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Netizen Report : Le gouvernement du Togo ferme l'Internet et les SMS devant l'escalade protestataire

mercredi 13 septembre 2017 à 15:54

Manifestants à Lomé, capitale du Togo, le 6 septembre. Nous sommes 1 million dans les rues #Fauredoitpartir Photo partagée sur Twitter par Farida Nabourema @Farida_N.

Le Netizen Report de Global Voices offre un aperçu des défis à relever, des victoires obtenues et des tendances émergentes en matière de libertés numériques dans le monde.

Internet et les SMS sur mobile se sont totalement éteints au Togo, un pays d'Afrique de l'Ouest, au matin du 7 septembre.

Les manifestations anti-gouvernementales ont pris de l'ampleur dans la capitale Lomé, et les leaders de l'opposition exigent désormais la démission du Président Faure Gnassingbé. Le 5 septembre, les utilisateurs ont commencé à signaler que les connexions Internet mobiles étaient incomplètes et que les sites de médias sociaux comme Facebook étaient totalement inaccessibles.

Au matin du 7 septembre, les mêmes chercheurs faisaient savoir à Global Voices que tous les réseaux internet (connexions mobiles et fixes) étaient tombés, et que tous les SMS mobiles et transactions monétaires mobiles étaient bloquées.

L'entreprise de test de réseaux Dyn et le groupe ouest-africain de défense des droits numériques Internet sans Frontières, qui compte des membres au Togo, ont vérifié ces signalements par des tests techniques.

Le Togo coupe le service internet face à d'énormes manifestations anti-gouvernement.

Dans une émission de la radio togolaise Victoires FM, le ministre de la Fonction Publique et porte-parole du gouvernement Gilbert Bawara a confirmé que l'internet avait été coupé pour raisons de sécurité. “Même dans les pays les plus développés, les autorités prennent le contrôle des télécommunications dans certains cas”, a-t-il dit.

L'objectif prioritaire des manifestants est d'empêcher les députés d'autoriser le Président Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005, à se présenter pour un nouveau mandat. L'actuel président a succédé à son père, Gnassingbe Eyadema, resté en place pendant 38 ans.

Alors que la coupure a rendu difficile pour les manifestants togolais de rendre compte sur les médias sociaux de ce qu'ils voyaient, la blogueuse Farida Nabourema envoyait des tweets depuis la frontière avec le Ghana, où elle disait pouvoir trouver du signal.

Les images et vidéos des manifestations au Togo arrivent lentement parce que l'internet est coupé et il faut aller à la frontière ghanéenne pour utiliser le leur

Les coupures sont contraires aux protections du droit international pour les droits à la liberté d'expression et à l'accès à l'information, et contreviennent à une résolution de l'ONU de 2016 qui condamnait l'interruption intentionnelle par les gouvernements de l'accès à l'internet.

Elles empêchent aussi des centaines de start-ups et entreprises locales de travailler et de fournir leurs services, simplement parce que leur activité repose sur l'accès internet. Une récente étude de Deloitte a démontré qu'une coupure d'internet peut coûter à un pays jusqu'à 1,9 % de son PIB par jour.

Une journaliste indienne critique de Modi abattue

La journaliste indienne chevronnée Gauri Lankesh a été assassinée par balles devant sa maison à Bangalore le 5 septembre. Gauri Lankesh s'était positionnée dans une ferme opposition au Premier Ministre Narendra Modi dans son travail de journaliste, et a été reconnue coupable en 2016 de diffamation envers deux politiciens du Bharatiya Janata Party au pouvoir. Dans de récents entretiens, elle disait son inquiétude pour l'état de la liberté d'expression en Inde après avoir été harcelée et visée par des menaces de mort en ligne. Voici un de ses derniers tweets :

pourquoi ai-je l'impression que certains de ‘nous’ se battent entre eux ? Nous connaissons tous notre ‘plus grand ennemi’, si nous nous concentrions plutôt là-dessus ?

La police enquête sur son meurtre mais n'a encore arrêté aucun suspect.

Un Chinois en prison pour avoir vendu des VPN

Les autorités chinoises ont condamné un homme à neuf mois de prison pour vente de réseaux privés virtuels permettant de contourner la censure internet. L'homme a été reconnu coupable de “fourniture de logiciels et outils pour envahir et illégalement contrôler le système informatique”, une définition insolite des VPN. Les autorités chinoises ont annoncé en début d'année une répression des services non autorisés de VPN.

Les dirigeants communistes invitent les entreprises chinoises de technologies à rejoindre le parti

Lors d'un récent symposium, les responsables du Parti communiste chinois ont invité les entreprises internet du pays à renforcer leur contribution à la “construction du parti”. Dans le cadre d'une opération visant manifestement à instaurer un plus large contrôle de l'internet, les entreprises de technologie sont sous pression pour monter des cellules du PCC, qui ont habituellement un rôle consultatif dans l'entreprise, mais dans certains cas peuvent être plus actives. Une incitation à rapprocher de la nouvelle loi de cybersécurité chinoise, qui permet aux autorités de fermer les sites enfreignant les “valeurs essentielles du socialisme.” Au moins 34 entreprises internet situées à Pékin ont désormais des cellules du parti, parmi lesquelles Weibo, Jingdong, Sohu, 360 et Lets TV.

