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Anti-douleurs, haussements d'épaules et autres réactions de Chinois à l'arbitrage invalidant les prétentions maritimes de la Chine

vendredi 15 juillet 2016 à 19:58
"China - not a single dash less" image distributed by China Daily in response to the South China Rule and "China - not a single pill less" by Badiucao.

A gauche : “Chine – pas un seul trait de moins.” Image distribuée par China Daily en réaction à la sentence sur la mer de Chine méridionale. A droite : “Chine – pas une gélule de moins” par Badiucao.

La Cour permanente d'arbitrage de La Haye vient d'infliger un revers diplomatique à la Chine en rejetant son usage de la “ligne en neuf traits” pour revendiquer sa souveraineté sur de vastes secteurs de la Mer de Chine méridionale.

Comme on s'y attendait, les médias gouvernementaux chinois se sont aussitôt élevés contre la sentence de la Cour, indiquant que Pékin ne reconnaîtrait ni n'accepterait la décision. Quant aux médias sociaux chinois, les internautes patriotes y ont posté une carte avec les neuf traits légendée “Pas un seul trait de moins” pour faire écho à la position officielle.

D'autres ont simplement demandé, l'arbitrage sur la Chine du Sud, qui s'en soucie ? La vidéo ci-dessous est l'une de celles qui a circulé parmi la diaspora des Chinois continentaux :

Les Philippines avaient porté le contentieux devant la juridiction internationale en janvier 2013. En cause, la prétention de la Chine aux droits maritimes exclusifs sur les îles Paracels (revendiquées par le Vietnam, la Chine et Taïwan), le banc de Scarborough (revendiqué par la Chine, Taïwan et les Philippines), ainsi que les îles Spratleys (revendiquées par la Chine, le Vietnam, Taïwan, la Malaisie, les Philippines et Brunei). La Chine justifie ses actions par ce qu'elle appelle la ligne en neuf traits [encore appelée “langue de boeuf”], qui étendrait sa zone maritime jusqu'à 50 milles nautiques au large des îles philippines de Luzon et Palawan, une zone où les Philippines disposent des droits maritimes exclusifs aux termes de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS) .

La cour a jugé que les terres disputées sont soit des rochers ou des reliefs n'émergeant qu'à marée basse, comme des récifs, impropres à soutenir la vie humaine ; n'ayant pas la qualité d'îles, elles ne peuvent donner à leur propriétaire de droits étendus sur les eaux environnentes.

La sentence affirme également que Ies obstacles mis par la Chine à la pêche et à l'exploration pétrolière des Philippins, tout comme la mise en chantier d'îlots artificiels dans la limite des 200 milles nautiques au large de l'archipel philippin a violé les droits souverains des Philippines.

Le jugement a été ressenti comme un grave revers diplomatique pour Pékin. La conséquence est que les autres pays : Vietnam, Malaisie et Brunei, qui ont tous des intérêts en Mer de Chine méridionale, ont désormais une base juridique pour protester contre les activités économiques et militaires de la Chine dans cette mer disputée.

Les prétentions de souveraineté maritime de Pékin sont vieilles de 70 ans et antérieures à la guerre civile chinoise et à la création de la République populaire de Chine actuelle. En 1947, la République de Chine (ROC, l'actuelle Taïwan) a justifié par une ligne en onze traits sa revendication de quelques-unes des îles de la Mer méridionale, occupées pendant la deuxième guerre mondiale par les Japonais, et dévolues à la ROC après la fin des combats.

Deux ans plus tard, les communistes ont défait les forces du Kuomintang et créé la République populaire de Chine. Ils ont repris à leur compte les prétentions de leurs prédécesseurs puis changé les onze traits en neuf au début des années 1950 pour offrir le Golfe du Tonkin à leur voisin communiste du Nord-Vietnam.

