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Si Daech a déserté la ville syrienne de Raqqa, ses mines continuent de tuer et de mutiler

jeudi 15 février 2018 à 12:30

La désolation dans la rue Al-Qouatli de Raqqa. Photo prise par Abood Hamam, utilisée avec sa permission.

Pendant plus de quatre années, de 2013 à 2017, la ville syrienne de Raqqa a vécu sous le joug d'un des groupes islamistes les plus sanglants de ce siècle : Daech, aussi connu sous le nom d’État Islamique ou EI.

Pendant son règne, l'organisation dite État Islamique a forcé les habitants de la ville, déclarée capitale de son “califat”, à suivre ses règles extrêmes. Ceux qui ont désobéi ont ainsi été tués par crucifixion ou par le biais de méthodes brutales lors d'exécutions publiques.

En octobre 2017 et après une âpre bataille de quatre mois, les Forces Démocratiques Syriennes (FDS) – une alliance de combattants kurdes, arabes et assyriens entre autres, soutenue par les États-Unis – ont réussi à chasser Daech et reprendre le contrôle de la ville. D'après certaines informations de la BBC, la reprise de Raqqa aurait inclus un accord entre l'EI et les Forces Démocratiques dans lequel les combattants de Daech et leurs proches seraient autorisés à passer librement vers Deir Ezzor, dans l'est de la Syrie.

Malgré la défaite du groupe islamiste à Raqqa, Daech n'avait pas totalement fini de faire souffrir la population de la ville. Comme l'a rappelé un combattant de l'EI aux civils avant de se retirer de la cité : “la terre se battra pour nous”.

L'une des façons par laquelle la “terre” se “bat” pour l’État Islamique ? Les mines antipersonnel.

Lors d'un entretien téléphonique avec Global Voices, Abou Fares, un homme de 53 ans ayant perdu deux de ses fils sur des mines posées par l'EI, déclarait d'une voix remplie de tristesse :

Quand les FDS et la coalition internationale ont attaqué la ville, nous avons été forcés de partir. Cependant, nous ne pouvions pas partir au début de la bataille puisque Daech nous utilisait comme boucliers humains. J'ai perdu l'un de mes fils lorsque nous avons essayé de fuir la ville par le district Shahdah, c'est à ce moment qu'une mine a explosé.

À lire (en anglais) : Les soldats de Daech ont laissé des milliers de mines à Manjib avant de fuir. Ils les ont cachées à l'intérieur de tout et n'importe quoi

Abou Fares a perdu son second fils un mois après la fin des combats :

Un mois après la fin des hostilités, on nous a autorisés à rentrer chez nous. J'ai envoyé l'un de mes fils vérifier notre maison près du rond-point de l'horloge, mais quand il est arrivé, les mines l'attendaient déjà sur le perron.

D'après un membre de “Raqqa est massacrée silencieusement (Raqqa is Being Slaughtered Silently)” – un groupe d'activistes locaux documentant les violences perpétrées dans la ville -, depuis la victoire des Forces Démocratiques Syriennes, c'est un total de 220 civils qui ont été tués et des dizaines d'autres de blessés par des mines posées par l’État Islamique.

Une mine antipersonnel posée par l’État Islamique à Raqqa. Photo prise par “Raqqa is being slaughtered silently”. Utilisée avec permission.

Quand l'opération “Colère de l'Euphrate” – le nom de code pour l'opération anti-EI – a commencé en novembre 2016, Daech commençait déjà à poser un grand nombre de mines antipersonnel pour ralentir l'avancée des troupes des FDS sur Raqqa. Mais plutôt que d'atteindre leurs objectifs, ces mines ont le plus souvent tué des civils qui fuyaient les combats.

Les engins explosifs ont également coûté la vie de plusieurs soldats des FDS et parmi eux le volontaire britannique Oliver Hall, qui a perdu la sienne alors qu'il désarmait ces mines. Au moment de l'écriture de cet article, les Forces Démocratiques Syriennes n'ont toujours pas communiqué sur le nombre de combattants tués par ces engins.

Avec le soutien du Conseil municipal de Raqqa et des organisations internationales, une structure bénévole appelée “Roj” – diminutif pour Rojava, une région située au nord de la Syrie et à l'ouest du Kurdistan – travaille à retirer les milliers de mines implantées à travers la ville. “Le nombre de munitions non explosées encore présentes à Raqqa est quelque chose que nous n'avions jamais vu auparavant”, a déclaré à Reuters le secrétaire général adjoint des Nations Unies, Panos Moumtzis, en février 2018.

