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Les activistes remportent la lutte pour l’accès à l’eau potable en Macédoine malgré des années de déni par l'ancien gouvernement populiste

mardi 27 novembre 2018 à 17:33

L'événement promotionnel pour la marque parodique d'eau minérale “Arsena, l'eau enrichie en arsenic, directement depuis les robinets de Gevgelija” à Skopje le 17 février 2014. Photo : Vanco Dzambaski, CC BY-NC-SA.

[Article d'origine paru le 11 novembre 2018]

La lutte des activistes en Macédoine qui mettaient en garde contre la contamination de leur eau potable par l’arsenic aura duré plusieurs années. Mais les militants peuvent désormais crier victoire : un nouveau système d’approvisionnement en eau vient d’être construit dans la municipalité méridionale de Gevgelija.

Le 7 novembre 2018, les autorités ont inauguré une nouvelle infrastructure d'approvisionnement en eau qui recueille de l'eau de trois nouveaux puits et comprend une station d'épuration des eaux ainsi que des canalisations. D’après le site d’actualités locales Gevgelijanet.com, ce système fournira de l'eau potable pour 19 500 habitants des zones voisines.

Cette infrastructure, d’un coût de 1,7 million d'euros, résout enfin le problème de l'arsenic toxique qui s’infiltrait dans l'eau potable. Cette pollution avait commencé 15 ans plus tôt : suite à un tremblement de terre, des roches riches en arsenic étaient entrées en contact avec la nappe phréatique.

C’est pour dénoncer cette contamination que le groupe « Arsena » s’est formé, composé d'activistes locaux qui tentaient d'alerter le public sur la toxicité de l'eau depuis plusieurs années. Assimilés à des agitateurs par le régime populiste de droite qui régnait de 2006 à 2017, les activistes étaient persécutés du fait de leurs actions.

Même si l'Institut de la santé publique de la République de Macédoine avait établi en 2012 que l'eau était dangereusement toxique, les autorités politiques refusaient d'admettre l'existence d'un problème d'approvisionnement en eau. La priorité du parti populiste VMRO-DPMNE, à l'époque au pouvoir, était de conserver l'image d'un pays qui prospérait sous leur régime au lieu de résoudre les problèmes bien réels qui nuisaient à la qualité de vie, comme la pollution de l’air et de l'eau. C'est pourquoi, tant la municipalité que l’État niaient tout problème, et affirmaient que tous ceux qui osaient dire le contraire n'étaient que des pions de l'opposition.

Arsena a mené des analyses complémentaires de l'eau du robinet dans plusieurs laboratoires différents en 2014 et a voulu en publier les résultats. Le gouvernement a réagi en les traitant en pestiférés et en les soumettant à diverses formes de harcèlement au long des années, avec des campagnes de calomnies et  des inspections malveillantes pour empêcher leur travail. Qui plus est, la plupart des médias locaux ont censuré (de leur propre initiative) toutes les informations fournies par les militants. Une censure tellement béton que même les entreprises d'affichage publicitaire refusaient de leur louer des espaces pour rendre publics les résultats d'analyses.

En vue de transmettre leurs éléments à leurs audiences locales, les militants ont dû recourir à des méthodes détournées et à une diffusion de l'information en premier au niveau national. Pour cela, le 17 février 2014, ils ont organisé une conférence de presse dans la capitale, annoncée non pas comme une initiative de la société civile (celles-ci étant généralement passées sous silence par les médias), mais comme la présentation commerciale d'une nouvelle marque d'eau minérale : Arsena.

Quand les journalistes des médias nationaux sont arrivés à l'événement “d'entreprise”, les militants leur ont proposé des bouteilles en plastique d'eau provenant de l'approvisionnement de Gevgelija. Ils expliquèrent que la marque avait pour nom Arsena à cause du niveau élevé d'arsenic dans l'eau, et invitèrent chacun à goûter l'eau consommée quotidiennement par les habitants de Gevgelija. Ils présentèrent également les résultats des mesures scientifiques, ainsi que les données médicales indiquant les taux élevés de cancers et de mortalité dans la zone, probablement liés à la toxicité de l'eau.

Une militante prépare la promotion d'une marque parodique d'eau minérale, “Arsena”, avec des bouteilles remplies d'eau du robinet de Gevgelija, contenant des niveaux dangereusement élevés d'arsenic. Février 2014, centre de Skopje, Macédoine. Photo : Vancho Dzhambaski, CC BY-NC-SA.

Seule une télévision nationale a couvert l'événement, mais cela a suffi pour que les habitants de Gevgelija en entendent parler, et se précipitent dans les magasins du coin pour acheter de l'eau en bouteilles.

