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Pronoms et genre : l’enseignement de l'anglais dans le monde

jeudi 10 mai 2018 à 18:15

Un enseignant écrit une phrase en anglais sur un tableau noir pendant un cours d'anglais. Cambodge. Photographie : © Masaru Goto / Banque mondiale. CC BY-NC-ND 2.0

Sauf mention contraire, tous les liens de ce billet renvoient vers des pages en anglais.

Cet article de Nicola Prentis pour GlobalPost est paru à l'origine sur PRI.org le 28 mars 2018 et est republié ici dans le cadre d'un partenariat entre PRI et Global Voices.

Pendant la première leçon, le professeur montre un stylo et dit : « It’s my pen » (« C’est mon stylo »). Les étudiants en langue anglaise, qui peuvent être de n'importe quel âge, du préscolaire au retraité et de n'importe quel pays du monde, répètent « It’s my pen ». L'enseignant prend ensuite un stylo à l'une des élèves et énonce : « It’s her pen » (« C'est son stylo »). La classe répète.

Plus tard, afin de réviser, l'enseignant prend le stylo d'une élève et invite quelqu'un à donner la bonne réponse. Un élève propose, « It’s his pen » (« C'est son stylo [à lui] ») [à l'inverse du français, les adjectifs possessifs anglais [fr] s'accordent avec le genre du possesseur et non l'objet possédé, qui n'a pas de genre, NdT]. Le professeur, sourcils levés et sourire encourageant, insiste : « His pen? » (« Son stylo à lui ? ») en soulignant le mot pour signaler l'erreur et, peut-être, en faisant un geste vers la propriétaire du stylo en question. L'élève corrige rapidement l'erreur : « It’s her pen » (« C'est son stylo à elle »).

Dans le monde, près d'un milliard de personnes apprennent l'anglais comme langue étrangère (English as a Foreign Language, EFL), et toutes rencontrent des pronoms de genre binaires dès leurs premières leçons. C'est un point de grammaire abordé au niveau débutant. Les exercices d’observation sur le genre binaire apparaissent dans les examens pour les jeunes enfants avec des questions telles que « Votre meilleur ami est-il un garçon ou une fille ? » et « Votre professeur est-il un homme ou une femme ? » Mais alors que la conscience du genre s'accroît et que de nouveaux mots et de nouveaux points de grammaire autour de l'identité de genre apparaissent dans la langue, les enseignants d'EFL se retrouvent potentiellement en première ligne pour influencer la manière dont un milliard de personnes dans le monde entier pensent au genre.

Dans l'exercice du stylo, il y a deux façons principales de modifier l'activité de l'adjectif possessif : un étudiant décrivant la possession pourrait répondre avec « It’s their pen » (« C'est son stylo », « their » étant utilisé ici comme un adjectif possessif neutre singulier). Ou bien l'enseignant pourrait parler de certains des nouveaux adjectifs possessifs neutres, de sorte que les élèves aient d'autres options à leur disposition à part « his » et « her », si besoin est – comme nir, vis, eir, hir, zir, zir et xyr.

Dans l'ensemble, le matériel d’enseignement EFL inclut le pronom neutre singulier « they » depuis des années. « Tout le monde parlait de l'équilibre entre les sexes dans les documents », explique Frances Amrani, consultante en enseignement de l'anglais, qui se souvient de son travail avec Cambridge University Press en 2000. « On nous a encouragés à y réfléchir sur tous les projets. Sur mon premier projet, [un manuel intitulé « Vantage »] pour le Conseil de l'Europe [….] nous avons convenu que « they » était communément utilisé comme un pronom singulier neutre et qu'il remontait au [XIVe ou XVe siècle] ». Une phrase d'exemple avec « they » au singulier a été intégrée dans les explications grammaticales à la fin du livre de niveau pré-intermédiaire.

En revanche, il est peu probable que les manuels refléteront bientôt l'usage de « they » au singulier pour se référer à des personnes qui s'identifient comme non-binaires. Bien qu'ils soient basés sur des corpus (d'énormes banques de données de la langue telle qu'elle est utilisée), il y aura toujours un décalage dans les manuels d'EFL entre le moment où quelque chose se répète suffisamment pour devenir la norme en langue écrite ou parlée et le moment où cela apparaît dans un programme d'enseignement. Les auteurs et les éditeurs ont également leur mot à dire sur ce qui est inclus. « Si des mots deviennent à la mode, se répandent très vite et sont couramment utilisés, comme « selfie », alors ils seront probablement intégrés assez rapidement. D'autres, qui sont davantage des termes de niche, prendront inévitablement plus de temps », explique la lexicographe Julie Moore.