Mais ce travail ne va pas assez vite pour certains habitants. Amira, une jeune femme de 35 ans, a déclaré à Global Voices qu'elle avait dû payer 50.000 Livres Syriennes (approximativement 100 US dollars) à une tierce personne pour qu'elle sécurise les mines de sa maison après que les organisations chargées du déminage dans la zone ont rejeté sa demande, le tour de son quartier n'étant pas encore arrivé.

Elle expliquait également qu'elle avait dû retourner à Raqqa du fait des terribles conditions de vie dans les camps du nord et spécialement réservés aux déplacés internes syriens :

L’État Islamique a posé des mines partout : sous les matelas, parmi les décombres, dans des réfrigérateurs et des lave-linge. Les démineurs ont même retrouvé une mine à l'intérieur d'une lampe électrique.

D'après les habitants, seuls les quartiers résidentiels d'Al-Tayar, Al-Mishlab et Al-Darriah ont été complètement sécurisés et déminés.

À lire (en anglais) : Deux activistes syriens expliquent leur séquestration par Daech à Al Bab

À Raqqa, le processus de déminage prend beaucoup de temps du fait des manques en ressources logistiques et financières du conseil municipal. Cette situation force les civils à retourner dans leurs foyers toujours dangereux, causant des pertes régulières dans une ville qui a déjà souffert de l'occupation de l’État Islamique pendant près de quatre ans.

Portraits de traducteurs : pour Yann Leymarie, les valeurs et le principe de Global Voices font écho à qui il est et ce qu'il fait

mercredi 14 février 2018 à 20:16

Yann Leymarie – Photo remise

Yann LEYMARIE a rejoint l'équipe de traducteurs de Global Voices en français en novembre 2017. Responsable de la branche girondine d'un réseau européen s'occupant d'écologie marine, il a bien voulu répondre aux questions de notre contributeur de longe date Abdoulaye Bah.

Global Voices (GV) : Yann, qui es-tu ? Que veut dire Surfrider et pourquoi ce pseudo ?

Yann Leymarie (YL) : Je m'appelle Yann, citoyen français désormais basé à Bordeaux mais ayant vécu en Asie et au Moyen-Orient ces dernières années. Surfrider Foundation Europe, c'est le nom de l'association pour laquelle je travaille. Je suis en effet Responsable d'un bureau de coordination pour cette ONG qui est chargée de la protection des milieux aquatiques, des océans et de leurs usagers depuis 1990.

GV :  L’ONG Surfrider étant active dans le domaine de l’environnement, pensez-vous nous écrire des billets traitant de cette thématique ? GV est preneur, vous savez ?

YL : J'avais conscience qu'il existait une branche d'articles environnementaux puisque ma première traduction traitait de l'impact d'une centrale hydro-électrique sur le Parc national de Valbona en Albanie. Pour le moment je suis plus à l'aise dans la traduction mais il faudra bien que je saute le pas un jour, je peux déjà sentir le souffle des éditrices dans mon cou ;) .

GV : Raconte-nous comment tu as découvert Global Voices, et ce qui t’y a attiré ?

YL : Je recherchais des bénévoles pour un projet de traduction sur le site des Nations Unies et je suis tombé par hasard sur une candidate qui était bénévole pour Global Voices. Étant curieux de nature je suis bien évidemment allé jeter un œil. Les valeurs et le principe de GV m'ont directement attiré, ça faisait écho avec qui je suis et ce que fais.

GV : Après cette brève expérience, ton attente a-t-elle été satisfaite ?

YL : Jusqu'ici je suis très heureux d'avoir pris cette décision. La participation est simple mais encadrée, il y a un grand respect qui règne dans les communications et le soutien permanent des équipes encadrantes est crucial pour la motivation. Il y a un grand niveau de professionnalisme derrière !

GV : Étant jeune, je suppose que tu dois avoir beaucoup d'intérêts dans la vie. Quelle place occupe GV dans tes activités ? Et comment les concilies-tu avec ta vie hors du travail ?