Dans les années qui ont suivi, les militants ont fait avancer le dossier par tous les moyens possibles, lançant des pétitions et des actions pour distribuer de l'eau en bouteilles aux classes socio-économiques défavorisées. Ils se sont aussi battus pour d'autres causes sanitaires.

Progressivement, les activistes ont réussi à vaincre le déni des autorités. Si elles n'ont jamais admis la toxicité de l'eau potable, elles ont néanmoins annoncé l'ouverture de nouvelles stations de traitement de l'eau. Plusieurs mois après ce coup publicitaire dans la capitale, le gouvernement local de Gevgelija a organisé une cérémonie d'inauguration pour un nouveau puits. Cependant, le chantier est resté à l'abandon pendant les trois années qui ont suivi.

Grâce à un nouveau projet cofinancé par le gouvernement de Macédoine, l'Union Européenne et la Banque Mondiale, la construction effective du nouveau système d'approvisionnement en eau a commencé en février 2017. La même année des élections locales ont eu lieu qui ont mis en place une nouvelle équipe municipale dont l’un des principaux objectifs étaient les problèmes d'approvisionnement en eau. L'infrastructure fut alors achevée en novembre 2018.

Collage de photos de l'inauguration de la nouvelelle installation d'approvisionnement en eau de Gevgelija, Macédoine, fourni par Gevgelijanet.com, utilisation autorisée.

Comme à leur habitude, c’est tout en modestie que les activistes de l'action Arsena ont fêté cette victoire en publiant la déclaration suivante qui accompagnait la bonne nouvelle sur leur page Facebook.

АРСЕНА си ја заврши својата превземена граѓанската задача – поттикна една локална власт да го признае постоењето на отровниот арсен во гевгелиската вода (за кое четири години лажеше дека не постои) и да започне проект за нов водоснабдителен систем, а новата локална власт тоа го препозна како проектен приоритет за гевгеличани и го заврши проектот со сите неопходни додатни средства вложени за изведба на констатирани недостатоци во проектот, неопходни за целосно функционирање на истиот.

Чиста вода за пиење без арсен е новиот подарок за гевгеличани по повод 74 годишнината од ослободувањето на Гевгелија и денот на општина Гевгелија „7-ми Ноември“.

Arsena a rempli la mission civique dont elle avait pris l'initiative. Elle a poussé un gouvernement local à reconnaître la présence d'arsenic toxique dans l'eau à Gevgelija (après quatre années de mensonge affirmant le contraire) et à lancer un projet pour un nouveau système d'approvisionnement en eau. Le nouveau gouvernement local a reconnu que c'était une priorité pour les citoyens de Gevgelija et a fini le projet en fournissant le complément d'investissement pour corriger les lacunes du projet et permettre au système de fonctionner.

En ce 7 novembre, jour du 74ème anniversaire de la libération de la ville [pendant la seconde guerre mondiale] qui est également le Jour de la municipalité, un cadeau attendait la population de Gevgelija : de l'eau potable saine sans arsenic.

Après l'attaque sanglante d'une figure de l'opposition, les critiques du pouvoir serbe craignent une descente dans le fascisme

lundi 26 novembre 2018 à 11:49
Borko Stefanović

L'homme politique serbe Borko Stefanović montre sa chemise ensanglantée lors d'une conférence de presse le 24 novembre 2018. Source photo : profil Twitter de Alliance for Serbia.

Dans la soirée du vendredi 23 novembre 2018, des voyous masqués armés de battes et de barres de fer ont attaqué Borko Stefanović, le président du parti de la Gauche serbe et cofondateur de la coalition d'opposition Alliance pour la Serbie.

Selon le site d'information Istinomer Vesti, les voyous masqués ont également violemment battu deux militants du parti de la Gauche serbe. Boban Jovanović a eu deux dents cassées et la lèvre fendue, tandis que Marko Dimić a subi de multiples coups à la tête. Tous trois ont dû être hospitalisés aux urgences. Stefanović et les militants du parti devaient participer à un événement politique dans la ville de Kruševac en Serbie centrale.

Selon le communiqué publié par la Gauche serbe :

“A group of attackers armed with rods intercepted Stefanović in front of Local Community Rasadnik in Kruševac, pinned him to the asphalt and brutally beat him. After Jovanović and Dimić tried to aid him, the attackers assailed them as well.”

Un groupe d'agresseurs armés de bâtons a intercepté Stefanović devant le jardin communautaire local de Kruševac, l'a plaqué au sol et l'a brutalement passé à tabac. Quand Jovanović et Dimić ont voulu lui venir en aide, les assaillants les ont attaqués eux aussi.