Compte tenu du temps nécessaire pour publier un nouveau manuel, cela signifie au moins quelques années de plus avant que « This is Sarah’s pen, give it to them » (« C’est le stylo de Sarah, donne-le-lui » avec le « them » neutre singulier) ne soit imprimé dans du matériel didactique.

Cela peut sembler lent, mais considérez le mot « Ms. » [« Mme », sans référence particulière au statut marital de la femme, NdT], qui a mis environ 70 ans avant d'être largement utilisé en 1972 et n'a probablement été introduit dans les manuels qu'au milieu des années 80.

En parcourant sa collection de livres anciens, l'auteur de la méthodologie EFL Scott Thornbury affirme qu'il n'a trouvé aucune occurrence de « Ms » dans un manuel de 1976, « Strategies » (Longman Publishing Co.), mais plusieurs exemples de « Mrs » [« Mme », pour une femme mariée, NdT] et d'une « Miss » (« Mlle »). Mais, en 1979, alors que le manuel, « Encounters » (Heinemann), présente les mêmes choix pour remplir un formulaire officiel, y compris « Mr » (« M. »), le livre de l'enseignant prend note :

Point out Miss/Mrs distinction. If students ask, explain Ms as modern term for both Miss and Mrs.

Soulignez la distinction « Miss/Mrs ». Si les élèves le demandent, expliquez que « Ms » est un terme moderne pour Mlle et Mme.

Le livre du professeur du Cambridge English Course Book 2 de 1985 n'a pas attendu que les étudiants posent la question :

Finish by making sure that students know first name, Christian name, surname, Mr, Mrs, Miss, Ms.

Terminez en vous assurant que les élèves connaissent le prénom, le nom de baptême, le nom de famille, « Mr, Mrs, Miss, Ms ».

Finalement, en 1986, « Ms » est apparu dans un livre pour étudiants, Headway Intermediate, proposant l'option « Ms », aux côtés de « Mr, Mrs, et Miss » dans la rédaction de lettres officielles.

Pourrions-nous nous attendre à ce qu'une telle progression se produise plus rapidement de nos jours, avec l'Internet dispersant de nouveaux mots dans le monde entier et dans les bases de données des corpus ?

Certains éditeurs numériques indépendants vont plus vite et se concentrent sur les besoins individuels des étudiants. Sue Lyon-Jones, auteure et éditrice de cours en ligne EFL, cite l'utilisation croissante du pronom neutre singulier comme l'une des raisons pour lesquelles elle a choisi d'incorporer le non-binaire « they » dans une leçon de grammaire en ligne. Mais elle pense aussi qu’ « équiper les élèves apprenant l’anglais avec du vocabulaire pour parler d'eux-mêmes et de leur identité est une partie importante de [son] travail ».

De même, dans leurs propres classes, les enseignants ont une certaine liberté pour adapter le matériel publié qu'ils utilisent en classe et pour enseigner ce qu’ils estiment être important, sans attendre la justification du corpus. Le pronom non-binaire « they », apparaît déjà dans les salles de classe d'EFL à travers le monde.

Leigh Moss, qui a enseigné au Vietnam et en Italie, l'utilise en classe. « J'enseigne le « they » de genre neutre puisque « xe/ze » n'est pas d'usage courant et j'ai des amis non-binaires qui préfèrent « they » et c'est comme ça que je l'utiliserais, » dit-elle.

Jessie Fuller, professeur d'EFL au Brésil, est d'accord. « Normalement, j'utilise « they » pour le genre neutre, puis je ne considère « ze » que si un étudiant semble intéressé. »

Les enseignants peuvent toujours trouver un moyen de présenter la langue de façon à ne pas créer de confusion. Ils enseignent régulièrement des choses incroyablement complexes ou non intuitives. Prenez par exemple la phrase : « How do you do? » (« Comment allez-vous ? ») C'est généralement enseigné aux premiers niveaux bien qu'il s'agisse d'une question qui n'est pas vraiment une question, et qui n'a rien à voir avec la manière dont vous faites quoi que ce soit (« do » = faire). Il faut l'enseigner en expliquant, au moins brièvement, les nuances sociales et culturelles qui l'accompagnent : il n'est utilisé que la première fois que vous rencontrez quelqu'un, seulement dans des conversations très formelles et, de nos jours, probablement seulement avec les générations plus âgées ou les classes très supérieures.

Le pronom « they » utilisé au singulier, ou le concept de pronoms non-binaires, ne semble pas plus compliqué sur le plan linguistique que « How do you do? » et pas plus difficile sur le plan conceptuel ou culturel que de ne pas faire cas de l'état matrimonial des femmes quand on s'adresse à elles. Quant à savoir s'il faudra 70 ans pour faire des pronoms non-binaires un courant dominant comme « Ms », le temps nous le dira. Mais les professeurs qui les enseigneront les diffuseront bien au-delà des quelques 400 millions de personnes dont l'anglais est la langue maternelle.

