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Les moustiques transgéniques, une évaluation critique des risques possibles pour la population du Brésil

lundi 18 août 2014 à 22:47
Rapaz solta mosquitos transgênicos em Mandacaru. Foto: Coletivo Nigéria/Agência Pública

Un enfant libère des moustiques transgéniques à Mandacaru. Photo: Collectif Nigéria/Agence publique

Ce reportage du collectif Nigéria a été publié tout d'abord sur le site internet de l'Agência Pública , le 8 octobre 2013. Global Voices re-publie cet article en trois parties. Première partie ici.

Malgré la campagne de communication organisée par la société Moscamed, malgré les tests sur le terrain réalisé dans l'Etat de Bahía au Brésil, l'ONG britannique GeneWatch insiste sur une série de problèmes que pose l'expérimentation brésilienne.

L'un des principaux problèmes est le fait qu'aucune information sur l'évaluation des risques de l'expérience n'ait été à disposition du public avant le début des tests. À la demande des responsables du programme Aedes transgéniques, le processus présenté à la Commission Technique Nationale de Sécurité Biologique( (CTNBio, organisme chargé d'autoriser de telles expériences) a été présenté comme confidentiel. Helen Wallace, directrice technique de l'ONG Genewatch, nous a fait les remarques suivantes :

Nous estimons que l'entreprise Oxytec devrait obtenir le consentement éclairé de la population locale, ceci impliquant que ces personnes doivent être d'accord avec cette expérience. Mais, encore faudrait-il pour cela qu'elles soient informées des risques possibles, comme vous le seriez si on testait sur vous un nouveau médicament contre le cancer ou tout autre maladie.

Au titre de spécialiste des risques et des problèmes d'éthique liés à ce type d'expérience, Helen Wallace a publié cette année une étude intitulée Moustiques génétiquement modifiés : préoccupations actuelles. En 13 chapitres, elle y énumère ce qu'elle appelle des risques potentiels non pris en compte avant l'autorisation de largage des moustiques transgéniques.

Ce document signale également des anomalies dans la réalisation de certaines expériences par Oxitec. Par exemple le fait après deux années de largages de moustiques trangéniques aux îles Caïman de ne publier dans une revue scientifique que les résultats partiels d'un petit test. Début 2011 cette même entreprise a soumis les résultats d'une plus grande expérience sur ces mêmes îles à la revue Science, mais l'article n'a pas été publié. C'est seulement en septembre 2012 qu'il est paru dans la revue “Nature Biotechnology”, sous la forme d'une “correspondance” ce qui signifie qu'il n'a pas été validé par leur bureau scientifique, mais uniquement vérifié par l'éditeur de la publication.

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Helen Wallace, directrice de l'ONG anglaise GeneWatch, critique la procédure utilisée. Photo: Collectif Nigéria/Agência Pública

Pour Helen Wallace, cette absence d'analyse critique de la part de collègues scientifiques crée une suspicion sur l'expérience d'Oxitec. Même ainsi, l'analyse de l'article suggère que l'entreprise s'est trouvée dans la nécessité d'augmenter la quantité de moustiques transgéniques libérés et de les concentrer sur une zone géographique plus restreinte pour obtenir les résultats escomptés.

La même chose est arrivée au Brésil, à Itaberaba (“la roche resplendissante” en langue Tupi Guarani), les résultats des tests n'avaient pas été publiés par Moscamed. Le directeur de ce projet, Danilo Carvalho, a fait savoir qu'un des articles avait déjà été proposé à la publication et que l'autre en était à la phase finale de rédaction.

Un autre risque qui apparaît est l'usage généralisé et obligatoire d'un antibiotique, la tétracycline. Cet antibiotique va annuler l'expression du gène létal et garantir, en laboratoire, la survie jusqu'à l'état adulte du moustique génétiquement modifié, permettant de le lâcher à ce stade dans la nature. Il existe ainsi une différence fondamentale entre ces moustiques reproduits sous protection antibiotique en laboratoire et leur descendance, générée dans la nature à partir de femelles sauvages, qui, elle, est condamnée sans protection antibiotique, à mourir avant d'atteindre le stade adulte.

