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Fêtons la diversité linguistique en ligne avec le Défi du mème de la langue maternelle

dimanche 5 février 2017 à 20:46

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Le Défi du mème de la langue maternelle se déroule jusqu'au 21 février : participez en créant un mème humoristique, ou qui force la réflexion, dans votre langue natale. Cette campagne en ligne se veut amusante et commémore la Journée de la langue maternelle.

La Journée internationale de la langue maternelle a été créée pour promouvoir et célébrer la diversité culturelle et linguistique partout dans le monde, avec un accent sur les langues indigènes, minoritaires, d'intérêt historique et en voie de disparition. Grâce aux outils numériques et à Internet, il existe maintenant un espace unique et propice à l'expression et à la mise en réseau avec d'autres groupes qui travaillent également à revitaliser leur langue maternelle.

Organisée de concert par Rising Voices et nos amis du Living Tongues Institute, First Peoples’ Cultural Council, Indigenous Tweets, Endangered Languages Project, First Languages Australia et du Digital Language Diversity Project, ainsi que de nombreux autres partenaires mondiaux, le Défi du mème de la langue maternelle vous invite à mettre votre créativité et votre passion pour les langues à l'ouvrage en créant un mème dans votre langue maternelle.

Meme in the Tének language from México. Created by Luís Flores.

Mème en Tének, une langue du Mexique. Créé par Luís Flores.

Pour participer, suivez simplement les quelques instructions listées sur le site internet du Défi : trouvez une image, ajoutez un texte et des mots-clics, incluez #MemeML et partagez sur votre réseau social préféré. Vous trouverez sur ce site des liens vers des services en ligne gratuits pour générer et sauvegarder vos mèmes. Pendant tout le mois précédant la Journée internationale de la langue maternelle 2017, nous partagerons, retwitterons et aimerons les contributions du monde entier, et nous publierons certaines de nos préférées ici sur Rising Voices.

Nous sommes à la recherche de nouveaux partenaires pour promouvoir le Défi : vous pouvez être une organisation, un collectif, un projet, ou tout autre groupe travaillant sur la revitalisation des langues dans le monde. Nous cherchons aussi des volontaires pour nous aider à traduire la page internet en autant de langues que possible pour en toucher les locuteurs. Contactez-nous pour plus d'information !

La Grèce se dote d'une Agence Spatiale, est-ce bien nécessaire?

dimanche 5 février 2017 à 14:00

La Grèce arrivera-t-elle à répandre la culture du café frappé aussi dans l'espace ? Montage par l'auteur Elaine Rigas.

Une annonce du gouvernement Syriza de la Grèce a suffi à mettre le feu à l'internet hellénophone la semaine dernière. Il s'agissait de l’inauguration de l'Agence Spatiale grecque. Plus précisément, le ministère des Télécommunications et du Numérique a informé que “l'Agence sera une société commerciale publique appelée Centre National des Applications Spatiales (EKDE en grec), avec pour objet le rattrapage de l'énorme déficit du pays dans ce domaine”.

Le ministre Nikos Pappas a défendu que la création de l'Agence était une nécessité :

Cela va de soi de le faire. Il est impensable que la Grèce n'ait pas encore d'agence spatiale. Il est inimaginable que jusque dans un passé récent nous ayons troqué tous nos droits au cosmos et les gouvernements précédents en portent la responsabilité.

Cela ne pouvait pas manquer : Twitter a joué à “Perdus dans l'espace” avec d'innombrables tweets humoristiques sous le hashtag tête de tendance #greek_nasa. Florilège :

Politiques publiques à la Star Wars :

Il était une fois, dans une galaxie lointaine..

Un compte parodique du premier ministre grec Alexis Tsipras avance une autre raison de l'inutilité du programme. (La faute d'orthographe sur “astronaute” moque l'anglais hésitant du premier ministre).

Nous mettons fin au chômage des astronafts.

Quant à @tbarbatsalou il propose un autre acronyme, formant le mot “Hestra”, qui veut dire “chiotte” en grec :

HE. S. TR. A. = Agence de Voyage Spatial Hellénique

“Sauve qui peut”…

Les Grecs arrivent !

Vous vous demandez ce qui est arrivé à l'ex-ministre grec des Finances Yanis Varoufakis ? Soyez rassurés. Il a été promu à une fonction à la Spock dans le cosmos :

Ils peuvent toujours demander à ce type de diriger l'agence spatiale grecque qu'ils viennent d'annoncer.

