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A la découverte des huacas, patrimoine historique de la capitale péruvienne

mercredi 30 juillet 2014 à 09:39
huaca pucllana

Huaca Pucllana, Lima. Image de Robert Nunn sur Flickr, utilisée sous la licenc Creative Commons Attribution Non Commerciale 2.0 Generic (CC BY-NC 2.0).

[Tous les liens sont en espagnol, sauf mention contraire]

Vous n’avez jamais associé l’archéologie à l’activisme ? Peut-être devriez-vous y songer. Au Pérou, terre de cultures millénaires, des groupes de citoyens mettent en place différentes initiatives afin que l’immense patrimoine archéologique du pays ne soit pas perdu et demeure l’orgueil des Péruviens.

Salvemos las Huacas (Sauvons les Huacas) est un projet remontant à 2001. Avec ses élèves d’un collège de Lima, le professeur Koke Contreras essayait de créer des réseaux de citoyens pour la préservation et la défense du patrimoine archéologique :

El proyecto aprovecha las nuevas tecnologías de la información y comunicación (TIC) como instrumento para la organización y movilización social orientada a la preservación del patrimonio cultural. SLH busca convertirse en un instrumento para diversas comunidades locales interesadas en desarrollar sistemas de vigilancia ciudadana y participación local en la defensa y preservación del patrimonio arqueológico

Le projet s'appuie sur les nouvelles technologiques de l’information et de la communication (TIC) pour organiser et mobiliser la population autour de la préservation du patrimoine culturel. SHL cherche à se transformer en un instrument pour les différentes communautés locales intéressées par le développement des systèmes d’alerte citoyenne et la participation locale dans la défense et la protection du patrimoine archéologique.

Mais qu’est-ce qu’une huaca ? L’historien Juan Luis Orrego Penagos nous éclaire :

Por definición, huaca es el término quechua que hace referencia a un lugar u objeto sagrado. Por lo tanto, huaca puede ser una construcción religiosa, un cerro, una laguna, un riachuelo, un árbol, una cueva o cualquier lugar u objeto (una piedra, un ídolo o una momia) que los antiguos peruanos consideraban sagrado. Con el tiempo, el término ha cambiado de connotación y hoy llamamos huaca a todo el patrimonio monumental y arquitectónico prehispánico como templos, centros administrativos, fortalezas, cementerios, etc. Es decir, los peruanos actuales asociamos el término con cualquier construcción física levantada por nuestros antepasados.

Par définition, la huaca est un terme quechua faisant référence à un lieu ou un objet sacré. La huaca peut ainsi être une construction religieuse, une colline, une lagune, un ruisseau, un arbre, une grotte ou n’importe quel lieu ou objet (une pierre, une idole ou une momie) anciennement considéré comme sacré. Au fil du temps, le terme a changé de connotation et se réfère aujourd’hui au patrimoine monumental et architectural préhispanique, comme les temples, les centres administratifs, les forteresses, les cimetières etc. Dorénavant, les Péruviens associent une huacal avec n’importe quelle construction physique érigée par nos ancêtres.

 

rutahuacas2

Affiche de la page “Salvemos las Huacas”. Utilisée avec autorisation.

Salvamos las Huacas  poursuit deux objectifs : concevoir les cartographies des restes archéologiques de Lima grâce à sa plateforme web, et provoquer une sensibilisation collective sur l’importance de ces restes dans la construction de l’identité nationale et locale. Pour cela, ils organisent des activités comme des randonnées archéologiques, « avec l’intention d’identifier l’état dans lequel se trouve notre patrimoine archéologique, de chercher, enregistrer et informer sur son état actuel, pour ensuite concevoir des cartographies des nouveaux sites sur notre site Internet ». Des initiatives qui serviront également à augmenter l’intérêt des citoyens sur cette question.

Quelques randonnées se font en compagnie d’archéologues, qui relatent aux visiteurs l’histoire des huacas et ce qu’il a fallu faire pour les récupérer, comme vous pouvez le voir dans ces vidéos :

Dans un billet publié sur le blog Salvemos las Huacas, Koke Contreras réfléchit à ce que voyaient les participants de l’une de ces randonnées sur le Paraiso, un site archéologique niché non loin de Lima :

EMori

Photo Enrique Mori. Utilisée avec autorisation.

Avanzamos a buscar las demás murallas hasta que ante nuestros ojos apareció una invitación a vivir en esta tranquila zona de Lima. En efecto el boom inmobiliario se hizo presente, no podía faltar. Una muralla de barro prehispánica a punto de colapsar nos daba la bienvenida. Un cartel nos invita a vivir en esta bucólica parte del valle. Aproveche la ocasión, separe con tiempo, marque su lote, coloque su piedra, su cerco e imagine la casa soñada ¿Podrá soportar esa muralla defensiva que repelió los ataques e invasiones de otras comarcas antes de la llegada de los Incas la invasión inmobiliaria?

