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Papouasie-Nouvelle-Guinée : Le ministre de la Santé accusé de vouloir étouffer les alertes sur les pénuries dans les hôpitaux publics

mercredi 6 septembre 2017 à 15:44

Clinique Susa Mama, hôpital général de Port Moresby, PNG. Source: Flickr. Photo Ness Kerton pour AusAID. Attribution 2.0 Generic (CC BY 2.0)

Le Ministre de la santé de la Papouasie-Nouvelle-Guinée a ordonné dans une circulaire au personnel et aux fonctionnaires des hôpitaux publics de ne plus s’exprimer dans les médias sur les questions se rapportant au système de santé du pays.

Plusieurs groupes ont dénoncé cette circulaire, qui « bâillonne » les fonctionnaires qui avaient parlé ouvertement du manque de stock médical dans les hôpitaux. Le Ministre a cependant expliqué que c’était uniquement dans le but de défendre la sécurité publique, le personnel de santé pouvant continuer à s’exprimer librement.

Le 15 août, le Ministre de la Santé et du VIH/Sida, Sir Puka Temu a signé la circulaire 66/2017 ordonnant au personnel de santé de s’abstenir de faire des déclarations non-officielles dans les médias :

It has been noted recently that certain information on Health matters have been released in the media by certain health institution personnel that has distorted and created fear and confusion in the community and has been reported out of proportion without careful thought and sufficient evidence.

I now instruct and direct that no individual health worker or chief executive officer or management and boards at all levels shall provide any information of health matters and/or issues, to any means of media.

Il a été récemment constaté qu’une information certaine concernant des questions de santé diffusées dans les médias par certains professionnels publics de la santé a déformé la réalité et crée de la peur et de la confusion au sein de la communauté. Cette information a été rapportée de manière disproportionnée sans précaution et sans preuves suffisantes.

J’informe et ordonne maintenant à tous les professionnels de la santé à titre individuel, les dirigeants, les responsables, ou aux conseils quelque soit leur importance de ne pas fournir d’informations concernant des questions ou des problèmes liés à la santé, qu’importe la forme de la communication.

La circulaire, qui a été diffusée sur les réseaux sociaux et qui est rapidement devenue virale, mentionne que seul le cabinet du Ministre peut donner des informations concernant le système de santé.

L’organisation anti-corruption Transparency International en Papouasie-Nouvelle-Guinée a déclaré que la circulaire “muselait les fonctionnaires”.

This directive stifles public discourse, violates values enshrined in our National Constitution, and creates an environment of fear when frank discussion is most needed.

Health professionals and other civil servants need protection when they raise issues of national concern.

Cette directive bride l’expression publique, elle viole les valeurs inscrites dans notre Constitution et crée une atmosphère de peur là où un débat ouvert est nécessaire. Les professionnels de la santé et les autres fonctionnaires ont besoin d’être protégés quand ils évoquent des sujets d’intérêt national.

Sam Yockopua, le secrétaire de l’Association des médecins de Papouasie-Nouvelle-Guinée, a défendu le droit pour les médecins et les professionnels de la santé de s’exprimer sur des sujets qui doivent être discutés publiquement :

I must make it very, very clear, that if we run short of medicines, we will continue making noise, irrespective of the ministerial orders in place. It will not stop us because if we wait for them (the government) it's going to take years and years and the patients will die. We will not wait for them. We will continue to make noise. We will continue to talk.

Je dois être très très clair à ce sujet, si nous manquons de médicaments, nous continuerons à nous faire entendre, malgré les ordres donnés par le ministère. Cela ne nous empêchera pas de nous exprimer parce que cela va prendre des années et il y aura des morts si nous attendons quelque chose du gouvernement. Nous n’allons pas l’attendre. Nous continuerons à nous faire entendre. Nous allons continuer de nous exprimer.

D’après certaines informations, le manque de moyens et l’inefficacité de l’administration sont en cause dans le manque de médicaments dans les hôpitaux publics.

En réponse à ces critiques, Sir Puka a expliqué  que ses services voulaient uniquement “être cohérents dans leur communication pour éviter la peur et la confusion dans la communauté, surtout sur des sujets sensibles tels que le manque de matériel médical” :

In every organisation, public or private, the head of the organisation is normally the official spokesperson.

Dans toute organisation, publique ou privée, la direction de l’organisation est normalement le porte-parole officiel.

Le ministre a également a également mis l’accent sur sa politique de la “porte ouverte” : le personnel médical peut s’exprimer sur sa pratique et il existe un dispositif pour recueillir les remarques du personnel hospitalier et des fonctionnaires de ce secteur.

Le ministre a ajouté que le nouveau gouvernement

Le ministre a également a également mis l’accent sur sa politique de la “porte ouverte”: le personnel médical peut s’exprimer sur sa pratique et il existe un dispositif pour recueillir les remarques du personnel hospitalier et des fonctionnaires de ce secteur.

Le ministre a ajouté que le nouveau gouvernement prévoit de développer un programme d’approvisionnement sur deux ans pour répondre au manque de médicaments dans les hôpitaux publics.

Cinquante nuances de propagande Erdogan

mardi 5 septembre 2017 à 10:52

Manifestation de masse à Istanbul contre la corruption et le gouvernement Erdogan en décembre 2013. Sur cette bannière, on peut lire sous une photo de Fethullah Gülen avec le premier ministre Erdogan : “L'un ne vaut pas mieux que l'autre”. Fulya Atalay pour Demotix.

Staline définissait le travail des écrivains comme étant l’ “ingénierie de l'âme humaine”. Il ne se référait pas à tout type d'écrit, seulement à la rédaction de la propagande.