Indonésie : Des détenus armés tentent de prendre le contrôle d'une prison de haute sécurité

jeudi 10 mai 2018 à 14:02
Police in Indonesia

Des policiers en Indonésie. Photo prise en 2016, par l'utilisateur de Flickr Seika. Licence: CC BY 2.0.

Une mutinerie dans une prison impliquant quarante condamnés pour terrorisme se déroule en ce moment à Depok, une ville de l'ouest de Java à côté de Jakarta, la capitale indonésienne.

La mutinerie a débuté dans la soirée de mardi, heure locale, au siège de la Brigade Mobile (Mako Brimob), un établissement pénitentiaire de haute sécurité qui compte parmi ses détenus des condamnés pour terrorisme.

Selon les informations officielles, un affrontement a suivi un simple malentendu à propos de la nourriture, entre un détenu et un agent du Densus 88, (le Détachement spécial 88, la brigade du contre-terrorisme indonésien. La situation a vite dégénéré, quand le détenu en a incité d'autres à l'action. Ils ont pris des gardiens en otage et réussi à accéder à l'armurerie de la prison.

Cing agents du Densus 88 ont été déclarés morts, un autre a été libéré après avoir été pris en otage pendant plus de 24 heures.

Les motivations des détenus en doute

A travers son organe de propagande, le groupe EI a revendiqué sa participation à l'incident. La police indonésienne a démenti.

La plupart des détenus ont appartenu au JAD, un mouvement désigné comme terroriste par le gouvernement des États-Unis.

L'analyste Sydney Jones de l'Institut d'Analyse politique des conflits (IPAC) a été cité disant que les détenus pro-EI ne cessent de causer des problèmes dans cet établissement de haute sécurité.

Selon Al Chaidar, spécialiste indonésien du terrorisme, la mutinerie n'était pas préméditée, mais son motif pourrait être la vengeance contre la direction, qui a fait perquisitionner les cellules pour confisquer les exemplaires du Coran et les téléphones portables introduits en cachette.

Mot-clic solidaire sur Twitter

Sur Twitter, les Indonésiens ont adopté le mot-clic #KamiBersamaPolri (Nous soutenons la police nationale) pour envoyer leurs condoléances aux familles des officiers tombés et encourager la nation à rester ferme contre le terrorisme.

Twittos, la femme du Premier Lieutenant Yudi, mort dans l'exercice de ses fonctions, est enceinte de neuf mois. Prions pour leur famille.

A qui de droit. [Nos condoléances aux cinq policiers martyrs. Merci de consacrer vos vies à notre pays.]

Nous soutenons la police dans son combat contre le terrorisme. L’État ne doit pas être défait. Le terrorisme est un crime contre l'humanité.

L'accès des médias est restreint, car les négociations et les opérations tactiques sont toujours en cours.

‘Peppa Pig’ est devenue trop coquine pour les censeurs chinois

mercredi 9 mai 2018 à 16:44

L'amitié entre Peppa et Suzy est jugée artificielle ou contrefaite par certains internautes chinois. Capture d'écran d'une vidéo Peppa Pig dérivée.

Le dernier ajout à la longue liste des produits et émissions censurés en Chine n'est autre que l'objectivement très mignon dessin animé Peppa Pig.

La populaire plateforme de vidéo Douyan vient d'inscrire Peppa Pig, la méga-star du dessin animé pour enfants, sur sa liste noire. L'entreprise a retiré plus de 30.000 vidéos du joyeux petit personnage rose, et a également banni les mots “Peppa Pig” de son site web.

Qu'a bien pu commettre la petite truie délurée pour atterrir dans la liste de la censure ? Subvertirait-elle la société harmonieuse chinoise ?

En avril 2018, des textes parus dans les médias d’État et du parti que sont Xinhua et le Quotidien du Peuple avaient fait allusion à une interdiction imminente. Un commentateur des organes d'information affiliés au parti critiquait une certaine sous-culture associant Peppa Pig et “Shehuiren”, une expression qui se traduit littéralement par “homme social” et fait référence aux voyous liés aux triades. En Chine, une triade désigne communément une filiale de n'importe quelle organisation criminelle transnationale.

