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Petits mais forts : Luttes et succès des Sarayaku

jeudi 8 février 2018 à 17:10

Etudes de cas dans le traitement médiatique des peuples autochtones

Sabino Gualinga, un ainé du peuple Sarayaku, débute un rituel à l'occasion des excuses publiques de l’État Équatorien. Photo de  @wambraradio Medio Digital Comunitario, utilisée avec autorisation.

[Article d'origine publié le 7 novembre 2017] Le peuple Sarayaku, petite communauté autochtone dans l'est de l’Équateur, fait rarement la une des journaux. Ils vivent dans la forêt amazonienne. Cependant, par deux fois ces dernières années, ils ont réussi à attirer l'attention des médias nationaux équatoriens.

S'excuser auprès de la communauté Sarayaku

Entre septembre et novembre 2014, les Sarayaku firent parler d'eux sur la scène publique. Le gouvernement équatorien leur présenta publiquement des excuses (fait rarissime),  pour avoir autorisé des compagnies minières à exploiter le territoire Sarayaku sans l'autorisation de la population autochtone.

Nous avons creusé ces informations afin d'accéder à l'histoire complète. Dans notre recherche MediaCloud,  204 articles associent “excuses” avec la communauté Sarayaku. Cependant, l'histoire derrière ces excuses est confuse pour qui n'est pas familier des batailles politico-légales des Sarayaku.

Il s'avère que ces excuses font suite à la décision d'un jugement de la Cour inter-américaine des droits de l'homme  (IACHR). Cette décision, émise le 27 juin 2012, condamnait l’État équatorien pour sa violation des droits des Sarayaku à la propriété collective.

Exploration MediaCloud des mots associés avec Sarayaku de septembre à octobre 2014 dans la collection équatorienne de NewsFrames. Le mot “Disculpas” (excuses) a été surligné.

Depuis les années 80, les Sarayaku combattent publiquement l'exploitation pétrolière sur leurs terres. A la fin des années 90, le gouvernement équatorien a accordé une concession à une compagnie pétrolière pour réaliser des forages sur les terres ancestrales des Sarayaku, en infraction de la loi qui requiert le consentement des communautés autochtones avant l'accord de licences d'exploitations minières.

Lors de son discours d'excuse au nom de l’État équatorien, le ministre de la justice Ledy Zúñiga a rappelé  que ces violations des droits humains avaient été commises par les précédents gouvernements de Jamil Mahuad (1998-2000) et Lucio Gutiérrez (2003-2005).

Ofrecemos disculpas por la violación a la propiedad comunal indígena, violación a la identidad cultural, violación del derecho a la consulta, por haber puesto gravemente en riesgo la vida e integridad personal y por la violación a los derechos de las garantías judiciales y protección judicial y los derechos humanos”, declaró Zúñiga.

Nous présentons nos excuses pour la violation de la propriété collective autochtone, la violation de l'identité culturelle, la violation du droit à la consultation, pour avoir mis gravement en péril la vie et l'intégrité personnelle ainsi que pour la violation des droits à des garanties judiciaires, à la protection juridique et aux droits humains”,  a déclaré Zúñiga.

Ces excuses sont une des rares victoires politiques et médiatiques du peuple Sarayaku, ainsi que des groupes autochtones et activistes qui se mobilisent contre l'exploitation pétrolière. Ils ont obtenu une décision favorable de la Cour inter-américaine des droits de l'homme. Ils ont également bénéficié d'une large couverture médiatique desdites excuses, qui furent massivement retransmises en espagnol et en kichwa.

Kidnappeurs ou groupe en rétention? Une victoire du cadrage

Après le pic de couvertures médiatiques faisant suite au jugement, le peuple Sarayaku disparut de l'agenda des médias équatoriens. En décembre 2016, des nouvelles de la communauté refirent surface.

La couverture médiatique  “Sarayaku” en ordre chronologique de septembre 2014 à juillet 2017.

La raison? Le 19 décembre, à travers leur page officielle Facebook, Sarayaku, defensores de la selva (“Sarayaku, défenseurs de la forêt”), les Sarayaku rapportèrent détenir 11 soldats de l'armée équatorienne qui se trouvaient sur leur territoire sans permission.

La plupart des médias équatoriens, pro-gouvernements inclus, couvrirent l'histoire en référence à Facebook, sans inclure les déclarations officielles de l'armée ou du gouvernement. Les premières déclarations des Sarayaku sur Facebook disaient  “inviter les soldats au dialogue” après leur entrée sur leur territoire sans permission et également que ces soldats étaient “sous la protection” de la communauté.

Publication  Facebook  à travers laquelle les  Sarayaku annoncèrent la détention de soldats  dans leur communauté.