Aujourd'hui en Turquie, sous la férule du parti Justice et Développement (AKP) au pouvoir, ce type d’ “ingénierie” paraît plutôt couronné de succès. Sitôt après les manifestations du Parc Gezi en 2013, Recep Tayyip Erdogan, alors Premier Ministre, avait réussi à convaincre sa base politique que le mouvement contestataire n'était rien d'autre que l'oeuvre d'un “lobby étranger”.

Christiane Amanpour de CNN a été outrée quand le quotidien turc pro-gouvernement Takvim a publié une fausse interview où elle ‘avouait’ avoir été obligée à couvrir les manifestations de Gezi d'une manière propre à jeter un éclairage négatif sur la Turquie. Capture d'écran prise de l'article de Hurriyet Daily News sur l'affaire.

Il a depuis forgé le mythe du “lobby parallèle” — un label pour les opposants réels et imaginaires — dans d'innombrables discours publics. Les médias pro-gouvernement ont eu un rôle central pour marteler ce message.

Depuis la CIA jusqu'au complot juif mondial, en passant par un lobby des taux d'intérêt, la compagnie aérienne Lufthansa, et une mystérieuse attaque télékinésique de forces obscures : la liste des soi-disant “lobbies” ne cesse de s'allonger. Mais un seul homme était suffisamment controversé pour offrir le véritable ennemi en chair et en os capable de porter la propagande d'État à un niveau supérieur.

Fethullah Gulen, un prédicateur et visionnaire turc installé en Pennsylvanie (USA), a été l'allié d'Erdogan avant d'en devenir l'ennemi. Après le premier raz-de-marée électoral de l'AKP en 2002, le couple a travaillé de concert à remodeler la politique turque, dominée de longue date par une élite militaire laïciste. Mais quand Erdogan a cherché à étendre son pouvoir, l'influence indubitable de Gülen à l'intérieur de l'administration s'est transformée en obstacle. A l'époque où se sont déroulées les manifestations de Gezi, cette influence se serait effondrée. Depuis la tentative de coup d'État de l'année dernière, que le gouvernement impute à Gülen, les violentes attaques des médias sous contrôle du pouvoir contre les réseaux du prédicateur vont crescendo.

Ennemi idéal

S'il subsiste des soupçons crédibles d'implication de Gülen dans le putsch avorté de 2016, les autres accusations brandies contre lui sont plutôt grotesques.

Parmi celles-ci, la suggestion, lancée par Erdogan lui-même, que le mouvement Gülen pourrait être responsable d'avoir abattu l'avion russe qui aurait pénétré l'espace aérien turc lors d'une mission en Syrie fin 2015. Ankara cherchait à raccommoder ses relations endommagées avec Moscou au moment où Erdogan avait évoqué l'hypothèse.

Les tabloïds pro-gouvernementaux ont aussi avancé que l'assassinat de l'émissaire russe en Turquie en 2016 était l'oeuvre d'un agent güléniste. Source photo site web du groupe de plaidoyer ‘Turquie réduite au silence’.

A n'en pas douter, Fetullah Gülen et son mouvement remplissent la même fonction extensive et pratique qui était celle des trotskistes et tsaristes pour Staline. Ils aident l'autocrate à donner de la crédibilité à des actions qui sans cela seraient ineptes, et ce faisant, à défaire ses véritables ennemis : la vérité et la démocratie.

Erdogan exige des uniformes marron pour les accusés du coup d'État turc après qu'un suspect a porté un T-shirt ‘Héros’ au procès

Sur un blog du Washington Post étudiant le recours des dirigeants autoritaires aux mensonges, Xavier Marquez note :

Dans les démocraties ouvertes, un engagement public dans certaines affirmations invraisemblables (comme par exemple que Barack Obama serait musulman, ou ne serait pas né aux États-Unis) est susceptible d'établir des démarcations nettes entre groupes, mobilisant les supporters tout en provoquant la fureur de l'opposition, sans pour autant être “pris à la lettre”. Mais les mensonges invraisemblables ont plus d'importance dans les environnements glauques de nombreux régimes autoritaires, où secret et peur empêchent les gouvernants de savoir si leurs sujets sont vraiment loyaux. Ces régimes ont un besoin typique de “dramatiser” leur cohésion, en montrant de manières convaincantes qu'ils sont en fait unis pour dissuader les contestataires internes.

Et certes, colporter des “affirmations invraisemblables” est devenu la norme en Turquie. Dans la répression qui a suivi l'échec du putsch militaire l'an dernier, plus de 100.000 fonctionnaires ont perdu leur emploi.

Le gouvernement voit des ennemis gülénistes de l'Etat partout où cela l'arrange, en particulier dans ce qui reste de la presse indépendante.

Dans des pays comme la Turquie, la presse libre est maintenant derrière les barreaux. Le reste est devenu l'appareil de propagande d'Erdogan.

Deniz a été arrêté parce qu'il a traité de la fuite des e-mails du gendre d'Erdogan. Détenu pour propagande terroriste. Terrorisme journalistique ?

Erdogan confond propagande terroriste et liberté d'expression. Et le bon vieux journalisme indépendant ?

“Il ne peut pas y avoir de liberté illimitée de la presse… L'Occident fait de même avec ses journalistes” [dit] le président Erdogan à une rencontre d'investisseurs étrangers.

Répression sans frontières

La répression d'Erdogan atteint aussi les visiteurs internationaux et les gouvernements étrangers.

Le 5 juillet, la police turque a effectué une rafle dans une session de formation pour les défenseurs turcs des droits humains sur une des îles d'Istanbul, arrêtant tous les participants ainsi que deux formateurs venus de l'étranger. L'affaire est désormais siglée internationalement comme #Istanbul10. Les personnes en garde à vue ont été accusées de “commission de crime au nom d'une organisation terroriste sans en être membre”.

]Dans toute notre histoire, nous [comme peuple] n'avons jamais rien gagné sans en payer le prix. Le jour des comptes viendra]Erdoğan s'attaque à la presse étrangère, aux observateurs étrangers et aux ambassades étrangères pour soutien ou tolérance des ennemis de la Turquie.

