour leur élimination, un travail “sans dignité et illégal”.

Mayank Jain from Youth Ki Awaaz était l'un des blogueurs sur le terrain lors de la visite. Il a écrit au sujet de son expérience :

Les toilettes sèches sont l'un des problèmes les plus sérieux que j'ai rencontrés dans ma vie. Ceux qui sont timides ou qui ne veulent pas aller faire leurs besoins à l'extérieur choisissent ce moyen où ils peuvent laisser leur déjections fécales dans un coin de la maison et le matin, une personne vient les récupérer et laver les toilettes, puis transporte les déchets sur leur tête et les décharge loin de l'habitation. Le travail n'est rémunéré que de 30 roupies pour 6 mois ! Il s'agit d'un crime, inhumain, qui a lieu dans tous les villages et c'est une cause massive de maladies et de problèmes de santé publique. La population ne réalise pas combien il est non hygiénique de vivre avec ses propres déjections dans la maison et celles qui les transportent sur leur tête sont perpétuellement malades de la diarrhée ou d'empoisonnement et cependant, elles décident tout de même de faire ce travail qui leur assure un revenu supplémentaire. 

Mayank a aussi commenté:

Les faits sont pires lorsque vous discutez avec elles de leurs enfants et que vous découvrez que ce métier donne naissance à une grande discrimination et que la population n'ose ni les toucher ni leur parler correctement en raison de leur activité du matin. Les histoires des personnes récupérant les déjections des autres mettent en lumière le cycle vicieux de la pauvreté et de la misère mais le réseau voit s'entremêler des problèmes de castes, de sentiments religieux, de traditions et d'hiérarchies culturelles qui sont devenus très importants aujourd'hui.

C'est un crime selon la loi indienne et les femmes qui font ce travail vous fuient lorsque vous essayez de leur parler, pensant qu'elles vont se faire arrêter ou condamner, et je ne pouvais que me demander comment on a atteint un tel niveau dans ce pays. 

Three scavenger ladies

Trois femmes récupératrices de déjections dans un village d'Uttar Pradesh, Inde, réunies ensemble à distance du reste des villageois. Image d'Aparna Ray.

Les blogueurs Ajay Kapoor de Halabol et Sonal Kapoor du NGO Protsahan ont aussi blogué et tweeté au sujet de ce qu'ils ont appris de ces femmes récupératrices manuelles de déjections humaines, qu'ils ont pu rencontrer sur le terrain lors de leur mission.

Ajay blogue :

Récupératrices (de déjections humaines) dans un village. Aucune dignité, aucun respect et pire que tout, elles ne sont payées que par centimes pour ce travail humiliant ou par de la nourriture périmée. 

Et Sonal (@ArtForCause) tweete:

Les femmes se plaignent d'être malades la plupart du temps mais lorsqu'il a été souligné que c'était en raison de leur travail, elles répondent qu'elles ne voyaient pas d'autre alternative viable et respectable possible pour elles. 

Le gouvernement indien, avec d'autres organismes comme Sulabh International qui travaillent dans le domaine de l'assainissement, encourage aux changements dans la société a) en essayant de convertir les toilettes sèches traditionnelles en des toilettes plus hygiéniques qui ne nécessiteraient plus la récupération manuelle quotidienne des déjections et b) en tentant d'offrir un moyen de subsistance alternatif aux récupératrices manuelles.

Conversion des toilettes sèches

Accompagné de partenaires d'assainissement, le gouvernement encourage la conversion des toilettes sèches non hygiéniques en des toilettes avec des chasses d'eau. Cependant, gardant en tête le manque d'un réseau correct d'assainissement ainsi que l'impossibilité de conseiller des systèmes de chasse trop onéreux, notamment dans les régions pauvres ou rurales, il encourage plutôt des technologie comme le système de toilettes à compost, à chasse, avec une double fosse (fr).

A dry toilet being converted into a twin pit pour flush system. Images courtesy UNICEF India

Des toilettes sèches qui sont converties en toilettes à chasse à double fosse. Image cédée par UNICEF Inde

Cette technologie implique la construction de toilettes reliées à deux fosses, qui ne seront utilisées qu'une à la fois. Les déjections sont collectées dans une fosse après la chasse d'eau et lorsqu'elle est remplie, l'autre fosse est alors utilisée. Les déjections sont converties en compost, qui est alors utilisé comme un fumier.

