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Quand Vodafone met le cap sur l'Iran…

dimanche 13 novembre 2016 à 16:05
Vodafone is on its way to Iran. Photo by Tom Purves via Wikimedia (CC BY-SA 2.0)

Vodafone annonce indirectement son entrée sur le marché des télécommunications iranien. Photo de Tom Purves via Wikimedia (CC BY-SA 2.0)

Le 18 octobre 2016 [article d'origine publié en anglais le 28 octobre – Note de la rédaction], le géant britannique des télécommunications Vodafone a annoncé la conclusion d’un partenariat avec HiWEB, petit fournisseur privé d’accès Internet et de téléphonie iranien, notifiant ainsi son entrée sur le marché iranien.

Cette annonce conjointe Vodafone-HiWEB précise que les nouveaux services seront accessibles aux consommateurs via la marque HiWEB : tel qu’énoncé dans un article du Wall Street Journal, l’objectif est de moderniser les infrastructures informatiques et d’étendre le réseau téléphonique et mobile pour l’ensemble des clients HiWEB.

De plus, tout comme l’accord passé entre l’américain AT&T et l’opérateur mobile iranien RighTel — qui faisait profiter les détenteurs d’une carte SIM américaine d’une couverture réseau en Iran — ce partenariat permettra aux clients du géant Vodafone de bénéficier d’un accès Internet mobile sur le territoire iranien.

Même si Vodafone ne constituera pas un partenaire direct (participation autre qu’au capital), il est difficile d’ignorer la connivence possible entre Vodafone et le système de surveillance des télécommunications iranien. En effet, de nombreux pays ont tendance à forcer les entreprises de télécommunications étrangères à prendre part à leur programme de surveillance des communications, et l’Iran est loin de déroger à la règle.

Cette fâcheuse manie a pu être observée en 2010, lorsque les fournisseurs télécoms appartenant à l’État ont fait l’acquisition d’un outil de surveillance de Nokia Siemens, offrant ainsi au service de renseignement iranien la possibilité de tracer des téléphones mobiles, ce qui s’est soldé par l’arrestation du journaliste progressiste Isa Saharkhiz en juin 2010.

Notons qu’en matière de confidentialité des communications, le passé de Vodafone n’est pas très glorieux. En effet, en 2013, Edward Snowden levait le voile sur l’aide apportée par une filiale de Vodafone au service de renseignements électroniques du gouvernement du Royaume-Uni (GCHQ) dans son programme de collecte de données Internet via des câbles sous-marins. Ensuite, selon une enquête du Financial Times, Vodafone aurait fourni à la police britannique une liste conséquente de données téléphoniques entre 2009 et 2014. Plus parlant encore, en février 2009, Vodafone a déclaré avoir mis des données de communications à disposition des autorités égyptiennes pour les aider à identifier les manifestants lors de la crise alimentaire de 2008.

L’Iran, pays de la surveillance téléphonique

En Iran, l’écoute téléphonique est une pratique courante depuis les années 50. Le mot shunood (« surveillance » en farsi ; vient du mot shenidan, qui signifie « écouter ») fait ainsi son apparition en même temps que les débuts des lignes téléphoniques à domicile, après la Seconde Guerre mondiale. En effet, à l’époque, un opérateur était chargé de vous mettre en liaison avec la personne souhaitée et était à même d’écouter votre conversation. Le terme « shunood » appartient désormais au langage courant et est utilisé pour faire référence à tout ce qui concerne la surveillance des communications, d’où le titre de la page Wikipédia perse à ce sujet : « shunood ertebatat mokharebati », pour « surveillance systématique ».

Cartoon by Doaa Eladl.

Dessin de Doaa Eladl. Reproduction autorisée.

Avec l’avancée des technologies de la communication, le système de surveillance de l’État iranien a considérablement évolué. Si l’écoute téléphonique reste un grand classique, d’autres méthodes plus élaborées sont aujourd’hui utilisées : activités DPI ou encore contrôle sur les métadonnées collectées par les entreprises de télécom. Il n’est désormais plus question d’une simple « écoute », mais bien d’extraction et d’analyse de données, ainsi que d’interception de communications électroniques. De plus, s’il existe des lois protégeant la confidentialité des individus en Iran, elles sont toutefois en contradiction avec d’autres lois et pratiques de l’État qui souhaite avant tout se laisser une marge de manœuvre en matière de surveillance, pour protéger les fondements et les principes de la « Révolution iranienne ».