Les antibiotiques de la famille des tétracyclines sont largement utilisés dans l'élevage du bétail et en pisciculture. Ils sont ainsi disséminés en grande quantité dans le milieu ambiant au travers de résidus divers. Cet antibiotique est également largement utilisé en médecine humaine et vétérinaire . Ainsi des larves de moustiques génétiquement modifiés pourraient fort bien entrer en contact avec cet antibiotique présent dans le milieu ambiant et réussir à survivre. Au bout d'un certain temps, l'apparition d'une résistance au gène létal pourrait être possible avec l'émergence d'une nouvelle espèce génétiquement modifiée adaptée au milieu ambiant.

Cette hypothèse été accueillie avec scepticisme par Oxitec qui a minimisé la possibilité que cela survienne dans le monde réel. Et pourtant un document confidentiel, rendu public, a montré que cette hypothèse a été vérifiée au cours de tests réalisés par un partenaire de l'entreprise. Celui-ci s'étonnait de voir des taux de survie des larves sans couverture tétracycline atteindre 15 %, beaucoup plus que les 3 % escomptés. Les scientifiques d'Oxitec ont alors découvert que les aliments pour chats avec lequel les larves de moustiques étaient nourries contenaient des résidus de cet antibiotique utilisé de man!ère routinière pour traiter les volailles destinées à l'alimentation animale.

Moustique Aedes Aegipti, transmetteur de la dengue, photo : Collectif Nigéria/Agência Pública

Le rapport de GeneWatch attire l'attention sur la présence fréquente de cet antibiotique dans les déchets humains ou animaux ainsi que dans les eaux résiduelles domestiques comme, par exemple, les fosses septiques. Ceci constitue un risque potentiel car plusieurs études ont prouvé que Aedes aegypti pouvait très bien se reproduire dans des eaux contaminées. Malgré cela, selon le service de santé municipal, ce n'est pas actuellement ce que l'on observe à Juazeiro

Il existe aussi une inquiétude concernant la vitesse de reproduction des femelles trangéniques en laboratoire. Le procédé de séparation des pupes (dernier stade avant l'étape adulte) est réalisé manuellement à l'aide d'un dispositif qui les regroupe par sexe en fonction de la taille (les femelles sont légèrement plus grandes que les mâles). Une proportion de 3 % des femelles peut échapper à ce tri, obtenant donc la liberté, augmentant les risques d'effets indésirables !

Enfin, le meilleur pour la fin, les expériences actuelles ne permettent pas encore d'affirmer qu'une réduction du nombre de moustiques ait une incidente directe sur la transmission de la dengue.

Evidemment, toutes ces critiques ont été réfutées par Oxitec et Moscamed, qui affirment maintenir un contrôle rigoureux de la qualité, une surveillance précise du taux de libération des femelles et du taux de survie des larves non protégées par la tétracycline. Selon ce procédé tout signe de mutation du moustique serait détecté à temps pour interrompre le programme. Après environ un mois tous les moustiques transgéniques libérés seront morts. Selon les responsables du programme, ces moustiques sont également incapables de transmettre le gène modifié même si une femelle libérée par erreur piquait un être humain.

Lisez aussi la troisième partie, la plus commerciale : Moustiques transgéniques à vendre.

Dans son conflit avec la Russie, l'Ukraine tentée par une censure d'Internet à la mode du Kremlin

lundi 18 août 2014 à 14:55
A new Ukrainian law might allow the government to shut down media and block websites without a court order. Images mixed by author.

Une nouvelle loi ukrainienne permettrait au pouvoir de fermer les médias et bloquer les sites internet sans intervention d'un juge. Photomontage de l'auteur.

[Billet d'origine publié le 14 août - leins en anglais, ukrainien et français]

Un récent projet de loi en Ukraine menace de donner compétence à l'exécutif pour fermer des organes de presse et bloquer des sites internet au nom de la sécurité nationale. Le texte, voté en première lecture par le parlement le 13 août, a hérissé les journalistes et personnalités de la société civile d'Ukraine, ainsi que de la communauté internationale. L'indignation a pris tant d'ampleur que le lendemain, les députés sont tombés d'accord de retirer ou adoucir la plupart des dispositions de censure, tout en proposant d'en déplacer certaines vers les lois sur les médias existantes pour créer une certaine dose de contrôle sur les organes de presse contestataires.