@VasilisXtM révèle la véritable raison de l'inauguration de l'Agence Spatiale Grecque :

Finalement, c'est sur la Lune que nous rechercherons les [accords avec les créanciers] sur les memorandums.

Si l'astronaute grec ne boit pas son café frappé au petit-déjeuner, il ne se réveille pas :

“Houston, nous avons un problème. Y a plus de café” [sic]

Un “Armageddon” va venir de l'espace :

Tohu-bohu et problèmes dans l'espace. Les créanciers des Grecs ont eu tort de leur mettre la pression. Les alliances sont venues de loin.

Mais nombre de tweets ont formulé des commentaires plus courroucés, dans lesquels la création de l'Agence Spatiale grecque est unanimement vue comme une vaine provocation.

Je viens d'apprendre qu'on finance une Agence Spatiale Grecque alors que mon école a zéro budget chauffage. Folie au degré infini.

A écouter Tsipras au Parlement, on comprend pourquoi ils veulent créer la NASA grecque. Ils vivent dans un univers parallèle.

Pour ce journaliste britannique, le monde devrait s'excuser auprès de l'Amerique Latine pour la « guerre contre la drogue »

samedi 4 février 2017 à 23:17

Johann Hari. Photographie issue de Wikipedia Commons, domaine public.

Cet article reproduit l'entretien mené par Estefanía Sepúlveda Portilla (ESP) pour le média collectif chilien Pousta et fut d'abord publié sur leur site web sous une licence Creative Commons 4.0. Cette nouvelle édition publiera l'entretien en deux parties.

Le journaliste britannique Johann Hari (JH) a un jour décidé, pour des raisons personnelles plus que professionnelles, de porter un regard critique sur le thème de la toxicomanie. Il a découvert au cours de son enquête que la soi-disant « guerre contre la drogue » – l'ensemble des mesures mondiales de lutte contre les drogues, armes et prisons prises à l'initiative des États-Unis et plus tard exportées de force au Mexique et au reste de l'Amérique Latine – a déjà au moins cent ans.

Les études et les preuves scientifiques n'appuient pas cette stratégie, mais cela n'a rien changé aux politiques internationales. Pendant ce temps, le problème devient de plus en plus complexe et se répand dans d'autres pays de la région sans qu'on en voie la fin. Une contradiction complète, peu importe sous quel angle on le considère. Johann s'est ainsi embarqué dans un voyage de trois ans et quinze pays à la recherche de réponses, avec une passion journalistique et un sentiment d'urgence envers un problème qui l'a affecté personnellement.

Son livre « La brimade des stups », dans lequel il analyse et questionne les perceptions qui ont été utilisées pour défendre le conflit en cours, en est le résultat. Hari explique ses raisons dès la première phrase de notre entretien :

Una de las razones por las cuales investigué tanto tiempo este tema fue porque mi primer recuerdo de niño es de intentar despertar a un tío que yo pensaba que estaba dormido y no pude. Después descubrí que había problemas de adicción a las drogas en mi familia.

Une des raisons pour lesquelles j'ai enquêté sur ce sujet pendant si longtemps est que l'un de mes premiers souvenirs d'enfant fut d'essayer de réveiller mon oncle, qui, je croyais, dormait, et que je n'y arrivais pas. J'ai découvert plus tard qu'il y avait des problèmes d'addiction dans ma famille.

Il poursuit en expliquant le contexte de son travail : « Quand j'ai commencé, j'étais un peu arrogant. je croyais que j'en savais beaucoup sur tout ca, mais j'ai réalisé que je connaissais même pas les questions de base sur le sujet », se souvient-il. Sur Skype, il compte sur ses doigts face a la webcam : « À savoir : pourquoi a-t-on entamé une guerre il y a cent ans contre les toxicomanes et les usagers de drogue ? Pourquoi a-t-on continué si ça s'est avéré être un désastre ? Quelles alternatives à cette stratégie existe-t-il ? Qu'est-ce qui rend les gens toxicomanes ? »

Johann lance ces quatre questions avant qu'on lui demande. Il poursuit sans nous laisser le temps de les digérer :

JH Quería sentarme con gente que hubiese estado realmente metida en esto, que hayan visto sus vidas afectadas por el tema. Estuve en 15 países y finalmente conocí a un montón de gente, una mezcla muy loca, extraña y diferente: desde una persona trans que vendía crack en Brooklyn, hasta un sicario para uno de los carteles más violentos de Juárez de México. Estuve en Portugal, el único país del mundo que ha descriminalizado el consumo de todas las drogas, con resultados sorprendentes. Mi mayor conclusión al respecto es que todo lo que creemos que sabemos sobre adicción está mal: las drogas no son lo que creemos, la guerra contra las drogas tampoco.