YL : J'essaie de traduire un article par semaine. Même si c'est assez compliqué avec la charge de travail du moment, c'est aussi un plaisir de le faire et cela me permet de déconnecter totalement pendant quelques heures.

GV: Y a-t-il des liens entre ton activité pour GV et celle dans la sphère professionnelle ?

YL : L'encadrement de réseaux bénévoles est l'une de mes missions au quotidien, que ce soit pour du support de compétences ou des missions de traductions.

GV : Quelles langues pratiques-tu professionnellement ?

YL : Le Français et l'Anglais majoritairement. J'ai malheureusement assez honte de mon niveau actuel en Espagnol pour le ressortir du tiroir…

GV : Un souhait par rapport à ce que publie GV ?

YL : C'est assez incroyable de devoir le répéter en 2018, mais merci à GV de représenter la Presse Libre et la défense des droits d'accès à l'information et d'expression. Ce sont des droits fondamentaux mais qui sont de plus en plus menacés au niveau mondial.

Deki le lynx des Balkans est adulte, mais son espèce reste en danger

mercredi 14 février 2018 à 11:41

Deki, le lynx du parc national de Mavrovo, en Macédoine, photographié jeune en 2013 et adulte en 2017. Photographies de la Société écologique macédonienne, utilisées avec autorisation.

Ils sont parmi les résidents les plus reclus des Balkans : c‘est pour cette raison que les écologistes de Macédoine, d'Albanie et leurs alliés d'Europe de l'Ouest partagent les photographies prises récemment d'un lynx appelé Deki pour générer un soutien pour la protection des espèces en danger critique d'extinction.

Au cours de la première semaine de février 2018, la Macedonian Ecological Society (Société écologique macédonienne, MES) a diffusé des photos de Deki le montrant jeune et adulte, prises à l'aide de pièges photographiques dans le parc national de Mavrovo. La première photo datant de 2013, le montre âgé de huit mois derrière sa mère, tandis que la seconde le montre adulte. En 2015, le MES lui avait posé un collier muni d'un GPS pour suivre ses mouvements et a découvert que Deki “possède” un territoire beaucoup plus vaste que les lynx voisins, avec une superficie de 888 kilomètres carrés.

Seules quelques dizaines de lynx des Balkans vivraient encore dans la nature. Depuis douze ans, ces félins font l'objet du Programme de rétablissement des lynx dans les Balkans, une initiative qui rassemble des militants des deux côtés de la frontière entre la Macédoine et l'Albanie. Les organisations directement impliquées ont utilisé les résultats de leurs recherches sur le terrain pour sensibiliser sur la nécessité d'étendre la protection dans les parcs nationaux existants, ainsi que d'en ajouter de nouveaux afin de relier les zones où vit le lynx des Balkans.

Le photographe chypriote de la nature Silvio Rusmigo a documenté le processus de mise en place des caméras et des pièges en Macédoine. Les scientifiques utilisent des pièges pour capturer temporairement les animaux afin de les étudier et de leur poser des colliers munis de radio GPS. Dans un article relatant l'expérience, Rusmigo décrit les difficultés de rencontrer un lynx :

Deforestation is one of the main threats to the area’s wildlife; one that is swiftly noticed as one arrives on the south-west Balkan Mountains. Logging activities carried out on horseback, owing to the inaccessibility of these mountains, leave the sight of wounded trees of which only fragments can be transported down. As evident as the thinning of the forest, is the despair outlined on the faces of those working hard for the cat’s protection. Joining the 2017 spring fieldwork and listening to their stories, the conservationists’ disappointment far surpasses that caused by employing a whole team to drive for hours and hike up to a remote location following the trigger of a box trap, only to find that it was activated by a passing owl. The agony of the confused owl may vanish after its release; but for the Balkan Lynx team, the let-down brought about by years of efforts on a road filled with elements that hinder their fruition, such as the seizing of a box-trap which took place during my short stay, lingers on and makes one wonder of their persistence to carry on.

