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Le site gouvernemental de pétitions en ligne jamaïcain sous le feu des projecteurs grâce à une campagne pro-environnementale

mardi 10 octobre 2017 à 11:43

Capture d’écran de la page d’accueil du site internet de pétitions du Parlement jamaïcain, la nouvelle initiative gouvernementale.

[Billet d'origine publié le 29 septembre]

Le peuple jamaïcain n’est pas coutumier des pétitions en ligne. Le concept de pétitions auprès du gouvernement n’est pas très prisé, les rares pétitions existantes étant remises en format papier, au Bureau du Premier ministre. Qui plus est, le mot « pétition » évoque davantage l’idée de requête électorale lorsqu’un siège est très disputé par exemple, ou encore dans le cadre d’une demande de visa d’immigration aux États-Unis.

De fait, quand le Bureau du Premier ministre a officiellement lancé le site de pétitions en ligne au gouvernement le 24 juillet 2017, cela n’a déclenché qu’un intérêt limité et peu de réactions de la part du grand public.

On trouve actuellement 26 pétitions sur le site ; certaines d’entre elles sont assez décalées et d’autres, plutôt obscures. Les causes varient de : « faire d’un poète dub reconnu, un héros national » à « bannir les groupes de suprématie blanche de Jamaïque ». Il en existe même une suggérant l’abolition de tous les feux de signalisation.

Les pétitions ont une durée de vie de 40 jours, pendant lesquels elles doivent collecter 15 000 signatures ou plus pour être prises en compte. Le site indique :

If you gather 15,000 signatures in 40 days, we’ll review your petition, and if it complies with agreed standards, the Office of the Prime Minister will issue an official response.

Si vous atteignez 15 000 signatures en 40 jours, nous examinerons votre pétition et, si elle respecte les normes attendues, le Bureau du Premier ministre publiera une réponse officielle.

Une pétition pour faire de Miss Lou, personnalité culturelle très appréciée, une « icône nationale » a tristement tourné court. Cependant, certains Jamaïcains ont remarqué que le succès d’une pétition dépend de sa diffusion massive, et notamment sur les réseaux sociaux. Carolyn Cooper, universitaire et observatrice s’est intéressée au site et en est arrivée à la même conclusion :

Petitions need to secure 15,000 signatures within 40 days of being launched. That's the only way they are going to be taken seriously. I wonder if the OPM is setting us up for failure. How likely is it that any petition could attract so many signatures in such a short time? How did the OPM arrive at that seemingly arbitrary number? And why 40 days?

Les pétitions doivent obtenir 15 000 signatures en 40 jours. C’est la condition pour qu’elles soient prises au sérieux. Je me demande si le Bureau du Premier ministre ne cherche pas à nous mener en bateau. Comment une pétition pourrait-elle attirer autant de signatures en si peu de temps ? Comment est-il arrivé à ce chiffre qui semble arbitraire ? Et pourquoi 40 jours ?

Face à ces doutes, le Fonds jamaïcain pour l’environnement (Jamaica Environment Trust) a décidé de tester le site avec une pétition pour la sauvegarde du Pays Cockpit, la dernière et plus grande forêt naturelle de Jamaïque, abritant un havre de biodiversité ainsi qu’un important bassin versant.

Pourtant, la zone est menacée par l’exploitation minière de bauxite. Les activités minières sur l’ile vont s’accroître dans le but de fournir une entreprise productrice de bauxite achetée en 2016 par la société Jiuquan Iron & Steel (Group) Company Limited (JISCO), basée en Chine. Cette entreprise devrait être alimentée par une centrale à charbon de 1000 mégawatts, bien que la construction n’ait pas encore démarré. En fait, ce projet a fait l’objet d’une pétition recueillant 21 000 signatures que le Fonds jamaïcain pour l’environnement a imprimée et remise en mains propres au Bureau du Premier ministre en octobre 2016.

Une dimension historique et émotionnelle très forte se dégage du paysage abrupt et calcaire du Pays Cockpit. C’est là-bas que les Marrons trouvèrent refuge après avoir fui l’esclavage sous la domination britannique et où des batailles furent livrées et un traité de paix, signé. Les descendants d’esclaves qui y vivent toujours ont également fait entendre leur voix en protestant au fil des années.