JH Je voulais passer du temps avec des gens qui ont vraiment été immergés la-dedans, dont ça a affecté les vies. J'ai été dans quinze pays et au final, j'ai rencontré beaucoup de monde, un cocktail dingue, étrange et différent : depuis un trans qui vend du crack à Brooklyn jusqu'à un tueur à gages de l'un des cartels les plus violents de Juárez, au Mexique. J'ai été au Portugal, le seul pays au monde qui a dépénalisé toute consommation de drogue avec des résultats surprenants. Ma conclusion principale, en fait, c'est que tout ce qu'on croit savoir sur la toxicomanie est faux : les drogues ne sont pas ce que l'on croit, et la guerre contre les drogues non plus.

ESP : Commençons par le commencement. Comment et pourquoi la « guerre contre la drogue » a-t-elle commencé ?

JH Es bien interesante, porque yo pensaba lo mismo que todo el mundo te respondería ahora en la calle: que fue porque no querían que la gente se hiciera adicta, o que los niños consumieran. Pero no, no tenía nada que ver con eso. Fue fascinante encontrarme con la historia de Harry Anslinger, que es el creador de la “Guerra contra las drogas”. Él llegó al cargo de Director del Departamento de Prohibición del Alcohol en Estados Unidos, justo cuando la prohibición llegaba a su fin. Tenía un gran departamento y un gran cargo encima y nada que hacer; entonces, básicamente inventó esta guerra para mantener vivo el departamento. Lo hizo basándose en las tres cosas que más odiaba en el mundo, que eran los afroamericanos, los latinos y los drogadictos. Armó toda una burocracia basada en fuertes prejuicios sociales, para oprimir a esos grupos.

JH C'est assez intéressant, parce que je pensait la même chose que ce que tout le monde dans la rue vous dirait : c'est parce qu'ils ne voulaient pas que les gens deviennent toxicomanes, ou parce qu'ils ne voulaient pas que les enfants se droguent. Mais non, ça n'a rien a voir avec ça. L'histoire de Harry Anslinger, le créateur de la « guerre contre la drogue » est fascinante. Il est devenu directeur du Bureau de la prohibition des États-Unis juste au moment ou la Prohibition se terminait. Il se tenait au sommet de cette immense administration, mais rien à faire. Il a donc inventé cette guerre pour garder son administration en vie. Et il l'a basée sur les trois choses qu'il détestait le plus au monde : les Africains-Américains, les Latinos et les toxicomanes. Il a créé une bureaucratie entière basée sur de forts préjugés sociaux pour oppresser ces groupes.

ESP : Comment l'Amérique Latine est-elle entrée en jeu ?

JH Ése es el corazón de la guerra contra las drogas. Cuando prohíben las drogas, éstas no desaparecen, solo pasan de manos de doctores y farmacéuticos, a narcotraficantes armados, y luego Estados Unidos culpa a México sobre esto, lo que es bastante irónico si ves que ahora, cien años después, Trump armó su campaña sobre esta idea. El gobierno de México en ese momento hizo algo bastante inteligente y valiente. Le dijeron a Estados Unidos: “Vimos lo que están haciendo, pero no funciona”. Entonces ponen a Leopoldo Salazar Viniegra a cargo de las políticas de drogas. Él tenia un centro de rehabilitación, conocía el tema. Entonces dice, ‘La cannabis realmente no es dañina, no deberíamos prohibirla. Sobre el problema con las otras drogas, se necesita tratar a los adictos con amor compasión y tratamiento, pero no hay que prohibir las drogas porque si hacemos eso las drogas van a ser controladas por traficantes, gángsters, y carteles.’ Si hay alguien en el mundo al que la historia le haya dado la razón es a Leopoldo Salazar, ¿no te parece?