Le Quotidien du Peuple expliquait :

在‘社会人’的路上越走越远,不少人也担忧:‘小猪佩奇会被玩坏了’。时下,不少中小学生以此标新立异,一些人以穿戴小猪佩奇的服饰、手表等互相攀比,更有甚者,少数不法商家假冒仿制相关产品,攫取利益,这些不利于文化产业健康发展的因素,需要警惕。毕竟,小猪佩奇再社会,也不能毁掉了孩子的童年,不能逾越规则和底线。

Plus Peppa Pig est associé à Shehuiren, plus les gens s'inquiétaient que Peppa Pig s'abîme. Un grand nombre d'écoliers et de collégiens font étalage de leurs accessoires Peppa Pig. Certains profitent même de cette sous-culture en vendant des produits [dérivés] de contrefaçon. Prenons garde aux sous-cultures de ce genre. Ne laissons pas Peppa Pig détruire l'enfance de nos jeunes, bafouer les règles et ignorer les limites à ne pas franchir.

C'est en août 2915 que la télévision d’État C.C.T.V. a officiellement importé la série [de la BBC] Peppa Pig en Chine continentale. Elle a ensuite été montrée sur les plateformes de vidéos en ligne Youku et Aiqiyi. En moins d'une année, les dessins animés ont été visionnés plus de 10 milliards de fois. Rien que sur Youku, Peppa Pig s'assure plus de six millions de vues quotidiennes.

Les dérivés de Peppa Pig

Sans aucun doute, Peppa Pig est un dessin animé apprécié par les petits. Mais en Chine, ce sont les adolescents et les jeunes adultes qui en sont les plus friands. C'est parce qu'à la version originale des films, ils préfèrent une série en cours d’ “œuvres dérivées” reprenant les animations de l'émission Peppa Pig, mais doublées en différents dialectes chinois, et avec un langage différent.

La vidéo YouTube ci-après est l'un des épisodes préférés de Peppa Pig doublé en cantonais :

Tiré d'un épisode dans lequel Peppa et la petite brebis Suzy se chamaillent, la vidéo est doublée en langage adulte. Le scénario alternatif est que Peppa et Suzy se disputent l'attention de jules potentiels.

Il va sans dire que ces dérivés peuvent facilement tomber dans la catégorie du contenu vulgaire, tel que défini par la réglementation étatique sur les contenus en ligne.

Mais aussi coquines qu'elles puissent être, ces vidéos existent depuis des années sans rencontrer de problème, et leur retrait par Douyan semble donc répondre d'abord à la critique idéologique par les voix de l’État de la sous-culture métissée Peppa Pig/Shehuiren, avec son émergence apparentée de produits Peppa Pig tels qu'auto-collants, montres et coques de téléphones portables.

Tatouage Peppa pig. Capture d'écran d'une vidéo virale.

Une culture qui est apparue vers la fin de 2017, lorsqu'une vidéo virale montrant un dessin de Peppa Pig sur le dos d'un jeune homme a déclenché une réaction en chaîne de mèmes sur diverses plateformes, et donné naissance à une expression populaire :

小猪佩奇身上纹,掌声送给社会人

Quand on a un tatouage Peppa, c'est Shehuiren qu'on applaudit.

Une version antérieure de la formule liant Shehuiren à la culture hooligan était aussi devenue virale sur des plateformes vidéo variées :

关公踏马身上纹,掌声送给社会人

Quand on a un tatouage Guan Yu, c'est Shehuiren qu'on applaudit.

Guan Yu est un personnage historique vénéré dans la pègre chinoise. Comme le mème était joint à des vidéos reflétant les caractéristiques des Shehuiren, le terme a évolué pour se moquer des usagers de plateformes vidéo qui ne suivent pas la morale générale du travail.

Ce que symbolise Peppa Pig

Un commentaire de Sina Tech souligne cependant que les adeptes du métissage Peppa Pig/Shehuiren sont majoritairement des jeunes adultes respectueux des règles et réglementations :

在大城市中奋斗的人们,焦虑和压迫感是时刻存在的,你可能有意识想反抗一些自己看不惯的东西,但最后还是悲哀地选择了顺从,叛逆感日积月累,又得不到发泄也无法挣脱,于是只能通过小猪佩奇手表这种社会人身份的认可来营造一种假象——成为一个随性不羁且无所顾忌的“社会人”。

Ceux qui travaillent dans les grandes villes se sentent souvent oppressés et inquiets. Ils peuvent avoir envie de résister, mais au final ils doivent obéir. La tension continue à monter et ils finissent par se servir de Peppa Pig pour exprimer leur aspiration à être un Shehuiren — un individu qui suit son cœur sans être réfréné par les normes sociales.