‘Le monde entier regarde la Chine tomber dans le piège’

Sur internet, rares ont été les commentaires appelant à des manifestations de nationalisme extrême ou à des actions militaires. En réalité, la plupart des réactions s'efforçaient d'une manière ou d'une autre de sauver la face de la Chine dans ce désastre diplomatique :

谈判是和平解决争端的态度,只有美国、日本这些犯贱的小人才巴不得打起来,因此,咱们爱国是没错的。有的同胞一味地说要武力征服,是不够冷静的。今年,南方洪水、又碰到大台风,这南海局势,美国跟韩国又勾结坑害中国。大家更要冷静!中国一点都不能少!

Les Philippins ont manifesté devant l'ambassade de Chine, alors que l'ambassade philippine en Chine était sous la protection de la police chinoise. C'est la différence entre un Etat fort et un petit Etat. La Chine ne doit rien au monde, mais ce monde n'a jamais été gentil [avec la Chine].

La négociation est un moyen pacifique de résoudre un conflit. Seuls les hideux USA et Japon veulent voir la guerre. Nous avons donc raison d'être patriotes. Mais certaines personnes qui continuent à réclamer une conquête militaire manquent de calme. Cette année, nous avons des inondations et un typhon dans le Sud, les Etats-Unis ont monté un piège pour la Chine. Nous devons rester calmes. La Chine ne perdra pas un seul trait !

La tentative de sauver la face est plus visible sur de nombreuses vidéos titrées Arbitrage de Chine du Sud, qui s'en soucie ?, diffusées auprès des cercles de Chinois du continent vivant outre-mer, comme celle plus haut.

Dans la diaspora chinoise, beaucoup de commentaires ont pointé du doigt la maladresse diplomatique du Président chinois Xi Jinping. Sur Twitter, @tom2009cn a écrit :

[La Chine n'a pas] de quoi se sentir si humiliée au sujet de la Mer de Chine méridionale. Les installations sur les quelques îles ont déjà perturbé les Etats-Unis, mais Xi Jinping a tenu à brandir son sabre et amener le pays au bord de la guerre. A présent l'arbitrage a sanctionné comme illégal l'exercice par la Chine de ses droits en Mer de Chine méridionale. C'est un grave revers, une réédition de la crise des missiles de Cuba. Le monde entier regarde la Chine tomber dans le piège. Quelle sottise.

En février 2012, le position diplomatique chinoise relative à la Mer de Chine méridionale était que “aucun pays y compris la Chine ne revendique la souveraineté sur la totalité de la Mer de Chine méridionale”. Mais avec la multiplication des incidents avec des bateaux de pêche, Chine, Vietnam et Philippines ont tous affirmé détenir les droits sur la mer disputée.

En avril 2014, la Chine a commencé à transformer le récif Mischief [‘Malice’ en anglais], situé dans l'archipel des Spratleys, en île artificielle, et en août de la même année, un avion de chasse chinois a intercepté un aéronef de la marine américaine.

En février 2016, des images par satellite ont montré que la Chine fabriquait du sol sur les îles Tree et North des Paracels, et à nouveau la chasse chinoise interceptait un avion de surveillance américain en mai.

Les activités économiques et militaires ont déjà perturbé l'unité des pays membres del'ASEAN, l'Association des pays de l'Asie du Sud-Est. Maintenant que Pékin a perdu sa base juridique, le monde attend sa réaction à la crise. Sauver la face ne suffira pas à alléger la douleur ; le caricaturiste politique Badiucao préconise de plutôt prendre des antalgiques — neuf, pour être précis, et “pas une gélule de moins” :

Le dessin de Badiucao pour la Mer de Chine méridionale/La Haye Le moment de prendre des antalgiques

Le récit condescendant et bourré d'erreurs de son séjour en Zambie par une jeune Écossaise fait riposter des Africains

jeudi 14 juillet 2016 à 20:01
The cover of the book In Congo’s Shadow.

La couverture du livre “Dans l'Ombre du Congo”.

Le hashtag #LintonLies [MensongesLinton] est tendance sur les réseaux sociaux depuis que le journal anglais The Telegraph a publié un extrait du livre écrit par l'actrice écossaise Louise Linton, qui réside aux États-Unis. L'ouvrage raconte le “cauchemar” de son année sabbatique en tant que bénévole en Zambie.