Le même soir, le président équatorien Rafael Correa décrivit les incidents différemment, parlant d'une “séquestration”. Dans le discours suivant il déclara à travers les médias nationaux :

esto es inconstitucional, es detención arbitraria, esto es secuestro porque todo el que permanezca dentro del territorio sin hacer nada ilegal se le respeta la libre movilidad.

Ceci est inconstitutionnel, c'est une détention arbitraire, c'est une séquestration car tous ceux qui restent à l'intérieur du territoire sans rien faire d'illégal doivent voir leur libre circulation respecté.

Cette version du gouvernement qui fut par la suite reprise par les médias de masse déclara également que les Sarayaku avaient enfreint la loi, et  qualifia les soldats de “séquestrés” (los soldados fueron secuestrados). Tout le long de la semaine, le mot secuestrados (séquestrés) fut le seul utilisé par les médias pour reprendre les déclarations du président Correa ou du ministre de la défense Ricardo Patiño.

La plupart des médias mirent l'accent sur la version des Sarayaku, utilisant le mot retenidos (retenus) au lieu de secuestrados (sequestrés) et rappelant l’imposante militarisation dans la région. Malgré les déclarations du président, la version Sarayaku prévalut.

Comparaison MediaCloud entre l'utilisation des mots “retenidos” (retenus) utilisés par les leaders autochtones et le mot”secuestrados” (sequestrés) utilisé par le gouvernement, suivant la rétention de 11 soldats dans la communauté Sarayaku. Décembre 2016.

Lorsque  les soldats furent relâchés après les négociations, le mot retenidos (retenus) utilisé par les leaders autochtones prévalut sur le mot secuestrados (séquestrés). Tant la presse papier que télévisée et même certains médias numériques pro-gouvernemental optèrent pour retenidos.

Finalement, même la déclaration de presse de l'agence gouvernementale du Ministère de la Communication (SECOM) employa le langage des Sarayaku, écrivant :

así como hay derechos también hay obligaciones que deben ser respetadas para asegurar esos mismos derechos como por ejemplo el de la libre movilidad en el territorio nacional. Por ello el Gobierno rechaza categóricamente la retención contra la voluntad de once soldados de las Fuerzas Armadas por decisión arbitraria de algunos dirigentes de la comunidad Kichwa Sarayaku.

Tout comme il y a des droits, il existe également des devoirs qui doivent être respectés afin d'assurer ces mêmes droits, des droits comme que celui de la libre circulation sur le territoire national. Pour cette raison la gouvernement rejette catégoriquement la rétention contre leur volonté des onze soldats des Forces Armées par décision arbitraire de certains leaders de la communauté Kichwa Sarayaku.

Ces moments de couverture médiatique du peuple Sarayaku reflètent une petite mais néanmoins importante amélioration . Ainsi que le déclara Andrés Tapia — chargé de communication au sein de la Confédération de Nationalités Indigènes de l'Amazonie Équatorienne (CONFENIAE) —  “il est important de signaler qu'il y a, bien sûr, des conflits, des combats et de la résistance mais il y a également des améliorations.”

* * *

Comment nous avons déterminé que retenidos prévalait
Les recherches sur MediaCloud  n'ont trouvé que 20 articles de médias nationaux équatoriens relatant l'incident des soldats retenus. Ces articles sont listés sur cette feuille de calcul en ligne, où les lecteurs peuvent voir que retenidos a été utilisé dans 14 articles, tandis que  secuestrados l'a été dans 10. Les informations incluses dans le résultat MediaCloud  sont représentatives des grands médias équatoriens, dont celui détenu par le gouvernement El Telegrafo. MediaCloud a aussi saisi les informations des principales chaînes de télévision. Parmi les journaux équatorien les plus importants qui rapportèrent la libération des soldats, les résultats MediaCloud ont manqué un article d'“El Comercio” que nous avons trouvé en cherchant dans les archives du journal. Dans cet article, “El Comercio” utilisait secuestrados dans le titre d'un article sur une annonce du Ministère de la Défense mais faisait référence à la version Sarayaku dans le paragraphe principal en utilisant le mot retenidos.
Au total, 18 articles sur un échantillon de 20 accordaient la primauté à la version Sarayaku. Dix articles utilisèrent retenidos dans leurs unes, tandis que quatre utilisèrent secuestrados. Deux articles utilisèrent l'expression “invitèrent au dialogue” en référence à la rétention des soldats. L'un d'eux utilisa l'expression “sous la protection de la communauté Sarayaku”, et un autre évita de caractériser l'incident. Le texte de l'accord de libération entre l'armée et la communauté Sarayaku évite les deux mots, leur préférant  “presencia y permanencia” (présence et permanence).