L’arrestation d’un journaliste chinois en 2002 avec l'aide de Yahoo! ou encore la capture de Saharkhiz en 2010 grâce à Nokia Siemens, sont autant d’incidents qui poussent aujourd’hui les groupes de défense des droits des individus à faire davantage pression sur les entreprises technologiques pour qu’elles répondent de leurs actes, notamment de la mise à disposition de leurs services et compétences à des gouvernements à des fins de surveillance et d’oppression.

À quoi les Iraniens doivent-ils s’attendre ?

Avec la levée des sanctions internationales liées au programme nucléaire (entrée en vigueur en janvier 2016), les partenariats entre les entreprises étrangères et l’Iran — autrefois impossibles — se succèdent. Le pays pourra ainsi profiter d’une évolution de ses infrastructures de communication, notamment pour Internet, ce qui laisse à prévoir une nette amélioration des réseaux iraniens haut débit fixes et mobiles, connus pour être particulièrement lents et censurés.

D’après l’annonce, pour profiter de ces améliorations, les Iraniens devront toujours s’abonner aux services d’HiWEB. Privatisée en 2009, cette entreprise de télécom travaille en étroite coopération avec le Ministère des Communications et des technologies de l’information iranien, ce qui lui a valu d’être le premier fournisseur d’accès Internet haut débit dans 25 000 villages à travers l’Iran, et ce depuis 10 ans.

De plus, même si pour l’instant l’entreprise n’a fait aucune déclaration à ce sujet, Vodafone devrait jouer un rôle moins prépondérant dans la surveillance des consommateurs iraniens, puisque son entrée sur le marché ne semble pas s’accompagner de vente de téléphones ou d’offre Internet.

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Le drapeau iranien et le logo de Vodafone. Montage photo réalisé par l'auteur.

Les infrastructures Internet d’Iran sont construites de manière à centraliser et faciliter le contrôle de l’État sur les activités des entreprises de télécommunication et des fournisseurs d’accès Internet. En effet, toutes ces entreprises relèvent de la TCI (Telecommunications Company of Iran), un service appartenant au Ministère des Communications et des technologies de l’information iranien qui contrôle les principaux fournisseurs d’accès Internet du pays et leur délivre les permis d’exploitation.

Lorsque le gouvernement a tenté de privatiser la TCI, les Gardiens de la Révolution ont acheté environ 50 % des parts de la TCI via l’une de leurs filiales. Les missions des Gardiens de la Révolution, branche des forces armées de l’Iran, sont nombreuses : renseignement, surveillance et répression de toutes formes de désobéissance, que ce soit de la part de journalistes ou de tout autre individu ou groupe d’individus considérés comme une menace à la « Révolution iranienne ». Aux Gardiens de la Révolution vient s’ajouter le Conseil suprême du cyberespace, l’autorité chargée d’Internet en Iran.

Si l’on met de côté cet environnement répressif, la collaboration de Vodafone avec HiWEB ne signifie pas forcément que l’entreprise de télécom prendra effectivement part à la surveillance exercée par le gouvernement iranien.

De plus, si les Gardiens de la Révolution dirigent le Centre de surveillance des délits organisés, ils restent toutefois sous la coupe de gouvernement américain, qui en cas d’activités liées au terrorisme ou portant atteint aux droits de l’homme, n’hésitera pas à faire retomber des sanctions économiques.

En septembre dernier, le porte-parole d’Orange, qui s’apprête à entrer sur le marché iranien, a ainsi déclaré que l’opérateur français s’efforce d’éviter toute coopération avec les Gardiens de la Révolution :

Nous menons des études de faisabilité pour comprendre et évaluer ce qui est possible dans cet environnement complexe, notamment concernant certaines sanctions économiques qui continuent de s’appliquer en Iran.

De son côté, Vodafone avait déjà reconnu la nécessité de respecter les définitions « d’interception légale », conformément aux différentes législations locales. En 2014, l’entreprise avait ainsi publié son premier rapport de transparence globale intitulé « Law Enforcement Disclosure Report » qui détaille les demandes des gouvernements des pays dans lesquels Vodafone opère et les données qu’ils obtiennent. Pour l’instant, il est encore difficile de savoir si la présence quelque peu floue de Vodafone en Iran au travers de HiWeb méritera quelques lignes dans ce document de transparence.