En outre, le ministère des Affaires étrangères turc a fait connaître au monde sa certitude que le fléau güléniste s'active aussi hors des frontières du pays.

Hors de Turquie, Gülen est surtout connu comme pédagogue, avec des écoles appliquant ses méthodes éducatives situées dans une centaine de pays autour du monde. Dès avant la tentative de coup d'État de 2016, la Turquie avait commencé à exercer de fortes pressions sur de nombreux pays — notamment en Afrique et en Asie Centrale — pour fermer ces établissements. Une pression redoublée aux lendemains du putsch raté.

Paradoxalement, avant la rupture d'Erdogan avec Gülen, les écoles de ce dernier étaient considérées comme des institutions d'excellence qui créèrent des amis de la Turquie dans une grande partie du monde en développement, et contribuèrent à faire prospérer le “soft power” du pays. Écrivant pour Al-Monitor en 2015, Fehim Tastekin notait l'aspect contre-productif de la tendance à fermer les écoles.

Hélas, à en juger par l'intensité de la propagande d'État de ces quelques dernières années, Erdogan et l'AKP ont jeté aux orties toute considérations de “soft power”.

Manifestation à Rome contre la violente expulsion des réfugiés de la Place de l'Indépendance

lundi 4 septembre 2017 à 18:23
Le forze dell'ordine che sorvegliano sulla via dei Fori imperiali lo svolgimento della manifestazione a sostegno dei rifugiati

Depuis la rue des Forums Impériaux (via dei Fori imperiali), les forces de l'ordre surveillent le déroulé de la manifestation du 26 août 2017 de soutien aux réfugiés. Photo de l'auteur

Le 19 août 2017, une opération d'expulsion d'un immeuble occupé depuis 2013 près de la Place de l'Indépendance (Piazza Indipendenza) à Rome a donné lieu à une intervention musclée des forces de l'ordre qui ont évacué les occupants – composés essentiellement de réfugiés érythréens et éthiopiens et de demandeurs d'asile disposant de documents en règle – par l'utilisation de canons à eau sur des personnes sans défense.

Le site redattoresociale.it rapporte que [en italien, comme la plupart des liens suivants] :

“Non ci hanno avvisato, non siamo riusciti a prendere niente né a fare le valigie, dentro abbiamo ancora tutto, anche i nostri documenti”, racconta una donna etiope di circa 50 anni che, come tutte le mattine, si stava preparando per andare a lavorare in un albergo vicino quando ha dovuto lasciare la sua stanza. “Non ci dicono niente ma almeno ci devono ridare i nostri effetti personali”, afferma. All'interno dello stabile, anche molte famiglie con bambini e donne incinte. Una ragazza, Asmet, all'ottavo mese di gravidanza è rimasta per ore in strada sotto il sole finché non le è stato permesso di rientrare per essere visitata da una dottoressa che sta tuttora prestando servizio all'interno. Le persone da questa mattina sono state fatte salire su diversi pullman, anche appartenenti all'Atac per essere portate a via Patini per la identificazione. La zona è completamente militarizzata da stamattina e le zone adiacenti sono chiuse al traffico.
L'occupazione di via Curtatone è nata nel 2013 dopo la strage di Lampedusa del 3 ottobre.

“Nous n'avons pas été prévenus [de l'expulsion], on n'a rien pu prendre, on n'a même pas fait nos valises, alors que nous avions toutes nos affaires à l'intérieur, même nos papiers” raconte une femme éthiopienne d'environ 50 ans qui, comme tous les matins, se préparait pour aller travailler dans un hôtel voisin lorsqu'elle a dû quitter soudainement sa chambre. “On ne nous a rien dit, mais ils doivent au moins nous restituer nos effets personnels” affirme-t-elle. Beaucoup de familles avec enfants et des femmes enceintes se trouvaient aussi dans l'immeuble. Asmet, une jeune femme au huitième mois de grossesse, reste pour le moment dans la rue sous le soleil, puisqu'il ne lui est pas permis d'y rentrer pour recevoir la visite du médecin exerçant encore à l'intérieur de l'immeuble. Les personnes [expulsées ce matin] ont été emmenées rejoindre divers autobus, même ceux appartenant à l'Atac [Azienda per i Trasporti Autoferrotranviari del Comune di Roma, société des transports publics à Rome] pour être conduites jusqu'à la rue Patini afin de procéder à leur identification. La zone est complètement militarisée depuis ce matin et les zones adjacentes sont fermées à la circulation.

L'occupation de la rue Curtatone remonte à 2013 après le naufrage de Lampedusa du 3 octobre.

Human Rights Watch décrit les étapes des affrontements entre les forces de l'ordre, les réfugiés et ceux qui les soutiennent :

Senza preavviso o disposizioni alternative, la polizia ha cominciato, il 19 agosto, a sgomberare dall’edificio centinaia di persone, perlopiù rifugiati e richiedenti asilo eritrei ed etiopi. La maggior parte se n’è andata quel giorno. Secondo l’agenzia Onu per i rifugiati, l’UNCHR, circa duecento persone, di cui 50 donne, erano rimaste di fronte all’edificio in segno di protesta, dormendo lì fuori. Un centinaio, tra cui famiglie con bambini, donne incinte, e persone con disabilità, erano rimaste all’interno. “Le autorità italiane devono porsi serie domande su questo sgombero sconcertante e, in particolare, se la forza usata dalla polizia fosse necessaria e proporzionata,” ha detto Judith Sunderland, direttore associato per Europa e Asia centrale a Human Rights Watch. “L’uso di forze di polizia, in assetto antisommossa, per cacciare persone vulnerabili dalle proprie abitazioni, con scarso preavviso e senza un posto dove andare, è praticamente il contrario di come si sarebbe dovuta gestire la situazione.”