Des Zambiens, Africains et amis de l'Afrique critiquent en se moquant le livre pour ses erreurs factuelles, ses généralisations trompeuses et sa représentation faussée de la Zambie, une nation en paix dans le sud de l'Afrique, présenté comme un pays infesté par les rebelles.

Dans l'extrait, Linton dit être “venue en Afrique avec l'espoir de pouvoir aider quelques uns des plus pauvres du monde”, mais explique avoir été forcée de prendre refuge “au fin fond de la jungle zambienne” sous “la dense canopée” lorsque des rebelles armés de la République Démocratique du Congo ont razzié le village où elle habitait. “Comme la nuit interminable avançait, je m'efforçais de ne pas imaginer ce que les rebelles feraient à la ‘maigre muzungu blanche avec ses longs cheveux d'ange’ s'ils me trouvaient,” écrit-elle.

My innocent dreams of teaching the villagers English or educating them about the world now seemed ridiculously naïve […] I soon learned that Africa is rife with hidden danger. I witnessed random acts of violence, contracted malaria and had close encounters with lions, elephants, crocodiles and snakes. As monsoon season came and went, the Hutu-Tutsi conflict in neighbouring Congo began to escalate and then spill over into Zambia with repercussions all along the lake. Thousands of people were displaced and we heard brutal tales of rape and murder.

Mon rêve innocent d'enseigner l'anglais aux villageois ou de leur apprendre les choses du monde m'apparut soudain comme terriblement naïf. […] J'appris rapidement que l'Afrique regorge de dangers cachés. J'ai été témoin d'actes de violence insensés, attrapé la malaria et j'ai rencontré de près des lions, des éléphants, des crocodiles et des serpents. Avec l'arrivée et la fin de la mousson, le conflit entre les Hutus et les Tutsis au Congo voisin a pris de l'ampleur et s'est étendu jusqu'en Zambie, avec des répercussions sur toute la rive du lac. Des milliers de personnes ont été déplacées et on nous a rapporté des récits brutaux de viols et de meurtres.

Il n'y a jamais eu de conflit entre les Hutus et les Tutsis en République Démocratique du Congo. Ce conflit est survenu au Rwanda, qui n'est pas frontalier de la Zambie. Le pays n'a jamais traversé de guerre civile non plus. De plus, il n'y a ni mousson, ni jungle en Zambie.

Sa géographie est fausse, ses notions de politique africaine sont fausses. Que quelqu'un éduque cette imbécile.

En plus des inexactitudes factuelles, on critique aussi Linton de souffrir d'un “complexe du sauveur blanc” — l'idée condescendante et coloniale selon laquelle seuls les blancs peuvent “sauver” les Africains — et de s'en remettre à l'ancienne description d'une Afrique sombre et dangereuse.

Le #privilègeblanc, c'est pouvoir publier un livre reposant sur des expériences invérifiables.

“C'est le sud de l'Afrique, chérie, pas une forêt tropicale.”

Sur Twitter, les utilisateurs ont décortiqué l'ouvrage de Linton, certains avec humour. Masuka Mutenda a lancé :

La seule chose qui manque à la virée en pleine jungle de Louise Linton, c'est Tarzan volant à sa rescousse !

Elle fait aussi remarquer la description inexacte des paysages zambiens :

Ce dossier spécial m'a vraiment surprise. C'est le sud de l'Afrique, chérie, pas une forêt tropicale.

Nadia Rizk met en lumière des faits complètement erronés :

Le conflit entre Hutus et Tutsis au Congo ? La mousson en Zambie ? Des rebelles ? Tu ne débites que des conneries, Louise Linton.

Abel Chungu Musuka plaisante :

Il semblerait que Louise Linton croit au mythe selon lequel écrire quelque chose dans un livre le cacherait des Noirs. Tu vas voir ce que tu vas voir !

Le compte Twitter d'un documentaire kényan intitulé Hashtag Les Pauvres a partagé un clip rassemblant les pires facettes du volontourisme, lorsqu'un bénévole ne cherche qu'à se montrer sous un bon jour au lieu de contribuer au progrès dans la durée et de traiter les bénéficiaires de son aide avec respect :

Notre génération a l'occasion de changer cette “vision unique” dépassée de l'Afrique.