S’il convient de se féliciter de ces avancées du marché des télécommunications iranien, ne perdons toutefois pas de vue les activités de Vodafone avec les entreprises de télécom iraniennes. Après tout, n’est-ce pas cette entreprise qui a collaboré aux actions de surveillance des gouvernements du Royaume-Uni et d’Égypte ?

Présidentielle U.S. 2016 : Evaluer les dégâts

dimanche 13 novembre 2016 à 13:54
Political graffiti in Caracas. FOTO: Erik Cleves Kristensen (CC BY 2.0)

“L'accession de Trump à la présidence des USA aura des répercussions ressenties non seulement aux Etats-Unis mais ailleurs dans le monde, en particulier en Amérique Latine.” Graff politique à Caracas. PHOTO: Erik Cleves Kristensen (CC BY 2.0)

Le matin du 9 novembre a marqué le point culminant de 18 mois de course tortueuse pour la présidence des Etats-Unis. Donald Trump en est sorti vainqueur en totalisant 279 grands électeurs et plus de 59 millions de voix. Avec la conclusion amère de ce chapitre dans la compétition pour la Maison Blanche, les USA doivent à présent envisager ce que peuvent apporter les quatre années à venir. La question qui cependant préoccupe le plus pour l'instant de nombreux Américains est : comment ce pays en est-il arrivé là ?

Une pluralité d'analystes ont pointé les profondes disparités socio-économiques et raciales qui n'ont cessé d'accabler les Etats-Unis depuis qu'ils se sont constitués en république il y a 238 ans. La fracture raciale dont beaucoup espéraient un rétrécissement avec l'élection à la présidence de Barack Obama en 2008, a en réalité pris le chemin opposé : l'accroissement des violences policières contre les communautés de couleur, et les expulsions massives de d'immigrants hispaniques en sont les manifestations les plus récentes.

Une situation exacerbée par le fait que, si l'économie américaine a bien réussi à se remettre de la crise financière de 2008, ce n'a pas été le cas pour toutes les couches de la population, et encore moins pour les blancs pauvres des zones rurales. Ce qui a fourni un terreau fertile pour l'émergence de figures comme Donald Trump et Bernie Sanders, qui ont pu gagner de la vitesse dans la course aux primaires de leurs partis respectifs. Les deux candidats ont promis l'un comme l'autre de sortir de l'immobilisme politique, Trump avec des tactiques de peur pour faire monter le mécontentement des électeurs républicains, suggérant, par exemple, que les Mexicains étaient des violeurs, des criminels, et des intermédiaires du trafic de drogue vers les Etats-Unis. Par ras-le-bol de la politique traditionnelle, les Républicains ont choisi Trump, au motif qu'étranger à la machine politique de Washington, il pourrait être un agent de changement réel.

L'establishment politique a aussi eu son rôle dans la création de la situation actuelle. La direction du parti Démocrate—avec l'aide des Super délégués et une entourloupe présumée du Comité National Démocrate pendant les primaires qui ont donné la préférence à Hillary Clinton—ont saboté les chances de Sanders d'avoir une réelle chance de devenir le candidat désigné du parti Démocrate. De son côté, l'establishment républicain, la dynastie Bush en tête, a échoué à monter une alternative crédible à un candidat dont la campagne a abondé en insultes, misogynie, xénophobie et propositions risibles comme la construction d'un mur tout au long de la frontière entre le Mexique et les USA. Pas plus John Kasich que Ted Cruz ou Marco Rubio—ce dernier considéré à un moment comme le sauveur du parti Républicain—n'ont pu arrêter la course du magnat de l'immobilier déchaîné.

Les médias ont eux aussi joué un rôle clé dans la sélection des candidats des deux partis. Sous couvert d'impartialité, les chaînes de télévision ont eu du mal à résister à la séduction de Trump. Résultat : une année où chiffres, faits et vérité ont été remplacés par les rumeurs, conjectures et mensonges colportés par Trump et ses collaborateurs. Ces même médias ont fini par inconsciemment blanchir l'image de Trump, quand des émissions humoristiques populaires comme le Saturday Night Live et The Tonight Show Starring Jimmy Fallon humanisèrent le candidat en l'invitant comme vedette, sans tenir compte des protestations vigoureuses contres ces apparitions. Pour beaucoup, les médias ont normalisé le discours absurde de Trump. Des chaînes de télévision comme CNN savouraient les pics d'audience que leur valaient Trump et les insultes qu'il lançait à ses adversaires. Et malgré le temps d'antenne quasi illimité qui lui était accordé à la télévision, Trump continuait à clamer son hostilité aux médias, répétant que lui et sa campagne n'étaient pas traités équitablement.