JH C'est au cœur de la « guerre contre la drogue ». Quand ils bannissent les drogues, elles ne disparaissent pas, elles passent simplement des mains des médecins et des pharmaciens à celles des revendeurs de drogues armés. Les États-Unis en rendent ensuite le Mexique responsable, ce qui est assez ironique quand on considère que cent ans plus, Trump en a même fait un argumentaire de campagne. À l'époque, le gouvernement mexicain a fait quelque chose de plutôt courageux et intelligent. Il a dit aux États-Unis : « On voit bien ce que vous faites, et ça ne va pas marcher. » Ils ont mis Leopoldo Salazar Viniegra à la tête de la politique en matière de drogues. Il possédait un centre de réhabilitation et était familier du problème. Il a alors affirmé : « Le cannabis n'est vraiment pas dangereux, on ne devrait pas l'interdire. Quant aux problèmes liés aux autres drogues, les toxicomanes ont besoin d'être traités avec amour, compassion et soins médicaux. Mais les drogues ne doivent pas être interdites car si elles le sont, elles seront contrôlées par des dealers, des bandits et les cartels. » S'il y a bien une personne au monde dont l'Histoire a montré qu'elle avait raison, c'est bien Leopoldo Salazar, vous ne pensez pas ?

ESP : Absolument.

JH La respuesta de Estados Unidos fue, ‘Sáquenlo’. México dijo que creía en él, y entonces Estados Unidos, fiel a su estilo, se puso amenazante, y en venganza, dejaron de exportar a México los opiáceos para medicamentos legales que se hacían en Estados Unidos. Y gente empezó a morir. Entonces, México tuvo que ceder. Así, esta guerra contra las drogas se expandió a toda Latinoamérica.

JH La réponse des États-Unis fut « Débarrassez-vous de lui. » Le Mexique a répondu qu'il croyait en [Salazar] et du coup les États-Unis, comme à leur habitude, sont devenus menaçants et en représailles ont arrêté d'y exporter des opiacés médicaux légaux fabriqués aux États-Unis. Et les gens ont commencé à mourir. Alors le Mexique a du abandonner. C'est comme ça que la guerre contre la drogue s'est répandue dans toute l'Amérique Latine.

Quand les classiques de la bande dessinée sur les dictatures redeviennent d'actualité

samedi 4 février 2017 à 20:42

Couvertures des bandes dessinées “De Smurführer”, la version néerlandaise du “Schtroumpfissime”, et de “Lucky Luke contre Joss Jamon”

Les parents qui élèvent des enfants en des temps socialement et politiquement agités se demandent comment leur parler des questions qui affectent leur société et probablement leurs vies sans pour autant les accabler de responsabilités d'adultes. Une réponse est de s'isoler, comme le propose Roberto Benigni dans sa comédie dramatique La vie est belle. Une autre est de les éduquer à l'aide d’œuvres à leur portée. Voici quelques classiques de l'animation qui pourront être utiles, surtout accompagnés de conversations pendant et après.

La montée et la chute des fascismes : Le Schtroumpfissime

Dans “Le Schtroumpfissime”, les Schtroumpfs se disputent sur qui va remplacer le Grand Schtroumpf en son absence. L'un deux prend le pouvoir, et par les flatteries et les promesses creuses, installe un régime autocratique. Conséquence, au lieu de s'occuper de problèmes réels (le barrage qui fuit, par exemple) les Schtroumpfs sont forcés d'édifier un palais grandiose pour leur nouveau chef. Le régime attaque la liberté d'expression en jetant en prison l'amuseur habituel, le Schtroumpf farceur. Un petit groupe de Schtroumpfs dissidents lance un mouvement de résistance, quelques-uns d'entre eux sont chassés et c'est l'escalade jusqu'à la guerre civile généralisée. (L'épisode présenté ci-dessous est en anglais)

Comme pour d'autres dessins animés des Schtroumpfs des années 1980, ceci n'est qu'une adaptation de l'excellent album de bande dessinée qui le précéda de vingt ans. L'album aborde des thèmes supplémentaires qui rappelleront certaine récente campagne électorale.

A la différence du dessin animé, où c'est le Schtroumpf à lunettes qui s'empare du pouvoir, celui qui prend les rênes dans le livre est un Schtroumpf anonyme, rusé et démagogue, qui découvre qu'on peut acquérir du pouvoir en disant aux autres ce qu'ils ont envie d'entendre.

Le rapport avec le fascisme n'est nulle part aussi explicite que dans le titre de la version en néerlandais : De Smurführer, ou le Schtroumpf Führer.