On parle largement de l'action constante de la Russie pour restreindre la liberté des médias et introduire des contrôles extensifs sur l'Internet, mais l'Ukraine a tout l'air de vouloir suivre la tendance. Le pouvoir ukrainien, qui subit la domination russe sur le paysage médiatique dans l'est du pays, projetait d'utiliser la nouvelle loi “Sur les Sanctions” pour réprimer les feuilles et sites d'information sans foi ni loi supposés saper les actions de défense nationale.

La loi (dans son texte initial) donnait au président et au Conseil de défense et de sécurité nationale des pouvoirs exceptionnels pour protéger les intérêts et la sécurité de l'Ukraine. Aux termes de la loi, les autorités seraient habilitées à bloquer ou fermer toute télévision ou radio, ou site web, sans ordre de justice. Tout type de média ou d'activité professionnelle, y compris l'activité Internet, serait susceptible de restrictions ou d'interruption. La loi permettrait à l'Etat de sanctionner autant les organisations que les individus, nationaux ou étrangers.

Réagissant à l'approbation de la loi par la Rada en première lecture, les journalistes ont été parmi les premiers à se dire indignés et scandalisés. La journaliste de Hromadske TV Nastya Stanko a immédiatement fait la comparaison avec l'ex-président ukrainien Viktor Ianoukovitch :

Loi 4553a [sic]. Même Ianoukovitch n'avait pas osé.

Ian Bateson, un journaliste débutant au journal anglophone KyivPost, a, comme beaucoup d'autres, vu une inquiétante ressemblance avec ce que la Russie fait à ses propres médias :

Imitation de la liste noire de l'Internet de Russie et puis les RT [de] @MaximEristavi L'Ukraine approuve une loi menaçant la liberté d'expression 

Les organismes internationaux de défense de la liberté de presse ont qualifié le projet de loi de “draconien” et de “revers majeur pour la liberté d'information en Ukraine”, et les militants locaux des médias se sont fait l'écho de ces critiques. Les syndicats ukrainiens de journalistes ont condamné le projet, accusant le gouvernement d'exploiter les inquiétudes sur la sécurité nationale pour introduire la censure. Oksana Romanyuk, directrice de l'Institut de l'Information de masse, a défendu que la loi était bien intentionnée, mais pouvait avoir des conséquences dangereuses :

У ВР щойно прийняли у першому читанні відверто сирий законопроект 4453а – стосовно санкцій. Мета благородна, давно пора була, так? АЛЕ, прикриваючись цією метою нам навязують ту ж саму януковську диктатуру – згідно цього законопроекту, президент або РНБО можуть просто своїм рішенням обмежити або заборонити діяльність будь-якого ЗМІ в Україні. Ось так, без рішення суду, без визначення якихось рамок чи чітких категорій.

Le Parlement vient de voter en première lecture le projet de loi franchement inachevé 4453a—au sujet des sanctions. L'objectif paraît noble, il aurait fallu le faire plus tôt, pas vrai ? MAIS, en se cachant derrière cet objectif, on nous impose une dictature à la Ianoukovitch—selon cette loi, le président ou le CDSN peuvent simplement décider de limiter l'activité de tout média en Ukraine. Juste comme ça, sans ordre de justice, sans limite définie ni catégories claires.

D'autres se sont plaints que les sanctions, ostensiblement destinées à faire taire les voix hostiles situées hors d'Ukraine, serviront plutôt à restreindre les droits et libertés des citoyens ukrainiens. Viktoria Sioumar, ancienne secrétaire adjointe du Conseil de sécurité et de défense nationale, a écrit que la loi accorde des pouvoirs excessifs et rendrait l'Ukraine semblable à la Russie :

Это приведет, к сожалению, к плохим последствиям. Если принять формулу, что мы любого, кто посмеет критиковать власть, будем закрывать, простите, нас это приведет в Россию.