La date limite de la pétition pour atteindre le nombre requis de signatures était le 30 septembre 2017. Depuis que le site de pétition a ouvert, quelques problèmes techniques sont apparus. Certains signataires se sont plaints que le site internet ne fonctionnait pas. Le site internet a été « fermé pour maintenance » de 15 h le 21 septembre jusqu’à 9 h environ le matin suivant, provoquant une vague d’inquiétude et de questionnements. En parallèle, Diana McCaulay, PDG du Fonds jamaïcain pour l’environnement rappelait aux sympathisants :

À tous : extra, le soutien pour le Pays Cockpit, mais s’il vous plaît, pas de propos personnels, injurieux ou déplacés #sticktotheissue (on reste dans le sujet)

Toutefois, la campagne s’est poursuivie sur les médias traditionnels à l’occasion d’une journée dédiée à la sauvegarde du Pays Cockpit « Save Cockpit Country Day », couverte par plusieurs stations de radio :

Aujourd’hui, c’est « Save Cockpit Country Day », il faut sauver le Pays Cockpit (#SaveCockpitCountry). Malheureusement, le site de pétitions en ligne du Premier ministre est en maintenance. Mais restez branchés !

Une vaste campagne a été lancée sur Facebook et WhatsApp :

All Jamaican friends, our Cockpit Country is very important. At present, there are no boundaries set for the place where our water flows from, and the home to much of Jamaica's biodiversity. Please sign this petition and share it for others to sign as well. The government will respond if enough signatures are garnered. You can help. Please, please do.

Amis jamaïcains : notre Pays Cockpit est précieux. Aujourd’hui, il n’y a pas de frontières entre le lieu d’où provient notre eau et le domaine d’une grande partie de la biodiversité jamaïcaine. Merci de signer la pétition et de la partager pour que d’autres personnes puissent signer également. Le gouvernement répondra si un nombre suffisant de signatures est atteint. Vous avez la possibilité d’aider. Alors s’il vous plaît, faites-le.

Pourtant, cette pétition a suscité un certain cynisme parmi les Jamaïcains. « Pourquoi a-t-il été aussi dur de recueillir 15 000 signatures ? » se sont demandé certains. Le journaliste Rodney Campbell a relevé que plutôt que d’essayer d’influencer le gouvernement, les Jamaïcains ont besoin d’adhérer à la cause :

Le plus gros défi n’est pas d’essayer d’amener le gouvernement à défendre la cause… Mais d’amener la nation à prendre conscience de son importance.

Un autre encore a mis en doute l’efficacité des pétitions en ligne :

Ce ne sont pas 15 000 signatures qui empêcheront un gouvernement de faire quoi que ce soit.

L’argument de base était « pourquoi une pétition est-elle même, nécessaire ? Le gouvernement ne devrait-il pas savoir que c’est mal ? »

Je ne sais pas ce qui est le plus triste, la nécessité de sauver le Pays Cockpit ou la nécessité de lancer une pétition pour sauver le Pays Cockpit.

Comme pour tout en Jamaïque, les hommes politiques ont pris part au débat concernant le Pays Cockpit, qui subsiste depuis des années. Le leader de l’opposition Peter Phillips a tweeté une vidéo incitant les Jamaïcains à signer la pétition :

Le peuple a parlé et il ne veut pas d’exploitation minière. La démocratie aux mains du peuple.

Ce à quoi le directeur de la communication du Premier ministre Andrew Holness, a répondu :

Pourquoi ne pas vous être intéressé au problème avant aujourd'hui ? Pourquoi n’avez-vous pas encouragé le gouvernement à définir des limites après tant d’années ?

Au-delà de ces querelles, les signatures continuent d’affluer. Le soir du 22 septembre, la pétition dépassait les 15 000 signatures requises. Le Fonds jamaïcain pour l’environnement a posté sur Facebook :

Thanks to everyone who supported the Save Cockpit Country petition and helped us reach the target of 15,000 signatures. The petition remains open for signatures until September 30. Let's send our nation's leaders a clear message. We encourage everyone to continue to learn more about this issue and share the information and petition with your friends, families and colleagues. Stay tuned to JET's social media for further updates #savecockpitcountry […]

Merci à tous ceux qui ont soutenu la pétition « Save Cockpit Country » et qui nous ont aidés à atteindre les 15 000 signatures. La pétition reste ouverte aux signatures jusqu’au 30 septembre. Envoyons un message clair à nos dirigeants. Nous vous encourageons à rester informés quant à l’issue de la pétition et à partager les informations et la pétition auprès de vos amis, familles et collègues. Restez connectés aux réseaux sociaux du Fonds jamaïcain pour l’environnement pour suivre les nouvelles. #savecockpitcountry.