En Afghanistan, les gouverneurs restent en place même quand le président les démissionne

jeudi 8 février 2018 à 16:42

Atta Mohammad Noor, ancien gouverneur de la province de Balkh, à droite, y salue le drapeau afghan. Creative Commons. Photo : U.S. Air Force par Staff Sgt. Jeff Nevison.

Mohammad Daud entame sa cinquième journée de gouverneur de la province de Balkh, en Afghanistan, et se demande si son prédécesseur lui remettra jamais les clés.

Le Président Ashraf Ghani a annoncé officiellement le 18 décembre 2017 la nomination de Daud en remplacement de Ata Mohammad Noor, en fonctions de longue date, mais le populaire Noor n'avait pas envie de changer de travail.

Depuis un mois, Balkh a deux gouverneurs (trois en comptant le cabinet fantôme des talibans). L'un a régné sur la province comme un roi et refuse maintenant de partir, essayant de se grandir en défiant Ghani. Son successeur – prêt en costume 3 pièces et barbe teinte – reste dehors

Non content de refuser de quitter un poste qu'il occupait depuis plus de treize ans, Noor a ordonné l'arrestation de Daud pour meurtre. Les autorités locales de la province de Balkh paraissent plus enclines à coopérer avec l'ancien gouverneur qu'avec le nouveau, ce qui rend pratiquement impossible pour Daud — qui travaille pour le moment depuis Kaboul — de poser le pied à Balkh.

Luttes de pouvoir préélectorales

Noor a déclaré que la décision de le limoger était “dépourvue de base légitime” et met la mesure sur le compte des préparatifs de Kaboul pour les élections de 2019. Il a déclaré à Reuters : 

This is about the 2019 presidential election. [Allies of Ghani] have no grassroots support among the people and they are afraid of public figures who do.

C'est en rapport avec l'élection présidentielle de 2019. [Les alliés de Ghani] n'ont pas d'ancrage populaire et ils ont peur des personnalités publiques qui en ont.

Il a aussi dit avoir offert sa démission à M. Ghani quelques mois auparavant, mais à plusieurs conditions — des nominations de proches à de hautes fonctions gouvernementales — qui n'ont pas été satisfaites.

Au cœur de la confrontation on retrouve le combat des chefs qui domine la vie politique afghane : ceux des deux groupes ethniques, Pachtounes et Tadjiks.

Noor est un haut responsable du parti Jamiat, dominé par les Tadjiks et dont le candidat Abdullah Abdullah a perdu l'élection présidentielle âprement disputée de 2014 face au Pachtoune Ghani 2014.

Depuis le jour de cette victoire, Ghani et ses alliés n'ont eu de cesse d'exploiter les divisions dans le parti Jamiat en vue de le faire se désintégrer.

C'est ainsi, par exemple, que Noor n'adresse plus la parole à l'ex-candidat du parti, Abdullah, qui a accepté le lot de consolation de Directeur général, après avoir d'abord contesté le résultat du scrutin de 2014.

Daoud, le gouverneur de jure de Balkh, est comme lui d'ethnie Tadjik et membre du Jamiat, mais il doit son nouveau poste à Ghani plus qu'au parti.

Officiellement le parti Jamiat s'est prononcé contre le renvoi de Noor et a accusé Ghani de centralisation du pouvoir. Le parti prétend aussi que les autorités veulent déstabiliser la province de Balkh, traditionnellement une des plus stables politiquement d'Afghanistan, et devenue un pôle économique émergeant du Nord pendant le mandat de Noor.

Diviser pour régner

Mais le fait que les membres du Jamiat soient aussi nombreux au gouvernement nuit à la prise de position du parti sur la question, et affaiblit celui-ci en tant que potentielle force d'opposition.

Le Jamiat fait 50 % du gouvernement actuel, ils sont donc aussi 50 % responsables de tout. S'ils critiquent le gouvernement, ils critiquent aussi leur propre autorité… Retenez cette simple formule ! Ne pas cracher en l'air…

Les intérêts partisans hors du Jamiat devraient eux aussi dédaigner les centres de pouvoirs parallèles, s'ils sont visionnaires ils doivent rechercher la centralisation du pouvoir sinon demain, si un membre du Jamiat est élu président la même chose se répétera mais dans d'autres parties de l'Afghanistan.

Ces exigences du Jamiat-I-Islami montrent que les pourparlers finiront par échouer et que le président n'aura d'autre choix que de déposer Atta Noor de force.

On pense que le Jamiat n'acceptera le renvoi de Noor que si c'est le parti lui-même, au lieu du président Ghani, qui sera habilité à désigner son successeur. Le parti souhaite aussi réformer la constitution afghane, par la tenue d'une grande assemblée traditionnelle (Loya Jirga).