Nous nous avançons en quête d’autres murailles lorsque nos yeux rencontrent une invitation à vivre dans ce recoin tranquille de Lima. En effet, le boom immobilier est présent, et inévitable. Une muraille d’argile préhispanique sur le point de s’effondrer nous souhaite la bienvenue. Une affiche nous invite elle à vivre dans cette partie bucolique de la vallée. Profitez de cet instant hors du temps pour apposer votre empreinte, votre pierre, tracez votre cercle et imaginez la maison de vos rêves. Cette muraille défensive, qui repoussait les attaques et les invasions des autres régions avant l’arrivée des Incas, puis de l’invasion immobilière, tiendra-t-elle ?

Dans le même esprit, le Collectif Colli organise des activités qui préservent l’identité locale grâce à la connaissance et la valorisation de l’histoire, en particulier dans le quartier de Comas [français], à Lima, ainsi que dans le nord de la capitale péruvienne et ses alentours. 
El Colectivo Colli es una organización conformada por niños, niñas, púberes,

adolescentes, jóvenes y personas interesadas en la protección del patrimonio arqueológico, cuyo principal objetivo es la sensibilización para la defensa y conservación de los diferentes monumentos, construcciones, caminos, murallas y expresiones materiales de los antiguos pobladores prehipanicos de la zona de Lima Norte.

Le Collectif Colli est une organisation pour les enfants, les adolescents, les jeunes et les personnes intéressées par la protection du patrimoine archéologique, dont l’objectif principal est la sensibilisation à la défense et la conservation des différents monuments, constructions, chemins, murailles et expressions matérielles des anciens habitants préhispaniques du nord de Lima.

L’une des activités du Collectif est le nettoyage des huacas, effectué avec le soutien technique et la collaboration des écoles de la zone :

WShakespeare

Des élèves du collège William Shakespeare nettoyant la Huaca El Retablo.

En la Huaca El Retablo se estuvo coordinando a lo largo de la semana con entusiastas vecinos cercanos al sitio arqueológico, ellos vienen haciendo los esfuerzos por rescatar del estado en abandono en que se encuentra este espacio, que en horas de la noche es frecuentado por personas de mal vivir. A ellos se sumaron entusiastas estudiantes de secundaria del Colegio William Shakespeare quienes guiados por sus maestros realizaron la limpieza de la huaca y sus alrededores.

A la Huaca El Retablo, des voisins enthousiastes du site archéologique se sont relayés toute la semaine  pour remettre en état cet espace abandonné, fréquenté la nuit par des sans abris. On compte également des élèves du collège William Shakespeare, guidés par leurs professeurs, dans le nettoyage de la huaca et ses environs.

En outre, le Circuit Cycliste Protecteur des Huacas contribue aussi à la revalorisation du patrimoine matériel et immatériel, et fait la promotion du vélo comme moyen de transport, grâce à des sorties cyclistes archéologiques :

La actividad se compone de una visita guiada al mes por las diferentes Huacas de los distritos de Lima, donde se explica el papel que cumplían en su contexto histórico, se evalúa su estado de conservación y finalmente pedalean en círculos a su alrededor para reconectarse con ella y revitalizar su energía protectora.

L’activité se compose d’une visite guidée à travers les différentes huacas de Lima. On explique le rôle de ces huacas dans leur contexte historique, on évalue leur état de conservation et on roule en circuits dans les environs, afin de recréer un lien avec elles et de revitaliser son énergie protectrice.

Les projets mentionnés ci-dessus, ajoutés à ceux comme Cuida tu Huaca PLO (Prend Soin de ta Huaca PLO), Institut de la Culture, de l’Histoire et de l’Environnement – ICHMA, HistoriActual, Forteresse de Campoy et d’autres encore, qui forment un réseau de spécialistes, d’activistes et de personnes de tous âges pour valoriser et provoquer une prise de conscience sur la nécessité de protéger le patrimoine archéologique du pays.

Dans un contexte où ce patrimoine est menacé [français], et où règne une grande méconnaissance parmi la population, la participation des institutions, des gouvernements locaux et de l’Etat, ainsi que celle des citoyens, est plus que jamais nécessaire.

Le projet de loi tunisien sur la cyber-criminalité qui sonnerait le bond en arrière des droits de l'Internet

mardi 29 juillet 2014 à 21:03

Connu par une fuite, un projet de loi tunisien sur la cyber-criminalité [pdf, arabe] donne des indices que les accomplissements importants du pays dans le domaine des libertés de l'Internet pourraient bientôt appartenir au passé.

On ignore si le texte, révélé le 23 juillet, est une rédaction définitive. Et tout autant, si l'Assemblée nationale constituante aura le temps d'examiner ou adopter la loi, puisque de nouvelles élections législatives sont fixées au 26 octobre. Le projet n'a pas encore été soumis à l'Assemblée, mais il fait tiquer les internautes tunisiens.

L'avocat Kaïs Berrjab a tweeté :

Les dispositions larges et vagues rendraient possible la violation des droits à la protection de la vie privée et de la liberté d'expression.

L'article 24 prévoit six mois d'emprisonnement et une amende de 5.000 dinars tunisiens (environ 2.500 euros) pour quiconque utilise “les systèmes d'information et de communications pour difuser des contenus montrant des actes obscènes et contraires aux bonnes moeurs.” L'emprisonnement atteint trois ans si le contenu en question “incite à la débauche”.