Un internaute a évoqué un sentiment analogue dans un commentaire sur Weibo à propos d'une montre Peppa Pig :

自从买了社会人小猪佩奇手表,终于感觉我是一个社会人了,拥有这个表,我感觉走路都带风了。不仅仅是一块表,不仅仅是社会人的身份地位的象… ​​​​

Depuis que j'ai acheté une montre Peppa Pig Shehuiren, je me sens un Shehuiren. Avec cette montre, je marche le vent dans le dos. Ce n'est pas une simple montre, c'est un symbole de prestige Shehuiren…

Sur Zhihu, la plateforme de questions-réponses la plus populaire de Chine, les internautes ont été nombreux à se dire convaincus que le métissage de Peppa Pig avec Shehuiren est une caricature des normes sociales — pouvoir économique, hypocrisie et antécédents familiaux — en Chine continentale. Parmi leurs interprétations du statut social de Peppa, on trouve :

1. La famille de Peppa est riche : elle vit dans une villa.
2. Peppa est une Barbie : elle est gaie, sûre d'elle, insouciante et n'a jamais de soucis d'argent
3. La mère de Peppa est une riche de deuxième génération : ses propres parents habitent une villa avec un grand jardin, ils ont un bateau de plaisance. La mère de Peppa joue du violon et parle français.

Tant la culture hooligan que la critique des normes sociale peuvent paraître subversives de la vision chinoise d'une Société Harmonieuse. Cette sous-culture a aussi un puissant impact sur l'économie culturelle.

Le Global Times a rapporté que sur Taobao, le plus grand site d'e-commerce de Chine, une boutique en ligne a vendu en seulement un mois 30.000 tatouages auto-collants Peppa Pig/Shehuiren et 110.000 montres Peppa Pig. Le distributeur chinois de Peppa Pig a vu grimper ses royalties, tandis que la société britannique Entertainment One annonçait que son chiffre d'affaires provenant des autorisations de produits en Chine a été multiplié par plus de sept au premier semestre 2017 — et le marché chinois continue sur sa lancée.

Mais la prohibition par Douyan est un signal que les autorités de censure chinoises ont un pouvoir de vie et de mort sur le marché culturel au cas où Peppa Pig ou tout autre dessin animé à propriété étrangère pousserait la malice trop loin.

Le journaliste et militant angolais Rafael Marques à nouveau devant la justice pour avoir enquêté sur la corruption

mardi 8 mai 2018 à 17:34

Le journaliste Rafael Marques lors d'un séminaire à Stanford en septembre 2016. Capture d'écran de Youtube / Stanford CDDRL

[Sauf indication contraire, tous les les liens renvoient à des sources en portugais]

Le journaliste angolais Rafael Marques est de nouveau traduit en justice pour son travail d'enquête.

Cette fois, Marques est accusé d'avoir “insulté les autorités publiques” après avoir publié un article en octobre 2016 sur le site d'informations indépendant Maka Angola (dont il est le fondateur et rédacteur en chef), article qui a soulevé des questions sur l'éventuelle corruption du désormais ex-procureur général João Maria de Souza.

Mariano Lourenço, rédacteur en chef du journal O Crime, qui a publié l'article imprimé, fait face aux mêmes accusations. Marques est également accusé d'avoir “offensé un organe de souveraineté” pour avoir prétendument dénoncé l'ex-président José Eduardo dos Santos dans la même publication.

L'article révèle l'acquisition par l'ex-procureur général de trois hectares de terrain (environ quatre terrains de football) en 2011, pour 600 000 kwanzas (2 500 dollars US), afin de construire un complexe résidentiel. C'est une propriété de front de mer dans la ville de Porto Amboim, à environ 220 km au sud de la capitale Luanda, selon des documents obtenus par Maka Angola.

Depuis son indépendance [fr] du Portugal en 1975, l'Angola a été dirigé par le Mouvement populaire de Libération d'Angola [fr] (MPLA), parti de l'actuel président João Lourenço, élu en août 2017. Lourenço a remplacé José Eduardo dos Santos,qui a occupé la présidence plus de 35 ans en dirigeant un gouvernement qui a été accusé de violations des droits de l'homme [en] et de restrictions à la liberté d'expression, les journalistes ainsi que les critiques étant fréquemment harcelés.

Les avocats de Souza disent que les journalistes angolais ont publié l'article un an après que l'ex-procureur général João Maria de Souza a perdu la concession du terrain pour avoir omis d'en payer les frais d'acquisition. Néanmoins, la défense de Rafael Marques soutient qu'il y a eu des irrégularités dans l'acquisition du terrain.

Son avocat Horácio Junjuvili a déclaré à la radio allemande Deutsche Welle, en mars:

“A factualidade apontada pelo Ministério Público incide diretamente sobre a liberdade de imprensa e de expressão. Nestes termos, o que começa por estar em julgamento neste caso é a liberdade de imprensa, designadamente no que tange ao combate à corrupção.”

Les faits indiqués par le procureur concernent directement la liberté de la presse et d'expression. En ces termes, ce qui est jugé dans cette affaire, c'est la liberté de la presse, en particulier lorsqu'il s'agit de la lutte contre la corruption.