Les entretiens face-à-face entre le Jamiat et les services de Ghani n'ont toutefois pas encore permis la moindre avancée.

Washington s'en mêle

L'Afghanistan est lourdement dépendant de l'aide civile et militaire américaine, et Washington intervient dans bon nombre d'affrontements politiques internes.

Le 16 janvier, la Maison Blanche a produit le compte-rendu d'une conversation téléphonique du vice-président des USA Mike Pence avec M. Ghani, relative à l'affaire Noor :

Vice President Pence and President Ghani discussed the political leadership in the Balkh province. The Vice President emphasized his support for the Afghan government to engage with Balkh Governor Atta and conduct a peacefully negotiated transition of leadership.

Le Vice-Président Pence et le Président Ghani ont discuté du commandement politique dans la province de Balkh. Le Vice-Président a insisté sur son soutien à ce que le gouvernement afghan dialogue avec le gouverneur de Balkh [M.] Atta et conduise une transition pacifique négociée du commandement.

Bashir Bezhen, un analyste afghan des questions de sécurité, a souligné que le propos de Pence légitimant Noor comme gouverneur a rendu improbable un recours de Kaboul à la force pour le déloger.

There was fear before the phone call that the government will resort to a military move to oust Atta, and his supporters would respond with force…Now that fear is gone.

Il y avait des craintes avant le coup de fil que le gouvernement recoure à une opération militaire pour chasser Atta, et que ses soutiens ripostent avec force… Cette crainte a disparu à présent.

En Floride, un enfant de 10 ans poursuit le gouvernement américain en justice pour sa mauvaise politique climatique

jeudi 8 février 2018 à 15:43

Levi Draheim, 10 ans, est le plus jeune plaignant dans une poursuite intentée par 21 jeunes qui affirment que le gouvernement fédéral violent leurs droits constitutionnels en soutenant l'utilisation continue des combustibles fossiles qui contribuent au réchauffement climatique.
Photographie : Deepa Fernandes/PRI

Cet article de Deepa Fernandes est d’abord paru sur PRI.org le 23 janvier 2018. Il est republié ici dans le cadre d'un partenariat entre PRI et Global Voices. Sauf mention contraire, les liens de cet article renvoient à des pages en anglais.

À dix ans, Levi Draheim est un petit génie des mathématiques, même s'il n'aime pas particulièrement cette matière. Il joue « Humoresque » de Dvořák au violon avec assurance et son animal de compagnie est un crabe nommé JJ. Comme la plupart des enfants, Levi déteste ranger sa chambre.

Pourtant Levi n'est pas comme la plupart des enfants de dix ans : il poursuit le gouvernement fédéral des États-Unis en justice pour violation de ses droits constitutionnels en soutenant l'utilisation continue des combustibles fossiles qui contribuent au réchauffement climatique.

Levi vit sur une île barrière [fr] sur la côte centrale est de la Floride. Les projections d'élévation du niveau de la mer combinées à l'augmentation de l'érosion des plages signifient que sa maison sera probablement dans l'eau d'ici trente à quarante ans et son île, complètement submergée d'ici la fin du siècle. C'est une réalité contre laquelle même les adultes vivant dans les villes menacées de Floride ne font pas grand-chose, ce qui rend le militantisme de cet enfant encore plus inhabituel.

Levi a été le témoin direct du changement climatique. Lorsque l'ouragan Irma a balayé la Floride en septembre 2017, sa ville de Satellite Beach a été très durement frappée. Une semaine après l'ouragan, une pluie torrentielle s'est abattue, inondant de nombreuses rues. Levi et sa famille ont dû évacuer et sa rue a été inondée.

« C'était tellement profond que… ça arrivait presque jusqu'à mi-hauteur de la voiture », dit-il.

L'école de Levi a également été inondée et a dû fermer.

Avant l'inondation, Levi allait à l'école trois jours par semaine et était scolarisé à domicile les deux autres. Il aimait aller à l'école parce qu'il pouvait y passer du temps avec d'autres enfants. Il ne pourra plus les voir aussi souvent : l'école a subi des dommages irréparables. Sa mère, Leigh-Ann Draheim, doit désormais lui donner des cours à la maison à plein temps.

Mais c'est le dernier de ses soucis.

« Toute notre rue était sous l'eau, nous avions des sacs de sable et des choses comme ça », explique-t-elle. « Nous craignons que s'il pleuve fort, on ait le meme problème, encore et encore ».

La famille vit sur ce qu'on appelle une île barrière, une longue bande de sable fin au large du continent. Les prévisions d'élévation du niveau de la mer ne sont pas bonnes pour cette partie de la côte de Floride.

« L'île barrière finira par disparaître parce qu'elle se trouve au niveau de la mer », dit Leigh-Ann. Levi intervient pour en expliquer davantage.