En apprenant l'agression, membres de l'opposition et simples internautes sont allés sur les médias sociaux pour alerter l'opinion sur ces faits. En particulier, ils ont partagé des photos de la scène du crime. L'ancien maire de Belgrade Dragan Djilas a tweeté :

L'agression contre Borko est une attaque contre tous ceux qui pensent librement et différemment de ce gouvernement. Les appels au lynchage lancés par Aleksandar Vučić et ses médias ont déclaré l'ouverture de la chasse contre nous tous. L'agression contre Borko est une conséquence directe du climat délétère dans lequel nous sommes tous contraints de vivre.

Selon Srđan Milivojević du Parti démocrate (DS), l'événement auquel Stefanović et les militants étaient supposés assister était un forum public régulièrement programmé de l'Alliance pour la Serbie, en présence de ses dirigeants, de sorte que l'agression visait également les adhérents du mouvement Dveri, du DS, du Parti populaire et d'autres partis. Milivojević a déclaré au journal Danas que trois personnes de plus ont été blessées dans l'attaque.

L'Alliance pour la Serbie a affirmé que l'attaque était une conséquence de la campagne de calomnies orchestrée quotidiennement par le gouvernement du Président Aleksandar Vučić contre ses adversaires politiques.

Le soir suivant, la police serbe annonçait l'arrestation de deux suspects identifiés seulement par leurs initiales et leurs âges : M.Ž. (30) et D.G. (31). Les suspects resteront 48 heures en garde à vue, après quoi ils seront présentés au procureur compétent qui fixera les charges criminelles appropriées.

Avant même que la police fasse son annonce, le Président Vučić avait tenu une conférence de presse pour révéler l'arrestation des agresseurs. “L’État a réagi en urgence et a fait son travail, montrant que la Serbie n'est pas une république bananière dans laquelle on peut taper quelqu'un pour une raison quelconque”, a dit M. Vučić, ajoutant qu'il n'était pas habilité à exiger un verdict plus grave, ce qui constituerait une ingérence dans l'indépendance du pouvoir judiciaire.

A la conférence de presse tenue par l'Alliance pour la Serbie le samedi matin, Borko Stefanović, apparu portant un bandage, a déclaré que l'incident devait être considéré comme une tentative d'homicide, car les attaquants l'ont intentionnellement frappé à l'a nuque avec des barres métalliques, puis lui ont donné des coups de pieds bottés sur la tête. “Tout était prémédité et organisé”, a-t-il dit.

Stefanović a montré aux journalistes la chemise ensanglantée qu'il portait au moment de la violente agression. Exprimant sa gratitude pour les innombrables soutiens de ses confrères et collaborateurs, il a affirmé : “Nous nous battrons pour faire en sorte que la Serbie ne reste pas un pays de chemises ensanglantées, et un pays où on verse le sang de ceux qui pensent autrement que le régime.”

De nombreux utilisateurs serbes des réseaux sociaux ont vu dans l'attaque une indication de la descente du pays dans un fascisme non dissimulé. Faisant le parallèle avec la trajectoire du parti nazi en Allemagne, le réalisateur de cinéma renommé Srđan Dragojević a tweeté “nous entrons en 1936,” une période d'entrelacement du parti et de l’État.

Quand des gens ont mis en garde que c'est du fascisme, vous avez seulement ri d'eux.

D'autres ont partagé des comparaisons similaires, évoquant les purges par les Nazis de leurs compatriotes désignés comme indésirables :

Quatre individus avec des barres métalliques ont attaqué Borko Stefanović. Ils n'y arrivent pas avec des arguments, alors ils passent à la liquidation physique. Une nuit de Cristal est descendue sur la Serbie.

Dans les années 1990, l'actuel président serbe Aleksandar Vučić était le ministre de l'Information du dictateur Slobodan Milošević. Les comparaisons entre les deux régimes ont aussi foisonné.

La différence entre les gouvernements de Slobodan Milošević et Aleksandar Vučić est que Milošević utilisait la police et les services de sécurité pour s'occuper des gens en désaccord avec lui. Mais Vučić s'est entouré de criminels, de hooligans du football, de faux patriotes et de petites frappes de toute sorte. L'opposition doit en prendre acte, et ôter pour de bon les ‘gants blancs’.

A la conférence de presse du samedi, Borko Stefanović a fait écho partiellement à ce discours. “C'est ensemble que nous devons nous débrouiller ! Ils nous guettent dans le noir. Si nous sommes ensemble, ils ne pourront pas nous attaquer de façon aussi lâche et fasciste, par derrière”, a-t-il déclaré.