La déforestation est l'une des principales menaces pour la faune de la région : c'est ce qui saute aux yeux lorsqu'on arrive sur les montagnes du sud-ouest des Balkans. Les activités d'abattage menées à cheval, en raison de l'inaccessibilité de ces montagnes, laissent à la vue des arbres blessés dont seuls les fragments peuvent être transportés vers le bas. Aussi évident que l'amincissement de la forêt, c'est le désespoir sur les visages de ceux qui travaillent dur pour la protection du félin. En accompagnant des chercheurs pour le travail de terrain au printemps 2017 et en écoutant leurs histoires, le désespoir des défenseurs de l'environnement dépasse de loin celui causé par l'utilisation d'une équipe entière pour conduire et escalader pendant des heures jusqu'à un endroit éloigné pour ne trouver qu'un piège déclenché par une chouette qui passait. La chouette peut disparaître après sa libération, mais pour l'équipe de recherche sur le lynx des Balkans, la déchéance provoquée par des années d'efforts sur une route remplie d'éléments qui entravent leurs travaux, comme la saisie d'un piège qui a eu lieu pendant mon court séjour, se prolonge et rend songeur quant à leur persistance à continuer.

En 2017, le Protection and Preservation of Natural Environment in Albania (PPNEA, Protection et préservation de l'environnement naturel en Albanie) qui fait partie du Programme de rétablissement des lynx dans les Balkans, a diffusé des photos de lynx prises dans le parc naturel régional Nikaj-Merturi, dans le nord-est de l'Albanie, à la frontière du Kosovo. L'ours brun, le sanglier, le chevreuil et le renard roux vivent également dans la région, qui est reliée au parc national de Valbona [situé au nord de l'Albanie]. Les militants avaient protesté [fr] pour y empêcher la construction d'une centrale hydroélectrique par crainte de la destruction de l'écosystème.

Une lynx des Balkans et son petit sur la montagne de Jablanica, Macédoine. Photographie de la Macedonian Ecological Society, utilisée avec autorisation.

La plus grande partie de la population des lynx en Macédoine a été documentée dans le parc national de Mavrovo. En 2010, l'ancien gouvernement macédonien avait lancé un important projet hydroélectrique dans la région. Cependant, une campagne de plaidoyer menée avec succès par l'organisation non-gouvernementale (ONG) NG Eko-svest a réussi à prouver l'impact environnemental négatif à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), qui a annulé le prêt, mettant ainsi fin au projet.

En outre, la MES a publié des photographies d'apparitions de lynx à l'extérieur du parc national de Mavrovo. En juin 2017, ces photographies montraient une taniere avec un petit près de Kichevo, dans la région de la montagne Ilinska. En novembre 2017, elle a également diffusé des images prises de nuit d'une mère et son petit sur la montagne non protégée de Jablanica, qui borde un parc national du côté albanais. Le représentant de la MES, Dime Melovski, a réagi en expliquant que c'était un signe positif que la reproduction du lynx se déroule en dehors de la zone du parc national de Mavrovo.

Une autre ONG macédonienne, Ploshtad Sloboda, a publié un documentaire en ligne pour plaider en faveur de l'octroi du statut de parc national à Shar Planina, une chaîne de montagnes traversant le Kosovo, la Macédoine et l'Albanie, afin d'assurer la protection du lynx. Ce film est en macédonien mais est également sous-titré en anglais :

La carte suivante, compilée par l'équipe de Global Voices, montre que les zones où des lynx ont été photographiés ne sont pas connectées :

Les photographies du lynx des Balkans sont prises par des pièges photographiques en Macédoine et en Albanie depuis 2012. Carte réalisée par Global Voices, basée sur une carte Wikipedia de la région, des données d’EuroNatur et des photographies de la Macedonian Ecological Society – MES utilisées avec permission

Outre la perte d'habitat, la faune des Balkans fait l'objet de braconnage, en particulier en raison de la corruption politique qui permet aux hommes forts locaux de se livrer à la chasse pour démontrer leur attitude “macho” en toute impunité. Récemment en Macédoine, des chasseurs se sont vantés sur Facebook de tuer des espèces en voie de disparition comme des chamois et ont publié des photographies. Ils ont été fortement critiqués, mais il n'y a aucune trace de suivi de la part de la police :

Un lynx empaillé vieux de plusieurs décennies et d'autres animaux locaux ornent la réception d'un hôtel dans la station de ski de Mavrovo, située dans le parc national. Photographie par Global Voices, CC-BY.

En décembre 2017, la 37e session du Comité permanent de la Convention de Berne sur la protection de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe a accepté l'initiative du Ministère albanais du tourisme et de l'environnement d'inclure le lynx des Balkans (Lynx lynx balcanicus) dans son annexe II. Cela servira de base pour l'intensification des efforts internationaux pour sauver l'espèce, tandis que les militants l'ont également interprété comme une forme de reconnaissance de leurs efforts.