« Bon, il y a ces cartes et d'autres choses de ce genre et cela montre que toute cette rue sera complètement immergée. On est à zéro mètre au-dessus du niveau de la mer. Donc, même si les calottes glaciaires polaires fondent un petit peu, elles iront dans l'océan qui va se jeter dans la lagune de l'Indian River, qui va inonder notre maison », explique-t-il.

Les dunes de sable solides constituent une protection naturelle contre l'élévation du niveau de la mer, mais même celles-ci s'érodent à Satellite Beach.

Levi voulait me montrer comment les dunes de sable, qui forment un mur sur le côté atlantique de l'île, sont dévorées.

Sa mère et lui m'ont emmenée sur une partie de la plage où les dunes sont plutôt érodées.

« Le panneau juste ici dit : Dunes interdites », dit Levi.

Levi ne fait pas que parler du changement climatique, il essaie aussi de le combattre. Entre autres, sa mère et lui ont aidé à restaurer les dunes en plantant dans le sable un type d'herbe appelé uniole maritime (Uniola paniculata).

« [L'uniole maritime] est ce qui maintient vraiment les dunes ensemble, contre l'érosion par exemple, l'uniole maritime est tout ce qui les retient, en fait » a poursuivi Levi.

Mais il ne s’agit pas de travailler tout le temps sans jamais s'amuser. Levi peut aller à la plage en vélo, il fait du bodyboard quand il veut. Il aime sa vie ici.

Pourtant, on ne peut nier qu'il vit les effets de l'élévation du niveau de la mer et des conditions météorologiques extrêmes. À bien des égards, il lui était tout naturel de se joindre aux vingt autres enfants du pays poursuivant le gouvernement fédéral en justice parce que celui-ci ne fait pas assez d'efforts pour arrêter le changement climatique. Il est le plus jeune du groupe.

« En gros, je pense que le changement climatique est comme une catastrophe nationale et qu'il affectera tout le monde », affirme Levi. « Par exemple en Floride, on peut voir des effets évidents, comme deux ouragans la même année et on a dû évacuer à cause d'eux, et l'érosion des plages, des trucs comme ça ».

Dans ce cas, Levi n'a pas tout à fait raison. Les scientifiques ne pensent pas que le changement climatique cause davantage d'ouragans. Mais il y a des preuves qu'en général, il empire les ouragans et autres tempêtes.

Levi n'est pas qu’un jeune et mignon visage pour le mouvement. Il essaie constamment d'en apprendre davantage, dit-il, pour pouvoir en faire plus. Il écoute les informations, pousse sa mère à lui enseigner des concepts climatiques à la maison, et il écoute attentivement ses compatriotes plus âgés qui se sont constitués partie plaignante lorsqu'ils parlent.

Levi s'est joint à l’action en justice des jeunes intentée par l'organisation à but non lucratif Our Children’s Trust, après que le pasteur de son église en a parlé à sa mère. Leigh-Ann a demandé à Levi s'il voulait être impliqué et l'enfant de neuf ans n'a pas hésité.

Levi et sa mère sont membres d'une église unitarienne universaliste locale. C'est une église plutôt détendue et libérale. Pendant la messe, Leigh-Ann est pieds nus et Levi fait rebondir une balle tout le service. Au thé du matin après la messe, les fidèles discutent avec fierté du militantisme de Levi.

Il est l'un des seuls enfants de l'église, mais il est chéri.

Le procès devrait débuter le 5 février 2018. Levi dit que qu'ils gagnent ou qu’ils perdent, il espère, lui, que le président américain Donald Trump sera en train de regarder.

« C'est un peu dur de voir que la personne la plus puissante au monde nie que le changement climatique est un problème et qu'il n'en sera jamais un », dit Levi. « Et donc, c'est juste un peu dur ».

Quoi qu'il arrive, Levi affirme qu'il allait continuer à se battre. Il ne veut pas que son île paradisiaque disparaisse.

Puis il s'élance, des roulettes attachées à ses chaussures, et atterrit sous un mûrier où il remplit sa bouche de baies sucrées et juteuses.

Le collectif Dispatch Beirut “restaure” les parties endommagées ou délabrées de la ville avec des briques LEGO

mercredi 7 février 2018 à 18:27

Installation artistique rue Geitawi, Beyrouth. Photo prise le 28 mars 2013. Source: Facebook.

[Article d'origine publié en anglais le 7 février 2017]

Un collectif libanais d’art dans l’espace public, nommé Dispatch Beirut, s’est fait connaître en utilisant des briques LEGO pour « reconstruire » des morceaux de la capitale libanaise.

