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#DZ2014, un Hashtag contre la fraude et la dictature en Algérie

vendredi 28 février 2014 à 13:38

L'Algérie s'apprête à vivre une élection présidentielle capitale pour son avenir. Le scrutin présidentiel est prévu le 17 avril prochain. Après 15 années passées au pouvoir, Abdelaziz Bouteflika a annoncé une nouvelle fois sa candidature à un 4 mandat à la tête du régime algérien. Mais ce 4e mandat passe mal et de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer ce projet politique. Sur les réseaux sociaux et le web, la contestation s'organise.

Tout a commencé sur Facebook. Plusieurs jeunes algériens issus de divers horizons se sont rassemblés le matin, du samedi dernier, devant l’université d’Alger à Bouzaréah, une localité située sur les hauteurs de la capitale algérienne. Leurs slogans en disent long sur leur rage et leur colère. Leurs revendications sont symptomatiques d’un profond désir de changement. Mais dés qu’ils ont brandi leurs affiches hostiles au régime algérien et à un énième mandat présidentiel d’Abdelaziz Bouteflika à la tête de l’Etat, des policiers sont venus les embarquer directement au commissariat. Voici la vidéo qui relate leur rassemblement. 

une militante, filmée dans cette vidéo, explique :

 L'Algérie n'est pas une monarchie. En 2008, Abdelaziz Bouteflika a changé la constitution sans consulter le peuple algérien. Cette fois-ci, on veut lui dire stop pour qu'il n'aille pas plus loin  

Ils s’appellent Amira, Idir, Leila et d’autres encore. Ils étaient au courant que les policiers algériens seraient beaucoup plus nombreux qu’eux dans ce rassemblement qu’ils ont voulu organiser. Mais inconsciemment, ou peut-être consciemment,  ils ont prouvé que les réseaux sociaux sont soigneusement surveillés par les appareils sécuritaires en Algérie. Ils ont prouvé aussi que toute mobilisation démocratique n’est désormais possible en Algérie qu’à travers les réseaux sociaux. Leur appel lancé sur Facebook  n’était pas pris au sérieux au début. Mais de jour en jour, des personnes commençaient à rejoindre cette petite communauté qui s’oppose à un 4e mandat d’Abdelaziz Bouteflika, âgé de 77 ans, le président algérien qui a déjà régné sur le pays depuis 1999, à savoir 15 longues années. Un Président qui veut encore détenir le Pouvoir alors qu'il avait promis de passer le flambeau à la jeunesse comme l'indique son discours prononcé en 2012 :

 Un mouvement de contestation a été donc mis en place et qui vise des rassemblements chaque semaine devant les universités algériennes pour stopper la réélection d’Abdelaziz Bouteflika pour 5 années supplémentaires.

Pour exprimer la colère des algériens, des cyber-militants ont lancé d’autres initiatives. Celles-ci sont de plus en plus nombreuses à voir le jour sur le web algérien. Mais pour fédérer toutes les bonnes volontés et pour mieux informer l’opinion publique, un Hashtag a été créé : #DZ2014. Un Hashtag qui permet de retrouver toutes les informations essentielles sur la prochaine élection présidentielle qui aura lieu le 17 avril prochain en Algérie. Grâce à ce Hashtag, l’internaute accède directement à plusieurs pages Facebook qui diffusent chaque heure des informations sur le déroulement de ces élections. Des informations qui retracent aussi les combines d’ores et déjà utilisées pour favoriser la fraude ou imposer la dictature aux Algériens. Ainsi, les pages Facebook 1, 2, 3 win rayah ya Si, DZ Wikileaks, Envoyés Spéciaux Algériens, Antichitadz  Algérie Discussion, Algérie Election Présidentielle, et d’autres encore, sont devenues de véritable médias sociaux qui scrutent le moindre événement politique et analysent ses dessous.