L'article 25 punit de cinq ans d'emprisonnement et 50.000 dinars d'amende quiconque “utilise délibérément un système d'information pour traiter les données personnelles d'autrui, pour les relier à un contenu contraire aux bonnes moeurs ou les présenter d'une manière qui pourrait nuire à la réputation ou porter tort à l'honneur.” On imagine aisément l'usage qui pourrait être fait d'une telle loi contre les blogueurs ou journalistes écrivant sur les activités des hommes politiques.

Le chapitre quatre sur “les mesures de sécurité publique et de défense nationale” donne aux Ministres de la Défense et de l'Intérieur des pouvoirs étendus et incontrôlés d'accès, de collecte et d'interception des données de communications sans contrôle judiciaire. L'article 30 stipule :

Les autorités publiques en charge du maintien de l'ordre public et de la défense nationale peuvent à titre exceptionnel, et en conformité avec les dispositions du chapitre quatre de la présente loi, accéder aux données stockées dans les bases de données publiques ou privées, collecter le trafic des communications ou intercepter, copier et stocker le contenu des communications pour prévenir le crime organisé et le terrorisme [...]

Aux termes de l'article 31, les Ministres de l'Intérieur et de la Défense peuvent autoriser par écrit l'accès aux données d'identification des usagers et de recueil des données de trafic.

Le projet de loi prévoit encore de lourdes peines pour les activités en lien avec le hacking malveillant. Six ans de prison et une amende de 50.000 dinars sanctionnent quiconque reconnu coupable de “délibérément empêcher le fonctionnement d'un système d'information par l'introduction, l'envoi, la détérioration, la modification, l'effacement, l'annulation ou la destruction de données informatiques.”

Les raisons d'être de ce projet de loi

Le projet de loi sur la Criminalité dans les Communications et l'Information a été élaboré par le précédent gouvernement provisoire d'Ali Laarayedh. De fait, l'ex-ministre des Technologies de l'information et de la communication Mongi Marzouk avait affirmé à plusieurs occasions que ses services travaillaient à un tel texte.

Le but est de consolider le cadre juridique dans lequel opère l’Agence Technique des Télécommunications [en anglais] (mieux connue sous ses acronymes ATT ou A2T).

L'ATT a été créée par décret (n° 2013-4506) en novembre dernier avec la mission d'apporter un appui technique aux enquêtes judiciaires sur la “cybercriminalité”. A ce jour, il n'existe pas en Tunisie de texte juridique définissant cette notion de “criminalité de l'information et de la communication.” Un vide juridique que ce texte voudrait probablement combler.

En juin, Jamel Zenkri, le directeur général d'ATT a déclaré au magazine tunisien Webdo :

Pratiquement, tout l’arsenal juridique nécessaire est déjà en vigueur. Il reste cependant une loi relative à la cybercriminalité qui sera bientôt élaborée.Cette loi définira exactement les différents crimes de l’Internet, et en fixera les peines. Elle apportera, aussi, plus de précisions quant aux obligations de l’ATT, lesquelles ne sont pas bien fixées. Par exemple, le décret ne détermine pas la période durant laquelle l’ATT doit conserver les données à caractère personnel avant de le détruire.

Le “Patriot Act” de la Tunisie ?

La création de l'Agence Technique des Télécommunications et la rédaction d'une loi sur la cybercriminalité interviennent à un moment critique, alors que l'armée et la police tunisiennes affrontent la menace sécuritaire croissante de groupes islamistes armés affiliés à Al-Qaida au Maghreb Islamique. La semaine dernière encore, ces groupes ont mené une attaque meurtrière contre l'armée tunisienne dans la zone montagneuse de Chaambi à la frontière algérienne, tuant quinze militaires.

Après l'attaque, une cellule de crise gouvernementale a donné instruction au Ministre de l'Enseignement supérieur et des TIC de “prendre les dispositions nécessaires pour confronter les pages de médias sociaux incitant à la violence et au terrorisme,” et les officiels ont réitéré leurs appels à filter et surveiller l'Internet.

cartoon by Willis from Tunis: a cyber police officer tells an Internet user “This is to protect you from evil terrorists”.

Dessin de Willis from Tunis, utilisé avec permission.

Lors d'une conférence de presse le 17 juillet, le ministre de l'Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, a déclaré que l'Internet “reste en-dehors du contrôle de l'Etat.” “Nous travaillons actuellement à activer l'Agence Technique des Télécommunications pour détecter ces cellules qui cherchent à recruter et former des jeunes par Internet, et Skype en particulier.”

“Cette agence sera aussi chargée de contrôler et censurer le cyberespace,” a ajouté le ministre.

Il faut préciser qu'aux termes du décret 4506, l'ATT n'est chargée que de la surveillance des communications. Le décret ne dispose nulIement que cet organisme doit pratiquer le filtrage de contenu quel qu'il soit.