D'autres systèmes sanitaires innovants et alternatifs sont aussi explorés dans toute l'Inde, comme par exemple ce système de toilettes turques ecosan, soutenu par l'UNICEF. 

Un format plus contemporain de système de chasse sans eau a aussi été récemment exposé en Inde. 

Réhabilitation des récupératrices manuelles de déjections

De plus en plus de toilettes sont converties et des opportunités sont créées pour la réhabilitation des récupératrices manuelles de déjections, leur offrant des solutions alternatives pour leur existence. Il y a donc l'espoir, même s'il reste beaucoup de choses à faire dans ce domaine. Qu'il vienne du programme de “100 jours garantis de travail” ou du programme d'auto-entreprenariat ou encore des initiatives de formation ou d'emploi dirigés par des ONG, nous espérons que la communauté des récupératrices manuelles retrouvera sa place dans la société, sera capable de vivre avec dignité et pourra rêver d'un meilleur futur pour elles et leurs enfants.

Dans cette vidéo YouTube, le Dr. Bindeshwar Pathak de Sulabh International parle des initiatives de son organisation qui vont dans cette direction, disant que la lueur de changement n'est qu'”une bougie dans l'obscurité, un commencement dans le commencement”. 

Dans le prochain post de cette série, nous verrons comment de braves “Toilets Warriors” (Guerriers des toilettes) travaillent au sein de leur communauté pour apporter des changements dans l'attitude face à la récupération manuelle des déjections et aux questions sanitaires et d'hygiène.

Journalistes, pour protéger vos sources, n'utilisez pas votre smartphone

jeudi 1 mai 2014 à 19:50

Mark Pearson de Journlaw.com s'entretient avec Cameron Stewar, journaliste spécialisé sur les problèmes de sécurité nationale et rédacteur associé du quotidien The Australian. Ils parlent des problèmes qui se posent aux journalistes d'investigation à l'heure de la surveillance technologique. Entre autres bons conseils, on note celui-ci : laissez vos smartphones au bureau quand vous avez rendez-vous avec une source confidentielle. Pour plus d'informations : ‘Pour protéger leurs sources, les journalistes reviennent aux bonnes vieilles méthodes', dit @camstewarttheoz

Pour mieux comprendre l'Europe, embarquez à bord du Bulli Tour Europa

jeudi 1 mai 2014 à 19:16

Les deux membres fondateurs de la compagnie de théâtre et maison d'édition strasbourgeoise Rodéo d'âme, Claire Audhuy et Baptiste Cogitore, s'embarquent à partir du 10 mai dans une aventure européenne, un road movie en vrai et en multimédia : le Bulli Tour Europa. La compagnie fête ses dix ans d'existence en partant à la rencontre des européens, à travers 20 pays et 32 villes, pendant les six mois à venir, à bord d'un Bulli d'époque, légendaire combi VW. De Trieste à Minsk, de Sarajevo à Skopje, de Chisinau à Berlin : les deux artistes reporters interrogent les mémoires et invitent les internautes au voyage, par une forme de journalisme alternatif, pour dresser le portrait concret d'une “identité européenne” qui a aujourd'hui du mal à trouver une consistance. Plus que bienvenue à l'aube d'élections européennes qui s'annoncent fantômatiques, cette initiative de deux curieux de l'Europe en quête de réponses est enthousiasmante. Le blog est déjà en place, ainsi que la page facebook, le compte twitter @rodeodame et les partenaires médias.

A quelques jours du départ, rencontre avec Claire Audhuy :

Claire Audhuy

Portrait de Claire Audhuy, avec son autorisation, crédit Pascal Koenig

Global Voices (GV): Quelle a été l'origine de ce projet ?

Claire Audhuy (CA): Nous (Baptiste et Claire) quittons aujourd'hui le monde étudiant, et nous fêtons en même temps les dix ans de la création de notre compagnie : il nous semblait donc que le moment était venu de faire un projet tous les deux, ensemble, avant de partir, qui sait, vers d'autres horizons? Par ailleurs nous nous sommes déjà beaucoup interrogés sur l'Europe et les Européens dans nos différents travaux, comme dans le projet Penser et parler l'Europe en 2011. Mais nous l'avions fait d'ici, d'Alsace, de France, de Strasbourg. Nous voulions donc aller là-bas, vers l'Est de cette Europe encore indéfinissable pour nous. Au départ, le projet n'était pas centré sur l'actualité. Mais aujourd'hui l'actualité va fortement influencer notre tour, comme par exemple en Ukraine.