Ouiii ! Le lynx des #Balkan inclut dans l'annexe 2 de #BernConvention vient d'être adopté à l'unanimité ! Succès !!!

Le plus grand journal du Brésil quitte Facebook, qu'il accuse d'être un foyer de “fake news”

lundi 12 février 2018 à 14:47

Facebook a annoncé en janvier vouloir réduire les contenus publiés par les pages — de marques et médias — sur les fils d'information de ses utilisateurs, au profit des textes des amis. Image: Pixabay CC0

Un des plus grands et plus influents journaux du Brésil a décidé de se rebeller contre Facebook en cessant de publier du contenu sur sa page, qui compte près de six millions d'abonnés.

La décision, annoncée dans un éditorial du 9 février, paraît sans précédent pour une page d'organe d'information majeur dotée d'une telle masse d'abonnements. Le temps dira si d'autres grandes institutions de presse emboîteront le pas à la Folha.

Le conglomérat de médias Folha de S. Paulo, dont les ventes papier et numérique approchent les 300.000 exemplaires, a fait savoir que sa décision provient essentiellement du récent changement apporté par Facebook au fil d'information de ses utilisateurs, visant à réduire la quantité de contenu posté par les pages Facebook pour favoriser les posts d'amis et de la famille.

L'éditorial explique :

[Le fil d'actualité actuel] souligne la propension des utilisateurs à  consommer les contenus avec lesquels ils ont des affinités, favorisant la création de bulles d'opinion et la propagation de fake news.

Outre sa page Facebook principale, les pages Facebook de la Folha pour les sections particulières du journal s'enorgueillissent de 2,2 millions d'abonnés supplémentaires. La Folha ne prévoit pas de se débarrasser de ses pages Facebook, mais indique que dorénavant elles ne seront plus mises à jour. Le dernier post sur le fil chronologique de la page est celui annonçant son abandon.

La Folha dit continuer à mettre à jour ses comptes sur Twitter (6,2 millions d'abonnés), Instagram (727.000 abonnés) et LinkedIn (72.000 abonnés).

Pour les Brésiliens qui tirent l'essentiel de leur information de Facebook, cela signifie qu'à l'avenir ils ne l'obtiendront plus de la Folha. L'éditorial ajoute cependant que Facebook a perdu sa prééminence parmi ses plateformes de distribution dès avant l'annonce par la compagnie de son changement d'algorithme. Dans une étude menée par la Folha elle-même, qui analysait les interactions sur 51 pages Facebook de médias professionnels et 21 de sites de “nouvelles fausses ou à sensation” , montrait que les interactions d'utilisateurs avec le premier groupe a chuté de 17 % d'octobre à décembre 2017. Les interactions avec le second groupe (“sites de nouvelles fausses et à sensation”) ont bondi de 61 % dans le même intervalle.

Néanmoins, le directeur général de la Folha, Sérgio D'Ávila, a dit dans un entretien avec le Guardian que le changement de l'algorithme de Facebook était “le facteur décisif” :

En bannissant efficacement le journalisme professionnel de ses pages en faveur des contenus personnels et en ouvrant l'espace à la prolifération des “fake news”, Facebook est devenu un milieu inhospitalier pour ceux qui veulent offrir du contenu de qualité comme le nôtre.

Le malaise autour des “fake news” et de la désinformation est lourd au Brésil à l'approche de l'élection présidentielle de septembre 2018. Ce sera le premier scrutin à suivre la destitution controversée de la présidente Dilma Rousseff (Parti des Travailleurs) en 2016.

Début décembre 2017, le gouvernement brésilien a instauré une commission pour surveiller et éventuellement faire bloquer les articles de fausses nouvelles sur les médias sociaux avant l'élection à venir. L'opinion s'est alors inquiétée de la censure.

Fondée en 1921 et propriété depuis 1962 de la famille Frias, dont les origines remontent à l'aristocratie coloniale brésilienne du 19ème siècle, la Folha de S. Paulo est généralement considérée comme le journal le plus libéral de la presse de centre-droit au Brésil, même si on l'associe toujours aux secteurs plus conservateurs de la société.