La militarisation peut-elle conduire le Mexique sur le chemin de la paix ?

dimanche 25 novembre 2018 à 19:21

Le président mexicain a annoncé son intention de déployer les forces armées et la police fédérale sur tout le territoire : un plan d'action pour en finir avec la guerre. Infographie publiée par www.terceravía.mx.

Le président nouvellement élu du Mexique, Andrés Manuel López Obrador [fr] (plus connu au Mexique sous le nom de AMLO) a dévoilé le 15 novembre 2018 les détails de son Plan national de sécurité, grâce auquel il compte remédier à la violence endémique dont souffre le pays et qui a provoqué la mort de plus de 250 000 personnes. Le point le plus discuté, et qui a suscité une certaine inquiétude dans divers secteurs de la société, est la création d'une Garde nationale soutenue par les forces armées qui assumera les fonctions de police et de sécurité publique.

López, a gagné les élections en juillet dernier, en devançant largement ses adversaires [fr] et en obtenant une confortable majorité à l'Assemblée, ce qui lui permet de conduire les réformes qu'il juge nécessaires.

C'est dans ce contexte que le président a annoncé son Plan national de sécurité, une proposition qui répond à la demande de la majorité des habitants du Mexique : rétablir la paix dans un pays qui entre dans sa douzième année de conflit armé [fr] aussi appelé “guerre” contre le crime organisé, qui en son temps avait été déclenchée par le président Felipe Calderón [fr].

L'armée mexicaine (une des forces qui doit intégrer la Garde nationale) a été impliquée, ces dernières années, dans des affaires de graves violations des droits de l'homme, comme celle de Tlatlaya, où le personnel militaire aurait pratiqué des exécutions extrajudiciaires.

La directrice du programme Amériques de Amnesty International – un organisme présent dans le monde entier, ayant pour mission la défense des droits de l'homme – a déclaré [fr] au sujet de l'annonce de López que la proposition devrait être modifiée et axée sur le renforcement et la professionnalisation des forces de police civiles.

En outre, l'organisation non gouvernementale Human Rights Watch a signalé dans un communiqué que le plan proposait une “stratégie erronée” pour résoudre la crise de sécurité qui affecte le Mexique. Par la voix de son directeur pour les Amériques, l'organisation en appelle au président López, l'invitant instamment à reconsidérer ce qu'elle considère comme “une politique mal avisée et potentiellement désastreuse”.

Qu'en disent les Mexicains ?

L'opinion de l'analyste Diego Petersen, publiée dans SinEmbargoMx, précise que cette décision ne vient pas du président, mais qu'il s'agit bien de mesures imposées par les forces armées :

La militarización de la seguridad se venía fraguando desde mediados del sexenio de Peña. Si el Ejercito tiene ya listos varios miles de efectivos para formar la Guardia Nacional es porque son años de trabajo en este cuerpo de policía. Las fuerzas armadas terminaron imponiendo su visión y sus condiciones.

La militarisation de la sécurité se préparait depuis le milieu du mandat de Peña. Si des milliers de soldats sont déjà prêts à former la Garde nationale, c'est le résultat d'années de travail au sein de la police. L'armée a fini par imposer sa vision et ses conditions.

Cette même militarisation avait failli être instituée par une loi dite loi relative à la sécurité intérieure, proposée par le gouvernement précédent et récemment déclarée anticonstitutionnelle par le pouvoir judiciaire.

De nombreuses réactions à ce sujet témoignent sur Twitter de l'inquiétude d'une partie de la population. L'utilisatrice “lucía” rappelle les cas de recours abusifs à la force dont ont fait usage par le passé les membres de la Garde nationale :

[La plus grande trahison a été de se servir des victimes de la violence sur les “forums d'écoute” pour légitimer leur stratégie qui, au lieu de construire la paix ne fait que perpétuer la guerre.] Il n'est pas certain que plus de militaires dans la rue pour assurer la sécurité publique se traduise par moins de violence. On se souvient tous de Ayotzinapa, Tlatlaya, Palmarito, Ostula, et de l'assassinat de Jorge et de Javier au TEC.

Rodrigo_E, quant à lui, souligne que créer des corporations policières est une habitude chez les présidents du Mexique depuis de nombreuses années :

Zedillo a eu la PFP (Police fédérale préventive), Fox a créé la AFI (Agence fédérale d'investigation), Calderón a créé la PF (Police fédérale) après la PFP de Zedillo, Peña voulait une gendarmerie à la française, et maintenant AMLO va avoir sa Garde nationale. Qu'est-ce qu'il en ressort ? Que nous n'avons aucun projet policier clairement établi. Seulement quelques idées en plus de 18 ans.