Bande-Annonce du Bulli Tour
GV: Vous avez déjà pris des rendez-vous avec des personnes que vous souhaitez rencontrer lors de votre périple. Pouvez-vous nous en présenter quelques uns ?

CA: En arrivant à Trieste, à la mi-mai, nous aurons le plaisir de rencontrer Boris Pahor, un monsieur de 101 ans, écrivain résistant, déporté au camp du Struthof en Alsace, grand témoin de la seconde guerre mondiale, qui s'efforce de faire entendre toutes les voix des victimes, pas seulement celles de la mémoire juive. Lui-même portait le triangle rouge chez les déportés, la marque des prisonniers politiques.

A la frontière bulgaro-turque, nous allons conduire des entretiens dans un camp de réfugiés. Nous allons rencontrer le directeur du camp, les réfugiés, mais aussi le personnel de Frontex, avec cette interrogation à l'esprit : l'Europe est-elle une Europe qui se défend ou qui s'enferme?

A travers notre voyage, nous allons aussi nous intéresser tout particulièrement à la communauté rom, minorité emblématique d'un certain nombre de problématiques européennes. Nous allons découvrir un théâtre mis en place par des jeunes Roms en langue romani. Nous irons passer la nuit à l'Hotel Gelem en Macédoine, une sorte de chambre d'hôte rom qui permets de découvrir la communauté de l'intérieur en y étant invité : à nous de nous intégrer, et non pas l'inverse comme on l'exige trop souvent des Roms en Europe. Nous allons aussi rencontrer les membres d'un groupe de rap romani. Affaire à suivre!

L'idée est aussi d'aller, dans la continuité du projet Les gardiens des lieux en Alsace, voir ce qui se passe dans les synagogues désaffectées en Europe aujourd'hui, en s'interrogeant sur le renouveau et la mémoire du judaïsme en Europe. Par exemple, nous allons visiter une synagogue qui abrite aujourd'hui un théâtre de marionnettes, le Pozoriste Lutaka Mostar.

Toutes ces histoires plurielles, différentes, vont peut-être nous aider à appréhender l'Europe que nous cherchons.

itinéraire

L'itinéraire prévisonnel du Bulli Tour Europa, en ligne sur leur site http://www.bullitour.eu/l-itineraire/

GV : Aller à la rencontre des gens, d'accord, mais comment allez-vous gérer la question des langues ?

CA : Nous parlons tous les deux français, allemand et anglais. Mais nous ne souhaitons pas que cela nous limite dans les rencontres vers toutes les autres communautés, comme par exemple avec les jeunes Roms qui ne parlent que romani, ou avec un poète tsigane hongrois qu'on nous a chaudement recommandé. C'est pourquoi nous avons des fixeurs dans chaque pays pour nous renseigner et nous conseiller, et des traducteurs (via les lycées, les instituts français, et autres) pour nous assister dans nos démarches. Le rôle des traducteurs est essentiel pour que les rencontres aient vraiment lieu, comme nous avons pu l'expérimenter déjà dans une pièce, Traversées, que nous avions montée en arabe dans le camp de réfugiés palestiniens d'Aïda en 2013.

GV: Pourquoi aller rencontrer en majorité des artistes contemporains ?

CA : Les artistes vers qui nous allons sont engagés, ils racontent des histoires qu'on pourrait oublier. Ils sont les observateurs du monde et de la société, et proposent un autre regard. Il y a par exemple cet artiste incroyable, qui vit seul dans un village abandonné au milieu de la Transylvanie, Tara (Von Neudorf), et qui a installé son atelier dans une église désaffectée. J'ai hâte de le rencontrer !

GV : Qu'est ce que les médias sociaux apportent à votre démarche ?

CA : Les médias sociaux tels que facebook et twitter nous permettent de mettre en avant des éléments phares pour inviter les gens à aller plus loin. Ce sont aussi des moyens de toucher beaucoup de gens qu'on ne connaît pas, notamment par le biais des communautés, comme par exemple la communauté qui s'est constituée autour du véhicule Bulli.