Les rapporteurs de l'ONU dénoncent la censure des médias en Egypte

Les rapporteurs spéciaux de l'ONU pour la liberté d'expression, David Kaye, et pour les droits humains et l'anti-terrorisme, Fionnuala Ní Aloáin, ont exprimé de “graves inquiétudes” à propos de la multiplication des fermetures de sites web par le gouvernement égyptien. Au moins 21 sites internet d'information seraient bloqués dans le pays, dont MadaMasr, Al Watan, et Huffpost Arabi, de même que les sites d'organisations de défense des droits comme Reporters sans Frontières. Il n'existe pas de liste publique des sites bloqués, ce qui rend difficile d'en dresser le compte total. “Dans le cas des blocages à grande échelle en Egypte”, écrivent-ils, “les blocages apparaissent fondés sur une législation anti-terroriste trop extensive, ils manquent de toute forme de transparence et n'ont qu'un contrôle judiciaire extrêmement limité, sinon inexistant”.

Site de science ouverte bloqué en Russie

Sci-Hub, la base de données scientifique gratuite et ouverte la plus vaste du monde, vient d'être bloqué en Russie — mais pas par les régulateurs russes. En réalité, la fondatrice de ce site, Alexandra Elbakyan, a décidé de bloquer les visiteurs en ligne de Russie à cause de ce qu'elle a décrit, dans une lettre publiée sur la page d'accueil de Sci-Hub, comme la “persécution” qu'elle subit des scientifiques russes refusant que leurs travaux soient accessibles gratuitement. Elbakyan, qui est originaire du Kazakhstan, a démarré l'opération en 2011 dans le seul but d'accroître l'accès à la recherche scientifique et médicale au Kazakhstan et dans les autres pays où les universités n'ont souvent pas accès aux grandes bases de données, en majorité propriétés occidentales, de la recherche.

Apparemment, les règles de Twitter protègent les moustiques

Un utilisateur de Twitter au Japon a été exclu du service pour avoir menacé de mort un moustique. Son tweet était illustré par la photo d'un insecte mort.

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55 ans après avoir coupé le cordon d'avec le Royaume-Uni, Trinité-et-Tobago sont-elles indépendantes ou “sous dépendance” ?

mardi 12 septembre 2017 à 19:11

Timbre-poste où figurent l'hôtel Hilton Trinidad et un portrait de la reine Élisabeth II, ainsi que l'année où les îles de Trinité-et-Tobago sont devenues indépendantes du Royaume-Uni, en 1962. Photographie de Mark Morgan, CC BY 2.0.

Le 31 août 2017, Trinité-et-Tobago, pays composé de deux îles des Antilles au large du Venezuela, a célébré le 55e anniversaire de son indépendance du Royaume-Uni. Les réseaux sociaux ont été inondés de messages de félicitations d'usage, mais aussi de commentaires sur la signification de l'événement.

Dépendance ou indépendance?

Le jour se levait à peine quand les usagers de Facebook ont commencé à publier un “court essai sur l'état de notre indépendance” :

Outside of a few sporting and artistic achievements, some internationally recognized local cuisines, some good rum of course, a handful of beauty pageant titles, and a couple of regionally powerful privately owned conglomerates, the slap in the face reality is that after 55 years of independence, this nation has little else it can boast of achieving on an international scale that was not imported, built by or managed by foreigners [who] returned to reclaim everything our independence was meant to give us. […]

They now again own, manage and control every major aspect of our lives, our finance, economy and future, so I really don’t know what 55 years of independence achieved.

À part quelques succès sportifs et artistiques, quelques spécialités culinaires mondialement reconnues, quelques bons rhums évidemment, une poignée de concours de beauté et une paire de conglomérats privés influents dans la région, la dure réalité, c'est qu'après 55 ans d'indépendance, ce pays compte peu de réussites dont il puisse se vanter à l'échelle internationale qui n'aient pas été importées, bâties ou administrées par des étrangers revenus pour revendiquer tout ce que l'indépendance était censée nous offrir. […]

Aujourd'hui, ce sont à nouveau eux les propriétaires, ils administrent et contrôlent tous les pans importants de notre vie, nos finances, notre économie et notre futur, alors je ne sais vraiment pas ce qu'on a gagné en 55 ans d'indépendance.

Tyehimba Salandy, un utilisateur de Facebook, a exprimé la même inquiétude :

Myths of In Dependence: Eric Williams [Trinidad and Tobago's first prime minister] is not the father of the nation […] the national coat of arms glorifies Christopher Columbus, genocide and colonialism. Can we really celebrate and feel happy about all of this? In the words of Ramon Grosfoguel: ‘One of the most powerful myths of the twentieth century was the notion that the elimination of colonial administrations amounted to decolonisation of the world. The heterogeneous and multiple global structures put in place over a period of 450 years did not evaporate with the juridical-political decolonisation of the periphery over the past 50 years.’ Of course, we can still celebrate those who worked hard towards better, and contributed their blood, sweat and tears for this nation. Unfortunately much of them remains faceless, nameless, unknown or forgotten.

Les Mythes de la Dépendance : Eric Williams [le tout Premier ministre de Trinité-et-Tobago] n'est pas le père de la Nation… […] le blason national est à la gloire de Christophe Colomb, du génocide et du colonialisme. Peut-on vraiment fêter cela et s'en réjouir ? Selon Ramón Grosfoguel [philosophe portoricain du Groupe M/C – Modernité/Colonialité] : ‘un des mythes les plus puissants du vingtième siècle, c'est l'idée que supprimer les administrations coloniales revenait à décoloniser le monde. Les structures mondiales, hétérogènes et multiples que l'on a instituées pendant 450 ans ne se sont pas évaporées avec la décolonisation juridique et politique de la périphérie pendant ces 50 dernières années’. On peut, bien sûr, rendre hommage à ceux qui ont travaillé dur pour obtenir des avancées, qui ont donné leur sang, leur sueur et leurs larmes à cette nation. Malheureusement, il est impossible de mettre un visage ou un nom sur nombre d'entre eux ; ce sont des inconnus ou des oubliés.