Les répercussions de l'accès à la présidence des USA de Donald Trump seront ressenties non seulement dans ce pays, mais aussi dans les autres parties du monde, et notamment en Amérique Latine. Les avancées politiques feront sans doute place à des reculs, puisque Trump a promis d'abroger l'accord avec Cuba et de renégocier les traités de libre-échange avec des effets certains sur la Colombie, le Mexique, le Chili et Panama, entre autres. Trump pourrait aussi avoir dans le collimateur le Venezuela, sans parler de ce qu'il réserve à l'Iran et la Corée du Nord, confrontées à un Trump impulsif capable de lancer une frappe nucléaire ou de mettre fin aux accords atteints à grand peine lors des pourparlers nucléaires.

Au lendemain de cette campagne électorale vertigineuse, tout ce qui reste à faire pour les Etats-Unis est d'évaluer les dégâts. Au-delà le la question de qui a gagné l'élection, le problème de la polarisation politique à Washington est plus aigu que jamais, par la grâce du “triangle de fer” d'intérêts intriqués qui règne sur la destinée du pays.

Le président-élu devra gérer non seulement des défis comme la réforme de la santé ou le choix d'un nouveau juge à la Cour Suprême, mais aussi le besoin urgent de remédier à l'épreuve infligée au pays par sa candidature. Mais en payer le prix prendra de longues années.

Mauvais signal pour l'Iran ? Plusieurs ministres potentiels de Trump sont proches des Moudjahiddine du peuple iranien

samedi 12 novembre 2016 à 20:20
MEK leader, Maryam Rajavi, pictured here at a rally in Paris, is a close ally of several prospective members of Donald Trump's cabinet. PHOTO: Public Domain

La dirigeante des Moudjahiddine du peuple iranien, Maryam Rajavi, lors d'un rassemblement à Paris. Elle est une proche de plusieurs membres pressentis du gouvernement de Donald Trump. PHOTO: Domaine public

Parmi les think tanks et les experts de politique étrangère de New York et Washington, peu soutenaient Trump ou même envisageaient la possibilité de son élection. Maintenant que la poussière est retombée et que le magnat populiste s'apprête à emménager à la Maison Blanche, les spéculations pullulent sur ce que sera sa politique étrangère. 

Ce qui rend Trump imprévisible, c'est l'historique en zigzag du milliardaire septuagénaire. Plus qu'un véritable idéologue de droite, c'est un opportuniste, qui a vendu une série de ce qu'on ne peut que de très loin appeler des “politiques” avec la science que sa base d'extrême-droite y serait réceptive. Jusqu'en 1987, il était enregistré chez les Démocrates, avant de passer au parti Républicain, puis au Parti de la Réforme (marqué à droite) de Ross Perot, puis retour aux Démocrates et enfin, après la victoire d'Obama, le voilà une nouvelle fois chez les Républicains. 

Pendant la campagne aussi, il a pris des positions vagues et contradictoires, et a enchaîné les volte-faces sur les sujets essentiels. Misant sur la réputation de faucon de Hillary Clinton et le ras-le-bol de la population américaine contre les multiples aventures militaires de leur pays, Trump a souvent paru prendre une posture isolationniste, ce qui a hélas leurré même des gens de gauche, qui ont prétendu qu'il représentait une “moindre menace” pour le monde que son adversaire. Mais sur les sujets importants, ce qu'il voulait c'était souvent plus d'intervention militaire que moins.

Trump préconisait une augmentation du budget militaire et une escalade du combat contre l'EI. Après avoir initialement exigé 20 à 30.000 soldats américains sur le terrain, il a ensuite fait marche arrière et dit que l'Arabie Saoudite devrait fournir ces hommes. Par moments, il a dit que la guerre menée avec l'autorisation de l'ONU en Afghanistan était une erreur et à d'autres il l'a soutenue. A l'époque de l'intervention en Libye, autorisée par l'ONU, il voulait le renversement du chef de l'Etat libyen Mouammar Kaddhafi, mais a depuis changé d'avis plus d'une fois. 