Le président de l'ATT Jamek Zenkri a dit que son agence ne cherche pas à pratiquer le filtrage d'Internet. “La censure de l'Internet n'est pas une prérogative de l'ATT,” précisait-il. De fait, la loi tunisienne ne crée aucune entité responsable du filtrage d'Internet. L'Agence tunisienne de l'Internet (ATI) y était obligée sous le règne de Zine el-Abidine Ben Ali en dépit du vide juridique, mais l'appareillage technique de cette activités a été reconfiguré depuis.

Progrès menacé

Au long des trois années qui ont suivi le renversement du dictateur Zine el Abidine Ben Ali, la Tunisie a avancé à grands pas dans les libertés de l'Internet. Les gouvernements provisoires ont montré un ferme engagement à faire cesser la censure d'Internet, malgré les tentatives de filtrer la pornographie en ligne et les appels à censurer les contenus incitant à la violence et au terrorisme. En juin 2012, la Tunisie avait accueilli la conférence de la Liberté en ligne après avoir rejoint la même année la coalition des Etats “engagés à faire progresser la liberté d'Internet”.

L’adoption en janvier de la nouvelle constitution qui interdit “la censure prélable” et intègre les droits à l'accès aux réseaux de communication, à la protection des données personnelles et à la liberté d'expression a aussi représenté une avancée significative, qui a placé la Tunisie en pointe de la région Moyen-Orient sur ces questions.

Mais le manque de volonté politique pour mettre au rancart les lois répressives de l'ère Ben Ali, s'ajoutant à la mise en place hâtive de lois concernant les usagers sans consultation publique, mettent tous ces progrès en danger.

Raed, un membre du Parti Pirate de Tunisie, a tweeté [arabe] :

Si cette loi est adoptée, ce sera la fin de l'Internet tel que nous l'avons connu et aimé en Tunisie.

Le récit de mort et de dévastation d'un jeune homme de Gaza, survivant de l'attaque de Khuza'a

lundi 28 juillet 2014 à 23:36
Evacuation warning from Israeli army.

Avis d'évacuation de l'armée israélienne.

L'armée israélienne a attaqué et occupé le village de Khuza'a, à l'est de Khan Younis dans le sud de la bande de Gaza, à partir de la semaine du 21 juillet. Le nombre de Palestiniens tués ou blessés n'est toujours pas connu, car pendant plusieurs jours les ambulances ont été empêchées de pénétrer dans le village et les corps étaient abandonnés dans la rue ou sous les décombres des maisons.

Un étudiant, Mahmoud Ismail, a survécu à l'assaut, et a tweeté ce qu'il a vu. Il vient de publier un récit plus complet sur Facebook.

Le 20 juillet, l'armée israélienne a téléphoné à la plupart des habitants de Khuza'a et envoyé des textos, leur ordonnant de quitter le village. Ils ont aussi interrompu les programmes de la télévision Al Aqsa pour passer un avertissement d'évacuation.

1.100 personnes ont été tuées à Gaza et des milliers blessées depuis qu'Israël y a lancé son opération militaire il y a près de trois semaines. Alors que le bilan des victimes civiles s'alourdit, l'armée israélienne se targue d'avertir les Gazaouis vivant dans les zones visées de partir, mais les Palestiniens n'ont nulle part où aller. L'étroite bande côtière de 40 kilomètres de long est entourée de barrières et de murs de béton au long de ses frontières, nord et est avec Israël et sud avec l'Egypte.

Des 10.000 habitants de Khuza'a, environ 7.000 sont partis. Ismail explique pourquoi certains sont restés :

كنّا ثلاثة آلاف شخص قرّر كل واحد فينا، وبشكل فردي، تجاهل كل التهديدات وأوامر الإخلاء والبقاء في بيوتنا. ليس في ذلك أي بطولة. كل ما في الأمر أن فينا من كان يمكن أن يصاب بانهيار عصبيّ لو نام في غير سريره، وآخر كان أكثر كسلاً ممّا تتطلبه عملية الإخلاء. وآخرين، مثلي، لم يرون في اسوأ خيالاتهم السيناريو الذي كان يترصّدهم بعد ساعات قليلة.

Nous étions 3.000 à avoir, séparément, décidé d'ignorer toutes les menaces et ordres d'évacuer, et de rester dans nos maisons. Ce n'était pas par héroïsme ; certains d'entre nous auraient fait une dépression nerveuse s'il leur avait fallu partir, certains n'avaient simplement pas l'énergie nécessaire pour sortir. D'autres, comme moi, ne pouvaient imaginer même dans leurs pires cauchemars le scénario qui allait se dérouler quelques heures plus tard.

Khuza’a jouxte la frontière israélienne. La localité avait été lourdement attaquée par les forces israéliennes pendant l'opération Plomb Fondu en 2009, et le rapport Goldstone avait ensuite documenté que les snipers israéliens avaient abattu des civils et que les ambulances étaient empêchées d'emporter les blessés. Pendant la toute dernière attaque, l'armée israélienne a de nouveau empêché les ambulances d'entrer dans le village et visé les civils, selon l'ONG de Gaza Centre for Human Rights. Le site juif progressiste Mondoweiss a rapporté que les survivants ont vu l'armée utiliser les Palestinians comme boucliers humains.