Sans préavis ni mesures alternatives, la police a commencé le 19 août à procéder à l'expulsion d'un immeuble d'une centaine de personnes, pour la plus part réfugiés et demandeurs d'asile érythréens et éthiopiens. La majorité d'entre eux est partie le jour même. Selon l'UNCHR, l'agence de l'ONU pour les réfugiés, près de 200 personnes, dont 50 femmes, étaient restées devant l'immeuble en guise de protestation, allant jusqu'à dormir dehors. Une centaine de personnes, parmi lesquelles des familles avec enfants, des femmes enceintes et des handicapés, étaient restées à l'intérieur. “Les autorités italiennes doivent se poser de sérieuses questions sur cette évacuation choquante, en particulier pour savoir si la force utilisée par la police était nécessaire et proportionnée” a déclaré Judith Sunderland, directrice associée pour l'Europe et l'Asie centrale chez Human Rights Watch. “Le recours aux forces de police, avec un dispositif anti-émeute, pour chasser des personnes vulnérables de leur propre logement, avec un préavis insuffisant et sans nulle part où aller est précisément l'inverse de la façon dont on doit gérer une telle situation”.

Dans un article sur l'opération de police, publié dans La Repubblica, le plus grand quotidien de Rome, on peut lire :

La polizia in assetto antisommossa ha continuato l'inseguimento, usando anche le camionette fra lo stupore dei passeggeri che si trovavano nel piazzale dello scalo ferroviario. Durante l'inseguimento il funzionario che guidava la celere ha gridato: “Devono sparire, peggio per loro. Se tirano qualcosa spaccategli un braccio”[…] La Questura di Roma ha aperto una “formale inchiesta” dopo la “visione dei filmati pubblicati su alcuni siti che riportano una frase di un operatore che invita ad usare metodi violenti in caso di lancio di sassi”. Nelle successive contromanifestazioni, spiega la Questura, le “unità impiegate in quel contesto non sono state ulteriormente utilizzate nel servizio di ordine pubblico”.

La police anti-émeute a prolongé son opération, utilisant aussi des fourgons et provoquant la stupeur des passagers se trouvant sur l’esplanade de la gare routière. Durant leur poursuite, l'agent qui dirigeait la compagnie s'est écrié “Ils doivent dégager, tant pis pour eux. S'ils balancent quoi que ce soit, vous leur cassez un bras” […] La préfecture de police de Rome (“Questura di Roma”) a ouvert une “enquête formelle” après “le visionnage de films mis en ligne sur certains sites qui donnent à entendre une phrase d'un agent invitant à recourir à des méthodes violentes en cas de jet pierre”. La préfecture ajoute que, lors de prochaines contre-manifestations, “les compagnies mobilisées lors de cette opération ne seront plus utilisées à des fins de maintien de l'ordre public”.

Valigia Blu, blog collectif totalisant 87 340 abonnés, relaie sur sa page Facebook les mots de l'actrice d'origine érythréenne Tezeta Abraham, interviewée lors d'une conférence de soutien aux réfugiés à Rome :

Perché dobbiamo creare questa lotta tra i poveri, dove chi ci rimette è chi non ha i documenti, chi non ha una casa, chi non ha nessun diritto quando invece sarebbe lo Stato italiano che li avrebbe dovuti integrare, fargli fare dei corsi? Dov’è lo Stato? È vero, molti italiani si lamentano che lo Stato non c’è per gli italiani, figuriamoci per gli stranieri. Io invece voglio che ci sia per tutti e due, sia per gli italiani sia per gli stranieri. Io voglio che lo Stato ci sia […] Questo è un paese e deve ragionare come un paese, non come un bar. Perché ultimamente anche i politici fanno chiacchiere da bar, non sono in grado di avere una visione un pochino più lungimirante sia per gli italiani che per gli stranieri.

Pourquoi devrions-nous créer cette lutte entre pauvres, où les perdants sont ceux qui n'ont pas de papiers, pas de maison, qui n'ont aucun droit alors que revient à l'Etat italien le devoir les intégrer, de leur dispenser des cours [d'italien] ? Où est l'Etat ? Il est vrai que beaucoup d'Italiens se plaignent que l'Etat ne tienne pas compte de leurs problèmes, sans parler de ceux des étrangers. Pour moi, l'Etat devrait être disponible pour les deux, tant pour les Italiens que pour les étrangers, l'Etat devrait être bien présent […] Nous formons un pays et nous devons donc raisonner à l'échelle d'un pays, et non comme dans un café du commerce. Car les hommes politiques finissent eux aussi à tenir des propos de comptoir et ne sont plus en mesure d'avoir une vision un peu plus ambitieuse que ce soit pour les Italiens ou pour les étrangers.

Sur son blog, le GUS – Gruppo Umana Solidarietà “Guido Puletti” écrit :

Donne in ginocchio con le braccia alzate, bambini in lacrime trascinati via. Scene che non vorremmo mai vedere in un paese che si definisce civile, tantomeno nella Capitale che ospita meno richiedenti asilo di quanto previsto dall’accordo tra Stato e regioni…

Ma senza un piano di Accoglienza affidabile è inutile avanzare numeri. La storia recente di Roma parla di sgomberi, da Ponte Mammolo al Baobab di via Cupa, e di soluzioni ponte che si sommano all’emergenza abitativa vissuta dalle famiglie italiane e straniere come quelle che vivevano in via Curtatone. Urge da tempo un piano di accoglienza per i migranti ma la risposta è sempre quella delle soluzioni temporanee, degli sgomberi che sommano emergenza all’emergenza.