Cela entraînera, hélas, de mauvaises conséquences. Si on accepte la formule que l'on peut couper quiconque ose critiquer le pouvoir, désolée, mais ça nous conduira en Russie.

Mme Sioumar a concédé que les responsables n'appliqueraient probablement pas la loi dans toute sa rigueur, si elle venait à être finalement adoptée. Les autorités imposeraient les nouvelles régulations de façon sélective, en affichant des cas ciblés afin d'effrayer le public plus vaste.

Принятие такой нормы совершенно не означает ее использование, но означает вполне конкретный намек собственникам СМИ в случае их неподдержки государственной линии в тяжелый для страны период.

Adopter une telle norme ne signifie pas nécessairement qu'elle sera utilisée, mais est effectivement un signal appuyé aux propriétaires de mass médias sur ce qui pourrait leur arriver s'ils choisissent de ne pas soutenir l'Etat dans une période difficile pour le pays.

L'Ukraine est engagée, le mot est faible, dans la guerre de l'information contre la Russie, ce qui laisse peu de doutes sur la motivation de Kiev pour resserrer le contrôle sur les organes de presse et les leaders d'opinion. Est-ce pour autant une excuse à la décision apparente de reproduire la répression russe contre l'Internet et la liberté de l'information ? Mettre sur liste noire des sites web de médias, bloquer les blogueurs critiques et les comptes de lanceurs d'alerte au motif d’ “extrémisme,” et supprimer des programmes télévisés politiques, tout cela n'est pas nouveau en Russie. Bientôt le tour de l'Ukraine ?.

L'Ukraine, pour sa part, se targue d'une société civile bien plus vivante qu'en Russie, avec beaucoup de militants toujours à cran après la contestation de d'Euromaïdan et la lenteur des enquêtes anti-corruption qui ont suivi.

Le nouveau projet de loi ukrainien a ravivé les souvenirs de la peu judicieuse loi anti-manifestations adoptée en janvier 2014 par Ianoukovitch et son parlement, qui imitait elle aussi les restrictions et régulations juridiques étouffantes conçues en Russie. Les autorités ont retiré la loi anti-manifestations moins de deux semaines après l'avoir fait voter, mais les dégâts politiques pour le régime Ianoukovitch se sont avérés irrémédiables. 

A l'évidence pour répondre sans attendre à l'indignation des médias et de la société civile, le député à la Rada Mykola Tomenko, président de la commission parlementaire de la liberté d'expression, s'est empressé de déclarer le 14 août à la presse que ses collègues et lui travaillaient à exclure du projet de loi les normes de censure des médias. Reconnaissant leur caractère anti-démocratique, la commission a proposé à la place de modifier la législation existante sur les médias pour permettre de sanctionner les rédactions qui propagent le séparatisme et le terrorisme.

L'amendement de ces lois simplifierait toujours les interdictions ou limitations d'activité des médias. Pour les chaînes de télévision, le Conseil national de défense et de sécurité nationale examinerait le cas pendant trois jours, puis bloquerait le diffuseur provisoirement pendant que la transmission à la justice. Le tribunal aurait ensuite aussi trois jours pour prendre sa décision sur l'interdiction finale. Pour la presse, une procédure similaire s'appliquerait, mais c'est la Commission d'Etat de la radio-télévision ou le Ministère de la Justice qui assigneraient les contrevenants devant la justice.

Dans la journée du 14 août, le parlement ukrainien a voté une loi de sécurité nationale aux dents quelque peu limées. Toutefois, si ces amendements ont l'air d'améliorations, les éléments légèrement moins offensants ont été intégrés à d'autres textes, et visent toujours à faciliter la fermeture des organes de médias aux contenus dérangeants.

Les turbulences en Ukraine et le large scepticisme des Ukrainiens sur la capacité du nouveau gouvernement à mettre en oeuvre ses promesses de transparence et de démocratie font que le pouvoir sera de plus en plus scruté à chaque tentative d'imposer des régulations restrictives aux médias et à l'Internet. Les autorités de Kiev sont prises entre le marteau des exigences occidentales de plus grande liberté de l'information, et l'enclume de l'assaut russe dans l'est et sur les ondes.