Ismail décrit le début de l'attaque :

الغارة الأولى قطعت الطريق التي توصل خزاعة بخانيونس. الثانية ضربت محولات الكهرباء. الثالثة أبراج شركة المحمول. الرابعة خطوط الهاتف الأرضي. نحن وحدنا وليل خزاعة حالك والقصف لا يتوقف. الطيران يعضّ كل شيء. زجاج الشبابيك يتساقط. الشظايا تغزّ بيتك وكل ما هو حولك. تحتمي في مكان تعتقد أنه أقل خطورة وتأخذ وضعيّة تعتقد أنها ستحميك. تحصي الغارات والاحتمالات: هل هذا الصوت لصاروخ في طريقه لنا؟ هل هذه القذيفة في البيت؟ لماذا لم تنفجر؟ هل استهدفت بيت فلان؟ المسجد الفلاني؟ هذه غارة إف 16، هذا قصف مدفعي. ليلة كاملة تحاول أن تحافظ فيها على عقلك وتمالك ما تبقى من أعصابك.

في الصباح قالوا اخرجوا. الصليب الأحمر على مدخل البلدة سيؤمن خروجكم، اخرجوا، الجيش لا يريد إلحاق الأذية بكم، العملية تستهدف بيوتكم وشوارعكم وأراضيكم وكل نواحي حياتكم، لكن حياتكم ليست هدفًا. خرجنا مع الثلاثة آلاف. مشينا في حشدٍ مهيب كما مشى سكان الشجاعيّة قبل أيام وكما مشى أجدادنا قبل 66 عامًا. نمشي، وعيوننا تفحص داهشة حجم الدمار الذي يمكن لقصف ليلة واحدة أن يتسبب به، نمشي كأننا نودّع كل ما تبقى. لكن هذا كلّه لا يهمّ، تجمّد مشاعرك وتركّز على قدميك. تصل إلى حيث قالوا. تجد رصًا من الدبابات ولا شيء آخر. لا تكاد تشعر بالفخ قبل أن يدوّي الرصاص في كل مكان.

ثم ماذا؟ ثم ضربٌ وصراخ ولغوٌ وجدل.

Le premier raid était sur la route vers Khan Younis, isolant Khuza’a. Le second a touché les transformateurs électriques. Le troisième, les tours de téléphonie mobile. Le quatrième, les lignes terrestres. Nous étions seuls, il faisait nuit noire à Khuza’a, et le bombardement ne cessait pas. Les avions pilonnaient tout. Le verre tombait des fenêtres, les éclats d'obus volaient dans les maisons et tout autour de nous. Nous nous sommes abrités dans un endroit que nous avons cru moins dangereux, en prenant une position dont nous avons cru qu'elle nous protégerait. Nous comptions les attaques et calculions les probabilités : est-ce le son d'un missile qui arrive sur nous ? Cet obus est-il dans la maison ? Pourquoi il n'a pas explosé ? La maison d'untel est-elle visée ? Telle-ou-telle mosquée ? Ceci est une attaque de F16, et ça, un bombardement d'artillerie. Toute la nuit a passé à essayer de garder notre raison et ce qui restait de nos nerfs.

Au matin ils nous on dit de sortir, que la Croix Rouge à l'entrée du village garantirait notre retraite. Sortez, l'armée ne veut pas vous faire de mal ; l'opération vise vos maisons, vos rues, votre terre et chaque aspect de votre vie, mais vos vies elles-mêmes ne sont pas la cible. Trois mille d'entre nous sont sortis. Nous marchions en une foule aussi massive que celle de Shuja’iya quelques jours auparavant, comme celle de nos aïeux il y a 66 ans. En marchant, nous avons vu avec stupeur l'ampleur des destruction d'une seule nuit. Nous marchions comme si nous faisions nos adieux à ce qui restait. Mais ce n'était pas l'important ; il fallait geler ses sentiments et se concentrer sur ses pieds.

Nous avons atteint le point où ils nous avaient dit d'aller, et avons trouvé une ligne de chars, et rien d'autre. Nous venions de comprendre que c'était un piège quand ça a commencé à tirer de tous les côtés.

Et ensuite ? Les gens fauchés, les cris, le chaos total.

Ismail, sa mère et son frère se sont réfugiés dans une maison proche :

كنّا ثلاثة آلاف، صرنا خمسون شخصًا. تجمّعنا في بيتٍ واحد. نصفنا ليس من أهل البيت لكن هذا أيضًا لا يهمّ. توزعنا بين ثلاث غرف كي لا نموت معًا إن حانت اللحظة. (نعم، يراوغ الانسان عقله في لحظات كهذه ويقنعه أن حائطًا قديمًا يفصل بين غرفتين يمكن أن يحدّ من الخسائر التي سيتسبب بها صاروخ أطول من أطولنا وأثقل منّا مجتمعين).