Si beaucoup d'internautes ont reconnu que le pays avait son lot de défis à relever, d'autres se sont réjouis des nombreuses facettes du pays qui méritent d'être célébrées. Kathryn Stollmeyer-Wight a partagé les rêveries de son amie Stéphanie Garcia-Plummer :

Yuh go to NAPA [National Academy of the Performing Arts] to hear the young people […] play pan and yuh feel like yuh went to heaven without even bothering to die. […] Yuh go to the bank and see faces of every kind and colour. Yuh know a single mother who took in ironing for a living and her son is now a ‘big pappy lawyer’. You and your friends volunteer in various organizations and yuh don't sleep well at first because yuh can't help all the children and yuh want to take some home with you. Yes you are very aware that there many problems. High crime situation, inept politicians, ineffective policing, terrible roads inefficient health care ad nauseum ad infinitum. We know we are a third world country. We do need to hold our politicians accountable. […] Become more responsible citizens in every walk of life. Hopefully all is not lost. […]

Let us endeavor to do better, use our resources wisely, make good use of the many dozens of NGOs operating on this little island. What have you done lately to help? If you are not part of the solution you may be part of the problem.

Happy and safe independence to all.

Tu vas au NAPA [Académie Nationale des Arts du Spectacle] pour écouter les jeunes […] jouer de la flûte et tu sens que t'as atteint le Paradis, sans même avoir dû mourir avant. […] Tu vas à la banque, et tu vois des visages de tous types et de toutes les couleurs. Tu connais une mère célibataire qui a gagné sa vie en repassant et voilà que maintenant, son fils est un ‘grand grand avocat’. Toi et tes amis, vous êtes bénévoles dans plusieurs organisations, et au début t'as du mal à dormir à la nuit, parce que tu peux pas aider tous les enfants que tu voudrais, et que tu veux en prendre un avec toi. Oui, tu sais bien qu'il y a plein de problèmes. Une forte criminalité, des hommes politiques ineptes, des politiques sans résultats, des routes horribles, un système de santé inefficace ad nauseam ad infinitum. On sait qu'on est un pays du tiers-monde. Nous devons faire en sorte que nos politiques rendent des comptes. […] Devenir des citoyens plus responsables sur tous les plans. Avec un peu de chance, tout n'est pas perdu. […]

Essayons de faire mieux, d'utiliser nos ressources intelligemment, de tirer parti des dizaines et dizaines d'ONG qui sont à l’œuvre sur cette petite île. Qu'est-ce que tu as fait, ces derniers temps, pour apporter ton aide? Si tu ne prends pas part à la solution, tu es peut-être une part du problème.

À tous, une Fête de l'Indépendance joyeuse et sereine.

Dans le journal en ligne local Wired868, Corey Gilkes a lui aussi pris part au débat :

You, the Independence Generation and the children and grandchildren you sired—including me—are you happy with how things turned out?

I’ll rephrase: Yuh own up yet to the shit yuh do? Have you acknowledged yet that the more you’ve tried to bend up this country like a kurma trying to fit it into Western colonial notions of modernity, the deeper we’ve sunk into the faecal pool the British (un)consciously left behind? […]

The root of many of our problems is a near religious refusal to believe we can do better, deserve better and can accomplish things bigger, older countries may want to emulate. Forget foreign recognition and validation, we’ve got that over and over; it made no difference.

Learned self-contempt is exactly that, learned! It is acquired, installed through a system of schooling and churching informed by deeply racist, pseudo-scientific ideas and clever divide-and-rule measures an elite minority needed to keep in place.

Harsh words, you might think, but truths which must be spoken.

Toi, la Génération de l'Indépendance, et les enfants et petits-enfants que tu as engendrés —j'en fais partie— es-tu contente de la tournure qu'ont pris les événements ?

Dit autrement : t'assumes la responsabilité des conneries que tu as faites ? Tu as réalisé que plus tu as essayé de faire plier ce pays, comme un kûrma [divinité hindoue] qui tenterait de se mouler dans une idée coloniale et occidentale de la modernité, plus nous avons sombré dans la piscine fécale que les Anglais ont (in)consciemment laissé derrière eux ? […]

La racine de beaucoup de nos problèmes, c'est un refus presque religieux de croire qu'on peut mieux faire, qu'on mérite mieux et qu'on peut accomplir de plus grandes choses, qui pourraient être un exemple pour des pays plus vieux que nous. Oubliez la reconnaissance et l'approbation de l'étranger, nous en avons eu suffisamment ; ça ne change rien.

L'auto-dénigrement social est, précisément, un acquis social ! Il s'acquiert, s'installe grâce à un système scolaire et religieux nourri par des idées profondément racistes, pseudo-scientifiques, et une judicieuse politique de “diviser pour régner” qu'une élite minoritaire a eu besoin de maintenir.

Vous vous direz peut-être : les mots sont durs, mais ce sont des vérités qu'on a besoin d'entendre.