Entre temps, le Premier ministre a réagi à la forte implication du public en faveur de la pétition. Le 25 septembre, il a publié ceci sur le site officiel et les réseaux sociaux :

The Office of the Prime Minister wishes to congratulate the Jamaica Environment Trust and other Jamaicans who worked together to ensure the success of the ‘Save Cockpit Country’ petition [and] wishes to advise that, as was committed, the government will officially respond […] within thirty (30) days to address the issues and concerns brought by the petition.

Le Bureau du Premier ministre souhaite féliciter le Fonds jamaïcain pour l’environnement et tous les Jamaïcains qui ont travaillé ensemble pour assurer le succès de la pétition « Save Cockpit Country » [et] souhaite informer que, comme convenu, le gouvernement apportera une réponse officielle […] dans les trente (30) prochains jours aux problématiques et préoccupations portées par la pétition.

Alors que la pétition elle-même a atteint son but, le sort du Pays Cockpit reste sur la table, mais il y a peut-être une lueur d’espoir quant à l’issue de ce problème de longue date. Cependant, cette réussite encouragera-t-elle d’autres personnes à soutenir le site internet de pétition ? À voir.

Brésil : Des rappeurs Indiens utilisent les médias numériques pour transmettre leur message au monde

mardi 10 octobre 2017 à 11:24

Concert du groupe de rap Brô MCs à Assunção, Paraguai. Photo : page officielle de Brô MCs sur Facebook, reproduite avec permission.

[Article d'origine publié le 24 septembre]

De nombreux rappeurs autochtones du Brésil utilisent le pouvoir de la technologie pour mettre en évidence leur culture, leur identité et les thèmes sociaux très importants pour leurs communautés.

À travers des plateformes comme Facebook et YouTube, ces artistes utilisent leurs voix et leur musique pour entamer un dialogue, délivrant leurs messages à une audience plus large et plus connectée.

Il existe aujourd'hui plus de 240 tribus dans tout le Brésil, l'équivalent de 0,9 % de la population nationale. Tout au long des années ces communautés ont fait face à de nombreuses injustices, parmi les cas les plus récents, le droit des tribus sur leurs terres [en] est un thème répandu.

Face à ces problèmes sociaux, le genre musical hip-hop est un outil puissant pour promouvoir la perspective indigène. Voici quelques-uns des rappeurs à la tête de ce mouvement.

Brô MCs : le premier groupe de rap autochtone du Brésil

Brô MCs est un groupe de quatre rappeurs des villages de Jaguapirú et Bororó em Dourados dans l'État du Mato Grosso do Sul.

Quand Bruno Veron, Clemerson Batista, Kelvin Peixoto et Charlie Peixoto ont formé les Brô MCs en 2009, autant leurs tribus que les personnes de l'extérieur ont jugé avec scepticisme [pt] cette combinaison de hip-hop et d'identité indigène.

Malgré tout, le groupe a réussi à prouver que leur ambition musicale était de l'ordre du possible. Ils ont déjà donné des concerts dans tout le Brésil et l'une de leur création est allée jusqu'au Festival International du Film de Berlin : la chanson Terra Vermelha fait partie de la bande musicale [pt] d'un des films brésiliens sélectionnés pour le festival.

Brô MCs. Photo : page Facebook officielle de Brô MCs rappeurs indigènes, reproduite avec permission.

Leur premier morceau a été lancé sur YouTube en 2015, via la chaîne Guateka, un projet visant à capter le quotidien des tribus autochtones de tout le pays. “Koangagua”, ou “Au jour d'aujourd'hui”, est chanté intégralement en Guaraní Kaiowá. La vidéo est sous-titrée en portugais, les paroles parlent du rôle du hip-hop pour promouvoir les voix et les opinions autochtones :

Ci-dessous un extrait des paroles en question : 

“Minha fala é forte e está comigo / Falo a verdade, não quero ser que nem você / Canto vários temas e isso que venho mostrando / Voz indígena é a voz de agora”

“Mon discours est fort et est avec moi / Je dis la vérité, je ne veux pas être comme vous / Je chante de nombreux thèmes et c'est ça que je suis venu montrer / La voix indigène est la voix d'aujourd'hui”

Facebook [pt] est le réseau social où le groupe est le plus actif. Sur sa page officielle, les fans de Brô MCs peuvent trouver des informations sur leurs concerts, des interviews et également découvrir un peu plus sur les thèmes importants aux yeux du groupe et de leurs tribus. Dans un post [pt] récent, par exemple, le groupe fait la promotion d'une exposition de photos à Belo Horizonte, dans l'État du Minas Gerais, qui a pour thème la vie des peuples Guaraní-Kaiowá.