Et Lukama Bwite a posté la photo ci-dessous :

Je cherche le côté négatif de la Zambie.

“Je cherche toujours les araignées de 30 centimètres”

Dans son livre, Mme Linton raconte avoir développé un lien avec une petite fille du nom de Zimba, une “enfant aux dents écartées, atteinte du sida et dont la plus grande joie était de s'asseoir sur mes genoux en buvant une bouteille de Coca-Cola.” Lusé Fiasco la tourne en dérision en postant cette photo provenant du compte Instagram satirique Barbie Savior [Barbie sauveuse]. Le compte remet en question les visions populaires du bénévolat en Afrique :

Là, je prends soin de Zimba tout en échappant aux rebelles et aux bêtes sauvages dans la jungle zambienne, la plus sombre d'Afrique.

Xhaka Zulu réinterprète la présence d'une cascade avec la logique d'un “sauveur blanc” :

Les rebelles ont fait sauter la principale canalisation d'eau dans le nord de la Zambie. Les locaux pensent que c'est une cascade.

Pendant ce temps, Chishala Chitoshi demandaient à Mme Linton de prier pour lui :

Nous allons bientôt arriver dans ce village habité par 80 rebelles, priez pour nous.

Andrew Jackson quant à lui a eu l'idée d'un shampooing au nom de Louise Linton et “inspiré par la jungle zambienne” :

Il fallait que je donne ma touche personnelle aux #mensongesLinton

Cependant, un utilisateur de Twitter basé aux États-Unis, Heyoka, prend la défense de Linton :

À ceux qui s'attaquent à Louise Linton, vous l'accusez de mentir, mais les faits vont dans son sens. Qu'avez-vous fait, vous, pour les Africains ?

Millie G l'a alors mis au défi de donner ces faits :

Les faits vont dans son sens ? Quels faits ? Quand est-ce que la Zambie a été en guerre pour la dernière fois ? Depuis quand l'Afrique connaît-elle la mousson ? Allons donc

Moses a répondu au tweet de Heyoka par :

“Je cherche toujours les araignées de 30 centimètres.”

Aucune source ne mentionne des araignées de trente centimètres en Zambie, comme Mme Linton l'affirme.

“Prenons ceci comme un rappel : NOUS devons écrire nos propres histoires”

À la suite du scandale, Mme Linton s'est excusée sur Twitter : “Je suis sincèrement confuse et je m'excuse d'avoir offensé certaines personnes, ce n'était pas mon intention.” Un peu plus tard, elle a supprimé son compte. En réponse, Zarina Khan a posté :

Les rebelles sauvages de Zambie l'ont forcée à désactiver son compte.

William Chilufya a quant à lui adressé ce conseil à ses compatriotes :

Zambiens, apprenez à écrire sur notre pays vous-mêmes, ou alors Linton le fera pour vous ! 20/20 en lecture pour l'instant. Essayez d'écrire.

Adedana s'est exprimée dans le même sens :

À ceux qui s'offusquent des mensonges de Mme Linton, prenons ceci comme un rappel : NOUS devons écrire nos propres histoires. Écrivez un article en ligne, une nouvelle, etc. Créez.

L'Académie Royale espagnole préfère « tous » à « tous et toutes »

jeudi 14 juillet 2016 à 09:54
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Photo prise sur le compte Flickr de Camisetas de SANTI OCHOA et republiée sous licence Creative Commons.

La Real Academia Española (RAE, l'Académie Royale espagnole), l'institution chargée de normaliser la langue espagnole, a publié sa position sur l'usage linguistique du féminin et du masculin dans des termes tels que « tous et toutes » ou « travailleurs et travailleuses » qui, lorsqu'ils font référence à des personnes des deux sexes, se mettent au masculin au pluriel.

Le site Clases de Periodismo résume ainsi le rapport de l'institution intitulé «Sexisme linguistique et visibilité de la femme » rédigé par Ignacio Bosque :

El informe de la RAE critica las nuevas guías sobre lenguaje no sexista elaboradas en España por universidades, sindicatos o gobiernos regionales, que proponen, por ejemplo, usar palabras como “la ciudadanía” en lugar de “los ciudadanos” o “el profesorado” en lugar de “los profesores” para hablar de grupos compuestos por hombres y mujeres”.