GV: Vous allez faire un blog de vos pannes sur Rue89 Strasbourg. De quoi avez vous peur pendant ce voyage ?

CA : Rue89 Strasbourg ne prend beaucoup de risques en nous confiant ce blog : nous sommes sûrs de tomber en panne régulièrement, le modèle pas du tout dernier cri que nous avons choisi va quand même devoir tenir sur 10000 km ! Notre Bulli est emblématique, c'est une vieille dame sympathique avec une roue de secours à l'avant qui lui fait une vraie bouille ! On sait que pendant ce voyage on va être très en demande par rapport aux gens que nous allons rencontrer, pour tout. Le fait d'avoir le Bulli va nous permettre de rétablir un peu l'équilibre en incitant les gens à nous aborder. Et puis, avec l'espace intérieur, on pourra aussi les inviter “chez nous”.

Bien sûr au-delà des pannes, il y aura aussi des problèmes de visas, et des étapes compliquées, comme l'Ukraine, la Biélorussie ou la Transnistrie.

LE Bulli, le voilà. avec son autorisation, crédit Baptiste Cogitore

LE Bulli, le voilà. avec son autorisation, crédit Baptiste Cogitore

Quels sont les premiers événements du Bulli Tour Europa ?

CA : Avant notre départ le 10 mai, il va y avoir un concert au Collège doctoral européen de Strasbourg le 6 mai, en entrée libre, avec deux groupes français, qui puisent dans les répertoires de musiques d’Europe de l’Est. En première partie, un concert d’Arsène Rigoulot, qui propose des musiques d’Ukraine pour deux violons et une guitare, puis le groupe Taraf’Algar  dont le répertoire est plutôt autour des musiques klezmer, tzigane, des Balkans et d’ailleurs. Une vraie invitation au voyage ! Venez nombreux !

‘Je t'ai vu(e) dans le train’ : tomber amoureux dans les transports en commun au Portugal

jeudi 1 mai 2014 à 14:00

Une page Facebook nommée Vi-te No Comboio [portugais,pt] (Je t'ai vu(e) dans le train) propose de rassembler et partager les histoires de personnes anonymes qui se sont trouvées ensemble dans un train et ont été attirées.

Image taken from the Facebook page "I Saw You On The Train"

Photo tirée de la page Facebook  'IJe t'ai vu(e) dans le train'. Créée fin janvier 2014, la page compte déjà  67 000 ‘J'aime’ et des dizaines de posts.

Ces histoires sont envoyées aux administrateurs du groupe qui les publient ensuite sur le site vite.pt [pt]. Les posts sont organisés par hashtags, le hashtag donnant le nom de la ligne de train où les personnes se sont croisées, pour faciliter la recherche. Par exemple, l'histoire de la rencontre et de la séparation d'un homme de la région d'Alentejo et de la passagère Amélia [pt] a eu lieu sur la ligne #‎linhaEvora‬ [pt] (ligne Evora), dans l'un des textes les plus émouvant de cette page. Dans un interview donné à  P3 [pt], les créateurs et administrateurs de la page, Daniel, Tiago et Pedro (pour des raisons de confidentialité, leurs noms de famille ne sont pas révélés), admettent qu'ils ont été inspirés par le réseau américain I Saw You, créé en 1997 par trois amis aux Etats-Unis, eux-mêmes inspirés par une rubrique du journal de Seattle, le Seattle Weekly, consacré aux ‘rencontres manquées'. ‘Je t'ai vu(e) dans le train’ comprend maintenant des histoires de rencontres dans le métro de Porto ou de Lisbonne. Beaucoup d'autres pages web sur le même thème existent déjà comme ‘Vi-te No Autocarro’ [pt] (‘Je t'ai vu(e) dans le bus') et même ‘Vi-te Num Concerto de Metal’ [pt] (‘Je t'ai vu(e) à un concert de métal').

Ce court article a été écrit par António Pedro, Bárbara Rodrigues, Catarina Rocha et Hugo Ramos, qui suivent un atelier de cyberjournalisme dans le cadre de leurs études de  Communication & Culture à l'Université lusophone de Porto.