Le journal a longtemps été accusé de collaboration avec le régime militaire qui a gouverné le Brésil de 1964 à 1985, parce qu'il prêtait même ses véhicules à la police à l'époque, des allégations qu'il nie. En 2009, un éditorial qualifiait le régime militaire de ‘ditabranda‘, ou ‘dictature douce’, par comparaison avec d'autres régimes d'Amérique latine de l'époque, provoquant l'indignation dans l'opinion et une manifestation devant le siège du journal.

Pendant les manifestations de 2013, la journaliste de la Folha Giuliana Vallone a été tuée d'une balle de caoutchouc dans l'œil le jour même où la Folha publiait un éditorial défendant la répression policière. La large diffusion ensuite sur les médias sociaux de la photo de Vallone, l'œil en sang, a été considérée comme un tournant majeur dans la contestation, et celui qui a enraîné un glissement de la presse vers le soutien aux manifestations.

Netizen Report : crainte des informations frauduleuses et limitation de la liberté d'expression en période pré-électorale au Brésil

lundi 12 février 2018 à 13:14

Art au pochoir, Wisconsin, Etats-Unis. Photo de David Drexel via Wikimedia Commons (CC BY 2.0)

Le Netizen Report de Global Voices Advox offre un aperçu des défis, des victoires et des tendances émergentes en matière de droits numériques à travers le monde.

Le spectre des “fake news” s'étend constamment et la capacité des sociétés Internet à contrôler et tirer profit de la diffusion des informations semble s'accroître de jour en jour. Les responsables démocratiques du monde s'empressent alors de restreindre les libertés d'expression et de faire la distinction entre les motivations derrière l'information sur le net : pouvoir politique, argent ou simple échange libre d'idées ?

Début décembre 2017, le gouvernement brésilien a créé une commission [fr] pour surveiller et exiger le blocage de contenu frauduleux sur les réseaux sociaux avant les élections présidentielles de 2018. La nouvelle a rapidement suscité des inquiétudes parmi le public sur une possible censure.

Lors de sa première réunion, la commission a proposé [pt] la création d'un outil grâce auquel chaque utilisateur peut soumettre à la commission des articles qui lui paraissent suspicieux.

La commission n'a pas expliqué comment ce système s'intégrerait avec les entreprises de réseaux sociaux, seules entités compétentes pour supprimer le contenu ou les comptes diffusant ces “fausses actualités”. Ses membres ont déclaré négocier le soutien de ces entreprises mais restent obscurs quant à leurs objectifs.

De précédentes tentatives dans la mise en place d'un tel contrôle avaient produit des résultats peu concluants. En décembre 2016, lorsque Facebook a lancé la fonctionnalité “Signaler une fausse information”, de nombreux utilisateurs ont signalé du contenu frauduleux pour discréditer des informations ou des idées avec lesquelles ils étaient en désaccord, même lorsque ces idées s'appuyaient sur des faits vérifiés.

Outre-Atlantique, le président français Emmanuel Macron a annoncé de nouvelles mesures [fr] visant à contrôler la diffusion d'informations frauduleuses. Ces mesures exigeront la suppression de contenu et la censure des sites Internet diffusant ces informations, ainsi que la fermeture par ordre judiciaire des comptes utilisateurs contrevenants.

De plus, un nouveau projet de loi visant les contenus sponsorisés sur les plates-formes de réseaux sociaux a été présenté au parlement français. Si cette loi est adoptée, elle exigera des plates-formes de “rendre publique l'identité des sponsors et de ceux qui les contrôlent” et imposera des limites au montant payé par le sponsor pour un tel contenu.

Selon le président Emmanuel Macron, l'objectif de cette loi est de “protéger la vie démocratique”.

En France comme au Brésil, il est difficile de savoir comment les gouvernements imposeront aux entreprises des réseaux sociaux d'identifier et/ou de supprimer un tel contenu à une telle échelle.

Le Vietnam recrute des milliers d'employés pour faire la chasse aux “opinions répréhensibles” sur Internet

Le 25 décembre 2017, le colonel général Nguyen Trong Nghia, vice-président du Département général de politique de l'armée populaire du Vietnam, a annoncé que l'armée avait créé une force spéciale chargée de “combattre les informations erronées et la propagande anti-gouvernementale”. Ce corps est déjà composé de 10.000 employés.