Mais sur Facebook et Twitter, on ne fait pas que commenter sérieusement l’actualité politique. Les activistes algériens tentent de mobiliser l’opinion publique en faisant dans le rire. Ainsi, des photomontages, des blagues, des vidéos moqueuses sont diffusées largement. La page Facebook Radio Trottoir est d’ailleurs un véritable média qui s’est construit sur ce modèle de l’information par l’ironie et la satire à l'exemple de ce photomontage partagé par de nombreux Facebookers algériens

4e mandat satire

 

YouTube aussi s’est enflammé par toute cette mobilisation politique en Algérie. Les Youtubeurs Algériens ne cessent de poster des vidéos pour s’adresser à leurs dirigeants en leur réclamant des comptes et des explications. D’autres s’adressent directement à Abdelaziz Bouteflika et lui demandent de «dégager» comme le clame haut et fort ce jeune algérien : “même les serviteurs du régime s'opposent à ce 4e mandat qui humilie l'Algérie. Nous aussi on doit dire non et refuser d'accorder 5 années supplémentaires à Bouteflika”, dit-il dans sa vidéo diffusée sur YouTube. 

Des collectifs citoyens filment leurs actions de protestation sur le terrain et sensibilisent l’opinion publique. Là aussi ces vidéos ont été massivement diffusées sur les réseaux sociaux. Un partage rendu possible grâce au Hashtag #DZ2014. Un Hashtag qui sera la principale arme des cyber-militants algériens dans leur lutte contre la fraude électorale et la dictature. 

Le palais de Ianoukotich : rien de nouveau pour les Russes

vendredi 28 février 2014 à 10:38
Yanukovich's presidential palace, where dreams came true. (And then crashed back to Earth.) Images mixed by Kevin Rothrock.

Le palais présidentiel de Ianukovich, là ou les rêves se réalisent. Puis s'effondrent. Photo montage Kevin Rothrock.

Quand Viktor Ianoukovich a fui Kiev la semaine dernière, il a quitté sa résidence dans la précipitation. La foule d'Ukrainiens ordinaires et de journalistes qui se sont plus tard rendus dans le palais présidentiel déserté ont eux pris leur temps, bouche bée devant une opulence qui a stupéfié et choqué même les opposants les plus féroces de Ianoukotich. Quand les premiers visiteurs se sont présentés, ils n'ont rencontré que quelques gardes de sécurité, qui ont en fait servi de guides aux journalistes durant la visite. Les gardes les ont eux mêmes invités à prendre des photos [russe, ru] pour révéler au monde “comment le président de l'Ukraine vit.”

Un blogueur russe populaire, qui tient un blog de photos, Ilya Varlamov, a eu accès à la propriété et a  photographié différents aspects de ses 140 hectares.  Elle comprend un zoo privé, avec des animaux exotiques ou domestiques. Le garage contient une collection de voitures de luxe. Amaré à la rive d'un lac privé, un gallion faisait office de restaurant. Et, naturellement, un golf privé ne pouvait pas manquer. Les Ukrainiens se sont par la suite rués pour visiter ce manoir et voir à quoi avaient servi leurs impôts. Une invitation [ru] a circulé sur Twitter, les encourageant à venir voir le palais de leurs propres yeux. 

Le '19e trou flottant’ de Ianoukovich : un galion, qui est un restaurant

Curieusement, la réaction de la blogosphère russe a été généralement molle. Les Russes, il faut l'admettre, sont déjà habitués aux révélations sur la fortune et le mauvais goôt de leurs propres politiciens. Des photos de leurs résidences fuitent régulièrement sur Internet. Valdimir Yakunin, le président des chemins de fer russes, géré par l'Etat, a figuré dans le même genre de scandale l'an dernier, quand le blogueur Alexey Navalni, militant anti corruption, a publié des documents [ru] sur la propriété de 70 hectares de Yakunin, en périphérie de Moscou.  

Avec ce précédent à l'esprit, l'un des lecteurs de Varlamov a plaisanté : Yakounin est probablement jaloux de la propriété de Yanoukovich, plus vaste que la sienne :

Ни в коем случае не показывайте эти кадры Якунину.