Méfiance, paranoïa, surveillance

C'est bien connu : les autocrates s'entourent de flagorneurs : des ‘lèche-bottes’ qui tout à la fois les flattent et les trompent en leur faisant croire qu'ils remplissent bien leur rôle. Une ‘loyauté’ qui prend le pas sur la compétence, et de tels dirigeants à leur tour écartent les fonctionnaires qui rapportent les nouvelles désagréables susceptibles de ternir leur image d'eux-mêmes.

Les autocrates sèment aussi les théories du complot et la panique pour se maintenir au pouvoir. Comme leur gouvernement repose largement sur des tromperies de toutes sortes, ils se méfient de tout leur entourage et soumettent loyalistes comme opposants à une étroite surveillance.

Ce type de comportement est incarné par le glorieusement paranoïaque et comploteur vizir Iznogoud, héros éponyme d'une série française de bandes dessinées adaptée plus tard en dessins animés pour la télévision.

Construire en grand, refaçonner les esprits

Dans la durée, les dictateurs s'éloignent de la réalité au point de commencer à croire à leur propre propagande. L'écart entre leurs désirs et le monde réel les amène à ne pas seulement altérer le ‘logiciel’ de la société (en contrôlant la parole et la pensée), mais aussi à en reconfigurer le ‘matériel’ (en appliquant des politiques qui affectent directement les corps des individus, ou bouleversent l'environnement physique).

Le “Schtroumpfissime”, après avoir construit son imposant palais, édifie un mur autour du village, pour empêcher les indésirables d'entrer, et les habitants de sortir.

Dans “Out of Scale” (1951) Donald Duck pousse un cran plus loin cette obsession bâtisseuse typique de l'autocrate : il construit une nouvelle ville en modèle réduit sur une propriété qu'il a achetée, assemble des maisonnettes sur la pelouse et ‘plante’ des imitations d'arbres à la place des vrais.

Comme il veut un contrôle total du territoire qu'il revendique comme le sien, il essaie d'expulser les chipmunks qui habitaient dans l'un des arbres de la propriété. Mais les petits animaux tiennent bon, et endurent les expérimentations sociologiques de Donald, en vue de s'assurer une place dans l'univers de celui-ci. A la fin ils réussissent même à récupérer leur arbre. Morale de l'histoire ? Une résistance déterminée impose un compromis !

Liberté d'expression et journalisme

A l'ère des “fake news” et des attaques intensifiées contre la liberté de parole à travers le monde, le dévouement démodé à la vérité de l'éditeur et journaliste Horace Greeley et du “The Daily Star” fait chaud au cœur.

Ce classique a été une bande dessinée de Lucky Luke publiée en 1983 avant de devenir un dessin animé.

Si le scénario est de fiction, le personnage de Greeley est basé sur le fondateur du même nom, dans la vie réelle, du New-York Tribune, qui, ironie du sort, a aussi joué un rôle clé dans la création du Parti Républicain.

Dans cet épisode, Greeley livre bataille à un ramassis de puissants hommes d'affaires, furieux qu'il rende publics des faits sur leurs pratiques commerciales douteuses.

Quand l'argent manque : dictateurs et impôts

Les dictatures ont pour caractéristique d'être coûteuses, car les fonds publics sont dilapidés en projets inutiles, et siphonnés par la corruption ‘légalisée’.

A moins d'être soutenues par d'inépuisables ressources naturelles (le pétrole par exemple) leurs économies ne sont pas viables. Quand elles commencent à flancher, elles recourent aux emprunts auprès des banques nationales plutôt qu'étrangères, et à l'augmentation des impôts et autres taxations. Le stade ultime est l'activité criminelle sanctionnée par l'Etat. Cela peut être des violences contre des citoyens pour confisquer leurs biens, la transformation en boucs émissaires des minorités ethniques et religieuses et des opposants politiques, ou le lancement de guerres de conquête.

Beaucoup de ces expédients sont étalés dans ce classique du dessin animé qu'est le Robin des Bois (1973) de Disney, où le couard, superstitieux et gâté Prince Jean s'est emparé du trône et écrase la population de taxes et d'amendes arbitraires. Les impôts ciblent avant tout les pauvres, réprimés par des équivalents médiévaux de la police et de la justice. Seuls les courageux dissidents Robin des Bois et Petit Jean, assistés d'une bande de complices, s'opposent à ce gouvernement par la peur.