Les accusations ont été portées contre Marques pour la première fois en décembre 2017. Le procès a finalement commencé le 19 mars. La dernière audience, prévue pour le 16 avril, a été annulée en raison de l'absence de João Maria de Souza, qui a fait valoir qu'en tant que juge à la retraite, il pouvait invoquer l'immunité et refuser d'être déféré devant la Cour provinciale d'Angola.

Le juge qui préside l'affaire a déterminé que João Maria de Souza sera obligé de comparaître le 24 avril dans l'une des salles du ministère public, à huis clos.

Une cible de longue date des autorités

Ce n'est pas la première fois que Marques fait face à des poursuites pour son travail journalistique en Angola. En 1999, il a passé 42 jours en prison, sans aucune charge formelle contre lui, après avoir publié un article dans lequel il a qualifié le président de l'époque, José Eduardo dos Santos, de “dictateur corrompu”.

En 2016, il a été condamné à six mois de prison et à une amende pour avoir publié le livre Diamantes de Sangue. Corrupção e Tortura em Angola (Diamants de Sang: Torture et corruption en Angola), publié au Portugal en 2011, dans lequel il dénonce les violations des droits de l'homme dans les mines de diamants du pays. Marques a été accusé de diffamation contre des sociétés minières et des généraux de l'armée angolaise impliqués dans le commerce des diamants.

En mai 2016, sous la pression des organisations internationales et de la société civile angolaise, toutes les accusations portées contre Marques concernant le livre ont été retirées par les autorités angolaises.

Selon l'avocat de la défense de Marques, David Mendes, ce procès a connu une série d'irrégularités, parmi lesquelles le fait que la cour a refusé d'entendre les témoignages d'experts et d'autres témoins, à l'exception de Marques lui-même. Il avait dit à DW à l'époque :

“Para quem acompanhou o processo, viu-se que não houve discussão da causa. Foi ouvido o réu mas não foi discutida a matéria fática ou seja os factos não foram discutidos. Ouviu-se o réu e as testemunhas e os declarantes foram dispensados. O juiz não pode decidir com aquilo que vem da instrução. Então não havia razão de haver um julgamento. […] O julgamento só serve para o apuramento das razões facticas da justificação ou não dos elementos constituintes do crime. Não foi discutido o crime, não foram discutidas as matérias que teriam levado a convicção do tribunal. De onde o tribunal partiu da convicção para condenar?

Pour ceux qui ont suivi le procès, ils ont vu qu'il n'y avait pas de discussion de l'affaire. Le défendeur a été entendu mais la question factuelle n'a pas été discutée, c'est-à-dire que les faits n'ont pas été objet de débat. L'accusé a été entendu, mais les témoins et les orateurs ont été renvoyés. Le juge ne peut pas décider sur la base de ce qui a été entendu à l'audience. Il n'y avait alors aucune raison d'avoir un procès […]. Un procès sert uniquement à vérifier les raisons factuelles de la justification ou non des éléments constitutifs du crime. Le crime n'a pas été discuté, les questions qui auraient persuadé le tribunal n'ont pas été discutées. D'où vient la certitude du tribunal pour condamner ?

L'éditeur portugais de Tinta da China a mis en ligne un téléchargement gratuit en PDF du livre Diamantes de Sangue.

Harcèlement des militants des droits de l'homme

S'agissant de ceux qui cherchent à mettre au jour les violations des droits humains, Rafael Marques n'est pas le seul à faire face à la répression du pouvoir en Angola.

Dans une affaire, connue sous le nom de15 + 2, un groupe d'activistes a été arrêté en juin 2015 lors d'une séance d'étude sur la politique angolaise, centrée sur le livre From Dictatorship to Democracy (De la dictature à la démocratie) de l'écrivain américain Gene Sharp.

En mars 2016, les tribunaux leur ont infligé des peines de prison allant de six mois à deux ans et trois mois, en les accusant de préparer une rébellion et une conspiration. En mai 2016, les peines ont été réduites à la détention à domicile.

Un autre militant visé par les autorités est José Marcos Mavungo, fondateur de l'organisation des droits de l'homme ‘Association civique Mpalabanda de Cabinda (Mpalabanda Associação Civica de Cabinda). Mavungo a été arrêté [en] en mars 2015, accusé de rébellion, et plus tard condamné à six ans de prison. En mai 2016, il a été libéré pour “manque de preuves”.