في الغرفة معي كان عجوزان يهيّجان أزمتي النفسية: أحدهما بمفاضلته بين الحروب التي عاصرها في حياته والآخر بإلحاحه المستمر على شربة ماء قبل آذان الصيام متناسيًا للمرة الألف أن قطرة ماء واحدة لم تتبقى في البيت بعد استهداف الجيش لخزّانات المياه. الأطفال يمارسون دورهم الطبيعي في الحياة: البكاء خوفًا، البكاء مللاً، البكاء عطشًا. المهم أن يبكوا. الآخرين، وأنا منهم، نستمع إلى نثار حديث العجوزين بصمت وملل ونطالع الشبّاك والساعة في انتظار الصباح. (ثمّة، على ما يبدو، خرافة لا أدري مصدرها تقول أن احتمالات الموت تتضاءل وأن القصف تقل وتيرته مع أول خيط للضوء. لكنها، كما كل الخرافات، غير ملزمة بتوقعاتك منها وباسقاطاتك عليها).

Nous étions 3.000 ; à présent nous étions 50. Nous nous sommes rassemblés dans une seule maison. La moitié d'entre nous n'étions pas de la famille de la maison, mais ça ne faisait rien. Nous avons été répartis sur trois chambres, pour que nous ne mourions pas ensemble si le moment venait. (Oui, les gens perdent leur bon sens dans des moments pareils et se persuadent que le vieux mur entre deux chambres pourrait limiter les pertes dues à un missile plus grand que chacun d'eux et plus lourd qu'eux tous ensemble.)

Dans notre chambre il y avait deux hommes âgés qui m'ont rendu encore plus angoissé, l'un qui comparait la situation avec les autres guerres qu'il avait connues, et l'autre à vouloir absolument boire de l'eau avant l'appel à la prière, oubliant qu'il ne restait pratiquement plus d'eau dans la maison après que l'armée avait visé les citernes. Les enfants faisaient ce qu'ils font d'habitude : pleurer de peur, pleurer d'ennui, pleurer de soif. L'important est qu'ils pleuraient. Les autres, moi y compris, écoutaient en silence et ennui les bribes de bavardage des vieillards, regardaient par la fenêtre et l'heure, dans l'attente du matin. (On dirait qu'il y a un mythe, dont j'ignore l'origine, qui dit que la probabilité de mourir baisse et que le bombardement décroît aux premières lueurs. Mais comme avec tous les mythes, vos attentes seront déçues.)

Ismail raconte avoir dû regarder agoniser pendant des heures un homme de 20 ans, que personne ne pouvait aller secourir. Deux des cousins d'Ismail sont morts, l'un avait essayé de secourir l'autre.

طلع الضوء وسقط الصاروخ الأول على درج البيت. اسوأ من صوت الإنفجار؟ صمت ما بعد الانفجار. أو ما تخونك أذنيك به فتظنه صمتًا. تشظّى كل شيء. اللون الرمادي هو كل ما تراه. لحظات ليعود لك سمعك وينقشع الغبار. الخوف يتحوّل إلى جثث واللون الأحمر يفضّ الرمادي. أمّك وأخوك؟ لا زالوا أحياء. تعود لقدميك، بعد ستة عشر ساعة خمول، وظيفتهما الأولى: الركض. تبتعد عن المكان، يسقط الصاروخ الثاني. تصفّر شظاياه في أذنيك، تتأكد أنك بخير. تهرب إلى بيتك، دقائق ويقصف بيتك. تهرب مجددًا. الكثير من الناس تتحرّك في الكثير من الاتجاهات. ترسم المروحيّة في السماء لك بطلقاتها طريق المنفذ الوحيد. تركض إليه. تركض كأن حياتك تعتمد على ذلك، لأن حياتك بالفعل تعتمد على ذلك. تركض فوق الذين سقطوا، تركض بجانب الجثث، عينٌ على الدمار والطريق المفخّخة بالحفر وعين على عائلتك التي تذوب في السيل الجاري.

La lumière est apparue et le premier missile a atterri sur les marches de la maison. Qu'est-ce qui est pire que le bruit d'une explosion ? Le silence d'une explosion. Ou ce qui trompe vos oreilles en vous faisant croire que c'est le silence. Tout se désintègre. Vous ne voyez que du gris. Il faut du temps pour que vous entendiez à nouveau et que la poussière retombe. La peur se transforme en cadavres, et du rouge rompt le gris. Votre mère et votre frère ? Encore vivants. Vous vous remettez sur vos pieds, restés inactifs depuis seize heures, et leur première tâche est de courir. Vous fuyez l'endroit juste avant que le deuxième missile tombe. Les éclats vous sifflent aux oreilles, et vous vérifiez que vous êtes entier. Vous fuyez vers votre maison, et quelques minutes après votre maison est touchée. Vous fuyez à nouveau. Il y a beaucoup de gens qui courent dans beaucoup de directions. Par ses tirs, l'hélicoptère dans le ciel trace la seule voie pour fuir. Vous courez vers elle. Vous courez comme si votre vie en dépendait, parce que votre vie en dépend en effet. Vous courez par-dessus ceux qui sont tombés, vous courez en longeant les cadavres, avec un oeil sur la destruction et la rue bombardée pleine de trous, et un oeil sur votre famille qui se dissout dans le mouvement de population.