Quant à “Madame Déficit”, elle remarque que cette stratégie ne figurait pas dans le programme que le président a proposé durant sa campagne :

Militariser le pays n'est pas ce que le saint patron Lopez Obrador a offert à ses ouailles. Déployer les forces armées et la marine pour faire la police est une ERREUR. On va le laisser s'en sortir comme ça ?

Alejandro Madrazo Lajous s'est clairement exprimé sur Twitter pour empêcher la militarisation du pays :

Aujourd'hui plus que jamais, il est important d'indiquer clairement que les jeux de mots ne trompent personne. Les partisans de la  loi putschiste s'y sont essayés et ont été montrés du doigt. Pour une sécurité sans guerre NON à la Garde nationale. Signez pour la paix.

Le cinéaste Epigmenio Ibarra, sympathisant de López, a commenté que le plan de sécurité annoncé n'était pas une militarisation du pays :

On parle de militarisation alors qu'en fait, la proposition de Lopez Obrador est tout le contraire. Elle retire les forces de combat, les remplace par la police militaire et crée la Garde nationale avec de jeunes recrues qui devront transformer à fond les forces armées.

Ixchel Cisneros, un autre partisan de López, a partagé dans un article du HuffPost son ressenti personnel, tout en rappelant quelques chiffres concernant les personnes qui ont souffert dans leurs chairs les conséquences de la “guerre” :

Yo voté por Andrés Manuel y por varios representantes de Morena y lo hice principalmente por su postura en contra de la militarización del país […] Presentaron su estrategia de seguridad, la cual incluía crear una Guardia Nacional formada por un grupo de fuerzas armadas de “élite” y fuerzas civiles que estará coordinada por la Secretaría de la Defensa Nacional. Es decir, el orden civil subordinado al militar. Es decir, continuar y reforzar la estrategia fallida de Felipe Calderón y Enrique Peña Nieto. Estrategia fallida que nos tiene con casi 250 mil personas asesinadas y más de 37 mis desaparecidas.

J'ai voté pour Andrés Manuel et pour certains candidats du Morena [fr] et je l'ai fait essentiellement pour leur engagement contre la militarisation du pays […] Ils ont présenté leur stratégie de sécurité, qui incluait la création d'une Garde nationale constituée d'un groupe de forces armées d'”élite” et de forces civiles, coordonnée par le ministère de la Défense nationale. C'est à dire, l'ordre civil subordonné à l'ordre militaire. C'est à dire, continuer et renforcer la stratégie désastreuse de Felipe Calderón et Enrique Peña Nieto. Une stratégie désastreuse qui a abouti à près de 250 000 personnes assassinées et plus de 37 000 disparus.

La militarisation d'un pays aux mains d'un leader populiste est, sans aucun doute, un sujet qui mérite attention et nécessite un suivi.

Bienvenue dans la ‘Nouvelle Turquie’ : cinq ans après, les manifestants du parc Gezi à nouveau menacés d'arrestations

samedi 24 novembre 2018 à 20:34

Scène des manifestations de Gezi à Istanbul en 2013. Photo : Arzu Geybullayeva.

Au matin du 16 novembre, la police turque arrêté 13 personnes à leur domicile et sur leur lieu de travail. Leur crime supposé ? Aider à organiser le mouvement de contestation qui a eu lieu au Parc Gezi d'Istanbul en mai 2013.

Pourtant pas moins de cinq années se sont écoulées depuis le mouvement de contestation, et ce n'est donc pas juste une affaire de lenteur de la justice. Mais plutôt un signe inquiétant que ce qui a paru un pic de répression contre les défenseurs de la société civile et les intellectuels pourrait n'être autre que le nouvel état de choses, la nouvelle normalité.

La plupart de ceux qui ont été appréhendés étaient la fine fleur de l'université et des organisations non gouvernementales de la Turquie. Tous ont été relâchés, soit le 17, soit le 18 novembre, à l'exception de Yigit Aksakaloglu, le directeur de la Fondation Bernard Van Leer, qui se consacre au développement infantile. M. Aksakaloglu reste derrière les barreaux et pourrait faire face à une accusation de “tentative de renversement du gouvernement turc ou de l'empêcher d'exercer ses responsabilités.”