Ces « petits blocs d’espoir », comme le collectif les nomme, ont vocation à être éphémères. Selon leurs propres mots, Dispatch Beirut souhaite « marquer la ville de Beyrouth avec de l’art éphémère et créatif en tant que proclamation urbanistique concernant les espaces actuellement rasés et délabrés ».

Dispatch Beirut a été fondé par Lea Tasso et Pamela Haydamous. Ce collectif a été inspiré par le travail de l’artiste allemand Van Jormann, qui utilisait des pièces en plastique de jeux de construction pour réparer et combler les trous dans des murs endommagés.

La principale motivation à l’origine de cette initiative était le sentiment que la reconstruction de la ville par le gouvernement, à l’issue de 15 années de guerre civile en 1990, était en train de prioriser le profit au détriment du patrimoine. Les spécialistes Marwan Ghandour et Mona Fawaz écrivaient en 2010 que, au lieu d’être la « cicatrisation  » annoncée comme motivant la reconstruction de Beyrouth, la reconstruction a « moins de liens avec l’époque précédant la destruction qu’avec un véritable acte de destruction ». Autrement dit, « l'effacement spatial initié par les destructions lors de la guerre est consolidé par la reconstruction d’après-guerre ».

Cette situation difficile nécessitait une réponse artistique et Dispatch Beirut a souhaité y apporter sa contribution. Lors d’un entretien avec Global Voices, Haydamous expliquait :

Beirut has become a shadow of its former self and we wanted to change that. We wanted to bring Beirut’s bullet holes, broken stairways and streets back to life in a fun way. We wanted to give people a chance to reminisce about their childhood and their past by giving them back that sense of hope that they lost growing up during war. We gave them blocks of legos and asked them to build their own world with us.

Beyrouth était devenue l’ombre d’elle-même et nous souhaitions changer cela. Nous voulions ramener à la vie de manière plaisante les impacts de balles, les escaliers cassés et les rues endommagées de Beyrouth. Nous voulions donner aux personnes une chance de se remémorer leur enfance et leur passé en leur donnant de nouveau ce sentiment d’espoir perdu en grandissant pendant la guerre. Nous leur avons donné des briques LEGO et demandé de construire leur monde à eux  avec nous.

Il est devenu rapidement évident pour l’équipe que leur travail allait subir le même traitement que celui imposé à la ville.

We knew that our street art couldn’t forever remain untouched. We were faced with a lot of forced destruction. The government didn’t help either. When we created our Independence Day installation on a shattered wall, we received a signed permit to keep our installation for an entire month. After only 12 hours, we received a phone call saying that our installation was causing a lot of parties to object and therefore, had to be taken down. It was very depressing to hear that. It’s almost as if people were used to disappointment.

Nous savions que notre art de la rue ne pourrait être maintenu intact indéfiniment. Nous avons été confrontés à de nombreuses destructions. Le gouvernement n’a pas aidé non plus. Lorsque nous avons créé notre installation Independence Day sur un mur éventré, nous avions obtenu une autorisation signée pour laisser notre installation pendant un mois entier. Après seulement 12 heures, nous avons reçu un appel téléphonique disant que beaucoup de tiers s’étaient plaints de notre installation et que, par conséquent, elle devait être retirée. Cela a vraiment été déprimant à entendre. C’est presque comme si les gens étaient habitués à être déçus.

Installation réalisée pour la fête nationale libanaise, 22 novembre 2012. Source: Facebook

La création de ces installations uniques requiert beaucoup de temps et d’efforts. L’équipe avait réussi à se faire sponsoriser par Lego Beyrouth, en remplacement des demandes de dons à leurs amis et relations comme ils le faisaient simplement jusqu’alors. Mais cela n’a pas duré non plus. Haydamous a raconté à Global Voicies :

We started off using our own bricks and received donations from friends, friends of friends and so fourth. By the time we got to our 4th installation, Lego Beirut offered to sponsor us fully. After two years, the sponsorship stopped because we were having problems protecting our installations. Now we’re back to receiving donations. We’re hoping to find new forms of urban interventions that will stay for a longer time.

Nous avons débuté en utilisant nos propres briques et des dons d’amis, des amis d’amis et ainsi de suite. Arrivés à notre quatrième installation, Lego Beyrouth a proposé de nous sponsoriser intégralement. Au bout de deux ans, ce mécénat s’est arrêté car nous avions des problèmes pour protéger nos installations. Aujourd’hui, nous nous reposons de nouveau sur les dons. Nous espérons trouver de nouvelles formes d’installations urbaines qui tiennent plus longtemps.