Cabinda, actuellement une enclave angolaise au nord du fleuve Congo, était un protectorat portugais de 1885 à 1956, lorsque l'administration coloniale décida de gouverner la région depuis l'Angola, mais sans l'accord des dirigeants locaux. Depuis les années 1960, la région fait face à une insurrection séparatiste armée [fr] qui s'est intensifiée après l'indépendance de l'Angola, qui a hérité des Portugais la souveraineté sur la région.

Le conflit a causé beaucoup de souffrances au peuple de Cabinda. Au fil des ans, diverses organisations internationales ont critiqué les opérations militaires angolaises à Cabinda pour violation des droits de l'homme et restrictions à la liberté d'expression.

En décembre 2017, 28 activistes appartenant à l'organisation pour le développement de la culture des droits de l'homme (ADCDH) de Cabinda ont été arrêtés alors qu'ils se préparaient à participer à une manifestation pacifique. Ils ont été libérés le même jour.

“Je voulais que mes petits-enfants grandissent dans cette maison” : Témoignage d'une vieille dame syrienne chassée de Zamalka

mardi 8 mai 2018 à 14:12

Une photo de sa maison détruite. Prise par Lens of a Damascene Young Man

Ceci est le témoignage d'Oum Mohammed, 61 ans, une douce dame âgée originaire de Zamalka. La gentillesse d'Oum Mohammed se reflète à travers les traits enfantins de son visage. Ses joues s’empourprent encore lorsqu’elle s’anime. Oum Mohammed adore les vieilles chansons et en mémorise beaucoup. Telle une grand-mère aimante, elle adore les jeunes enfants et pourrait jouer avec eux pendant des heures.

Oum Mohammed vivait à Zamalka, une ville de la Ghouta orientale [terres cultivées qui entourent Damas en Syrie], dont la population a été estimée à 150.000 lors du dernier recensement. Zamalka est tombée hors du contrôle du régime en 2012. Depuis lors, elle a été soumise comme toutes les autres villes de la Ghouta orientale à un siège asphyxiant. Zamlaka a enduré quotidiennement des bombardements lourds et continus.

Dans ce témoignage, Oum Mohammed, déplacée de force, parle de sa maison et de sa famille à Zamalka et de son lien avec cette maison et ses meubles :

J'ai trois filles et un fils. Mes trois filles sont restées avec moi dans la Ghouta, tandis que mon fils a fui il y a sept ans. Le siège m'a privée de la possibilité d'assister à son mariage et d'être à ses côtés à la naissance de son fils.

J'habitais la maison familiale, une très vieille maison que mon mari a héritée de son père qui lui-même l'a héritée de son père et ainsi de suite. Génération après génération ont grandi dans cette maison. Ceux d'entre eux qui sont encore en vie en gardent de si bons souvenirs. Au fil du temps comme la maison avait besoin de réparations, nous avons effectué les travaux tout en veillant à conserver ses caractéristiques d'origine. Nous voulions préserver son âme.

Pendant le siège, toutes les sources de combustibles se sont raréfiées ou bien sont devenues incroyablement chères. Nous avons donc dû compter sur le bois pour chauffer, cuisiner, prendre un bain et parfois même pour l'éclairage.

Dans les derniers temps, alors que les bombardements s'intensifiaient depuis février, il devenait impossible de quitter les sous-sols et d'aller acheter du bois. Le manque de ventilation adéquate dans les caves et l'humidité exacerbaient la sensation de froid.

Un jour, dans ce sous-sol, alors que les pilonnages détruisaient la ville, nous avons dû utiliser les meubles pour nous chauffer. Je n'oublierai jamais ce bombardement insensé qui a brûlé nos souvenirs et les souvenirs de tous ceux qui nous entourent. Il a effacé toute trace de nous à Zamalka, notre patrie, avant que nous ne soyons complètement déracinés.

Les premiers meubles que nous avons brûlés ont été les canapés, et cela était dû à la faim. Mes petits-enfants avaient faim, et les bombardements intensifs nous ont empêchés d'aller chercher du bois à l'extérieur. Même si quelqu'un risquait sa vie pour aller dehors, il n'y avait personne pour vendre quoi que ce soit dans cet enfer. Mon gendre m'a demandé la permission de casser le canapé afin d’utiliser son bois pour faire la cuisine. J'ai approuvé, mais quelque chose en moi s’est brisé.

Ce canapé portait une belle histoire. Mon mari l'avait acheté dix ans après notre mariage. Il était tellement heureux que nous puissions nous le permettre. Nous l'avions choisi ensemble. C'était l'une des rares fois où nous avions pu sortir ensemble sans les enfants. Oui, j'arriverais à remplacer des biens matériels mais les souvenirs qui leur sont attachés, comment pourraient-ils être récupérés ?