Ne montrez pas ces photos à Yakounin.

Un autre blogueur russe, Oleg Kozyrev, s'est souvenu d'une remarque faite par Vladimir Poutine en  2008, quand il s'est comparé à un galérien.

Теперь понятно, что Путин имел в виду, когда говорил, что он раб на галерах. Вот галера Януковича

Maintenant, on voit bien ce que Poutine avait à l'esprit quand il se comparait à un galérien. Voici la galère de Yanoukovich.  

Le journaliste de Lenta.ru Andrey Kozenko a tweeté :

 D'une façon générale, après avoir vu les photos de la résidence (je dois dire que) tous les escrocs ont un gout épouvantable. 

De longues files d'attente pour visiter la résidence de Ianoukovitch 

 

Le journaliste Alexander Plushev a remarqué sur Twitter :

Je me demande combien des notres (les Moscovites) iraient à Novo-Ogarevo [La résidence de Poutine en périphérie de Moscou]. Disons juste, si les circonstances favorables se présentaient…

Vladimir Varfolomeev a répondu en plaisantant :

Attendez une minute : ils ont déjà ouvert les réservations pour les visites ? Mince. Une fois de plus, j'ai tout raté pendant mes vacances.

Andrey Davidov propose une solution innovante :

On pourrait créer un système électronique de gestion des files d'attente

Des traducteurs japonais collaborent pour promouvoir la technologie civique

vendredi 28 février 2014 à 10:16

 Des initiatives dans le domaine de la technologie civique, dont l'objectif est de profiter de la technologie pour améliorer la vie des communautés, surgissent ces dernières années partout dans le monde monde. Au Japon, des innovateurs dans plusieurs villes ont organisé des hackatons qui ont utilisé des données publiques  et eu comme résultat un développement rapide des logiciels et des applications.

 Pour beaucoup de Japonais les mots “civique” et “technologie” sont encore étrangers. Il n'est pas facile pour eux d'imaginer comment les technologies de l'information et de la communication peuvent servir à la société civile afin de résoudre des problèmes communautaires.

 En décembre 2013, des traducteurs bénévoles se sont rassemblés dans l'arrondissement Shibuya de Tokyo pour discuter du meilleur moyen de présenter un exemple pratique de la technologie civique aux Japonais. Ils ont trouvé ” Au-delà de la transparence“, un livre composé par l'organisation américaine sans but lucratif Un Code pour l'Amérique et qui compile des rapports sur la façon dont une communauté s'initie aux données ouvertes et partageables (selon la Licence des Communes Créatives (CC-NC-SA -3.0)). Les traducteurs ont décidé de lancer un projet collaboratif pour traduire ce livre en Japonais. On comptait parmi eux des journalistes free lance, des professeurs d'université, et des informaticiens ; chacun était très partant pour traduire en commun un livre.  

 Hiroyasu Ichikawa, qui est le chef du projet, parle de l'avantage de la traduction collaborative sur son blog [ja]:

今回日本語化翻訳プロジェクトを始めて思ったことがあります。それは1人では出来ないことも、同じ想いや目的を持った方同志で心地よくコラボレーションが行われた際、「1+1>2」が可能になるかもしれない!ということでした。

 Il y a quelque chose dont je me suis rendu compte après le début du projet: même si une personne ne peut pas le réaliser, quand on collabore avec des gens qui partagent vos idées, qui ont les mêmes objectifs, le résultat est multiplié, ce qui prouve que “1+1 > 2″ !

 Ce projet utilise le portail Transifex, une plateforme qui permet à chacun de participer aux projets de traduction, ne serait ce que pour quelques minutes durant son temps libre. On parle aussi de la possibilité que ‘Un Code pour le Japon, qui fait la promotion de la technologie civique au Japon, offre sa supervision en tant qu'éditeur. À présent, 25% des articles sont déjà en ligne [japonais], disponibles en Japonais. 