Quatrième installation de Dispatch Beirut’. Source: Facebook

Malgré les problèmes rencontrés avec leurs installations, le travail de l’équipe a retenu l’attention. En 2013, Dispatch Beirut a collaboré avec le festival « Geitawi on my mind » et l’équipe « Dihzahyners » pour créer un projet nommé « A Little Wonderland » par lequel une vieille maison de l’un des secteurs les plus fréquentés de Geitawi à Beirut a été réhabilitée avec de la peinture et des Legos colorés.

Les photos avant – après :

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Photos avant et après de ‘A Little Wonderland’. Source: Bananapook

Alors que certains peuvent voir ces efforts comme une tentative d’effacer le passé, Dispatch Beirut soutient qu'il ne s'agit pas de cela :

Our goal is not erase our memories of war but to give hope to not give up on a country that has suffered so much.

Notre objectif n’est pas d’effacer nos souvenirs de la guerre mais de permettre de ne pas perdre espoir en pays qui a déjà tellement souffert.

Après deux décennies, le Ghana va-t-il enfin adopter une loi sur le droit à l'information ?

mercredi 7 février 2018 à 12:37

Mémorial de Kwame Nkrumah à Accra. Photo de l'utilisateur de Flickr jbdodane. CC BY-NC 2.0

Le Ghana était en avance sur de nombreux pays africains lorsque, en 1999, les législateurs ont rédigé un projet de loi sur le droit à l'information (RTI en anglais) qui permettrait aux citoyens d'accéder aux données publiques.

Mais après presque 20 ans, il reste encore à l'état de projet de loi. Il a été présenté au parlement en 2010, mais le débat n'a abouti à rien de concret. Les promesses de l'ancien président John Mahama, en fonctions de 2012 à 2017, que la législation serait adoptée telle quelle, sont restées lettre morte.

En 2017, le président actuel, Nana Akufo-Addo, a insisté pour que le projet de loi soit adopté “très bientôt”, bien que l'année soit passée sans que beaucoup de progrès aient été réalisés sur la question.

Cependant, en janvier 2018, le parlement ghanéen a proposé juillet 2018 comme nouvelle date limite pour le vote final du projet de loi.

S'il est adopté, il donnera effet au droit constitutionnel d'accès à toute information détenue par des institutions publiques et des entités privées qui exercent des fonctions publiques avec des fonds publics.

“Sans cette loi, notre lutte contre la corruption se résume à une simple rhétorique”

Pourquoi une si longue attente pour cette loi ? Beaucoup craignent que cela ait à voir avec la politique, car les hommes politiques craignent ce qui pourrait être mis au jour si le public avait accès à l'information gouvernementale. Le juriste privé Ace Ankomah a expliqué :

Political players from both divides are afraid of passing the RTI bill because they believe it will not go in their favor.

Les acteurs politiques des deux côtés ont peur de voter le projet de loi RTI parce qu'ils croient que cela ne va pas en leur faveur.

La corruption est un problème au Ghana, et beaucoup de Ghanéens pensent que la lutte pour la transparence et la responsabilité dans la gouvernance ne sera pas effective si le projet de loi sur le droit à l'information n'est pas adopté en temps voulu.

Penplusbyte, une organisation à but non lucratif engagée dans le combat pour l'amélioration de la gouvernance par l'approfondissement de la participation citoyenne à travers les technologies de l'information et de la communication, a soutenu :

Aucun Président n'a donné de raison concrète pour laquelle le projet de loi RTI ne pouvait être adopté ! Au Ghana le projet de loi languit actuellement au gouvernement. “Nous ne voulons plus d'excuses en 2018″!

Et Adikah Mends a tweeté:

Les événements actuels au Ghana donnent encore plus de raisons pour pour que nous adoptions le projet de loi RTI. Sans cela, notre lutte contre la corruption est une simple rhétorique.

Un procureur spécial nouvellement nommé a soutenu le projet de loi parce qu'il lui permettrait d'enquêter sur la corruption impliquant des fonctionnaires, des personnes politiquement exposées [fr] et des individus du secteur privé impliqués dans des pratiques de corruption, pour les poursuivre sous l'autorité du procureur général Martin Amidu.

L'utilisateur Twitter @ monsieur1_pk a déclaré:

Un projet de loi sur le droit à l'information et le bureau du procureur spécial finiront par débarrasser le Ghana de sa maladie la plus ancienne et profondément enracinée. Maintenant, nous avons Martin Amidu mais où est le RTI ?

Dans un article pour le site d'informations Modern Ghana, Gordon Offin-Amniampong a exprimé de grands espoirs pour le projet de loi RTI :

The RTI Bill will seek to empower the citizens, promote transparency and accountability in the working of the government or the Executive. Plus it will help contain corruption and make our democracy work for the people in real sense. “It goes without saying that an informed citizen is better equipped to keep necessary vigil.”