“Trattiamoli e trattiamoci da esseri umani sempre”, viene da dire vedendo queste scene, figlie di una ipocrisia di fondo che derubrica le migrazioni a numeri e percentuali definendole “emergenze”, come se fosse un fenomeno temporaneo in via di soluzione. Ma non è così, e vogliamo risposte rigorose e definitive, possibilmente da chi non confonde il rigore con il manganello.

Des femmes à genoux avec les mains en l'air, des enfants en larmes traînés en arrière. Voilà des scènes que nous ne voudrions plus voir dans un pays qui se dit civil, et certainement pas dans la capitale qui, elle, accueille moins de demandeurs d'asile que le nombre prévu par l'accord entre l'Etat et les régions […]

Mais en l'absence d'un programme fiable d'accueil des réfugiés, il est inutile d'avancer le moindre chiffre. L'histoire récente de Rome parle d'explusions, du [quartier] Pont Mammolo au [centre d'accueil] Baobab de la rue Cupa, et de solutions provisoires qui s'ajoutent à l'urgence des besoins d'hébergement comme celui vécu tant par les familles italiennes et étrangères que celui de ceux qui habitaient rue Curtatone. L'urgence d'un plan d'accueil des migrants se fait sentir depuis longtemps mais l'unique réponse apportée est celle de solutions temporaires, les expulsions ne faisant qu'ajouter de l'urgence à l'urgence.

“Traitons-les et traitons-nous toujours comme des êtres humains” aurait-on envie de dire en voyant ces scènes, issues d'une hypocrisie profonde réduisant les migrations à des chiffres et des quotas et fixant les “priorités” comme s'il s'agissait d'un phénomène temporaire en cours de résolution. Mais il n'en va pas ainsi, et nous voulons des réponses fermes et définitives, si possible de ceux qui ne confondent pas la rigueur avec la matraque.

Manifestazione a Roma in solidarietà con i rifugiati a il 26 agosto. Foto dell'autore

“Notre faute, c'est la pauvreté !” dit la banderole. Manifestation du 26 août 2017 à Rome en solidarité avec les réfugiés. Photo de l'auteur

Annalisa Camilli, journaliste à l'hebdomadaire Internazionale, décrit quelques scènes :

I bambini dal balcone dello stabile gridavano: “Vogliamo giocare, vogliamo giocare”. I poliziotti hanno costretto le persone all’interno dell’edificio a seguirli in questura. “Ci siamo nascosti, ma quando ci hanno trovato ci hanno manganellato per costringerci a uscire, due donne sono state picchiate”, racconta Simon. Nella piazza sono rimaste le valigie e gli oggetti delle famiglie sgomberate, e la polizia ha detto ai pochi ancora sulla piazza di recuperare le loro cose. “Non sappiamo che succederà ora, in questura siamo una cinquantina di persone, non sappiamo dove ci vogliono portare”, afferma Simon, mentre aspetta di sapere che ne sarà della sua vita. Almeno tredici persone sono state medicate da Medici Senza Frontiere.

Depuis le bacon de l'immeuble, les enfants criaient “on veut jouer, on veut jouer”. Les policiers ont obligé les gens présents à l'intérieur de l'immeuble à les suivre jusqu'à la préfecture. “Nous étions cachés, mais quand ils nous ont trouvés ils nous ont donné des coups de matraque pour nous obliger à sortir, deux femmes ont été battues” raconte Simon. Sur la place, des valises et les objets des familles expulsées sont restés là, et la police a demandé aux rares personnes présentes sur cette même place de récupérer leurs affaires. “Nous ne savons pas ce qui va se passer maintenant, nous sommes une cinquantaine à la préfecture, on ne sait pas où ils veulent nous emmener ensuite” affirme Simon, dans l'attente de savoir ce que sera son sort. Au moins treize personnes ont été soignées par Médecins Sans Frontières.

L'écrivain et professeur Christian Raimo, qui a diffusé une pétition sous le titre “Pour une Rome antiraciste, antifasciste et solidaire” ayant recueilli 35 413 signatures en 4 jours, a écrit :

Questa non è la mia città, indifferente contro i deboli, ostile contro gli stranieri. Che parla di legalità solo quando deve usare la violenza contro i poveri. Che riempie le strade di transenne, posti di blocco, camionette. Che umilia chi dorme per strada. Che disprezza chi non ha una casa. Che chiama sicurezza il peggior razzismo. La mia città è aperta, solidale, attenta, si vergogna del suo passato coloniale e fascista, ed è fiera della sua storia di resistenza. La mia città è fatta dalle persone che si danno da fare ogni giorno per la dignità degli ultimi: gente comune che fa politica offrendo condivisione, accoglienza, educazione.

Ceci n'est pas ma ville, indifférente aux faibles, hostile envers les étrangers. Qui ne parle de légalité que lorsqu'elle doit exercer la violence contre les pauvres. Qui remplit les rues de barrières, de postes de contrôle, de fourgons. Qui humilie ceux qui dorment dans la rue. Qui méprise ceux qui n'ont pas de logement. Qui en appelle à la sécurité au nom du pire racisme. Ma ville est ouverte, solidaire, attentive, honteuse de son passé colonial et fasciste, mais fière de l'histoire de sa résistance. Ma ville se compose de gens qui tous les jours font tout pour la dignité des derniers : les citoyens qui font de la politique en offrant du partage, de l'accueil, de l'éducation.

Samedi 26 août, en dépit de la chaleur estivale et de la période de vacances, des milliers de citoyens romains ont participé à une manifestation, nommée sur les réseaux sociaux #RomaCittàAperta (Rome Ville Ouverte) , qui s'est déroulée pacifiquement :

Comment empêcher une langue de mourir, ou ce que j'ai appris en documentant la mienne

lundi 4 septembre 2017 à 14:02

Capture d'écran de la vidéo YouTube de l'auteur sur sa grand-mère.