Il pense cependant, comme Stéphanie Garcia-Plummer, qu'il y a de l'espoir :

We have almost all the models we need right here; we have most of the solutions that will move us up to a different level. It’s all there in the heads of our grandparents who could barely read or write; it’s there in the civilisations that our ancestors came from which we have been taught to scorn.”

What we lack is the self-confidence to tap into it…

Nous avons presque tous les modèles dont nous avons besoin juste devant nous ; nous détenons la plupart des solutions qui nous feront progresser. Tout est dans la tête de nos grands-parents qui savaient à peine lire et écrire ; tout est là, dans les civilisations d'où sont venus nos ancêtres, celles qu'on nous a appris à mépriser.

Il nous manque la confiance en nous pour y puiser…

Feu d'artifice de la fête de l'indépendance (Port of Spain, Trinidad). Photographie de C*POP partagée par Georgia Popplewell, CC BY-NC-ND 2.0.

Dans le même registre, beaucoup d'utilisateurs de Facebook ont été consternés par la musique choisie pour accompagner la retransmission du feu d'artifice de la Fête de l'Indépendance à la télévision nationale. Voici ce qu'elle a inspiré à Peter Samuel :

55 YEARS of INDEPENDENCE and they could not find anything local to play… SMDH…. Big FAT steupsss.

55 ANS d'INDEPENDANCE, et ils n'ont même pas pu mettre de la musique locale… J'y crois pas… Gros Gras steupsss.

Le “steups”  est le bruit que font les habitants en aspirant de l'air entre leurs dents, généralement en signe d'énervement ou de désapprobation.

Des politiques divisés

Étrangement, un événement censé rassembler les deux bords politiques n'a fait que les éloigner davantage, suite à la publication d'un article affirmant que pour la deuxième année consécutive, la chef de l'opposition Kamla Persad-Bissessar, ainsi que certains autres de ses membres, n'ont pas assisté au défilé traditionnel de la Fête de l'Indépendance.

Hyacinth Bovell, un utilisateur de Facebook, a commenté :

Thought that this was a NATIONAL CELEBRATION.

Je pensais que c'était une FÊTE NATIONALE.

Rhoda Bharath a été moins diplomate :

Actualisation publique du statut de Rhoda Bharath sur Facebook : “Alors l'opposition a vraiment évité les cérémonies de l'indépendance ? Pour de vrai ? En 2017 ? Joyeux 55e anniversaire, Trinité-et-Tobago”.

Des images d'unité ont cependant été diffusées, en particulier celles de la photographe Maria Nunes, qui couvre régulièrement des événements nationaux et des festivals :

Défilé de l'indépendance sur Tragarete Road, organisé par le groupe Newtown Playboyz. Photographie de Maria Nunes, publiée avec son autorisation.

Scènes du défilé de l'indépendance de Newtown Playboyz. Photographie de Maria Nunes, publiée avec son autorisation.

Autres points de vue

Ce 55e anniversaire a été perçu de multiples manières. Comme le veut la tradition, ils sont nombreux à avoir rajouté une dose d'humour à l'ensemble, grâce à un mème qui reprend une photographie connue du Dr. Eric Williams, une des figures de l'indépendance de Trinité-et-Tobago et le premier à occuper le poste de Premier ministre, avec des membres des Beatles — sauf que dans cette version s'est glissé subrepticement le personnage de Cedric Burke, un “délinquant présumé” dont la présence à la récente investiture d'une ministre du gouvernement a agité les réseaux sociaux, et a débouché sur le limogeage de celle-ci.

Mème largement diffusé sur les réseaux sociaux. En légende : “Le Dr. Eric Williams pose avec John Lennon et Ringo Starr, des Beatles. [photographie 1966]”.

Rhoda Bharath, qui a partagé le mème sur Twitter, a commenté :

Eric aurait jamais dû vous donner votre Indépendance!
QUI a fait ÇA?!

Trinité-et-Tobago est devenue indépendante du Royaume-Uni en 1962, et a choisi l'ibis écarlate comme symbole de Trinité et l'ortalide à ventre roux pour Tobago. Les deux espèces apparaissent sur ses armoiries. Photographie d'un ibis écarlate par Len Blumin, CC BY-NC-ND 2.0.

Dans un article sur Wired868, Salaah Inniss a attiré l'attention sur les menaces qui pèsent sur l'oiseau national de Trinité-et-Tobago, l'ibis écarlate, une espèce protégée qui est malgré tout victime du braconnage :

As we approach the 55th anniversary of the attainment of Independence, I think it is appropriate to ask whether national pride is only fit to be, like the national flag, unveiled and unfurled when we are strutting proudly on the international stage. Shouldn’t national pride be something we show off on a daily basis, arguably in everything we say or do?

Alors que nous approchons du 55e anniversaire de la proclamation de l'indépendance, je crois qu'il faut se demander si la fierté nationale, tout comme le drapeau, doit se révéler et se déployer quand on se pavane sur la scène internationale. La fierté nationale ne devrait-elle pas être quelque chose qu'on montre tous les jours, peut-être dans chacun de nos actes ou paroles?

Patricia Worrell, une maîtresse d'école retraitée, a déploré que les jeunes générations connaissent si mal le pays :

Just had the ‘pleasure’ of listening to interviews with some young Trini people who were clearly clueless about basic facts about Trinidad and Tobago.
And I was getting more and more angry with them, and disgusted at their basic ignorance about their own country, until I remembered:
These young men and women have all passed through the education system in T&T, which obviously allows our citizens to experience both primary and secondary education, and to emerge with all the bloom of their ignorance about their country upon them.