And did you know one can ask any questions from the government or seek any information. It makes governmental works more transparent. Transparency means clarity of information, which means everything should be open and disclosed to all. We the people that are common citizens put our faith in the system expecting them to work efficiently, fairly and impartially. But that hasn’t been the case as we continue to find ourselves in the cesspool.

Le projet de loi RTI vise à responsabiliser les citoyens, à promouvoir la transparence et la responsabilité dans le fonctionnement du gouvernement ou de l'exécutif. De plus, il aidera à contenir la corruption et à faire en sorte que notre démocratie fonctionne pour les citoyens dans le vrai sens du terme. “Il va sans dire qu'un citoyen averti est mieux équipé pour exercer la vigilance nécessaire.”

Et saviez-vous que l'on peut poser des questions au gouvernement ou chercher des informations ? Cela rend son travail plus transparent. La transparence signifie la clarté de l'information, ce qui signifie que tout devrait être ouvert et divulgué à tous. Nous, citoyens ordinaires, faisons confiance au système, en espérant qu'ils travaillent de manière efficace, équitable et impartiale. Mais cela n'a pas été le cas puisquee nous continuons à être dans le merdier.

La loi sur le droit à l'information, “surestimée” ?

Cependant, d'autres, comme Sydney Casely Hayford, militant anti-corruption, estiment que l'adoption du projet de loi sur le droit à l'information ne permettra pas de résoudre le problème de corruption car la Constitution [fr] inclut déjà le droit à l'information dans le chapitre sur les “libertés fondamentales”.

L'entrepreneur ghanéen Bright Simons a également partagé une pensée similaire sur sa page Facebook :

The “Right to Information” law is heavily overrated. We already have judicial precedent to the effect that a constitutional right to public/official information exists when and where it matters. The problem is not “raw information” in the vaults of government agencies but poor treatment and presentation of relevant information due to weak media practice; a stagnant academia; and the hollowing out of the public sphere. In fact, in many instances, data is not even being collected and handled in the right way due to a general culture that disrespects intellectual activity and constantly depresses its value.

La loi sur le “droit à l'information” est fortement surestimée. Nous avons déjà unprécédent judiciaire en ce sens qu'il existe un droit constitutionnel à l'information publique / officielle, où et lorsque c'est nécessaire. Le problème n'est pas une “information brute” dans les coffres des services administratifs, mais la mauvaise utilisation et présentation d'informations pertinentes en raison de la faiblesse des pratiques médiatiques ; une formation universitaire stagnante ; et le vide fait dans la sphère publique. En fait, dans de nombreux cas, les données ne sont même pas collectées et traitées de la bonne manière en raison d'une culture générale de mépris de et de dénigrement de l'activité intellectuelle.

En réponse à l'argument de Simons, le juge Sai, un ancien assistant à la Harvard Law School, a présenté un point de vue différent :

I think there is a little misunderstanding of what legislation does and what case law does. Case law gives principles. For example, the RTI decision of the High Court merely confirms the constitutional position that a person may not be denied access to public information. In fact, earlier cases have already stated the principle.

A legislation on the other hand goes way beyond the statement of the principle. It gives you an administrative set up for the enforcement the right and the implementation of the principle. In fact, a properly drafted legislation would resolve some (if not most) of the challenges you have listed above. For example, a good legislation would deal with issues of funding, packaging of information and the responsibility to do so, decentralization, etc.

Secondly, without a legislation, anyone who is denied public information would have to go to the Human Right High Court for a remedy. Under a well-constructed legislation, there would be accessible administrative (rather than full judicial) complaint mechanisms available.

I think a legislation is fundamental to the issue of right to information.

Je pense qu'il y a un petit malentendu sur ce que fait la loi et ce que fait la jurisprudence. La jurisprudence donne des principes. Par exemple, la décision RTI de la Haute Cour ne fait que confirmer la position constitutionnelle selon laquelle une personne ne peut se voir refuser l'accès à l'information publique. En fait, des affaires antérieures ont déjà énoncé ce principe.

La loi de son côté va bien au-delà d'une déclaration de principe. Elle donne un cadre administratif pour la mise en œuvre du droit et l'application du principe. En fait, une législation correctement rédigée résoudrait certains (voire la plupart) des difficultés que vous avez énumérées ci-dessus. Par exemple, une bonne législation traiterait des questions de financement, de la présentation de l'information et de la responsabilité de le faire, de la décentralisation, etc.

Ensuite, en l'absence de loi, toute personne qui se voit refuser l'accès à l'information publique devrait s'adresser à la Haute Cour des droits de l'homme pour une solution. En vertu d'une législation bien conçue, il existerait des mécanismes de réclamations administratives (plutôt que tout judiciaires) accessibles.

Je pense qu'une loi est fondamentale pour la question du droit à l'information.