Cet article est basé sur une présentation donnée par l'auteur le 15 juillet 2017 à la conférence TEDx Youth@AmaatraAcademy à Bangalore, en Inde.

Pendant l'hiver 2014, j'étais chez moi, en train de faire mes recherches sur les motifs de narration de ma communauté. Je passais des journées entières à essayer de persuader ma grand-mère de me raconter quelques histoires de son époque. Mais comme toujours, elle était maussade et ne voulait rien entendre.

Un matin, sans prévenir, elle a commencé à me raconter des histoires. Après la première, j'ai eu l'instinct de les enregistrer, même si je ne savais alors pas ce que je pourrais en faire. J'ai sorti mon appareil photo en cachette et j'ai commencé aussi, à photographier.

Ma grand-mère ne faisait pas que raconter, elle était partie prenante de ses récits. Quand les personnages traversaient un moment triste, elle versait une larme. Une fin heureuse la faisait éclater de rire.

Elle me chanta aussi quelques chansons, de celles que les jeunes épouses chantaient après leur mariage, alors qu'elles quittaient la maison de leurs parents pour aller vivre chez leurs beaux-parents. C'étaient des chansons sur la séparation, à l'origine pleine de tristesse, mais qui devinrent petit à petit un phénomème social. Les gens ont commencé à créer une littérature sur ce thème et ont ajouté humour et sarcasme. Et comme tout le monde ne peut pas être doué pour pleurer, le tout était répété à l'avance et des femmes comme ma grand-mère jouèrent un rôle important dans cette préparation.

J'ai passé un excellent moment à enregistrer ces chansons et ces récits uniques de ma communauté. Je les ai téléchargés sur Internet et les ai rendus publics.

En revanche, je n'ai compris leur valeur que quand j'ai rencontré Daniel Bogre Udell, qui m'a parlé d'un projet appelé Wikitongues que lui et son ami Freddie Andrade mettaient sur pied. Ils collaborent avec des bénévoles du monde entier pour enregistrer des vidéos de personnes racontant une histoire ou un incident dans leur langue natale. J'ai adoré l'idée. Les vidéos de Wikitongues m'ont permis d'apprendre de nombreuses histoires du monde entier qui me seraient autrement demeurées complètement inconnues. Elles m'ont aussi donné l'idée d'ajouter des sous-titres et des informations supplémentaires à mes propres enregistrements.

Malheureusement, de nombreuses langues sont en train de mourir, et même rapidement. L'UNESCO estime que presque la moitié des quelques 6.900 langues vivantes dans le monde pourraient avoir entièrement disparu au cours du siècle. Nous perdons en moyenne une langue toutes les deux semaines. 220 langues de l'Inde ont disparu ces 50 dernières années, et 197 autres ont été identifiées par l'UNESCO comme en risque d'extinction prochaine. Nous devenons de plus en plus monolingues. Pourtant, comme le linguiste Steven Bird l'a souligné, des recherches ont montré que les cerveaux des personnes monolingues se détériorent plus rapidement.

Comment les langues meurent-elles

Les langues sont influencées par leur contact avec d'autres langues. Ce changement peut être irréversible. Leur destin est aussi parfois décidé par des aspects socio-politiques : par exemple, les politiques publiques sélectionnent certaines langues pour assurer un standard en termes d'éducation, de recherche scientifique et de gouvernance, alors que les autres sont abandonnées à une mort lente mais certaine. Comme il n'est pas assez rentable de créer des médias dans les langues “minoritaires”, la croissance et l'enrichissement de celles-ci souffrent et certaines demeurent non documentées.

Il y a seulement quelques siècles, l'alphabet latin était inconnu sur les continents africain, américains et asiatique. Suite à la colonisation, il est devenu la norme dans de nombreux pays. Les systèmes d'écritures originaux des langues de ces parties du monde sont bien moins connus. Heureusement, des chercheurs ont étudié et documenté certaines de ces langues et de leurs alphabets, et leur travail nous permet aujourd'hui de découvrir de nombreuses histoires fascinantes sur ces cultures.

Bien qu'il soit intéressant, et souvent dans notre intérêt, de connaître plus d'une langue, notre langue maternelle est particulièrement importante : elle est l'outil grâce auquel nous codons et décodons le plus facilement nos émotions, nos histoires et nos secrets.

Si nous ne conservons pas ces langues sur un support numérique, et surtout les langues en voie de disparition, nous pourrions perdre la diversité colorée de la civilisation humaine. Les langues sont une porte vers un autre monde. De plus, tout ne peut pas se traduire. Elles sont également d'importants dépôts de connaissances indigènes, un savoir pertinent pour la société moderne. C'est à nous, locuteurs de langues minoritaires, de décider combien de temps nous voulons conserver nos langues en vie.

Les langues peuvent unifier les peuples

Il y a quelques temps, j'ai interviewé un locuteur de karbi. Le karbi est une langue en voie de disparition parlée par environ 41.900 personnes dans l'Assam, un état du nord-est de l'Inde. Mon interlocuteur m'a parlé d'un festival de commémoration des ancêtres appelé Cho Mang Kan. Il implique beaucoup de danses, de festins et de consommation d'eaux de vie locales, et c'est aussi un endroit où les jeunes gens peuvent trouver leur future épouse.

Ce qui m'a le plus fasciné à propos de Cho Mang Kan, cependant, est le fait que ma propre communauté possède un festival comparable, et que des festivals similaires existent dans toute l'Asie du Sud Est. Bien que j'ai eu l'occasion de lire à leur sujet, en vivre un en personne dans une autre communauté que la mienne fut comme redécouvrir une partie de moi-même. Nous ne nous ressemblons peut-être pas, ni ne parlons les mêmes langues, mais nous sommes profondément et étroitement connectés. Sans l'enregistrement que je faisais alors, je n'aurais jamais pu ressentir cette connexion aussi fortement.