Je viens d'avoir le ‘plaisir’ d'écouter deux interviews de jeunes trinidadiens qui n'avaient visiblement aucune connaissance de base sur Trinité-et-Tobago.
Et je m'énervais de plus en plus contre eux, j'étais écoeurée de leur profonde ignorance sur leur propre pays, jusqu'à ce que je me rappelle ceci :
Ces jeunes sont passés par le système éducatif de Trinité-et-Tobago, qui, évidemment, leur permet de bénéficier d'une éducation primaire et secondaire, et d'en ressortir auréolés de toute leur ignorance sur le pays.

Mais comme toujours sur ces îles jumelles, c'est l'espoir qui a eu le dernier mot. La criminologue Renée Cummings s'est exprimée dans un post sur Facebook :

I remain hopeful that one day soon our collective behaviour as a nation will catch up to the holidays we celebrate. We began the month with Emancipation Day and we end it with Independence Day. How powerful is that! Happy 55 beautiful T&T!

J'ai encore l'espoir qu'un jour prochain, notre comportement à tous sera à la hauteur des festivités que nous célébrons. Le mois a commencé avec la Fête de l'Émancipation [qui commémore l'abolition de l'esclavage], et il s'achève avec la Fête de l'Indépendance. Ce n'est pas rien ! Joyeux 55e anniversaire, belle Trinité-et-Tobago !

Ce que pensent les Chinois de la réaction de leur gouvernement aux essais nucléaires de Pyongyang

mardi 12 septembre 2017 à 15:17

Dessin de @badiucao publié le 6 septembre 2017, sous le titre #BombesAtomiquesNordCoréennes : les dictateurs sont les cauchemars des dictateurs.

[Article d'origine publié le 7 septembre] La dernière œuvre du caricaturiste politique chinois Badiucao, “Les dictateurs sont les cauchemars des dictateurs”, traduit peut-être le mieux le ressenti de l'opinion en Chine face aux récentes actions militaires agressives de la Corée du Nord.

Son dessin montre un Kim Jong-un en gants blancs giflant son adversaire, le Président américain Donald Trump, et son allié, le Président chinois Xi Jinping, d'un geste parfaitement identique — et probablement embarrassant pour des dirigeants soucieux de projeter une image de solidité.

Il a été publié après que Pyongyang a tiré le 28 août un missile balistique qui a survolé l'île japonaise de Hokkaido et s'est abîmé en mer après un trajet de 2.700 kilomètres – une distance permettant d'atteindre les villes principales de la Chine du nord et de l'est, comme Pékin et Shanghai. Avant de procéder la semaine suivante à un essai nucléaire en affirmant qu'il s'agissait d'une bombe à hydrogène avancée pouvant être embarquée sur un missile intercontinental.

Selon l'estimation du NORSAR, le Réseau norvégien de surveillance sismique et nucléaire, la puissance de la bombe atteindrait 120 kilotonnes, la plus forte des six essais nucléaires nord-coréens et dépassant chacune des deux bombes atomiques larguées sur les villes japonaises de Hiroshima et Nagasaki par les USA pendant la deuxième guerre mondiale.

Le branle-bas de Pyongyang succédait à une série de déclarations tonitruantes de Trump, et s'est déroulé au moment où était sous les feux de la rampe internationaux en accueillant le Sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) à Xiamen, une ville portuaire de la Chine du sud-est.

Les analystes diplomatiques ont théorisé que le le moment choisi pour les tests visait à causer “un embarras maximum” à M. Xi en vue de faire pression sur lui, dans l'espoir qu'il influe les USA dans le sens d'une ouverture de négociations effectives avec Kim Jong-un.

Le sujet n'a pas manqué de toucher une corde sensible en Chine. La réaction officielle de Pékin a été concise et modérée, et les autorités ont commencé à censurer les mots-clé comme “bombe à hydrogène” sur les médias sociaux chinois.

Ce qui n'a pas empêche pas les internautes de trouver une voie pour leurs commentaires sceptiques sur la réaction de la Chine, et de débattre des effets pour leur pays de l'action de la Corée du Nord.

Le 3 septembre, l'éditorial du Global Times, la voix du Parti communiste chinois, a exhorté au calme, expliquant que la Chine devait rester ferme sur la possible pollution radioactive de la Chine du Nord-Est par les tests nord-coréens, et suggérant implicitement que la Chine devrait reconnaître la Corée du Nord comme une puissance nucléaire de fait :

朝鲜最新核试爆和最近的一系列中远程导弹试验显示,平壤软硬不吃,它决心获得中远程核打击能力,不会向任何外来压力屈服,朝核问题几近成为死结。
中国需面对这一复杂态势保持高度冷静,从中国的国家利益出发采取措施,最大限度地减轻中国社会从中面临的风险。
中国东北的安全是第一位的,我们需要通过各种管道明确告诉平壤,它的核试验不能污染中国东北。中国的战略安全与环境安全是中国对其采取克制行动的底线。

La dernière série nord-coréenne d'essais nucléaires et de lancements de missiles balistiques a indiqué que Pyongyang n'entend accepter de négociations ni dures ni souples, mais est déterminé à équiper le pays d'une batterie de missiles nucléaires, sans se soumettre à aucune pression extérieure. L'impasse est totale.