Mieux vaut reconnaître que nul ne peut se targuer de connaître quelle sera la direction de la politique étrangère de Trump. Elle semble évoluer maintenant que le Président élu voit se profiler la perspective de s'asseoir réellement derrière le bureau le plus puissant du monde.

Quelles prédictions peut-on alors avancer sur les possibles politiques iraniennes de l'administration Trump ?

Même s'il a promis pendant les trois débats présidentiels de déchirer l'accord avec l'Iran, les analystes ont souligné qu'il n'en fera “probablement” rien, d'autant que l'accord a le soutien des autres puissances mondiales comme l'UE et la Russie, dont Trump a courtisé quelque temps le président Poutine, allié de Téhéran. En revanche, le commentateur israélien Zvi Bar’el a expliqué que si Trump décide réellement de “jouer avec l'accord nucléaire”, cela profitera à l'Iran, qui pourrait appeler les autres parties à l'aide face aux USA apparaissant comme le pays ne respectant pas ses engagements. Le non-dit est que toute belligérance de la sorte de la part de Trump renforcerait aussi la ligne dure des anti-réformes et anti-accord dans l'establishment iranien, dont certains ont parlé en bons termes de Trump. Le Guide Suprême de l'Iran Ali Khamenei a été près de donner son aval au magnat quand il a déclaré que “ils l'appellent un populiste parce qu'il dit la vérité”. 

Ce qui est susceptible de clarifier un peu les intentions de Trump, c'est le choix de ses ministres, et en particulier son équipe de sécurité nationale. C'est là que les défenseurs de la paix et de la démocratie en Iran et au Moyen Orient trouvent matière à s'inquiéter. 

Les deux principaux concurrents au poste de Secrétaire d'Etat sont l'ancien président de la Chambre des représentants Newt Gingrich et l'ancien ambassadeur à l'ONU John Bolton. Les deux hommes ne se sont pas contentés d'être en faveur d'une attaque militaire contre l'Iran avec “changement de régime” à la clé. Ils font partie des “amis” américains les plus proches d'une sulfureuse organisation politico-militante iranienne, les Mojahedin-e-Khalq (MEK, en français Organisation des moudjahiddines du peuple iranien, OMPI) presque universellement haïe en Iran depuis sa collaboration avec Saddam Hussein pendant la guerre Iran-Irak. 

L'OMPI a été désignée organisation terroriste par les Etats-Unis qui ne l'ont retirée de la liste qu'en 2012. Après le renversement de son parrain Saddam Hussein en 2003, le mouvement a perdu presque toute crédibilité et aucune personnalité qui se respecte dans la politique iranienne ne s'en approche depuis la révélation ces dernières années des abus majeurs que le groupe a commis. 

John Bolton a aussi des antécédents anciens de soutien aux Moudjahiddines du peuple iranien, et est souvent l'invité de peurs rassemblements. En mars 2015, quand les négociations autour de l’Accord nucléaire iranien atteignirent une phase sensible, il appela à une attaque militaire contre l'Iran et à un “vigoureux secours américain” à l'OMPI “en vue d'un changement de régime à Téhéran”. L'été dernier, Gingrich a fait un discours devant le rassemblement de l'OMPI à Paris, aux côtés de Turki ben Faisal, l'ancien chef du renseignement saoudien. Gingrich est allé jusqu'à s'incliner solennellement devant la dirigeante de l'OMPI, Maryam Rajavi, qu'il a gratifiée de son titre favori, “Présidente-élue”. Lors de sa candidature à la primaire républicaine pour l'élection de 2012, Gingrich appela ouvertement au “remplacement de la direction iranienne”, disant que cela pouvait être réalisé en l'espace d'une année. 

La probable nomination de Gingrich et Bolton à deux des plus hauts postes de la sécurité nationale dans l'administration Trump permettra-t-elle au culte totalitaire de Rajavi de gagner en influence ?

D'autres membres potentiels d'une administration Trump sont également d'éminents faucons anti-Iran hawks. L'ex-maire de New York Rudy Giuliani, pressenti pour le poste d'attorney general (ministre de la Justice), s'est fait payer des sommes rondelettes pour paraître aux rassemblements de l'OMPI. Le gouverneur du New Jersey Chris Christie, à la tête de l'équipe de transition, a qualifié l'Iran de “menace plus grande que l'EI”. Mike Flynn, potentiellement le prochain secrétaire à la Défense, a dit expessément, “Cela fait dix ans que je suis en guerre avec l'Islam, ou une composante de l'Islam” en se plaignant des “mensonges de l'Iran, leurs mensonges sur toute la ligne, et ensuite la haine constante qu'ils crachent, chaque fois qu'ils ouvrent la bouche”. 