Tras criticar y resaltar la nula practicidad del “desdoblamiento” genérico -como el citado “todos y todas”- para evitar la supuesta caída en el sexismo, así como el uso indebido del símbolo “@” para superponer el uso femenino de la “a” y el masculino de la “o”, el lingüista descartó la viabilidad de las recomendaciones de las guías”.

Le rapport de la RAE critique les nouvelles directives portant sur l'usage non sexiste de la langue élaborées en Espagne par des universitaires, des syndicats et des gouvernements régionaux, qui proposent par exemple d'utiliser des mots tels que « la citoyenneté » au lieu des « citoyens » ou « le professorat » à la place des « professeurs » pour parler des groupes composés d'hommes et de femmes.

Après avoir critiqué et mis en évidence l'absence de commodité du dédoublement générique – comme dans le cas des termes « tous et toutes » mentionnés – dans le but d'éviter les supposées dérives sexistes, ainsi que l'usage abusif du symbole « @ » pour superposer la marque du féminin « a » et celle du masculin « o » , le linguiste a considéré que les éléments présents dans les directives ne pouvaient être appliqués.

Ignacio Bosque signale selon le site que « l'usage générique du masculin pour désigner les deux sexes est très enraciné dans le système grammatical » espagnol et que « forcer [un changement] des structures linguistiques » est un non-sens.

Mais pourquoi cette mise au point ? Le problème n'est pas nouveau, la RAE ayant déjà précisé sa position en 2012.

Le site du journal argentin La Nación avait alors publié ce qui suit à ce sujet :

A la Real Academia Española (RAE) le llamó la atención el uso creciente de un latiguillo lingüístico en América latina: un artículo de la Constitución de Venezuela habla de “venezolanos y venezolanas”, y la presidenta Cristina Kirchner comienza siempre sus discursos dirigiéndose “a todos y a todas”.

La corriente “reformista” ya ha tenido varios ejemplos, además de los que brindan la Constitución venezolana y la presidenta Kirchner. El 15 de mayo del año pasado, la Puerta del Sol se vio desbordada por un movimiento de manifestantes que, para subrayar su conformación por mujeres indignadas y hombres indignados, se autodenominó “de l@s indignad@s”. Con el signo de arroba, para ser más inclusivos.

L'attention de la Real Academia Española (RAE) a été attirée par l'utilisation croissante d'un abus de langage en Amérique latine : un article de la constitution vénézuélienne évoque les « Vénézuéliens et Vénézuéliennes » , et la présidente [argentine] Cristina Kirchner commence toujours ses discours en s'adressant « à tous et à toutes » .

Le courant « réformiste » a déjà plusieurs exemples à son actif, en plus de ceux que représentent la constitution du Venezuela et la présidente Kirchner. Le 15 mai dernier, la Puerta del Sol a été envahie par un groupe de manifestants qui, pour souligner le fait qu'il se composait de femmes indignées et d'hommes indignés, s'est autoproclamé [mouvement] des indigné-e-s [en espagnol de l@s indignad@s]. Avec le signe arobase pour être plus inclusif.

Sur ce point, le site Enfoque Jurídico [Perspective juridique] conseille d'éviter l'utilisation du signe @, car ce n'est pas un signe linguistique et il est de plus imprononçable.

Marcela Zeledón précise dans son article « L'utilisation du langage inclusif, un besoin social ? » :

… el lenguaje incluyente, hace referencia a toda expresión verbal o escrita que utiliza preferentemente vocabulario neutro, o bien, hace evidente el masculino y el femenino. También evita generalizaciones del masculino para situaciones o actividades donde aparecen mujeres y hombres”.

… le langage inclusif fait référence à toute expression verbale ou écrite qui utilise un vocabulaire neutre de préférence, ou bien fait apparaître le masculin et le féminin. Il évite également la généralisation du masculin dans les situations ou activités où figurent des femmes et des hommes.