La Chine doit garder son sang-froid dans cette situation hautement complexe. Les décisions doivent être fondées sur l'intérêt national  — de façon à réduire le risque pour la société chinoise.

La priorité est la sécurité de la Chine du nord-est. Nous devons dire à Pyongyang que ses essais nucléaires ne peuvent pas polluer la province du Dongbei. La sécurité stratégique et environnementale est la ligne de base de la retenue chinoise.

Les lecteurs ont réagi, goguenards :

谴责就行

Tout ce qui nous reste à faire c'est critiquer [Pyongyang].

不用理它,继续做我们的中国梦

Inutile d'y faire attention. Poursuivons notre rêve chinois.

看完了 这文章重点就是 不能被拖下水 不能冲锋陷阵 前提是东北安全 但是问题来了 你咋保证东北安全……

Le point central de l'éditorial, c'est : ne pas se laisser entraîner en eaux troubles, ne pas se battre. Le postulat est la sécurité du Dongbei, mais s'il n'y a aucun moyen d'assurer la sécurité du Dongbei quand le problème des [radiations] arrive…

Une discussion nourrie sur le test de la bombe à hydrogène est apparue sous un article de l'Administration météorologique de Chine paru sur la très populaire plateforme de médias sociaux Weibo, qui invitait les stations de surveillance radiologique de Chine du Nord-Est (la province du Dongbei) de garder un oeil sur les niveaux de radiation.

L'article, publié le 4 septembre, ne disait mot de la Corée du Nord ni du test de bombe à hydrogène. Les internautes ont fait de même et discuté de la crise sans mentionner aucun mot-clé pour éviter la censure :

在重大的历史节点上,大家都以为这是个平常的午后。

Dans un moment grave majeur, chacun pense que ce n'est qu'un jour ordinaire.

政府说没事,那就没事,继续跳舞,嗨起来

Le gouvernement dit que tout va bien, continuons à danser, haut les coeurs !

消除污染最有效的办法:封消息,抓人,然后组织民众看战狼

La meilleure façon de nettoyer la pollution nucléaire est de couper l'information, arrêter les gens et les emmener voir le [film patriotique] Wolf Warriors.

完全看不懂热评,首先,这已经是第六次核试验了,而且第六次也已经是48小时之前的事了,那些看过新闻开始觉得自己浑身疼的能不能不带节奏?还有那些说东北怎么样跟你无关的,你可能不在东北,一辈子也没去过东北,但你绝对吃过东北的食物,如果东北被污染,全中国就得玩完,14亿人口的口粮都没了。

Je ne comprends pas pourquoi ces propos sceptiques. Cet essai nucléaire est le sixième, et le dernier date de 48 heures. Mais les informations n'ont pas traité des inquiétudes des gens. Leurs remarques que ce qui s'est passé en Chine du Nord-Est ne les concerne pas [sont inexactes]. Vous n'êtes peut-être pas dans le Dongbei, ou vous n'y êtes jamais allé, n'en avez jamais mangé la cuisine. Mais si le Dongbei est pollué, la Chine le sera aussi, car le riz qui nourrit 1,4 milliard de personnes sera immangeable.

这世界在变好。但没有想象中那么好。 这世界在变坏,远比你想象中坏。

Le monde devient meilleur, mais pas autant qu'on l'imagine. Le monde devient pire, mais beaucoup plus qu'on l'imagine.

可是山东这边真的没有什么很强烈的消息和通知告诉市民要注意规避户外什么的啊,如果不是朋友翻墙看到的新闻告诉我我根本不知道已经严重到这个地步。所以政府到底要干什么呢,自欺欺人很有意思吗?

Aucune information ou avis dans le Shandong [la province chinoise faisant face à la Corée du Nord de l'autre côté de la mer Jaune] disant au gens ce qu'ils doivent savoir. Si mon ami n'avait pas escaladé le [Grand Fire]wall pour m'informer, je n'aurais aucune idée de la gravité de la situation. Que fait le gouvernement ? Pourquoi se cache-t-il la tête dans le sable ?

发这个有用吗?具体指数是多少?会不会有危险?低剂量有害核辐射人体在不知觉的情况下可能就受伤了。维稳就能拿人命抵?

Cette alerte sert à quoi ? Quel est au juste le niveau de radiation ? Le niveau atteint est-il dangereux ? Les radiations même à faible niveau peuvent être néfastes pour le corps humain. Le maintien de la stabilité [sociale] est plus important que la vie humaine ?

Rencontre avec l'artiste paraguayen Enrique Collar : migrations, retrouvailles et identité

mardi 12 septembre 2017 à 12:59

Enrique Collar. Photographie de Juanma López Moreira, publiée sur Kurtural et reproduite avec autorisation.

Cet article est une version éditée de l'entretien avec l'artiste paraguayen Enrique Collar réalisé par Sofía Hepner, Silvia Sánchez Di Martino et Juanma López Moreira, et publiée d'abord par Kurtural dans sa série “Artífices”. 

A quatre ou cinq ans, le jeune Enrique Collar (né en 1964 à Itauguá Guazú) a essayé de cacher les chaussures de sa maman. Comme presque un million de ses compatriotes du Paraguay, sa mère Crescencia partait travailler à Buenos Aires, laissant Enrique sous la garde de sa grand-mère à Itauguá Guazú. Crescencia s'était en effet rendue chez sa mère dans le but de partir la nuit même et le jeune Enrique avait tenté de s'y opposer en lui cachant ses chaussures.