Ismail n'a pas su précisément ce qui est advenu des autres gens de la maison où il s'était abrité — seulement que ses chaussures étaient imbibées de leur sang. Après avoir fui cette maison, lui et sa famille ont réussi à atteindre leur domicile, frappé par trois missiles quelques minutes après. Il a été légèrement blessé.

Sa mère, son frère et lui ont ensuite tenté de quitter le village. Des hélicoptères tiraient sur les gens, et en chemin il a vu les corps de son oncle et son cousin à côté de leur maison. Les tireurs d'élite israéliens visaient aux jambes pour empêcher les gens de partir.

خرجت وعائلتي والكثير من العائلات من خزاعة. كيف؟ حالفنا الحظ. لماذا؟ لا أملك أدنى فكرة. الأهم أن ثمة من بقيوا هناك، وأن الجثث لا زالت حتى هذه اللحظة في الشوارع وتحت الأنقاض. كم عددهم؟ قد يكون 20، 50، 100.. لا أحد يعرف بشكل أكيد، وهذا هو الأمر الوحيد الأكيد. الصور الوحيدة التي خرجت من خزاعة حتى اللحظة كانت مقتضبة ومصدرها الجيش الإسرائيلي وتظهر مشاهد دمار تحشي الصدر بالحقد وتدمي القلب وتنبئ بأن الأيام الهادئة لهذه القرية الوادعة ولأهلها الطيّبين لن تعود عمّا قريب.. وربما للأبد.

Ma famille et moi, et d'autres familles, avons réussi à sortir de Khuza’a. Comment ? Nous avons eu de la chance. Pourquoi ? Je n'en ai pas la moindre idée. Plus important, les corps de ceux qui sont restés sont toujours dans les rues et sous les décombres. Combien y en avait-il ? 20, 50, 100 peut-être ? Nul ne le sait. Les quelques images sorties de Khuza'a jusqu'à présent proviennent de l’armée israélienne, et montrent des scènes déchirantes de destruction qui vous remplissent la poitrine de haine, et laissent penser que la tranquillité de ce village et de ses habitants ne reviendra pas avant longtemps – ou peut-être jamais.

Quatre photos de Street Art du ‘Banksy Iranien’ sur la vie quotidienne en Iran

lundi 28 juillet 2014 à 20:19

[Tous les liens sont en anglais, sauf mention contraire. Billet d'origine publié en anglais le 19 juillet]

Des images de graffitis audacieux ornant les murs et les immeubles de Téhéran ont fait le tour des réseaux sociaux tels que Facebook et Twitter.

L’art urbain, ou “street art”, qui propose des commentaires en temps réel sur les événements à Gaza et la vie en Iran, est le travail d’artistes anonymes ou de groupes d’artistes comme La Main Noire, surnommé le « Bansky iranien » par quelques médias. Les graffitis sont interdits en Iran, bien que les autorités autorisent le street art soutenant la République Islamique. 

Le travail de La Main Noire défie l’interdiction pour les femmes d’assister à des manifestations sportives. Il fait également référence à la fraude électorale en 2009, qui a vu des millions d’Iraniens défiler dans les rues pour protester contre « la victoire écrasante » de Mahmoud Ahmadinejad.

1. Gaza à feu et à sang

L'artiste graffeur La Main Noire a de nouveau frappé, cette fois pour Gaza.

Ce graffiti de La Main Noire a récemment envahi les réseaux sociaux. Ainsi, depuis 2012, les Iraniens ont posté des représentations murales de l’artiste illustrant du sang coulant sur le mot « Gaza ». L’artiste a par la suite remercié ses fans sur Facebook [persan] pour avoir mis un coup de projecteur sur son travail sur le regain de violence entre Israël et Gaza, qui a tué plus de 200 Palestiniens jusqu’à présent. Dans son message, La Main Noire se félicitait de ce que des Iraniens de tout bord politique partageaient le même sentiment face aux bombardements israéliens sur l’enclave côtière. 

2. Les femmes et le sport

Le liquide vaisselle d’Iran comme protestation. La Main Noire est parfois considéré comme le « Bansky d’Iran » !

Cette image d’une femme portant le maillot de l’équipe iranienne de football tout en brandissant un flacon de liquide vaisselle imite le geste des joueurs soulevant le trophée de la Coupe du Monde. Cette image est apparue alors que l’équipe participait à l’épreuve mondiale au Brésil. La Main Noire a publié une image [persan] de son travail sur Facebook.

Des femmes, dont des journalistes, ne peuvent assister à des matchs de football et de volley-ball. Le graffiti, dessiné sur la rue principale de Téhéran, a été rapidement recouvert de peinture rouge.  

On ne sait si cette profanation est l’œuvre des autorités ou s’il s’agit d’une métaphore de l’artiste pour dénoncer l’absence de femmes dans le sport.