Dernier point, mais non le moindre, un des principaux financeurs de la campagne de Trump est le propriétaire de casinos Sheldon G. Adelson, qui lui a apporté son soutien en mai et a donné 25 millions de dollars à un Super PAC anti-Clinton la semaine dernière. Adelson est aussi connu pour avoir défendu une frappe nucléaire sur l'Iran. 25ème homme le plus riche du monde, il est aussi un allié proche du Premier ministre israélien très à droite Benjamin Netanyahu, ainsi qu'un proche partenaire de Gingrich, dont il a aidé la campagne de 2012. Adelson est si proche de Netanyahu qu'il injecte 50 millions de dollars par an dans un quotidien gratuit, Israel Hayom, qui attaque les ennemis intérieurs de Netanyahu tant à gauche qu'à droite. Une amitié si étroite que lorsqu'une proposition de loi qui aurait contrarié Israel Hayom a été mis à l'ordre du jour de la Knesset, le parlement israélien, Netanyahu n'a pas craint de faire chuter son propre gouvernement de coalition pour le faire retirer. Le gouvernement de coalition suivant n'a été formé qu'après la promesse de ses partenaires de ne pas introduire de propositions de loi sur la presse gênant Adelson. 

De nombreux facteurs peuvent impacter la politique iranienne de Trump : ses relations avec Moscou, Riyad et Tel Aviv, sa position sur l'engagement étatsunien en Irak, en Syrie et au Yémen, et les exigences du Congrès dominé par les Républicains, dont la majeure partie s'est opposée à l'Accord avec l'Iran. Mais les liens avec l'OMPI sont un grave souci, et doivent inciter les Iraniens à la vigilance. Ceux-ci doivent dire clairement que ce culte ne parle pas au peuple d'Iran, et que ce ne sont pas de sincères défenseurs de la démocratie pour le pays. 

Les Africains voient humour et hypocrisie dans la victoire de Donald Trump.

samedi 12 novembre 2016 à 15:24
Donald Trump, 45e Président des Etats-Unis d'Amérique. Recadrage d'une photographie originale de Michael Vadon. CC BY-SA 2.0

Donald Trump, 45e Président des Etats-Unis d'Amérique. Recadrage d'une photographie originale de Michael Vadon. CC BY-SA 2.0

Le candidate républicain à l’élection présidentielle Donald Trump a été élu quarante-cinquième Président des Etats-Unis le 8 novembre, devançant sa concurrente démocrate Hillary Clinton. Sa victoire, décrite comme le plus grand bouleversement de l'histoire des Etats-Unis, a choqué beaucoup de gens partout dans le monde, y compris en Afrique.

Sur Twitter, les citoyens de pays africains ont réagi avec choc et humour.

Bwesigye, membre de l'Ugandan African Leadership Centre, basé en Afrique du Sud, interroge :

Si les USA étaient un pays africain, comment les Experts Blancs et les intellectuels décriraient-ils ce qui est en train de se passer maintenant ? Employons ces adjectifs.

Dikeledi Mokoena répond :

On le traiterait de dictateur incompétent, corrompu et divisionniste.

La stratégiste numérique ougandaise Rosebell Kagumire réagit aux tweets de Bwesigye :

Demandons à tous ces jeunes Américains de cesser leur volontourisme en Afrique. Il est clair que l'Amérique a davantage besoin d'eux !

‘On se réveille et on répare notre pays… Il n'y a plus nulle part où se réfugier!’

Gidimeister note le caractère historique de cette victoire :

Trump vient de battre deux dynasties politiques, les Clinton et les Bush. Quoi qu'on pense de l'homme, c'est impressionnant.

Nwachukwu Egbunike, qui écrit pour Global Voices depuis le Nigeria, critique la couverture de la campagne par les média :

La prochaine fois, rapportez l'info. Hélas les médias classiques ont perdu la boule pendant les élections américaines : ils ont fabriqué l'info !

Sommes-nous tous d'accord pour trouver les principaux média américains à côté de la plaque?

Une autre utilisatrice écrit :

La vraie terreur que de nombreuses personnes noires aux Etats-Unis doivent ressentir en ce moment n'est pas drôle pour moi. J'ai été un an aux Etats-Unis, noire et terrifiée…

Trump a fait plusieurs commentaires racistes pendant sa campagne.