Zeledón souligne que l'objectif n'est pas d'ajouter « os » et « as » à tous les mots, mais d'utiliser des termes et des concepts neutres qui incluent et donnent davantage de visibilité à tous les groupes qui composent la société. D'après l'auteure, un exemple serait « d'abandonner l'utilisation du terme homme, étant donné qu'il a toujours été employé de manière universelle » . Marcela Zeledón estime que cette pratique occulte la présence des enfants et celle des femmes. Le plus approprié serait de se référer aux deux sexes, en utilisant des termes comme « personnes » , « êtres humains » , «l'humanité » ou « l'espèce humaine » .

Sandra Russo a écrit un article là-dessus pour Página 12 sous la mention « Au sujet de tous et de toutes ». Elle y indique que le rapport a été signé par les 23 académiciens de la RAE (dont seulement trois femmes) :

La RAE salió, una vez más, al choque de una avanzada de género promovida desde hace años por muchos colectivos feministas, que elaboran guías sobre el sexismo en el lenguaje[…] Las feministas protestan porque el sustantivo masculino incluye al femenino, y eso ya no es un detalle, ni un modo decir lo correcto, ni es una enunciación justa. Las mujeres estamos gramaticalmente incluidas en los sustantivos masculinos (trabajadores, ciudadanos, amigos, invitados, etc.: todo eso, que es de género masculino, lleva al género femenino incorporado, justo como una costilla semántica). Pero no es la lengua la que determina la realidad, es al revés.

La RAE combat de nouveau une avancée dans le genre défendue depuis des années par un grand nombre de collectifs féministes, qui élaborent des guides sur le sexisme dans le langage […] Les féministes protestent contre l'inclusion du féminin dans les substantifs masculins, et cela n'est pas anodin, ni une manière correcte de dire les choses, ni un énoncé juste. Nous les femmes sommes grammaticalement comprises dans les substantifs masculins (travailleurs, citoyens, amis, invités, etc : tous ces termes, qui sont de genre masculin, intègrent le genre féminin, à l'image d'une côte sémantique). Mais ce n'est pas le langage qui détermine la réalité, c'est l'inverse.

Et elle ajoute :

Las lingüistas feministas sostienen que esa inclusión forzada de lo femenino en lo masculino es una forma de exclusión en la lengua. El estar contenidas e invisibilizadas en los sustantivos masculinos obliga a las mujeres a una pregunta que deben hacerse miles de veces en sus vidas: “¿Me están hablando a mí?”, mientras los varones jamás pasan por esa experiencia.”

Les linguistes féministes soutiennent que cette inclusion forcée du féminin dans le masculin est une forme d'exclusion dans la langue. Le fait d'être contenues et cachées derrière les substantifs masculins oblige les femmes à se demander des milliers de fois dans leur vie : « Est-ce à moi que l'on parle ?» , alors que les hommes ne traversent jamais cette expérience.

De la même façon, Russo note que « les milieux qui ne sont pas à l'aise avec la langue la modifient progressivement, dans un mouvement naturel de précision et de spécificité » .

Néanmoins, les utilisateurs de Twitter ont plutôt soutenu la décision de la RAE :

La démission du Premier Ministre britannique David Cameron a son thème musical : ‘Doo Doo Doo Doo’

mercredi 13 juillet 2016 à 16:54

Il y a bien des façons d'exprimer son ressenti quand on quitte son poste de Premier Ministre du Royaume-Uni. Pour David Cameron, ce fut en fredonnant.

Le 11 juillet, M. Cameron a annoncé à quelques journalistes qu'il passait la main à Theresa May, restée seule en lice pour la direction du parti Conservateur. Il avait promis de démissionner à la suite des résultats du référendum sur le Brexit, qui a vu 51,9 % des votants choisir de quitter l'Union Européenne (Cameron avait, lui, fait campagne pour le maintien dans l'UE).

Après sa courte déclaration, il a alors fait les quelques pas le séparant de l'entrée de sa résidence du 10 Downing Street, mais son micro-cravate qui  n'était pas coupé a transmis quatre notes de chansonnette ponctuées, la porte refermée, d'un sonore “Right!” (“Bon !”).