Aux Philippines, le déraillement d'un train met en évidence les défaillances du transport public

lundi 18 août 2014 à 12:27
A train overshot it's stop at a terminal in Manila. Photo by Juan Carlo de Vela. Copyright @Demotix. (8/13/2014)

Manille: un train ne s'est pas arrêté à un signal stop . Photo de Juan Carlo de Vela. Copyright @Demotix. (8/13/2014)

Un grand nombre de blessés à Manille, après le déraillement d'un train qui ne s'est pas arrêté à un intersection très encombrée dans le sud de la ville. La collision a déclenché une grande polémique sur les faiblesses et l'inefficacité du système des transports publics aux Philippines. Devant la colère montante après cet accident, les autorités ont promis de s'efforcer d'améliorer le fonctionnement des trains. 

Moustiques transgéniques à vendre : le marché financièrement prometteur de la dengue et des parasites agricoles au Brésil

dimanche 17 août 2014 à 21:18
Aedes transgênico macho é gerado para atrair fêmeas selvagens. Foto: Coletivo Nigéria/Agência Pública

Des Aedes trangéniques mâles qui féconderont les Aedes femelles sauvages. Photo: Collectif Nigéria/Agence Publique

Ce reportage du Collectif Nigéria a été publié à l'origine sur le site de l’Agência Pública le 8 octobre 2013. Global Voices le propose aujourd'hui sous la forme d'un article en trois parties.

Après le succès des tests sur le terrain à Juazeiro, dans l'Etat de Bahia au Brésil – décrits dans les premiers articles de ce reportage en juillet 2013, Oxitec, une entreprise britannique travaillant sur des moustiques transgéniques porteurs dans leur ADN d'un gène supplémentaire empêchant leur descendance d'aller jusqu'à l'état adulte, a entamé une procédure d'autorisation de commercialisation auprès de la Commission technique nationale de sécurité biologique (CTNBio). Depuis la fin de l'année 2012, cette compagnie possède son CNPJ (enregistrement comme entité juridique) au Brésil et un salarié permanent à São Paulo. Ce pays est pour elle son plus probable client potentiel dans un futur proche. Glen Slade, directeur général pour le développement commercial de cette entreprise, vit aujourd'hui entre Oxford et São Paulo, il nous décrit son entreprise:

Oxitec travaille depuis 2009 avec ses partenaires brésiliens USP (l'université de São Paulo) et Moscamed qui nous ont offert l'opportunité de lancer ce projet au Brésil. Aujourd'hui, nous venons d'envoyer une demande à la CTNBio pour obtenir une autorisation de commercialisation, nous devrons donc renforcer notre équipe brésilienne, ce pays est très important pour nous.

Cette entreprise de biotechnologie existe grâce aux travaux de laboratoire d'une des plus prestigieuses universités du monde. Elle a été créée en 2002 et s'efforce de rassembler des capitaux privés ou venant de fondations à but non lucratif comme celle de Bill & Melinda Gates,  pour financer le développement des recherches.  Selon Glen Slade, plus de 50 millions de Réaies (plus de 16 millions d'Euros) ont été dépensés depuis 10 ans pour améliorer et tester cette technologie.

En plus d'une usine récente déjà existante à Campinas, dans l'Etat de São Paulo, l'entreprise souhaite installer de nouveaux bio-ateliers dans les villes qui seront le siège de projets importants de lutte contre la dengue, pour réduire, à long terme, le coût des opérations. Il faut savoir que l'essaimage dans la nature des moustiques transgéniques devra être permanent pour éviter le retour des moustiques sauvages. Une préoccupation est la vitesse de reproduction de l'espèce Aedes aegypti qui transporte les virus de la dengue. En cas d'interruption du projet, l'espèce peut renouveler sa population en peu de semaines. Helen Wallace, une directrice de GeneWatch, insiste sur ce problème :

Le projet de cette entreprise est d'obtenir un financement pour un largage tout au long de l'année de ses moustiques transgéniques. Si cette technologie fonctionne et réduit réellement l'incidence de la dengue, vous ne pourrez plus stopper les largages de moustiques mâles transgéniques et demeurerez prisonniers du système ! L'une des plus grandes préoccupations à long terme est, si les choses ne fonctionnent pas dans le sens souhaité ou même si l'efficacité diminue, de se retrouver dans une situation pire qu'auparavant après plusieurs années d'expériences.