Les Brô MCs ont également inspiré une mini-série télévisée appelée Guateka [pt], constituée de cinq épisodes et qui parle de l'aventure musicale du groupe. Ils participent eux-même au programme, qui est financé par l'argent public et est sorti [pt] sur les chaînes gratuites en mai 2017.

Oz Guarani de São Paulo

Oz Guarani est le premier groupe indigène de rap de São Paulo, la ville considérée comme la “capitale du hip-hop”, c'est ici que se trouvent les rappeurs les plus célèbres du pays, comme Emicida, Mano Brown et Criolo [en].

Les adolescents Jefinho, Mano Glowers et Vlad Macena viennent des villages Tekoa Pyau et Tekoa Ytu à Jaraguá, aux confins de las banlieues ouest de la ville.

Le trio s'est réuni lors d'une série de manifestations qui ont eu lieu pendant les disputes territoriales entre les tribus de Jaraguá et le gouvernement. Ils se sont connus durant ces réunions et manifestations, et ont décidé d'écrire un texte sur ce qui s'est passé. Ces paroles ont donné lieu à la première chanson de Oz Guaraní : “Guerreiro da Aldeia Jaraguá”, guerrier du village Jaraguá.

L'accent sur les problèmes sociaux constitue une grande partie de la présence du groupe sur les réseaux sociaux. Sur sa page officielle, Rap Oz Guaraní [pt], le groupe aborde quelques uns des thèmes importants pour ses communautés, principalement les conflits territoriaux [pt].

Oz Guaraní utilise aussi sa page Facebook pour informer ses fans sur les présentations, entrevues et nouvelles musiques [pt].

En plus de Facebook, Oz Guaraní se sert aussi du site Palco MP3 [pt] pour divulguer son travail. La plateforme est une version brésilienne de Soundcloud, où les artistes peuvent créer un profil avec des informations sur leur travail et aussi mettre à disposition leurs musiques en téléchargement gratuit au format MP3.

Kunumi MC : le premier rappeur autochtone solo du Brésil

Werá Jeguaka Mirim, qui utilise le nom d'artiste Kunumi MC, s'est fait connaître au niveau national pour la première fois non pas à cause de son travail musical, mais pour son activisme. Pendant la coupe du monde de la FIFA 2014, Kunumi s'est montré vu au milieu d'un terrain [pt] avec un pancarte demandant la démarcation des terres indigènes.

Dès lors, Kunumi, dont le nom signifie [pt] “jeune” en Guaraní, a apporté son message au monde musical, en lançant son premier disque, My Blood is Red, le 2 juin 2017.

Kunumi MC. Photo : courtoisie de Werá Jeguaka Mirim (Kunumi MC).

Kunumi fait partie du village Krukutu de Palheiros, aux limites sud de São Paulo. Il a commencé à exprimer sa créativité très jeune : son père, l'écrivain Olivio Jekupé, est celui qui lui a intéressé le garçon [pt] à l'utilisation des mots pour éclairer les problèmes qui méritent vraiment l'attention.

Sur sa chaîne YouTube, l'artiste a publié quelques extraits musicaux ainsi que ses nouvelles chansons. Ci-dessous son premier single : “O kunumi Chegou” :

Un extrait des paroles : 

“Lutar pelo povo e ser o que é / Na multidão, você não é o melhor / Mas pode agir como ela /  Sempre com humildade, raciocínio consciente / Grave isso em sua mente”

“Lutter pour le peuple et être ce qui est / Parmi la foule, tu n'es pas le meilleur / Mais tu peux agir comme elle / Toujours avec humilité, raisonnement conscient / Grave ça dans ton esprit”

Récemment, Kunumi MC a lancé une autre chanson, “Guarani-Kaiowá”, qui parle de la violence et des souffrances que son peuple subit au quotidien :

https://www.youtube.com/watch?v=tzkYe4FNc28

Kunumi est également présent sur Facebook [pt], où il partage des projets militants de sa communauté en plus de ses opinions, de ses musiques et autres projets créatifs.

Comme Oz Guaraní, Kunumi diffuse aussi ses chansons sur Palco MP3 [pt]. Son album est disponible également sur Spotify.

Une artiste malaisienne peint ‘Notre Mère Gaïa’ pour la protection de l'environnement et les droits des femmes

lundi 9 octobre 2017 à 13:40

Le Ravissement – Acrylique et encre à l'huile sur toile – 61×91,4 cm. Copyright Jennifer Mourin 22 mai 2017. Utilisation autorisée.