Documenter une langue n'est peut-être pas votre tasse de thé, et ce n'est pas grave. Ça ne peut pas être au goût de tout le monde. Mais en repensant à la façon d'encourager plus de gens à documenter les langues mourantes, j'ai remarqué quelque chose d'intéressant. Mon épouse crée des messages vidéos humoristiques en utilisant les filtres vocaux et vidéos de Snapchat, et les envoie à ses frères et soeurs. Ceux-ci répondent ensuite avec leur propres vidéos rigolotes. L'aspect marquant de ces conversations est qu'ils utilisent la langue de la génération de leurs grands-parents. Peu de gens parlent cette langue aujourd'hui. Pourtant ici, on a des jeunes gens qui se servent tout à la fois de la réalité augmentée, de l'apprentissage et de l'intelligence artificielle pour (sans doute sans le faire exprès) contribuer à garder une langue marginalisée en vie.

La leçon ? Il n'y a aucun besoin de créer une véritable religion autour de la documentation des langues : il existe des façons amusantes et créatives d'utiliser une langue qui font la même chose. Ce qui serait fantastique, en revanche, serait d'apporter ces activités hors de la sphère privée car nous avons désespérément besoin de ce type de contenu sur les plate-formes numériques publiques.

Comment contribuer

Je conclus avec quatre possibilités pour documenter de façon créative les langues que vous entendez autour de vous :

1. Quand vous rencontrez quelqu'un que vous ne connaissez pas, faites preuve d'un petit peu de curiosité et posez-leur des questions sur la langue qu'ils parlent avec leurs grand-parents. Demandez-leur de vous raconter une histoire, de vous chanter une chanson ou juste de vous dire quelques mots et enregistrez-les.

2. Utilisez les outils que vous connaissez et appréciez déjà (Snapchat, Facebook, Twitter ?) et animez une session en direct au cours de laquelle vous invitez un membre à raconter une histoire ou à enseigner un jeu traditionnel, et enregistrer la session.

3. Partagez vos enregistrements publiquement sous une licence libre, qui permet aux autres d'utiliser votre travail et de vous en donner le crédit sans avoir à vous demander la permission à chaque fois. Je recommande personnellement les licences Creative Commons car la plupart des plates-formes multimédia telles que Vimeo et YouTube les autorisent. Il existe d'autres plates-formes, comme les Wikimedia Commons, les Archives d'Internet et Pad.ma, sur lesquelles vous pouvez télécharger vos enregistrements avec des tags et des métadonnées qui rendent le contenu consultable. Trois chercheurs de l'Université de Washington ont récemment mené une expérience utilisant des fichiers audio et vidéo du Président Obama dans le domaine public. Avec l'aide d'intelligence artificielle, ils ont manipulé ces vidéos pour que Barack Obama ait l'air de doubler l'audio pré-enregistré. Le résultat, fascinant et étonnamment réaliste, n'a été possible que grâce à la licence libre de ces fichiers.

4. Joignez au contenu un résumé écrit du contenu enregistré dans autant de langues que possible. Ceci aide les autres à découvrir votre travail.

Si suffisamment d'entre nous suivent les indications ci-dessus, nous aurons bientôt une bibliothèque de contenu multimédia dans de nombreuses langues, qui pourrait contribuer à d'importants développements, que nous ne pouvons probablement même pas tous nous imaginer. On pourrait construire des outils de synthèse vocale pour aider les illettrés, les autistes ou les malvoyants à accéder au savoir et apporter leur contribution aux biens communs informationnels.

Vous pourriez écrire l'Histoire en enregistrant et en publiant publiquement les langues de votre environnement, et ainsi, les empêcher de rejoindre les légions de langues qui meurent chaque année.

Le Mexique propose son aide pour les victimes de l'ouragan Harvey, en pleine polémique sur l'immigration

lundi 4 septembre 2017 à 10:25
Mexican Soldier. Picture by Flickr user yesy belajar memotrek. Used under (CC BY-NC 2.0) license.

Un militaire mexicain, photo sur Flickr de l'utilisateur yesy belajar memotrek. Utilisée sous licence (CC BY-NC 2.0).

(Billet d'origine publié le 1er septembre)

Quelques jours après le passage de Harvey, l'ouragan de catégorie 4 qui a dévasté Houston (Texas) le 25 août, les habitants cherchaient désespérément secours et aide de l'Agence fédérale de Gestion des Urgences (FEMA) comme des administrations locale et d'Etat. Les citoyens ordinaires ont été les premiers à répondre présents dans des opérations dangereuses de sauvetage, en activant des ‘marines citoyennes’ comme la Cajun Navy pour se frayer un chemin sur les routes inondées infranchissables avec leurs bateaux personnels pour atteindre les sinistrés.

Pendant ce temps, alors que les pluies diluviennes continuaient à s'abattre sur Houston et les environs tout le week-end, le président Trump n'a pas trouvé mieux que de rappeler au Mexique son plan de construction d'un mur à la frontière.

Le Mexique étant un des pays le plus criminel du monde, il faut qu'on aie LE MUR. Le Mexique le paiera en remboursement ou autre

Par contraste, alors que cette ‘onde de tempête mortellle’ cataclysmique frappait la région, les dirigeants mexicains répondaient avec une offre d'aide.

Le communiqué de presse du ministère mexicain des Affaires étrangères concernant différents aspects de la relation bilatérale

A propos de cette catastrophe naturelle qualifiée d’ ‘historique’, Carlos Sada, le sous-secrétaire d'État mexicain pour les relations nord-américaines, a déclaré lundi soir : “Notre offre est ouverte et permanente. Nous attendons seulement les instructions”, poursuivant : “Le Texas et le Mexique partagent plus qu'une moitié de frontière. Il y a des familles, des mariages, des entreprises qui lient nos deux côtés. Il s'agit de bon voisinage”.