En 1971, Enrique et Crescencia purent vivre ensemble à Buenos Aires, où il fut scolarisé dans un collège. Il étudia ensuite le dessin publicitaire et les beaux-arts à l'institut Manuel Belgrano tout en travaillant. A partir de 1990, il eu l'occasion d'exposer ses oeuvres tous les ans à Asunción, faisant des aller et retour entre l'Argentine et le Paraguay. En 1999 il déménagea à Asuncion puis en 2003 s'installa à Rotterdam, où il se trouve actuellement avec son épouse Mireille, ses filles Roos et Lila et leur petite chienne adoptée Sisi.

Cette rencontre s'est faite tout au long d'une semaine de connivence, à Rotterdam, Utrech où vit l'enfant de San Jorge du portrait El guardián, à Delft où est né Jan Vermeer et dans les trains qui relient ces villes hollandaises comme un clin d'oeil poétique pour une vie de migrant. Au cours de cette semaine est apparue une plaisanterie qui, comme toute plaisanterie, cache son fond de vérité : il existerait un Enrique le jeune et un Enrique le vieux qui deviendront Enrique du Moyen Âge, celui de cette rencontre.

Enrique le jeune a commencé à peindre le Paraguay à Buenos Aires, entre l'école des Beaux arts et l'atelier d'artiste installé dans l'immeuble de San Telmo, qui était une sorte de siège social d'un collectif paraguayen. Ça s'est fait comment ?

Parce que l'ambiance était propice à récupérer une identité, dans tous les sens du terme. L'Argentine avait perdu les Malouines et se rendait compte qu'elle appartenait à l'Amérique latine. Charly García avait commencé à se mettre avec Mercedes Sosa, le folk avec le rock, le postmodernisme avait commencé à se faire entendre bien fort. Bien que n'ayant aucune idée de ce qui se passait en matière d'art au Paraguay, je m'imprégnais de ce collectif, et cette connexion était une connexion avec la mémoire. Ils me disaient : « Tu devrais peindre un coin comme Lapachito dans le Chaco, peindre des paniers… ». Ça ne m'inspirait pas trop, mais ça été un peu une motivation pour me retrouver, pour retrouver mes six premières années dans la campagne. La majorité de ceux qui m'entouraient venaient de cette campagne paraguayenne. J'ai pris la décision de peindre le Paraguay, mais pour moi, à ma façon. J'ai commencé à m'imaginer un univers personnel où je pouvais rencontrer des éléments et des personnages comme ma grand-mère et le sourd-muet du village.

C'est ainsi que j'ai réalisé ma première production, celle de 1989. Je travaillais le jour en faisant des dessins graphiques pour des imprimeurs et je peignais la nuit. Lorsque je suis retourné en vacances avec ma vieille maman au Paraguay, en 1990, j'ai emporté avec moi dix ou quinze toiles et j'ai fait les galeries. C'est comme ça que Belmarco s'est intéressé à mon œuvre. J'ai pu exposer ce premier travail et ça été un succès total de la critique et de la presse. Je suis rentré à Buenos Aires avec quelques dollars en poche et sans une toile, et je me suis demandé : « Mais qu'est ce que j'ai fait ? J'ai vendu mon âme au diable ! ». Il faut dire que dans l'école d'art de Buenos Aires les professeurs ne vivaient jamais de leurs œuvres, ils nous transmettaient comme message que vendre son oeuvre est un péché, que l'œuvre doit être immaculée… Pour moi travailler c'était vivre de ce que je réalisais, de ce que je faisais!

Tu as dit que tu ne peignais plus le Paraguay parce que tu avais bouclé la boucle et soldé une dette. Quelle était cette dette ?

J'ai clos un cercle en rapport avec les arts visuels, mais j'ai transposé cette expérience vers l'audiovisuel. Pour ce qui est de la dette interne je pense que c'est quelque chose qui arrive à tout ceux qui émigrent. Je pense que n'importe quel être humain, doué d'une certaine sensibilité, qui quitte son lieu d'origine par obligation ou nécessité, ou simplement pour faire une autre expérience, souhaite avec le temps apporter quelque chose à l'endroit où il est né. Il y a du romantique là-dedans et le Paraguayen est comme cela extérieurement : il rêve de revenir, il rêve de faire une maison pour sa famille, de contribuer à la hauteur de ses possibilités.

Cette décision de peindre le Paraguay a signifié pour moi la reprise de possession de mes six premières années de vie. Une fois ces peintures, ces gravures et dessins réalisés, “Enrique le jeune” a constaté que cette nécessité n'existait plus. Tout artiste latino-américain suffisamment sensible souhaite transformer sa société d'une certaine manière. Avec plus de deux cent œuvres et le cinéma, il m'a semblé que mon travail de témoignage était fait, que j'avais fait ma part. Et je me retrouvais évidemment dans une ambiance nouvelle, celle de l'Europe où l'utopie que se propose un artiste latino-américain doit se réaliser d'une autre manière. Ici les nécessités sont autres, le contexte est différent, l'artiste est plus individuel, il travaille plus dans l'intimité de sa personne. En arrivant, je me suis rendu compte que cette nécessité extérieure était accomplie.

Est-ce que tu penses qu'il existe une différence entre l'art que tu apprécies au Paraguay et celui que tu aimes à l'extérieur ?