Une exposition à Penang, en Malaisie, montre en ce moment les plus récents tableaux de Jennifer Mourin, une artiste connu pour son active promotion de la protection de l'environnement à travers ses œuvres.

La nouvelle série de Mourin est sur le thème “Mother GAIA” [Notre mère Gaïa], qu'elle a conçue après avoir lu des articles alarmants sur l'état de l'environnement. Dans la mythologie grecque, Gaïa est connue comme la déesse de la Terre.

Dans un entretien avec Global Voices Mourin explique l'inspiration de ses nouvelles peintures :

Ma série “Mother Gaia” absorbe le besoin de faire le bilan de ce que nous sacrifions au nom de l'avidité, de l'égoïsme, de la sur-consommation et de la soi-disant croissance économique. Ces nouveaux tableaux revendiquent la nécessité de respecter, protéger et défendre notre planète et sa progéniture contre la maltraitance l'exploitation, l'épuisement et la mort. Ma personnification de la Terre-Mère dans la femme que je peins entourée des animaux menacés d'extinction nous regarde dans les yeux pour appeler les humains à changer, les massacres à cesser !

Dans la Foi – Arcylique et encre à huile sur toile 91,4x61cm – Copyright Jennifer Mourin – 14 sept 2017. Utilisation autorisée

Mourin a aussi identifié quelques-uns des animaux en danger de Malaisie, représentés dans ses peintures. Elle cite le tigre de Malaisie (Harimau Malaya), utilisé comme un symbole populaire en Malaisie, mais risquant une extinction prochaine :

Je trouve une ironie tellement amère à ce que cet animal majestueux figure sur les armoiries de la Malaisie, donne son nom à notre équipe nationale de football (Harimau Malaysia), soit révéré comme une part de notre identité nationale, alors que le vrai animal vivant est en voie de disparition ! Le magnifique tigre dépérit parce que les humains le chassent, le tuent et font commerce de sa peau, ses dents, sa viande dans une croyance illusoire qu'elles vont donner, surtout aux hommes, force et prouesses sexuelles– quelle immolation pour une telle bêtise de vanité, arrogance et égocentrisme !

De même, je peins aussi le Calao. J'ai une souvenir émerveillé de ces magnifiques oiseaux pendant mon enfance, quand ma famille vivait dans l’État de Pahang, et qu'ils volaient librement près de la maison. La Malaisie abrite 10 espèces de calaos, et il faut les protéger !

Le Mystère – Acrylique et encre à l'huile sur toile – 50,80 x 50,80 cm. Copyright Jennifer Mourin. 13 avril 2017. Utilisation autorisée

Mourin rend hommage aussi aux femmes portant le sarong, un vêtement autochtone dans toute l'Asie du Sud-Est :

Les souvenirs du village thaï de ma mère dans l’État oriental du Kelantan ont fait des sarongs portés par les fortes femmes aimées (ma mère, ma grand-mère et les villageoises) les totems de mon identité artistique.

La Souvenance – Acrylique et encre à l'huile sur toile – 61 x 61 cm. Copyright Jennifer Mourin – 22 avril 2017. Utilisation autorisée

Comme artiste, Mourin est aussi connue pour sa défense des droits des femmes. Une évidence dans sa nouvelle série :

Un autre thème récurrent est celui de la femme qui allaite, car je n'arrive pas à croire qu'un acte aussi aimant, qui nourrit et élève, que l'allaitement soit souvent considéré en société comme un acte dérangeant et “obscène”. Les mères méritent d'être aimées et encouragées. Dans la série Mother GAIA, l'allaitement symbolise la façon dont la Terre-mère pourvoit à nos besoins, nous nourrit et nous donne notre subsistance.

Mourin conclut en appelant à une action urgente pour arrêter la destruction de la planète.

Les gens doivent se rappeler combien la Terre-Mère donne pour que tous puissent vivre et être sustentés ! Comment s'étonner qu'elle finisse par réagir contre l'orgueil démesuré, l'imprévoyance et l'égoïsme de l’humanité ? Nous sommes tous dans le même bateau, et si l'humanité poursuit à l'allure que nous observons, ce sera à notre propre péril !

En Gratitude – Acrylique et encre à l'huile sur toile – 91,4×61 cm. Copyright Jennifer Mourin – 8 septembre 2017. Utilisation autorisée

Les peintures de Mourin font partie de l'exposition collective au Centre d'Art Hin Bus Depot à Penang, Malaisie [jusqu'au 10 octobre].