La déclaration de solidarité du Mexique interrompt les hostilités et tensions croissantes entre les USA et le Mexique à propos d'une longue liste de batailles de politiques migratoires, dont l'insistance de Trump à faire payer par le Mexique son projet de mur sur la frontière entre les deux pays.

Houston abrite la troisième plus nombreuse population d'immigrants sans papiers des Etats-Unis, qui y représentent 9 % des habitants. L'ouragan Harvey a précipité ces clandestins dans une panique supplémentaire, avec la peur que leurs demandes d'aides fédérales débouchent sur des expulsions, malgré les assurances des autorités qu’ils seraient protégés. Si le gouverneur du Texas Greg Abbot a admis l'offre de secours du Mexique, le gouvernement fédéral tarde à accepter l'aide de son voisin mais a donné un prompt accord à l'envoi d’‘hélicoptères par Singapour.

Karla Zabludovsky, chef du bureau Mexique de Buzzfeed, a tweeté sa frustration devant le retard des USA à répondre à l'offre mexicaine :

Plus de 40 heures déjà que le Mexique a proposé aux USA son aide pour les destructions de l'ouragan Harvey. Réaction de Trump : silence radio. Ni merci, ni oui ou non.

Trump rudoie (à nouveau) le Mexique et le Mexique lève les yeux au ciel, soupire, et offre son aide au Texas dévasté par l'ouragan

La journaliste Pedra De Costa relève l'ironie de la situation :

Trump : Le Mexique paiera pour le mur
Le Mexique : Voici de l'aide humanitaire

Le président Trump n'a pas encore commenté cette offre généreuse, mais le Secrétaire d'Etat Rex Tillerson a remercié le gouvernement mexicain le 31 août.

C'est très généreux de la part du gouvernement mexicain de proposer son aide en ce moment extrêmement difficile pour nos concitoyens du Texas et qui atteint désormais aussi la frontière de la Louisiane.

Indulgence ‘propre à destituer’ annoncée pendant l'ouragan

Attisant une nouvelle polémique, Trump a choisi d'annoncer sa grâce accordée à l'ex-shérif de l'Arizona Joe Arapio vendredi soir, au moment où  Harvey touchait terre pour la première fois, susceptible d'atteindre ‘un classement beaucoup plus élevé’. Arapio a déployé une ‘animosité illégale et sans limites contre les migrants,’ et certains analystes décrivent sa grâce par comme une ‘faute susceptible de destitution‘.

Viridiana Hernández, militante des droits des migrants et directrice exécutive du Center for Neighborhood Leadership, s'est élevée les larmes aux yeux contre cette indulgence :

Nous nous battons [contre Arapio] depuis des dizaines d'années et ce n'est pas fini. Nous n'allons pas nous arrêter…Nous avons vécu sous Arapio et avons survécu et prospéré. Nous allons résister comme nous résistons chaque jour de toute notre existence.

Moratoire des rêves en pleine tempête

Pendant que les tensions continuent à monter entre les USA et le Mexique, le ministère mexicain des Affaires étrangères a publié une déclaration officielle de solidarité avec la population du Texas et les personnes touchées par les destructions dans le sillage de la tempête. Un geste qui rappelle les actions similaires de secours du Mexique en 2005 après l'ouragan Katrina qui avait frappé la Louisiane et les États alentour d'effets catastrophiques.

N'OUBLIONS JAMAIS que le Mexique a envoyé des soldats et de l'assistance pour nous aider après l'ouragan Katrina.

Alors que les habitants de Houston se débattent pour se mettre à l'abri, beaucoup doivent aussi affronter les rumeurs sur des menaces imminentes de suppression du statut DACA (Deferred Action for Childhood Arrivals, ou Moratoire pour les Arrivées pendant l'enfance), permettant à ceux qui sont entrés mineurs aux Etats-Unis d'y rester avec des autorisations de séjour de deux ans renouvelables pour y étudier et travailler. Pour le Texas, près de 200.000 immigrants sans papiers ont obtenu le statut DACA depuis 2012, et Houston abrite à elle seule 56.000 titulaires de DACA. A présent, sur le chaos et la destruction de l'ouragan Harvey se greffe aussi l'incertitude juridique de l'avenir. La décision de mettre fin au statut DACA aggraverait les souffrances de milliers de Texans qui y voient une bouée de sauvetage parmi celles dont ils ont besoin en ce moment pour survivre à la tempête.

Cesar Espinosa dit que la suppression par Trump de DACA serait ajouter une “catastrophe politique” à la catastrophe naturelle pour les habitants de Houston.

Le journaliste Bradford Pearson souligne l'ironie que les ‘premiers répondants’ et sauveteurs soient de fait les immigrants ou les jeunes DACA :

Des dizaines de milliers d'habitants de la région de Houston vont lutter pour leur vie cette semaine, pour seulement risquer l'expulsion quand Trump abrogera DACA.

Par exemple, quatre boulangers mexicains habitant Houston n'ont pas réfléchi à deux fois avant de cuire des centaines de pains pour leurs compagnons de malheur des inondations alors qu'ils étaient immobilisés durant tout le week-end dans leur boulangerie El Bolillo.

Avec un bilan annoncé de 44 morts et de milliers de déplacés, la priorité à donner aux opérations d'évacuation et de sauvetage ne laisse guère de place à d'autres préoccupations. Les gens engagés de Houston n'en continuent pas moins à lancer des appels et à lever des fonds pour prévenir un désespoir supplémentaire, et 1.850 personnalités, comprenant des gouverneurs, des responsables d'Etat, des dirigeants civils et religieux ont écrit une lettre conjointe de solidarité exhortant Trump à ne pas tuer le statut DACA, et surtout pas maintenant, quand la tempête n'a laissé pratiquement que leurs rêves à ses titulaires.