Infiltration de l'Etat et comment en sortir

Dans l'album de bande dessinée de 1958 Lucky Luke contre Joss Jamon, un gang de malfrats “démocratiquement élus” capables de manipuler la presse parvient à prendre les commandes d'une petite ville et à persécuter les défenseurs des droits de ceux qui y vivent. Dans les faits ils réalisent une captation d'Etat, une situation dans laquelle les institutions publiques, y compris la justice, deviennent subordonnées à une mafia. La bande dessinée est plus riche en indications sur la façon dont émerge cette forme de corruption politique — et préconise l'engagement citoyen comme moyen de résoudre le problème — mais le dessin animé parvient aussi à faire passer l'essentiel du message.

Note de l'auteur : Cet article traite surtout de dessins animés, mains ne manquez pas d'encourager les enfants avec qui vous interagissez à lire davantage, en commençant par les bandes dessinées qui ont permis à ces films d'exister.

Quand Marvel Comics rencontre les Orishas: un artiste brésilien change les divinités africaines en super-héros

samedi 4 février 2017 à 16:40

Oxalá, le créateur de l'univers – par l'artiste Hugo Canuto (publié avec son autorisation)

[Sauf mention contraire, tous les liens de ce billet renvoient vers des pages web en portugais brésilien]

Pensez aux Avengers, la série de comics éditée par l'américain Marvel sur une bande hétéroclite de super héros qui s'unissent pour sauver le monde des forces du mal. Maintenant, imaginez que de retour dans les années 60, les créateurs Jack Kirby et Stan Lee aient trouvé l'inspiration des Avengers dans la mythologie yoruba. A la place d'Iron Man, nous aurions le guerrier Oxaguiã. A la place du scandinave blond aux yeux bleus Thor, il y aurait un justicier noir aussi fort, Xangô – qui brandit lui aussi un marteau. Ant-Man, qui contrôle les insectes serait remplacé par Ossain, le roi de la forêt, l'envoûteur et expert en secrets des plantes. Et qui serait Captain America comparé à Ogum avec son épée, toujours assoiffé de lutte ?

C'est exactement ce que l'artiste brésilien trentenaire Hugo Canuto [en] avait en tête en recréant en août 2016 la couverture #4 Avengers où ces fameux personnages étaient remplacés par des orishas (dit Orixás en portugais), les divinités contemporaines des religions afro-brésiliennes d'origines nigérienne et béninoise. Depuis toujours, Hugo, né à Salvador (un des plus grand foyers de la population afro-brésilienne) est un fan inconditionnel de Marvel et des comics.

Il dit avoir nommé sa série sous le titre « The Orixás » en combinant exprès le portugais et l'anglais. Et le jour suivant, il postait sur sa page Facebook un hommage à Jack Kirby qui aurait eu 99 ans s'il vivait encore.

Après avoir eu des retours positifs de ses amis (j'avoue être un ami personnel d'Hugo), il a vite créé une autre couverture du comics The Orixás en représentant cette fois le dieu Xangô.

Le projet a commencé lorsque Canuto a recréé la couverture du célèbre comics Avengers avec les super héros orishas. Image de Hugo Canuto publiée avec son autorisation

« Et ça a été un vrai succès. Beaucoup de gens m'ont contacté en me demandant de mettre en avant ces personnages dans l'univers des comics » déclare Hugo à Global Voices. En novembre, il teste sa chance avec du crowdfunding (financement participatif) en espérant récolter 12 000 réales brésiliens (4 000 US dollars) » pour faire deux comics et la série qu'il titre « Tales of Òrun Àiyé » – qui signifie paradis et terre en Yoruba.

L'idée d'assembler l'esthétique populaire des comics américains à la mythologie religieuse africaine a beaucoup plu et en une semaine l'objectif de financement participatif a été atteint. Avec plus de fonds que prévu, Hugo, diplômé en architecture qui avait quitté un poste de fonctionnaire en 2015 pour sa passion des comics, a dû trouver des moyen de développer le projet rapidement. Il a appelé à la rescousse deux experts du comics retraités, Marcelo Kina et Pedro Minho, pour la production. Ainsi, toute l'équipe a développé la qualité du matériel, le tirage, les finitions et défini de meilleures récompenses pour ses contributeurs.