Je crois qu'il ne faut pas penser pour le public. Il faut penser à l'histoire de l'art, à l'universel. L'artiste qui peint pour un public défini, pour vendre, se sous-estime lui-même. Je peins pour le monde, je ne sais pas pour qui je peins.

Il m'est arrivé de peindre des œuvres qui étaient invendables au regard du “decoratisme”, de la pensée commune. Elles ont pourtant été vendues. Je n'ai ici aucune oeuvre du Paraguay, elles se sont toutes vendues, y compris les invendables. Le public est toujours ouvert aux choses nouvelles. Cette histoire de peindre pour vendre est également une facilité alors que l'art et inconfortable, tu ne peux jamais te sentir à l'aise.

Apprenez-en davantage sur l'œuvre de Collar grâce à cette vidéo réalisée par Kurtural dans le cadre de cette série :

Oui, le racisme contre les Afro-Américains existe bel et bien au sein de la communauté latino des USA

lundi 11 septembre 2017 à 22:55
"Racisme". Photo de l'utilisateur de Flickr Luis Romero . Utilisée sous licence CC 2.0.

“Racisme”. Photo de l'utilisateur de Flickr Luis Romero . Utilisée sous licence CC 2.0.

Le 24 juillet 2017 à Los Angeles, en Californie, un Hispanique a agressé un vendeur ambulant mexicain et renversé son étalage de produits alimentaires. Dans une vidéo enregistrée avec son téléphone portable, la victime a déclaré que ce “coquin raciste” avait renversé son étalage et son agresseur a répondu: “Je ne suis pas raciste, imbécile, je suis un Argentin“. La vidéo, qui a enregistré plus de 8,8 millions vues, a suscité beaucoup de débats.

On semble croire que les Latinos aux États-Unis, en tant que minorité, sont incapables de commettre des actes de racisme ou de discrimination, y compris dans des incidents impliquant deux personnes hispanophones. Cependant, des attitudes racistes existent au sein de la communauté latino, et les Afro-Américains en sont l'une des cibles.

Le sujet a été étudié dans le passé et ce racisme s'est manifesté à nouveau en raison d'événements récents dans lesquels des personnes d'origine hispanique ont commis des crimes contre des Afro-Américains, comme le cas du vigile George Zimmerman qui a tué l'adolescent Trayvon Martin en 2012 ou le policier Jeronimo Yanez qui a tiré sur Philando Castile à un barrage de la police en 2016. Les deux hommes furent acquittés de toutes charges.

L'incident le plus récent de Charlottesville, en Virginie, implique également un hispanophone : Michael Ramos, qui a été identifié comme l'un des probables assaillants de Deandre Harris, un Afro-Américain de 20 ans. Une fois identifié dans les médias sociaux, Ramos a publié une vidéo soulignant qu'il n'est pas raciste car il est “latino-américain et portoricain“.

Avec tous ces incidents, comment les Hispaniques abordent-ils la question du racisme ? Pour Mai-Elka Prado, co-fondateur du Festival Afro-Latino à New York, ce n'est pas quelque chose de spécifique à la communauté latino. “Le problème, c'est qu'il n'est pas une exclusivité de l'Amérique latine, c'est mondial”, a-t-elle déclaré lors d'une interview accordée à Global Voices.

Prado a souligné que la question de la discrimination raciale entre les Latinos et les Afro-Africains n'est pas quelque chose de nouveau. “Le débat est en cours depuis plus de 50 ans, [c'est pour cela que] mon festival met beaucoup l'accent sur ce sujet. Ce sujet comporte des aspects politiques, spirituels et culturels. “

Prado, d'origine panaméenne, reconnaît que “la discrimination existe encore, mais pour moi en Amérique latine, la manière dont on peut se permettre de parler d'une personne de couleur est très grossière, en utilisant des comparaisons dégradantes et des mots socialement acceptés et tolérés”.

Une récente étude du Centre de recherche Pew a révélé qu'environ 50 % des Hispaniques ont vécu une forme de discrimination fondée sur la race ou l'appartenance ethnique. Pendant ce temps, 75 % des Afro-Américains ont connu un acte de racisme ou un traitement injuste.

Certains sites culturels latinos comme Remezcla ont contribué à la construction de ponts entre les deux communautés. Le site recommande, par exemple, de favoriser la discussion sur les racines africaines dans la communauté latino, en soulignant la visibilité des Afro-Latinos, en soutenant les combats pour des changements politiques qui contribuent à lutter contre le racisme structurel dans la justice et en promouvant la sensibilisation au racisme latino-américain envers les personnes d'ascendance africaine.

Mónica Carrillo, fondatrice du Centre LUNDU d'études et de promotion des Afro-Péruviens, a parlé dans un entretien avec Global Voices de son travail de défense des communautés afro-péruviennes et du problème de la discrimination au Pérou. L'interview complète, en espagnol, est disponible ci-dessous :

Carrillo a expliqué son rôle dans l'élimination d'un personnage d'une émission de télévision péruvienne qui véhiculait des stéréotypes sur les Afro-Péruviens. Elle a également abordé le mot “noir” et son contexte dans l'interaction avec des afro-descendants : “Nous devons voir quelle part d'affection et quelle part de racisme existent dans l'utilisation du mot “noir”, dit Carillo, chaque fois que l'on nous appelle “noirs” avec un préfixe et en opposition à blanc, à “pur”.

La communauté latino a une question importante à poser : comment aborder le sujet des relations raciales entre les Hispaniques et les Afro-Américains ?