Cependant, Eyo pense que la victoire de Trump et le vote en faveur du Brexit en Grande-Bretagne représente une opportunité pour son pays :

Trump n'est pas la tragédie du Nigéria. La vraie tragédie, c'est que les USA et la Grande-Bretagne nous ont donné une Opportunité en 2016… et que le Nigéria dort.

Au Nigéria, la présentatrice et productrice d’émissions de télévision Mo Abudu demande aux Africains de considérer la victoire de Trump comme une occasion de nettoyer leurs propres pays :

On se réveille et on répare notre pays et notre continent. Il n'y a plus nulle part se réfugier ! Lisons ce qui est écrit sur les murs !

‘Le vol vers l'Afrique commence’

Trump a promis de déporter tous les immigrants en situation irrégulière et de procéder à un “examen extrême” des immigrants qui arrivent aux Etats-Unis. Sur Twitter, les utilisateurs se servent de cette position pour nombre de plaisanteries.

Charles a publié une photographie d'un gorupe d'avions en train de décoller et raille :

Le vol vers l'Afrique commence.

Alors que Stefan affirme :

Laissez-moi profiter de mon popcorn parce que mon ex va se faire déporter vers le village d’elle vient.

Kulayo plaisante :

Mon oncle est à l'aéroport en route pour l'Afrique.

Ruth Tsonnie dit :

Je vais vivre et mourir en Afrique.

Hassan Ha-g, lui, voit dans la victoire de Trump la preuve que tout est possible, même sans expérience :

J'ai appris une leçon : l'expérience ne garantit pas d'avoir le job. Allez postuler à ce job qui demande dix ans d'expérience.

‘Les Etats-Unis, le phare resplendissant de la justice, est un mensonge’

Pour de nombreux observateurs basés en Afrique, l’élection de Trump met en lumière l'hypocrisie des USA à peser sur la politique africaine.

Alexander Waweru, de Nairobi, remarque :

Les Américains ne devraient pas nous dire pour qui voter en 2017.

Les Kényans se rendront aux urnes en 2017.

L'auteur nigérian Ifeatu Nnaobi dresse le constat suivant :

Donald Trump is the 45th President of the USA and the story of America as a shining beacon of justice is a lie. If it weren’t a lie then he wouldn’t be president. If it weren’t a lie then Clinton should have won by a landslide but well over 58 million Americans elected this excuse of a man as President. Like many liberal non-Americans around the world, I never thought this day would come. But after Brexit, and now this, there’s the sinking realisation that the world is a shittier place that we thought. What we missed, I believe is the fact that the America we know from leftist television, press and perhaps short visits is vastly different from the America that voted in Donald Trump. The real America.

Donald Trump est le 45e Président des Etats-Unis et l'histoire de l'Amérique en tant que phare resplendissant de la justice est un mensonge. Si ça n’était pas un mensonge, il ne serait pas président et Clinton aurait gagné haut la main, mais plus de 58 millions d'Américains ont élu Président ce simulacre d'homme. Comme de nombreux non-Américains libéraux dans le monde, je n'aurais jamais pensé que ce jour viendrait. Mais après Brexit, et maintenant ça, on finit par réaliser que le monde est plus merdique que ce qu'on croyait. Ce qu'on a raté, je pense, c'est le fait que l'Amérique que nous connaissons grâce à la télévision de gauche, à la presse et peut-être aussi à de courts voyages est très différente de l'Amérique qui a voté pour Donald Trump. L'Amérique réelle.

Il souligne que :

The bottom-line is that if America was really as progressive as we thought, Trump never should have gotten close. The fact that he ran for the elections after allegations of sexual assault and after running a campaign fuelled by lies shows that Americans are not as progressive as they’ve led the world to believe.

En fin de compte, si l'Amérique était aussi progressiste qu'on le pensait, Trump ne se serait même jamais approché de la présidence. Le fait qu'il puisse se présenter à des élections après des allégations d'agression sexuelle et après avoir mené une campagne pleine de mensonges montre que les Américains ne sont pas aussi progressistes que ce  qu'ils ont voulu faire croire au monde.