3. ‘Moins de violence, plus de diplomatie’

L’artiste de rue iranien Main Noire vous conseille le compte Twitter #IranTalksVienna : Moins de violence, plus de diplomatie (Juillet 2013)

Cette représentation de gants de boxes apparemment raccrochés pour de bon est accompagnée de la légende « Moins de combats, plus de diplomatie ». Une image d’art qui s’est propagée parmi les internautes iraniens sur les réseaux sociaux, à l’occasion des négociations sur le nucléaire, à Vienne.

Le graffiti est apparu en juillet 2013, alors que les Iraniens traversaient une période politique délicate, sous la présidence d’Ahmadinejad. A cette époque, des tensions ont resurgi quant au programme nucléaire de l’Iran, les sanctions économiques prises alors paralysant l’économie iranienne. En juin 2013, les Iraniens ont élu à la présidence le modéré Hassan Rouhani, qui basa sa campagne sur la diplomatie et la fin du conflit, qui mettra fin à la crise économique.

4. Les élections de 2009 

L’un des meilleurs graffitis que j’ai vus de ma vie. Le travail d’un artiste iranien inconnu.

Ce mois de juin a occupé les médias sociaux, du simple graffiti au lien vers une vidéo ayant filtré sur Youtube. Elle montre un commandant des Gardiens de la Révolution iraniens déclarant que le retour au pouvoir des réformistes en 2009 était une « ligne rouge » pour eux. Cette vidéo fut considérée comme le premier aveu des autorités quant à leur participation à la fraude électorale.

Si le président Ahmadinejad fut réélu, des millions d’Iraniens ont affirmé que l’élection était truquée. La colère suscitée par les résultats a donné naissance au Mouvement Vert, illustré par des démonstrations de masse dans les mois suivants le suffrage, avant qu’un rassemblement, en février 2010, ne soit brutalement réprimé.

La Russie offre 4 millions de roubles pour craquer le réseau Tor

lundi 28 juillet 2014 à 18:40
Tor logo used with permission. Image remixed by Kevin Rothrock.

Le logo Tor est utilisé avec permission. Image retouchée par Kevin Rothrock.

Le gouvernement russe offre près de 4 millions de roubles (environ 85 000 euros) à quiconque capable de mettre au point une méthode fiable de décryptage des données envoyées par l'intermédiaire du réseau d'anonymat en ligne Tor [anglais]. La campagne menée par le Kremlin contre l'Internet libre et les révélations aux USA sur l'espionnage gouvernemental ont rendu Tor de plus en plus intéressant aux yeux des internautes russes cherchant à contourner la censure.

Projet élaboré par le laboratoire de recherche de la marine des USA il y a plus de 10 ans, l'accès à internet via Tor permet l'anonymat du trafic des données en passant par une configuration unique de nœuds appelée système de routeur oignon. Désormais géré par une organisation à but non-lucratif, le projet continue de recevoir des fonds du gouvernement fédéral et compte environ 4 millions d'utilisateurs dans le monde [anglais]. Parmi ces utilisateurs on trouve de nombreux militants à l'aise en informatique travaillant dans des pays où la censure et la surveillance sont très répandues. Même le département d'Etat américain soutient des programmes de formation à l'utilisation de Tor pour les militants qui souhaitent se protéger des regard inquisiteurs des gouvernements autoritaires.

Tor a déjà eu des problèmes en Russie. En effet l'année dernière le FSB, le principa service de sécurité du pays, faisait pression sur la Douma [Ru] pour interdire Tor. Des députés ont alors exprimé leur soutien à cette initiative, mais celle-ci n'a jamais dépassé le stade de l'examen en commission.

Le dirigeant du parti pirate russe Stanislav Sharikov dit que l'intérêt renouvelé du gouvernement russe pour le décryptage de Tor pourrait davantage être motivé par un véritable intérêt judiciaire que par la répression politique. Selon M. Sharikov, ce contrat de 85 000 €  [russe] (une somme relativement peu élevée selon les tarifs pratiqués dans ce secteur) est offert non pas par le FSB, mais par le ministère de l'intérieur, une administration moins intéressée par les dissidents anti-Poutine que par la lutte contre la pedo-pornographie.

Bien sûr, Tor est une technologie à « double-usage ». En fournissant à ses utilisateurs des moyens pour échapper à la censure et à l'espionnage, le réseau est aussi utilisé par des individus impliqués dans le crime organisé, le trafic de drogue, et l'échange et la vente de pédo-pornographie. Des documents divulgués par Edward Snowden prouvent que la NSA a consacré des ressources considérables au décryptage de Tor [anglais], dans le but d'obtenir des informations personnelles sur les utilisateurs du réseau.

Le gouvernement américain cite précisément ce genre d'utilisations inquiétantes pour justifier ses propres efforts de décryptage des informations du réseau. Mais à l'échelle internationale, la nature anonyme du réseau complique l'identification précise de ses utilisateurs et de l'usage qu'il en font.

Même s'il est improbable, le succès de ce projet de décryptage russe pourrait mettre en danger des millions d'internautes dont l'intérêt pour l'anonymat en ligne est loin d'être motivé par de mauvaises intentions.