Laboratório de criação de mosquitos transgênicos da Moscamed. Foto:Coletivo Nigéria/Agência Pública

Laboratoire de création de moustiques transgéniques de la Moscamed. Photo :Coletivo Nigéria/Agência Pública

L'un des risques majeurs sera la réduction de l'immunité naturelle de la population contre la dengue, qui se développe naturellement au cours de la vie chez les personnes régulièrement exposées (il existe trois sous types de virus de la dengue qui donnent une bonne immunité après chaque épisode de la maladie même minime sous la forme d'un épisode d'apparence grippal ou carrément asymptomatique). Un autre danger sera également le démantèlement des politiques publiques de combat contre la dengue utilisant des équipes d'agents de santé pour réduire l'exposition au piqûres de moustiques. Aujourd'hui, selon Mário Machado qui travaille au secrétariat de la santé publique, la commune de Juazeiro dépense pour cela environ 300 000 Réais par mois (100 000 €). Ce service est en train de négocier avec la Moscamed une extension de l'expérience sur tout le territoire municipal ou même tout le territoire des municipalités de Juazeiro et Petrolina, un test qui concernerait un demi million de personnes, permettant de valider l'efficacité du procédé sur de grands contingents de population. Dans tous les cas, malgré l'avancée des expériences, ni les représentants de la société brésilienne, ni l'entreprise britannique, ne sont en mesure de fournir une estimation du prix à envisager pour une éventuelle dissémination  commerciale de ces moustiques. 

Mario Machado a fait la déclaration suivante :

Nous avons fait hier les premières études pour estimer quel pourrait être leur prix et combien nous pourrions y mettre. Ils connaissent bien leur prix, qui n'est pas bon marché…. mais ils ne le rendent pas public !

Aux portes d'un nouveau marché

Dans une étude publiée par le journal britannique The Observer en juillet 2012, l'entreprise Oxitec estime le coût de cette technologie à environ 7, 5 euros par personne et par an. Un calcul simple laissant de côté les innombrables aléas de cette approximation, montre que ce projet, étendu à une ville de 150 000 habitants, reviendrait à environ 3, 2 millions de réais par an (plus d'un million d'Euros).

Cidades como Jacobina, a 80km de Juazeiro, podem receber tratamento voltado a suas populações. Foto: Reprodução/Coletivo Nigéria

Des villes comme Jacobina, a 80km de Juazeiro, pourraient être traitées par cette nouvelle méthode de lutte contre la dengue. Photo: Reproduction/Collectif Nigéria

Si l'on imagine la quantité de petites et moyennes municipalités brésiliennes dans lesquelles la dengue est endémique, on prend conscience de l'importance financière du marché qui s'ouvre – sans même prendre en considération les grands centres urbains du pays qui demanderaient une extrapolation des capacités actuelles de cette technique.

De plus, il ne s'agit là que d'un aspect du projet commercial, Oxitec garde également en réserve d'autres insectes transgéniques destinés au contrôle des parasites agricoles et devrait ainsi avoir le champ libre au Brésil, un des géants de l'agronégoce mondial…!