Il admet cependant que tout n'est pas perdu :

While this seems very grim, we must acknowledge a few strides that were made. California Attorney General Kamala Harris made history on Tuesday night when she won the Senate race and became the second Black woman to be elected to the US Senate. Former refugee Ilhan Omar has been named the first Somali-American legislator for the United States. Finally, for the first time, an openly LGBT governor Kate Brown, was elected in Oregon. These women winning seats is tremendous progress but against the hate brought to light by the Trump campaign, they look like a few rays of light penetrating a very dusty window.

Bien que tout ça soit bien sombre, nous devons admettre les quelques avancées qui ont été faites. En gagnant la course au Sénat mardi soir et en devenant la seconde femme noire à y être élue, la procureure générale de Californie Kamala Harris est entrée dans l'histoire. L'ancienne réfugiée Ilhan Omar a été nommée la première législatrice somali-américaine. Enfin, et pour la première fois, une gouverneure ouvertement LGBT, Kate Brown, a été élue dans l'Oregon. Ces femmes tout juste élues représentent un énorme progrès contre la haine mise en lumière dans la campagne de Trump. Ce sont quelques rayons de lumière qui passent à travers une vitre bien poussiéreuse.

Les paysannes de l'Inde du Nord enlèvent leur voile et défient le patriarcat

samedi 12 novembre 2016 à 08:37
Veiled women going to work in the Thar desert. Image from Flickr by Nagarjun Kandukuru. CC BY 2.0

Des femmes voilées se rendent au travail (désert du Thar, Inde du Nord). Image de Nagarjun Kandukuru, source Flickr. CC BY 2.0

Le port du voile intégral en Inde du Nord n'est pas une coutume religieuse. Dans une grande partie de la région, et plus particulièrement dans les zones rurales, les femmes, qu'elles soient hindoues, jaïnistes, sikh ou musulmanes, et surtout si elles sont mariées, sont obligées d'observer ce rituel et de voiler leur corps. Le ghoonghat (ou encore laaj, chunni ou odhni) est le nom du voile ou foulard utilisé pour se couvrir le visage.

L'origine de la coutume dans la région est le sujet d'un débat enflammé, mais il est certain que la tradition existe en Inde depuis plusieurs siècles. Au fil du temps de plus en plus de femmes ont abandonné le voile, mais dans les zones rurales et dans certains quartiers urbains, sa présence est encore forte.

Mes beaux-parents “hautement éduqués” m'ont fait porter “le voile” après le mariage !!! #mariéepasmarquée@renverserle patriarcat

Manju Yadav est institutrice à Mirzapur (district de Faridabad dans l'Etat de l'Haryana). Elle a lancé une campagne dont l'influence s'étend jusqu'ici à 47 villages pour soutenir les femmes désirant abandonner le voile intégral. Elle explique son engagement dans le reportage de Keep Trending :

Face à la caméra, elle explique que la pratique du ghoonghat est considérée comme un signe de modestie et de respect par les villageois. Pour eux, couvrir le visage des femmes est une marque de respect importante envers les hommes.

La campagne est soutenue par le commissionnaire adjoint de l'administration locale, Chander Shekhar, qui affirme que la pratique du ghoonghat a un impact négatif sur l'estime de soi des femmes.

Pour Manju Yadav, les hommes demandent aux femmes de porter le voile pour les contrôler. “Demandez à un homme de se couvrir le visage pour une journée: il en serait incapable” affirme-t-elle.

En juillet, quarante-sept présidentes de village (sarpanch) du district de Faridabad se sont engagées à mettre fin à la pratique du ghoonghat dans leur village.

Les réactions ont été nombreuses. Chanchal Mishra écrit sur Facebook:

Au nom de la culture et des traditions de telles hypocrisies existent depuis des siècles. Face à la longue liste des coutumes illogiques dont les femmes sont les heureuses bénéficiaires, je m'interroge: où est celle réservée aux hommes ?

Dans son commentaire sur la page BBC Inde, Ash Chowdhury apporte de plus amples informations sur la pratique :

Je viens d'un de ces villages où ces coutumes perdurent et où il n'est pas obligatoire de porter le voile (ghunghat) tout le temps, c'est seulement quand la dame est mariée et qu'elle est dans la maison de ses beaux-parents ou en présence de la famille de son époux

Et Kavaseri Vasudevan Venkataraman Iyer suggère :

Si les femmes veulent porter le voile, laissez-les. Si elles ne veulent pas, laissez-les. C'est aussi simple que ça. Les hommes devraient comprendre et bien se conduire et ne pas les harceler.