L'Algérie, ancienne championne de la lutte anti-coloniale, expulse maintenant les migrants africains.  

dimanche 8 octobre 2017 à 17:37

Capture d’ ecran de migrants guineens via France 24

L'actualité pointe encore ses feux sur les mauvais traitements et expulsions dans des conditions inhumaines des migrants en provenance d'Afrique sub-saharienne vivant en Algérie. Les autorités sont allées jusqu'à prendre des mesures extrêmes. C'est ainsi qu'avant de se ressaisir et de s'excuser, la Direction des Transports de la wilaya de Mostaganem, avait publié une directive le 27 septembre interdisant “strictement” aux chauffeurs de bus et de taxis  effectuant de longs trajets de transporter les “migrants illégaux”. Cette circulaire avait été largement partagée et dénoncée par les internautes et les chauffeurs eux-mêmes qui la considéraient “raciste” et “xénophobe”.

Mehdi Alioui chargé des blogs à huffpostmaghreb.com signale les twittos de plusieurs algériens qui dénonçaient cette directives avant son annulation et rapporte:

La directive a vite fait scandale, chez les internautes et les transporteurs. Le communiqué a été qualifié de “raciste” et “xénophobe”.

Des chauffeurs ont vivement réagi à cette instruction, estimant que cette instruction était “inapplicable”. “Mais quand même on n’est pas des racistes! Je n’ai pas le droit moi de dire aux passagers qui me tendent leur ticket: hé toi ! montre-moi tes papiers ! Ca c’est le travail des gendarmes ou de la police”, s’exclamait un receveur à la gare routière de Carroubier à Alger.

Les razzias dans les rues et expulsions dde migrants sub-sahariens, cependant, continuent. Dans un billet publié par sahel-intelligence.com, Frédéric Powelton décrit les conditions dans lesquelles les arrestations et les expulsions sont faites sans distinction entre migrants légaux et clandestins:

Plusieurs dizaines de migrants clandestins ont été emmenés de force dans le sud algérien avant d’être expulsés sans eau ni nourriture par les forces de l’ordre algériennes, une initiative qui passe mal au niveau humanitaire puisque ces expulsions se font en plein désert.

Dans un nouvel élan raciste, les autorités algériennes ont débuté cette semaine une vague d’expulsion de migrants subsahariens. Les forces de l’ordre ont en effet mené plusieurs arrestations, en vue de renvoyer hors d’Algérie les migrants d’origine subsaharienne. Ces captures se font sans distinction entre les migrants illégaux et ceux ayant une situation régulière.

Ces initiatives s’articulent autour de deux axes majeurs. Dans un premier temps, les forces de l’ordre algériennes mènent des razzias dans plusieurs villes du nord du pays afin de capturer les migrants subsahariens. Après les avoir regroupés, ces derniers sont ensuite acheminés vers le sud du pays avant d’être relâché en plein désert…

La communauté internationale s’inquiète de plus en plus de la voie empruntée par Alger concernant la lutte contre l’immigration illégale.

JULIEN D. confirme ces arrestations dont certaines sont faites au lieu de travail des migrants ou dans la rue, fournit d'autres précisions et relève que ce  n'est pas la première fois que les autorités algériennes se comportent ainsi:

Cette semaine, de nombreux migrants ont été arrêtés par la police dans les rues ou sur leurs lieux de travail. Essentiellement d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique Centrale, ils ont été conduits par bus à Tamanrasset dans le sud du pays. Détenus durant plusieurs jours, ils seront relâchés à la frontière sud de l’Algérie sans leur notifier la destination exacte. Ce qui contribue à créer une véritable inquiétude pour plusieurs organisations des droits de l’homme.

Une situation similaire s’était produite en décembre dernier. Plusieurs migrants avaient alors été relâchés à Agadez, dans le nord du Niger et abandonnés à leurs tristes sorts. Cette nouvelle vague d’expulsion interpelle les observateurs, car selon plusieurs observateurs, elle ne garantit pas le respect de la dignité humaine.

Dans un billet écrit en juin 2017, Zahra Rahmouni dénonçait les conditions précaires et sans recours dans lesquelles se trouvent de nombreux sub-sahariens travaillant sur des chantiers en Algérie et elle ajoutait, à propos du racisme:

Le 20 juin coïncidait aussi avec la journée mondiale des réfugiés. « Nous avons constaté que certaines personnes ont choisi ce jour-là pour mener une campagne raciste et choquante contre les Subsahariens, les Africains, les personnes de couleur », a regretté Hassina Oussedik qui dénonce les appels à la violence relayés sur les réseaux sociaux.