Les hommes et femmes arrêtés sont reliés à une association appelée Anadolu Kultur, qui soutient les projets culturels, artistiques et de droits humains. L'association est dirigée par l'homme d'affaires Osman Kavala, arrêté il y a plus d'un an et maintenu en détention provisoire depuis sans la moindre inculpation.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan appelle Kavala le “Soros de la Turquie”, en référence au spéculateur financier devenu philanthrope George Soros, dont les fondations caritatives soutiennent des centaines de projets universitaires et de la société civile à travers le monde, ce qui fait de lui la bête noire de maints régimes autoritaires.

Note de la rédaction : Global Voices bénéficie de dons des Fondations Open Society qui sont financées par George Soros. 

La police turque a arrêté aujourd'hui une kyrielle d'universitaires et de militants. Parmi eux, Turgut Tarhanlı, président de la faculté de droit de l'université Bilgi, Çiğdem Mater, un cinéaste primé, et Hakan Altınay, un chercheur et organisateur de la société civile.

Encore une journée noire pour mon pays. D'éminents universitaires et militants de la société civile arrêtés dans le cadre de la chasse aux sorcières du soi-disant “complot mondialisé” contre le gouvernement Erdogan et ses alliés ultra-nationalistes.

Le ministre turc de l'Intérieur prétend avoir la preuve que Kavala “a financé et organisé” les manifestations de Gezi à travers Anadolu Kultur et l’Acik Toplum Vakfi (qu'on peut traduire par Fondation Société Ouverte mais sans rapport avec Soros).

Scène des manifestations de Gezi à Istanbul en 2013. Photo : Arzu Geybullayeva.

Le tournant de Gezi

Le 28 mai 2013, un collectif de défenseurs de l'environnement voulut contester la décision de détruire un des rares espaces verts restants d'Istanbul, le parc Gezi. Ils se rassemblèrent et montèrent des tentes dans le parc. Ils furent bientôt accueillis avec les gaz lacrymogènes dans une démonstration largement condamnée de force policière.

Dans les semaines et mois qui suivirent, étudiants, universitaires, défenseurs de la société civile et individus de tous horizons rejoignirent les manifestations non-violentes. Le mouvement de Gezi devint peut-être le plus vaste acte de désobéissance civile de l'histoire de la Turquie, un affront sans précédent au pouvoir contrôlé par le parti conservateur Justice et Développement (AKP). Il s'avéra aussi un jalon dans la glissade d'Ankara dans l'autoritarisme.

Emin Ozmen a été parmi les centaines de milliers de participants de Gezi. Il a documenté le soulèvement avec des photos récemment publiées par Magnum.

Ozmen a écrit à propos des souvenirs de la contestation :

The Gezi protests were, in my point of view, a major turning point and a challenge for Turkish democracy. From the first day in Taksim, I felt that these would not just be simple demonstrations. There was a revolutionary breath in the air. The protests grew very rapidly. The unbelievable violence of the police response – the massive use of water cannons and tear gas – only increased anger and fanned protests in the heart of Istanbul. It was about more than protecting a park from destruction, these events quickly became anti-government demonstrations, all around Turkey. Gezi became the catalyst for a wider sense of awareness. It was a revolt against the increased authoritarianism of the system and the allegations of mass corruption inside the government.

Les manifestations de Gezi furent, de mon point de vue, un tournant majeur et un défi pour la démocratie turque. Dès le premier jour à Taksim, j'ai senti que ce ne serait pas seulement de simples manifestations. Il y avait un souffle révolutionnaire dans l'air. Les manifestations ont très vite pris de l'ampleur. L'incroyable violence de la riposte policière – l'utilisation massive des canons à eau et des gaz lacrymogènes – n'a fait qu'accroître la colère et a alimenté les manifestations au cœur d'Istanbul. Cela allait plus loin que la protection d'un parc de la destruction, ces événements sont vite devenus des manifestations anti-gouvernementales, dans toute la Turquie Gezi est devenu le catalyseur d'une plus large de prise de conscience. C'était une révolte contre l'autoritarisme croissant du système et contre les allégations de corruption massive à l'intérieur du gouvernement.

Le discours officiel a attribué les manifestations à des facteurs extérieurs : la CIA, l'Europe jalouse du développement rapide de la Turquie, des forces étrangères non précisées de mèche avec les terroristes, le “lobby des taux d'intérêts”, Twitter, et même la compagnie aérienne Lufthansa.

Cinq ans après, les analystes voient dans les arrestations de la semaine dernière une revanche longtemps attendue. Andrew Gardner, directeur de la stratégie et de la recherche sur la Turquie à Amnesty International a écrit dans une déclaration que les nouvelles arrestations brisent “toute illusion que la Turquie se normalise à la suite de la levée de l'état d'urgence”, intervenue plus tôt cette année après son instauration dans la foulée de la tentative de coup d’État en 2016.