La douleur a été plus grande encore lorsque nous avons du mettre le feu aux meubles de ma chambre. Cette chambre m'a accompagnée pendant 35 ans, depuis mon mariage. Il a été témoin des meilleurs et des pires jours de ma vie. L'odeur de mon défunt mari s'est attardée là. J'avais l'habitude de ressentir sa présence flotter autour de ce lit, c'est pourquoi j’avais l’impression qu’il était à mes côtés à chaque fois que je m’endormais.

J'ai brûlé la plupart de mes vêtements. Notamment, la robe que je portais pour le mariage de ma fille aînée. Je me rappelle m’être rendue avec elle chez le tailleur et l'avoir fait faire sur mesure pour l'occasion, tout comme sa propre robe de mariée. Mes châles, qui sont devenus ma tenue quotidienne depuis que j’ai vieilli et suis devenue une grand-mère. Je suis parvenue à n'en sauver qu'un seul pour l'emmener avec nous lorsque nous avons finalement été déplacés de force.

De mes ustensiles de cuisine qui ont survécu aux bombardements, j'ai brûlé tous les plastiques car ils étaient très inflammables et nous apportaient une chaleur supplémentaire. Ce qui était important, c'était que mes enfants et petits-enfants mangent et soient au chaud.

Dans nos traditions, la famille de la mariée offre pour la maison des époux une vitrine où sont exposés des assiettes et des couverts somptueux. Habituellement, cette vitrine est transmise à travers les générations. Mais après que tout le cristal de ma vitrine a été brisé à cause des bombardements, nous l'avons cassé en morceaux et utilisé son bois pour chauffer l’eau du bain.

Pourtant, ce que j'ai dû surmonter de plus difficile a été de prendre la décision de brûler l'armoire de mon fils. Mon fils, que je n'avais pas vu depuis sept ans.

Cette armoire contenait tous les beaux souvenirs de son enfance. Ses jouets, ses vêtements de bébé, même sa tasse préférée. Je ne pouvais pas transporter tout ça avec moi dans le bus qui nous a évacué. Mais je ne pouvais pas non plus détruire ces souvenirs de mes propres mains, ni les laisser derrière moi au risque que des étrangers viennent s’amuser avec après notre départ, ou les voir dans des vidéos vendues dans les rues. Finalement, j'ai dû prendre la décision de les casser et de les brûler. Je n'ai gardé que de très petits objets que je pouvais emporter avec moi.

Cela a été la situation la plus difficile de toutes car j'ai toujours rêvé de donner à mon fils ses souvenirs d’enfance, de voir son fils porter les mêmes vêtements que lui-même portait à son âge et raconter des histoires à mon petit-fils en lui montrant des photos de son père.

Je voulais que mes petits-enfants grandissent dans cette maison où je leur aurais raconté des histoires sur l'espièglerie de leurs parents. Une maison que je leur aurai transmise afin qu’eux-mêmes la transmettent ensuite à leurs petits-enfants ; afin qu'ils y ajoutent chaque fois une vie nouvelle, comme l'ont fait toutes les générations de nos ancêtres.

Vers la fin, nous avons même dû brûler les portes de la maison. Ma maison, la maison familiale, la maison de mes enfants, a été laissée grande ouverte, exposée et violée.

Suite à l'horrible offensive de bombardements au cours de laquelle le régime syrien et les forces russes nous ont fait vivre l'enfer, nous avons été expulsés de Zamalka tels des réfugiés brisés. Il nous était impossible de vivre à nouveau sous le régime. Ce régime qui peut détenir mes gendres ou les enrôler de force au service militaire. C'était impossible surtout en sachant que mon fils ne retournerait jamais à Zamalka.

J'ai laissé derrière moi la maison familiale et tous les souvenirs qu'elle nourrissait. Je suis parti à Idlib avec mes filles et leurs familles, le cœur brisé. La seule chose qui m'a apporté du réconfort, c'est d’avoir enfin retrouvé mon fils que je n'avais pas vu depuis sept ans et d’avoir pu tenir son fils dans mes bras. L'unique espoir qui me reste est de savoir que je raconterai à mon petit-fils tout sur son grand-père, son père et la maison familiale avec tous les souvenirs qu'elle a nourris.

Lors de nos retrouvailles j’ai donné à mon fils les petits souvenirs que j'ai réussi à sauver de son armoire. Au début il n’en croyait pas ses yeux. Il ne pouvait pas croire que j’aie réussi à apporter avec moi une partie de ses souvenirs. À ce moment-là, j'ai prié pour que mon fils retourne à la maison familiale pour la reconstruire et y élever ses enfants.

Aujourd'hui, je vis avec mon fils et sa famille, allant d’un logement à un autre, jusqu'à ce que nous réussissions à trouver une installation temporaire, même si je sais que celle-ci-ci ne remplacera jamais ma maison.