Dans l'attente de l'autorisation de la CTNBio, l'entreprise brésilienne Moscamed se prépare déjà à tester ses “mouches des fruits” transgéniques, selon la même logique que pour Aedes aegypti. En plus de ceci, Oxitec dispose de quatre espèces génétiquement modifiées qui pourraient un jour être testées au Brésil, en commençant par Juazeiro et la vallée du Rio São Francisco. Commentaires de Glen Slade, le porte parole d'Oxitec :

Moscas de frutas também podem entrar no mercado transgênico da Oxitec. Foto: Reprodução/Coletivo Nigéria

La “mouche des fruits” pourra également entrer dans le marché d'Oxitec. Photo: Reproduction/Collectif Nigéria

Nous n'avons pas, à ce jour, de projets bien précis (hormis la “mouche des fruits”)…. mais nous aimerions bien évidemment avoir l'occasion d'expérimenter également d'autres produits.Le Brésil a une activité agricole très importante !

En ce moment, notre priorité numéro un concerne l'Aedes, le moustique de la dengue. Alors, une fois que nous commencerons à obtenir des ressources suffisantes sur ce projet, nous pourrons développer nos autres projets concernant l'agriculture.

Avec plusieurs de ses collègues, Glen Slade travaille déjà avec Syngenta, un autre géant de l'agronégoce. Cette situation révèle bien, pour Helen Wallace, le caractère pionnier de l’Aedes aegypti transgénique sur le nouveau marché des insectes génétiquement modifiés :

Nous savons que Syngenta s'intéresse tout particulièrement aux parasites agricoles. C'est pourquoi un de nos objectifs est de leur proposer une utilisation de ces insectes, parasites agricoles, génétiquement modifiés, en association avec des semences trangéniques pour ainsi augmenter la résistance de ces cultures aux fléaux agricoles (voir le réseau des semences génétiquement modifiées de l'entreprise Monsanto sur les deux Amériques….)

Glen Slade précise:

Il n'existe aucun accord entre Oxitec et Syngenta ! Nous aurons peut-être la possibibilité de travailler ensemble dans le futur. Je suis personnellement intéressé par la recherche de projets communs avec Syngenta, BASF ou d'autres grandes entreprises pour l'agriculture.

En 2011, l'industrie des pesticides a facturé 14,1 milliards de Reais au Brésil (plus de 4 milliards d'Euros), premier marché de ce type dans le monde ! Ce pays pourrait dans les prochaines années ouvrir un nouvel espace technologique dans le domaine du combat contre les fléaux agricoles et pour la santé publique avec l'Aèdes aegypti transgênique qui semble avoir un avenir commercial prometteur. Néanmoins, il reste à savoir comment cette technique pourra coexister avec les vaccins contre la dengue qui sont en phase finale d'expérimentation, l'un d'entre eux étant développé par un laboratoire français, l'autre par l’Institut Butantan, à São Paulo.

Au sein des souches de moustiques trangéniques pourra émerger également un modèle national. En effet, le département de parasitologie de l'Université de São Paulo est coordonateur du Programme Aedes Transgènique, on travaille déjà à l'université pauliste sur le muriçoca transgénique (autre espèce locale de moustique). Autre solution technologique pour ce problème de santé publique à Juazeiro da Bahia – une ville où, selon un constat de 2011 du réseau national d'information sur l'assainissement (SNIS), le réseau d'égouts ne touche que 67 % de la population urbaine.

Les conseils des Palestiniens aux manifestants de Ferguson pour se protéger des lacrymogènes, balles en caoutchouc et violences policières

dimanche 17 août 2014 à 15:28
Photos tweeted by Missouri based journalist @CassFM "Police fire tear gas near Al Jazeera crew, then disassemble the gear after they flee. #Ferguson"

Photos tweetées par le journaliste du Missouri @CassFM “Les policiers tirent du gaz lacrymogène près de l'équipe d'Al Jazeera, puis démontent le matériel après leur fuite. #Ferguson”

[Article d'origine publié le 14 août 2014 - liens en anglais]

Le meurtre de Michael Brown, ce jeune Afro-Américain de 18 ans sans armes à Ferguson (Missouri) par un policier au nom gardé secet a déclenché plusieurs jours de troubles dans cette petite balieue de Saint-Louis où la police locale a anvoyé des agents en attirail anti-émeute de niveau militaire 'pacifier’ les manifestants.