Le filet de la répression s'étend

Les autorités turques s'en sont prises dans les grandes largeurs à la société civile dans le sillage du coup d’État avorté de 2016. Le ministre turc de l'Intérieur indique que près de 218.000 personnes ont été détenues pour des liens avec le mouvement Gülen mis en cause par Ankara dans la tentative, dont des officiers de l'armée ont été le fer de lance.

Le coup d’État a aussi offert un prétexte opportun aux autorités pour ne pas se contenter d'extirper une influence güléniste nuisible, mais aussi pour créer la “Nouvelle Turquie” proclamée depuis à maintes reprises par Erdogan. Une “Nouvelle Turquie” qui laisse peu de place à des visions alternatives de l'avenir du pays.

Scène des manifestations de Gezi à Istanbul, 2013. Photo : Arzu Geybullayeva.

Sans souci de vraisemblance, le pouvoir amalgame désormais les manifestations de Gezi au Mouvement Gülen, officiellement appelé FETO (Organisation terroriste Fethullah Gülen), dans l'intention d'éradiquer toutes formes d'opposition.

Ergun Babahan, rédacteur en chef de l'organe indépendant d'information Ahval écrit que cette tendance n'est pas tout à fait nouvelle :

Turkey has singled out a new group, which could be described as the “Gezi terror organization” which they claim used the Gezi Park Protests to sew chaos […] The most important article of the criminal charges filed in 2017 against those who were accused of plotting the July 15th 2016 coup attempt, known as the Akıncı Indictment, explicitly mentions the Gezi Park Protests as ‘actions in preparations for a coup’, masterminded by a group. However, Friday’s arrests were the first to invoke this article.

La Turquie a isolé une nouvelle entité, pouvant être décrite comme l’ “organisation terroriste de Gezi”, dont ils prétendent qu'elle a utilisé les manifestations du parc Gezi pour semer le chaos. […] L'article le plus important des poursuites criminelles de 2017 contre ceux accusés d'avoir comploté la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016, connu comme l'acte d'accusation Akıncı, cite explicitement les manifestations du parc Gezi comme des “actes préparatoires d'un coup d’État”, orchestré par un groupe. Cependant, les arrestations de vendredi étaient les premières à invoquer cet article.

‘Point de non-retour’ 

Une des principales caractéristiques de Gezi était la méthode innovante de désobéissance civile à laquelle le mouvement a donné naissance. Selon les autorités, les manifestants comme la “Femme en rouge” et l’ “Homme debout” qui ont gagné l'attention médiatique mondiale par leur résistance courageuse et créative à la répression policière, ont été recrutés et entraînés depuis l'étranger.

Mais si le mouvement Gezi s'est propagé et a perduré, c'est précisément parce qu'il a séduit un large éventail de mécontents du gouvernement AKP.

Au lieu d'engager le dialogue avec les contestataires, Ankara a doublé la mise, en les représentant comme des ennemis de l’État. Le résultat a été une polarisation de plus en plus accentuée dans la société, et, pour Erdogan et l'AKP, un casse-tête qui ne se résoudra pas avec une douzaine d'arrestations.

Et si Ankara décidait de considérer officiellement tous ceux qui ont participé aux manifestations de Gezi comme des traîtres, des terroristes ? Déjà 200.000 Gülénistes supposés ont été arrêtés, au tour de 3,5 millions de Gezi-istes : voir @WashingtonPoint sur le point de non-retour de la Turquie @ahval_en

Comment l'aéroport de Dacca au Bangladesh utilise YouTube pour faire évoluer le comportement des usagers

vendredi 23 novembre 2018 à 20:10

Aéroport International de Hazrat Shahjalal à Dacca, Bangladesh. Image par Nahod Sultan via Wikimedia Commons.

Si vous êtes passé par l'Aéroport international Hazrat Shahjalal à Dacca, au Bangladesh, il y a de cela quelques années, vous seriez surpris par les changements spectaculaires qui ont été instaurés. Vous n'entendrez plus parler d'attentes interminables de bagages perdus. A présent, les clients reçoivent leurs bagages à domicile. De plus, le taux de vols des biens des passagers a considérablement baissé. Ceci est en partie grâce aux efforts combinés du juge d'application des peines Muhammad Yusuf au tribunal de l'aéroport de Dacca, qui a mis en œuvre l'utilisation de YouTube et Facebook pour réduire la délinquance et assister les passagers du plus grand aéroport du Bangladesh.