Jusqu'ici, la campagne a récolté plus de 40 000 réales (12 000 dollars). Les posters ayant chacun un différent orisha sont vendus en continu, les fonds financeront l'édition de deux comics de 90 pages, chacun représentant une histoire différente inspirée par l'Itan – l'ensemble des mythes, histoires et chansons orishas.

D'après Hugo, tout sera publié indépendamment, sans éditeur attitré pour l'instant.

Les Avengers, mais de Bahia, SVP

Le Brésil a été le cœur de la traite négrière transatlantique, autant avant qu'après l'indépendance du Brésil en 1822. Bahia, où les colons portugais ont débarqué en 1500, reçut à elle seule plus de 1,3 million d'esclaves, qui venaient principalement du centre de l'Afrique de l'ouest et du Golfe du Bénin.

Leurs rituels et croyances ont survécu aux 300 ans de travail forcé et de violence extrême. Ces croyances se reflètent aujourd'hui dans les religions afro-brésiliennes du candombé et umbanda, qui sont des amalgames entre plusieurs traditions de groupes ethniques africains, notamment les Yorubas.

« Pour quelqu'un né et élevé à Bahia, l'influence africaine dans notre culture va bien au-delà des croyances. Elle touche nos coutumes, notre langage, notre nourriture. Elle fait partie de notre identité. » Hugo rajoute « C'est ce qui m'a motivé à faire une histoire inspirée de la culture afro-brésilienne. »

Xangô, le dieu de la justice. Publié avec autorisation

Oxum contrôle les sources, rivières et chutes. Publié avec autorisation

Oxóssi, le dieu de la chasse. Publié avec autorisation

Malgré une inspiration si profonde dans la culture de Bahia, la plupart de la population brésilienne méconnaît les croyances afro-brésiliennes  – souvent stigmatisées, voir persécutées par les chrétiens évangéliques radicaux [en].

Pour Hugo, l'objectif principal du projet est de célébrer ces mythes religieux qui ont survécu à travers le temps et la distance et sont même devenus une partie importante de la culture brésilienne :

Acredito que é necessário valorizar um dos pilares do Brasil, que infelizmente ainda sofre com discriminação e preconceitos. Acredito que o público entendeu essa ideia, pois temos muitos depoimentos de professores que falaram sobre o tema levando as artes para seus alunos, ou brasileiros vivendo no exterior que desejam apresentar esse aspecto do país. Sejam eles adeptos ou não das religiões de matrizes africanas, há um interesse imenso.

Je reconnais qu'il est nécessaire d'honorer un des piliers du Brésil qui souffre toujours de préjugés et de discrimination. Je crois que le public comprend l'idée, comme nous avons déjà entendu tant d'enseignants-chercheurs à ce sujet, en présentant notre art à leurs étudiants, ou à des Brésiliens vivant à l'étranger qui veulent montrer cet aspect de notre culture. Qu'ils soient des pratiquants ou pas de ces religions africaines, cela révèle un véritable intérêt.

Les croyances africaines offrent certainement beaucoup de matières à l'histoire des super-héros. Comme la santeria et  le vaudou ailleurs, le candombé reconnaît la place de ses déités. Elles sont connues comme orishas contrôlant les forces de la nature et de l'humanité. Tous les orishas – qui dépassent le millier, si on considère les pratiques des Amériques et de l'Afrique – ont des attributs humains : ils se battent entre eux pour le pouvoir, font des erreurs et tombent amoureux.

Pour le premier comic, Hugo avance que le personnage principal sera Xangô, le dieu de la justice. Selon la mythologie, ce dernier punit les menteurs, voleurs et malfaiteurs. Qui plus est Xangô a aussi eu à différents moments trois femmes, qui sont aussi orishas : Iansã, Oxum et Obá.

Canuto, qui vivait à São Paulo au moment où il a été inspiré par les comics est revenu à Bahia pour effectuer des recherches sur son projet. « Je me suis plongé dans les études sur les orishas, non seulement en lisant des œuvres d'auteurs reconnus mais aussi en fréquentant les terreiros [lieux de prêche du candombé] et en parlant aux chefs religieux. Parce que je souhaite mener ceci à bien et ce dans le plus grand respect et soin. »

Ossaim, maître des potions et des remèdes. Publié avec autorisation

Iansã contrôle les vents et orages. Publié avec autorisation

Yemanjá, maîtresse des océans, mère des Orishas. Publiée avec autorisation