Les récits de brutalités policières contre les manifestants et les journalistes dans cet Etat du Middle-West américain émergent également depuis ces derniers jours. La population de Ferguson est noire à près de 70 %, alors que la police locale est essentiellement blanche. Les défenseurs de droits disent que les Américains de couleur, et surtout les jeunes hommes noirs, sont ciblés et accusés de délinquance de façon disproportionnée par les agents du maintien de l'ordre. 

Lorsque les médias sociaux ont fait savoir que les policiers de Ferguson employaient les gaz lacrymogènes et les balles en caoutchouc contre les manifestants, les Palestiniens ont aussitôt réagi par des conseils sur l'attitude à avoir, en se prévalant de leur expérience acquise des forces d'occupation israéliennes.

Mariam Barghouti, une militante palestinienne et étudiante à l'Université Bir Zeit, a rassuré les manifestants de Ferguson que la douleur quand on est aspergé de gaz lacrymogène était passagère. Elle a aussi tweeté comment avoir moins mal sur le moment :

Solidarité avec #Ferguson. Pensez à ne pas vous toucher le visage ni le mouiller quand vous avez reçu du gaz lacrymogène. Mettez plutôt du lait ou du coca !

Veillez à toujours courir contre le vent et à rester calmes quand vous êtes aspergé de lacrymogène, la douleur va passer, ne vous frottez pas les yeux !

Je me souviens quand je me faisais asperger de lacrymogène, je me rappelais seulement que cette douleur va passer pour ne pas m'effondrer. Ça aide !

Rajai Abu Khalil, un médecin palestinien, co-fondateur de Médecins pour la Palestine, a tweeté :

Amis de #Ferguson. Le gaz lacrymogène utilisé contre vous a probablement été testé d'abord sur nous par Israël. Ce n'est pas grave, Restez forts. Amicalement, #Palestine

Ne vous éloignez pas beaucoup de la police, si vous êtes près d'eux ils ne peuvent pas tirer de gaz lacrymogène. A #Ferguson de la part de la #Palestine

C'est toujours les opprimés qui aident les opprimés. Partout dans le monde. #Palestine solidaire de #Ferguson

Le présentateur d'Al-Jazeera Wajahat Ali voit dans la solidarité palestinienne la preuve que la situation à Ferguson est perturbante.

Vous savez que ça va mal quand les gens de #Gaza compatissent avec vous et voient des similitudes

Le rapprochement avec la Palestine a certes de quoi surprendre. L'essayiste et militant Iranien-Américain Trita Parsi, qui dirige le Conseil National Iranien-Américain, a publié une déclaration du chef de la police de Ferguson indiquant avoir été formé à la ‘prévention des attentats terroristes’ en Israël.

Vous vous demandez pourquoi la violence policière excessive ? Un indice : le chef de la police de #Ferguson a suivi une formation en Israël…

La solidarité palestinienne avec les gens de Ferguson n'est pas passée inaperçue. Le militant américain de Twitter ‘Faithful Black Man’ ['Noir fidèle'] a tweeté deux images montrant la similitude entre les manifestants à Gaza et Ferguson. Il a ensuite dit sa joie d'entendre un rassemblement de Ferguson scander “Libérez Gaza”.

Gaza tweeter aux gens de Ferguson comment arrêter le gaz lacrymogène et une foule de Ferguson scander “Libérez Gaza”, c'est incroyable

La journaliste Dalia Hatuqa, en Palestine, a tweeté une vidéo qui nourrit la comparaison :

Un manifestant de #Ferguson crie aux flics, “Vous allez nous tirer dessus ? On est dans la bande de #Gaza ?

Il faut préciser que beaucoup d'images supposées montrer des Gazaouis renvoyer les grenades lacrymogènes sur les policiers/soldats d'occupation ont été en fait prises en Cisjordanie. Comme l'a noté le correspondant d'Al Jazeera Mohammad Alsaafin, les grenades lacrymogènes sont généralement le cadet des soucis des habitants de Gaza :

Je doute que quiconque à Gaza tweete à Ferguson sur la façon de gérer le gaz lacrymogène. C'est sans doute plutôt la Cisjordanie. Les Gazaouis peuvent vous conseiller sur les F16 et l'artillerie.