La foule des internautes, enchantée par la mélodie cameronesque, s'est livrée avec délices aux plaisanteries et mèmes sur le sujet. Toute simplet que soit le thème “Doo doo doo doo right”, il n'en a pas moins fourni une base solide à un remix dance, promptement confectionné par @graemecoleman. Qui, en moins de 24 heures, a été repris 2.600 fois sur Twitter.

J'ai passé la soirée de hier à remixer David Cameron. Très fier de moi…

Un autre utilisateur a proposé une tournure à la Darth Vader, et transformé le fredonnement improvisé en “thème original du Malfaisant Tory” (‘Tories’ est le nom familier du parti Conservateur) :

Après avoir annoncé que Theresa May sera Premier Ministre mercredi, Cameron dévoile le thème original du Malfaisant Tory (pas encore la musique… patience !)

Prenant en compte le tumulte politique du moment, un utilisateur de Twitter lié au milieu théâtral a introduit une comparaison entre la citation de Cameron et les drames shakespeariens :

Puisque tou discours d'importance est magnifié quand on y ajoute le fredonnement cameronien…

D'autres ont laissé entendre que l'ex-premier ministre envisageait une nouvelle carrière et ne pouvait choisir meilleur jour pour sortir sa chanson, avec toute l'attention et les caméras braquées sur lui.

[La mélodie improvisée de Cameron est juste la mignonne chansonnette sur le pays bousillé que nous attendions tous] On suppose que ‘Doo Doo, Doo Doo’ n'est pas une chanson “qu'il gardait sous le coude depuis des années mais qu'il a finalement trouvé approprié de sortir”

“Doo Doo, Doo Doo” de @David_Cameron sera probablement la chanson de l'année 2016

‘La fin du monde c'est ça, pas une explosion mais un DOO DOO DOO DOO. Right.’

A moins qu'il ne s'agisse de la bande-annonce d'une pas si mauvaise comédie musicale ?

Tonight's the night,
Doo doo doo doo, right!”

Un geek d'Allemagne a rapidement transformé le fredonnement viral en sonnerie de téléphone, suggérant que télécharger sur son téléphone mobile la mélodie devenue culte valait son prix.

Doo, doo, doo, doo – RETWEETE cette vidéo et reçois une Méga-Promo ! (sans supplément caché)

D'autres ont jugé que la mélodie appartenait au peuple et ont proposé un tutoriel pour se la passer gratuitement.

Je ne sais pas qui l'a fait – mais c'est merveilleux. L'envoûtante lamentation fredonnée de Cameron.

Blagues à part, la recherche sur les mèmes Internet montre que les contenus et mèmes viraux contiennent souvent des pensées et références complexes à la politique sérieuse, voire révèlent l'opinion publique dominante sur l'actualité ou les idées qui comptent.

On ne s’étonnera donc pas que de nombreux commentateurs numériques aient saisi l'occasion pour critiquer M. Cameron d'avoir mené le Royaume-Uni au référendum du Brexit. Si une majorité d'électeurs a choisi “sortir”, ils ont été 48,1 % à voter pour rester dans l'Union Européenne, des résultats qui ont amèrement divisé le pays.

“Doo doo doo”. La chanson de l'amateur distingué qui vient de mener le pays au gouffre

Le sondage dit : Vous êtes un idioo doo doo.

Au milieu de l'humour sur le doo doo et les pointes acérées, il y a aussi eu une étonnante vague de compréhension et de compassion. Après tout, le politicien avait vécu quelques rudes semaines.

La chansonnette de démission de Cameron le rend ridiculement humain (si on se rappelle qu'il est un caméléon, etc).

Je ne pensais pas pouvoir aimer David Cameron, mais ce bout de chansonnette, et ce ‘bien’ d'un chic insolent… Rien ne peut mieux humaniser qu'un doo-di-doo

Ce fredonnement était-il un signe de soulagement, ou juste une mélodie accrocheuse qui a traversé la tête de l'ex-premier ministre ? On ne le saura sans doute jamais. Mais il a certainement été une bouffée d'air frais pour les Twittos britanniques qui ont pu oublier un instant les sombres prédictions économiques et les débats politiques enflammés. Bien.