En 2014, l'aéroport Hazrat Shahjalal avait des équipements tellement médiocres et mal gérés qu'il avait été classé parmi les pires aéroports de l'Asie. Toutefois, à côté des actions menées par d'autres services, le Tribunal de l'aéroport de Dacca et deux de ses juges d'application des peines, Muhammad Yusuf and Sharif Muhammed Forhad Hossain, ont répondu au défi du changement.

En décembre 2014, ils ont lancé une page Facebook intitulée Juges, tous les aéroports du Bangladesh, qui met à disposition une assistance afin de rassembler les plaintes des passagers ou de toute personne ayant utilisé cet aéroport. Les juges sont devenus stricts avec les compagnies aériennes qui pratiquaient les surréservations et abandonnaient leurs passagers à leur sort après les procédures d'enregistrement et de contrôle des passeports. Ils ont mis en place des tribunaux mobiles afin de punir les personnels aéroportuaires et les contractuels responsables du harcèlement des passagers, du tri de bagages, du vol du contenu des bagages ou de l'extorsion illégale de l'argent des passagers. Selon les signalements, les incidents de harcèlement, d'irrégularités et de crimes dans cet aéroport ont sensiblement baissé au fil des années.

Après la mutation de Sharif Muhammed Forhad Hossain, Muhammad Yusuf a pris le train en marche. Il a pris des initiatives telles que “Donnez les détritus, Prenez l'argent” qui visait à assainir l'aéroport. Yusuf a aussi créé une bibliothèque dans l'aéroport, sanctionnant les erreurs du personnel en les obligeant à lire des livres pour ensuite évaluer ce qu'ils avaient retenu de leurs lectures. L'initiave, appelée “Projet TukiTaki (petites choses)”, est expliqué en détails dans sa vidéo Youtube :

Selon Yusuf, ceci a réduit le taux de criminalité :

লুকিয়ে বইপড়া অনেকের কাছে বাড়তি একটা চাপ। হঠাৎ হাতে বই দেখলে কলিগরা বুঝে ফেলছে, বাসার লোকজন বুঝে ফেলছে, সে কোন একটা অন্যায় করে ধরা পড়েছে।

Lire des livres représente une pression de plus pour beaucoup d'agents. En voyant les livres dans leurs mains, leurs collègues comprennent qu'ils ont commis des erreurs (mauvaise conduite ou extorsion d'argent). Leurs familles savent qu'ils ont été sanctionnés pour avoir fait quelque chose de mauvais.

Aider les passagers, une vidéo après l'autre

Le dernier en date des projets de Yusuf vise à informer les passagers et le public sur diverses règles et astuces via une chaîne YouTube. L'une des communautés les plus harcelées sont les travailleurs migrants du Bangladesh. Ils ne connaissent pas toujours le règlement sur ce qu'ils peuvent emporter sans taxeses, comment se plaindre et retirer leurs bagages perdus (ou toucher l'assurance), combien d'argent quel montant avoir sur soi ou apporter, qui doit être porteur d'une carte d'autorisation de travail à la sortie, que faire s'ils ont manqué un vol etc.

Dans plusieurs vidéos publiées sur sa chaîne Youtube, il donne des informations aux passagers en bengali, insérant des faits utiles et répondant aux questions posées sur Juges, tous les aéroports du Bangladesh et sur sa page de profil.

Dans les vidéos suivantes, Yusuf explique des notions de base, comme arriver à temps à la porte d'embarquement, quoi faire lorsqu'on a raté un vol :

Dans la vidéo suivante, il explique la différence entre un ticket renouvelable et un ticket non-renouvelable, entre compagnies haut de gamme et compagnies à bas coûts, et entre vols manqués et vols annulés.

Selon le rapport 2017 sur les migrations Internationales publié par l'ONU, plus de 7 million d'immigrés bangladais travaillent dans le monde. Ils envoient de l'argent à leurs familles ce qui favorise l'économie du Bangladesh. Certains vont à l'étranger y travailler sans l'enregistrement et l'autorisation du Bureau pour la main-d’œuvre, l'emploi et la formation (BMET) et ensuite n'arrivent pas à obtenir l'aide consulaire en cas de difficultés dans le pays étranger. Pour les informer sur de telles règles et les avantages de la carte BMET, il a chargé 2 vidéos. Voici un exemple :

Quelques mois après la création de sa chaîne Youtube, Yusuf a chargé plus de 30 vidéos. Celles-ci ont été très appréciées par le public qui en a bénéficié. Ceci compte tenu du fait que le public avait grandement besoin d'informations en langue locale et il ne manque pas d'apporter son soutien à cette initiative. Récemment, sa chaîne a atteint 50 000 abonnés.

Traduction révisée par Suzanne Lehn