Hier, le hastag #لا_للافارقه_في_الجزاير  « Non aux Africains en Algérie » était largement partagé sur Twitter et des internautes ont même appelé à « nettoyer les villes » algériennes.

« Nous devons réagir et montrer que les personnes qui tiennent ces propos ne reflètent pas l’ensemble de la société algérienne. Nous sommes un pays africain. Nous avons des compatriotes qui ont une couleur de peau plus foncée. Il important que nous travaillions sur la tolérance et l’acceptation de nos différences », a déclaré Oussedik qui appelle les autorités à prendre des mesures contre le racisme et les appels à la violence.

Pendant les luttes contre le colonialisme et l'apartheid, l'Algérie a joué un grand rôle dans l'ssistance aux mouvements de libération nationale. Tous les mouvements de libération nationale (MLN) ont pu ouvrir des bureaux à Alger. C'est ce qui explique que dès sa libération Nelson Mandela ait consacré sa première visite à ce pays pour le remercier , comme le rappelle un billet publié sur berberes.com:

C’est l’Algérie qui a fait de moi un homme» ! Plus qu’un hommage, c’est une profession de foi, celle de Nelson Mandela qui témoigne ainsi d’une gratitude éternelle en direction du pays qui l’a accueilli et entrainé entre 1961 et 1962.

C’est dire que la relation qui lie «Madiba» au pays du Million et demi de Martyrs est intime, presque fusionnelle. Et pour cause ! Jamais, le père de la lutte anti-apartheid en Afrique du sud ne reniera ses amitiés algériennes, encore moins sa reconnaissance à ce pays frappé de plein fouet par l’hydre terroriste au moment, où lui, Mandela dirigeait la transition de sa patrie de l’apartheid vers la «nation arc-en-ciel».

Tous ceux qui avaient des difficultés avec l'oppresseur savait qu'à Alger, ils pouvaient trouver une oreille attentive et une assistance matérielle adéquate. Le blogueur Mehdi Algérien Patriote évoque dans un billet l'assistance que son pays a fourni aux mouvements de libération nationaux: African National Congress (ANC) d'Afrique du sud, Mouvement populaire de libération de l'Angola,  FRELIMO du Mozambique et PAIGC de Guinée-Bissau.

Pour illustrer l'importance de l'Algérie pour tous les mouvements de libération nationale et la reconnaissance de leurs leaders envers ce pays, le blog History of Algeria  rappelle:

En 1968, lors d’une conférence de presse à la villa Boumaâraf, à Ghermoul, à Alger, siège des mouvements de libération en Algérie, il répondait à la question d’un journaliste américain sur l’engagement et l’aide de l’Algérie en ces termes : « Prenez un stylo et prenez note : les musulmans vont en pèlerinage à la Mecque, les chrétiens au Vatican et les mouvements de libération nationale à Alger ! »

Le Président algérien actuel, Abdelaziz Bouteflika, alors le plus jeune ministre des Affaires étrangère que le monde ait connu ainsi que  Président de l'Assemblee generale de l'ONU a été un fervent avocat de la cause des opprimés et un des fondateurs du tiers-mondisme. Il a été ministre des Affaires étrangères de à , dans les gouvernements Ahmed Ben Bella et de Houari Boumédiène, dans la période d'agonie du colonialisme en Afrique. C'est grâce à son action dans ses fonctions et comme Président de l'assemblée générale de l'ONU que l'Afrique du sud a été exclue en 1974 de l'organisation internationale.

 

Le sit-in dans la boue jusqu'au cou des paysans indiens du Rajasthan contre les achats publics forcés de terres

dimanche 8 octobre 2017 à 12:33

“Les paysans creusent des tranchées, et s'y assoient”. Arrêt sur image d'une vidéo YouTube de NDTV

Depuis le 2 octobre 2017, une cinquantaine d'agriculteurs ont entamé à Jaipur, dans le Rajasthan, un État du Nord-Ouest de l'Inde, une protestation au mode inédit : ils s’assoient tour à tour dans des trous où ils sont enterrés jusqu'à la taille dans la boue.

Les protestataires accusent le gouvernement local d'acquérir leurs terres sous la contrainte, après leur avoir versé un dédommagement insuffisant. Ils veulent l'arrêt des acquisitions en cours, la tenue d'une nouvelle enquête, et un déroulement des acquisitions conforme aux termes de la récente Loi sur l'Acquisition foncière de 2013 promulguée le 1er janvier 2014.