[Radio-Classique : Nous avons fait une analyse musicale de la mélodie chantée par Cameron : une fanfare renversée, un note chromatique non résolue… Que signifie cette mélodie ?] Une toute petite dose d'apaisement dans tout ce drame politique ! Ça m'a fait rire

Si j'avais une arme…

mercredi 13 juillet 2016 à 13:08
PHOTO: Public domain from Pixabay.

PHOTO: Domaine public, Pixabay.

(Article d'origine publié le 8 juillet) Ecoutez la voix de Jeronimo Yanez après qu'il a tiré sur Philando Castile [le 6 juillet 2016]. Ce que j'ai entendu : la voix d'un homme qui espérait être le bon gars au pistolet, se rendant compte qu'il pourrait aussi être le méchant – le peureux, le garçon qui se protège contre le mal, et qui ne protège pas les autres d'une menace imminente, comme il aurait pu se l'imaginer en tant qu'officier de police.

Ou au minimum, j'entends dans sa voix la prise de conscience que tirer sur un homme en présence d'une femme et son enfant dans la voiture est ignoble et calamiteux, et n'a rien d'héroïque. A mes oreilles, il n'y avait rien d'autre que de la douleur et de la peur dans sa voix.

J'ai également pensé à Castile. Il portait une arme à feu parce qu'il imaginait qu'elle pourrait le garder en sécurité. Peut-être que lui aussi avait des fantasmes ou des histoires qu'il se racontait où il utiliserait l'arme à feu pour protéger les personnes dont il se souciait. Si ni l'un ni l'autre n'avait eu une arme, Castile serait probablement vivant, libre de faire des erreurs, aimer, haïr et grandir, Yanez aurait probablement déjà oublié le procès verbal dressé pour un feu arrière défectueux et Diamond Reynolds et sa fille ne seraient pas hantées par des cauchemars pour le restant de leur vies.

Je pense à tous ces moments où la violence a traversé ma vie en insérant mentalement une arme dans ma main. Il y a quelque semaines, mon fils et moi avons assisté sur Telegraph à l'agression d'une femme. Je suis intervenu et j'ai dit quelque chose de stupide comme, “Eh, arrêtez, ca ne se fait pas !” Cela a rompu le charme. Le gars m'a regardé, fait un clin d'oeil et est parti. Ensuite il est revenu et s'est excusé auprès d'elle et de moi (d'une manière assez bizarre, mais ça c'est une autre histoire – et oui, j'ai appelé la police, ou essayé du moins – mais ça aussi c'est une autre histoire). Et si j'avais eu une arme sous ma veste ? D'un geste de la main je l'aurais saisie. La présence d'un revolver aurait pu envenimer les choses. Mon fils aurait pu me voir finalement tirer sur cet homme, ou tirer sur un passant. J'aurais même pu tirer sur mon fils, dans le pire des cas.

Rien de cela ne s'est passé.Tout le monde est vivant. Quand je repense à toutes les fois où j'ai été agressé ou menacé ou témoin de violence, je n'ai pas le souvenir d'une fois où une arme à feu aurait été bénéfique au final. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura jamais une situation où une arme pourrait aider. Mais mon expérience me dit que cette situation sera l'exception qui confirme la règle.

Pendant le week-end, ma compagne et nos garçons sont passés devant un magasin d'armes. Evidemment, les garçons voulait entrer pour regarder les couteaux, épées et armes à feu. J'ai compris pourquoi : ils ont été nourris par des images de bons gars avec des revolvers pendant toute leur vie, et ils veulent se glisser dans ces fantasmes le temps d'un instant. Je ne doute pas que Jeronimo Yanez et Philando Castile aient été un jour comme mes garçons.

Par ennui, je regardais les pancartes en vente sur les murs du magasin : Restez dehors ! Propriétaire armé et dangereux ! Le contrôle des armes à feu peut frapper votre cible ! Tout respirait la peur et l'isolement. Rien ne disait : Respirez et  comptez les bonnes choses de la vie, rappelez-vous que nous sommes tous faillibles et précieux.