La Chine censure plus de 100.000 sites Internet pour contenu préjudiciable

Le 8 janvier, l'agence officielle de presse chinoise Xinua a déclaré qu'environ 128.000 sites Internet ont été censurés en Chine en 2017 pour cause de contenu “préjudiciable”, comprenant des articles de sources “non-autorisées” ou pornographiques. Plus récemment, les responsables de l'administration ont condamné le célèbre agrégateur de contenu Toutiao, qui selon eux diffusait illégalement des actualités sans avoir obtenu les autorisations nécessaires de la part des autorités.

Un tribunal chinois juge une affaire contre la censure et la surveillance

Un tribunal de Pékin a accepté de juger une affaire concernant le responsable de la censure médiatique de contenu LGBTQ sur Internet. En juin 2017, la China Netcasting Services Association [l'association de services de diffusion en ligne de Chine, NdT] avait indigné le public en publiant de nouvelles règles interdisant le contenu en ligne représentant des “relations sexuelles ou des comportements anormaux”, incluant l'homosexualité. Le procès intenté par Fan Chunlin, un trentenaire résidant à Shanghai, exige du régulateur médiatique de fournir un fondement légal pour décrire l'homosexualité comme “anormale”. La décision du tribunal est attendue dans les six prochains mois.

Dans la province de Jiangsu, un tribunal a accepté de juger une plainte déposée par un groupe de défense des droits des consommateurs contre Baidu, l'une des plus grande entreprise Internet de Chine. Le comité de défense des consommateurs de la province de Jiangsu accuse les produits Baidu, notamment son application mobile et son moteur de recherche, d'accéder sans leur consentement aux messages, appels, contacts et autres données personnelles des usagers.

En Indonésie, un drone participe à la censure

Le Ministère de la communication et de l'informatique indonésien a lancé un nouveau programme visant à améliorer le processus de blocage de contenu “négatif” en ligne grâce à l'intelligence artificielle. Connu sous le nom de “Cyber Drone 9,” le programme allie de nouveaux outils technologiques (n'impliquant en réalité aucun drone) et une équipe de personnel en charge de contrôler le contenu “négatif” identifié par le logiciel et de décider s'il doit être censuré.

Vous visitez les États-Unis ? Vous pourriez devoir donner votre téléphone portable. 

Les agents des services frontaliers américains auraient fouillé 30.200 appareils en 2017 aussi bien pour les voyageurs entrants que sortants, contre 19.051 en 2016. Le Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis a publié de nouvelles directives imposant, entre autres, aux téléphones d'être débloqués sur demande et autorisant les agents à copier et enregistrer les informations provenant des téléphones portables des voyageurs.

La pénétration d'Internet et des téléphones mobiles augmente partout, sauf au Vénézuela

La presse vénézuélienne et le site d'analyse El Estimulo ont publié un rapport détaillé [es] sur les taux de connectivité à Internet et au réseau téléphonique mobile, qui déclinent au Vénézuela. L'article met l'accent sur les statistiques du Syndicat des télécommunications internationales montrant que la pénétration des téléphones mobiles a baissé de 102 % en 2012 (un nombre qui reflète les individus avec plusieurs téléphones portables) à 87 % en 2016. Cet article suit aussi les dommages sur les infrastructures souterraines dont l'État a négligé l'entretien. L'article cite Marianne Diaz, auteure pour Global Voices :

The increasing deterioration of infrastructure is neither coincidental nor accidental. It is the result of decisions and policies implemented by power structures. The end result is that it is making citizens suffer the consequences of infrastructural decay and the state is not upholding its obligations to guarantee access to basic services…

La détérioration grandissante des infrastructures n'est ni fortuite ni accidentelle. C'est le résultat de décisions et de politiques par le pouvoir en place. Au final, les citoyens souffrent des conséquences du déclin des infrastructures et l'État ne respecte pas ses obligations de garantir un accès aux services de base…

En Tunisie, la loi sur les cartes d'identité biométriques est morte, pour l'instant

Le 9 janvier, le gouvernement tunisien a retiré la proposition de loi [fr] qui aurait imposé un schéma d'identification national biométrique à tous les citoyens tunisiens. Le retrait est dû à un afflux de requêtes et d'amendements soumis par la commission parlementaire des droits et libertés, mais dont beaucoup ont été formulés par des citoyens.

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