Avant d'entreprendre la manifestation “sale” en cours, à laquelle ils ont donné le nom de “Zameen Samadhi Satyagraha” (satyagraha, une désobéissance civile non-violente), les paysans avaient organisé un sit-in de 14 jours, dans l'indifférence du gouvernement.

Ils ont alors creusé 40 trous et quelques tranchées. Parmi les 54 individus de tous âges qui prennent leur tour de s'asseoir dans les trous, il y a plusieurs femmes dont une de 90 ans, Nanthi Bai.

Le litige foncier se déroule près de Jaipur au village de Nindar, qui fait partie des 330 hectares (1.300 bigha) que le gouvernement d’État a mis en réserve en 2010 pour le projet Ninder de construction de 10.000 maisons. Celles-ci seront à la portée des classes à faibles revenus, des “catégories économiquement faibles”, et de la classe moyenne.

Depuis que l'acquisition des terrains pour le projet a commencé en 2010, les habitants de Jaipur la contestent par des moyens divers. Jusqu'ici, la Jaipur Development Authority, qui réalise le projet, a acquis 150 hectares sur le territoire du village, et les agriculteurs veulent bloquer l'acquisition de ce qui reste. La Jaipur Development Authority a consigné 600 millions de roupies indiennes (7,8 millions d'euros) devant un tribunal local pour une partie des terrains. Les paysans contestataires affirment que le calcul des compensations remonte à 2010 alors que les prix actuels du marché sont beaucoup plus élevés. Environ 5.000 familles, dont celles des paysans, seront concernées par les acquisitions.

Qui plus est, le projet a reçu le feu vert avant qu'une nouvelle loi sur les acquisitions foncières soit adoptée en Inde. Le haut-fonctionnaire à la retraite Laxman Burdak a rappelé sur Facebook :

L'administration devrait acquérir les terres des paysans selon les termes de la nouvelle Loi sur les acquisitions foncières, la réhabilitation et la relocalisation. Il est clairement mentionné que l'administration ne peut pas acquérir de terres sans le consentement de 80 % des paysans.

1,3 milliard de personnes vivent en Inde, avec une densité de population de 445 au kilomètre carré. C'est donc la terre qui est la ressource rare dans ce pays. La Loi d'acquisition foncière de 1894 de l'ère coloniale britannique accordait une protection insuffisante aux victimes d'acquisitions foncières. La nouvelle loi de 2013 qui la remplace promet :

1) Dédommagement accru pour les paysans : les prix du marché sont mis à jour
2) Application plus large : les non-propriétaires subissant une perte de revenus sont dédommagés
3) Réhabilitation et relocalisation deviennent obligatoires
4) Recueil du consentement éclairé des expulsés : au moins 80 % pour les projets privés
5) Exigence d'évaluations de l'impact social pour déterminer les effets d'un projet sur les terres et les revenus des gens : en particulier, pour identifier toutes les personnes concernées.

Raj Kumar, commissaire adjoint de la Jaipur Development Authority, a pourtant déclaré aux média que le processus d'acquisitions foncières avait démarré en 2010 et que l'affaire était finalisée avec dédommagements appropriés en mai 2013. Les autorités sont allées jusqu'à dire que des “intérêts personnels” se dissimulaient derrière l'agitation.

Une posture malvenue, estime Videh Kumar de New Dehli :

Une réhabilitation convenable est impérative, si elle n'est pas assurée, les programmes, aussi bon qu'en soit le concept, ne manqueront pas d'inciter à une forte agitation.

Les paysans disent que leur détresse n'est pas entendue. L'expatrié indien Kazim Ahmed a exprimé sur Facebook son mécontentement que les médias indiens n'en fassent pas assez pour souligner la détresse des victimes :

Ç'a été une information internationale, [et] qu'ont fait d'autre les médias indiens que de seulement rapporter ? Pas de débats télévisés nationaux, on préfère nous détourner vers des sujets mineurs !

Pour ce que ça vaut, l'ex-ministre en chef du Rajasthan Ashok Gehlot a tweeté sur l'affaire :

Vision insoutenable des paysans de Ninder qui manifestent en s'enterrant le corps dans la boue.

Ces paysans ne mendient pas de faveurs ni ne demandent l'aumône, ils réclament ce qui est leur droit le plus strict.

Et la journaliste Smita Prakash d'écrire :

Les paysans et leurs familles au Rajasthan s'enterrent dans la boue pour protester contre l'acquisition publique de leurs terres. 17e jour aujourd'hui.

Reste à savoir si cette manifestation apportera aux participants l'attention espérée.