 L'objectif des traducteurs est d'achever le projet vers le printemps. Une fois la traduction faite, cela devrait provoquer davantage d'initiatives pour la technologie civique au Japon qui, l'on espère, seront pris en exemple par le monde anglophone.

The thumbnail is a screenshot of the Beyond Transparency translation project's page.

Angola : combattre les pauvres au lieu de combattre la pauvreté

jeudi 27 février 2014 à 22:46

Le gouvernement angolais vient d'annoncer une mesure controversée : à partir de maintenant, la vente ambulante est interdite à Luanda, capitale de l'Angola. Une décision qui vise principalement à améliorer l'image de la plus grande ville du pays. Les clients tout comme les vendeurs pourraient être sujets à des amendes.

Depuis la période coloniale [pt], les vendeurs ambulants font partie de la vie des rues de Luanda où ces hommes et ces femmes vendent tous types de marchandises. Plusieurs chansons d'artistes renommés célèbrent même cet aspect particulier de la culture locale.

L'Angola est actuellement l'une des économies les plus dynamique du continent Africain. Le pays profite de nouveaux revenus émanant de l'industrie pétrolière ; toutefois cette richesse n'est pas réinjectée dans l'économie et la grande majorité des Angolais n'a pas la chance d'en profiter. Le pays maintient un des pires taux d'inégalité au monde.

« Luanda, Angola. c8 Octobre 2010 - vendeuse de fruits dans une rue près de l'hotel Alvalade (prix moyen par chambre - 450$) . -- on ne trouve pas un hotel décent à Luanda pour moins de 400$/nuit. Un repas basique dans un restaurant correct (un plat et une bouteille d'eau) coute à peu près 75$. La population pauvre trouve qu'il est de plus en plus dur de survivre ici. » Photo de Ionut Sendroiu copyright Demotix

« Vendeuse de fruits dans une rue près de l'hotel Alvalade (prix moyen par chambre : 450 dollars). ‘On ne trouve pas un hôtel convenable à Luanda pour moins de 400 dollars la nuit. Un repas basique dans un restaurant correct (un plat et une bouteille d'eau) coûte à peu près 75 dollars. La population pauvre trouve qu'il est de plus en plus dur de survivre dans la ville. » Photo de Ionut Sendroiu copyright Demotix (8 Octobre 2010)

Dernièrement, « Le gouverneur de Luanda se bat contre les vendeurs ambulants » [pt] était le titre de l'un des billets gratifié du plus grand nombre de « j'aime » sur la page Facebook de Mana Mingota (Soeur Mingota), une des pages les plus populaires d'Angola. Mana Mingota est un personnage fictif et quasiment personne ne sait qui se cache derrière. Et pourtant, cette page qui publie des conseils, des traits d'humours et des commentaires sur les différents sujets qui parlent à la génération la plus jeune et la plus connectée du pays a presque 76 500 fans – plus que la plupart des groupes et des célébrités les plus populaires d'Angola. L'article proteste :

Tantos problemas para combater, água, luz, saneamento básico, emprego para os jovens, falta de casa, comida cara, prostituição legalizada, venda de bebidas a menores de idade, consumo exagerado de álcool pela população, acidentes de viação, falsificação de documentos, burocracia na emissão de documentos, propinas elevadas das universidades privadas, gasosas nos polícias, corrupção nas escolas, mau atendimento das repartições públicas, ene problemas, e a sua excelência senhor governador está com todas flechas apontadas para as zungueiras que com sacrifício tentam ganhar a vida para alimentar famílias e colocar os filhos na escola para não virarem delinquentes. Sinceramente muitos aqui pensam ao contrário!!!

Il y a tant de problèmes à résoudre – l'eau, l'électricité, des installations sanitaires de base, le travail des jeunes, le manque de logement, la nourriture hors de prix, la prostitution légale, la vente d'alcool aux mineurs, la consommation d'alcool exagérée de notre société, les accidents de la route, la falsification des documents, la bureaucratie bloquant l’émission de nouveaux documents, le coût élevé de l'éducation dans les universités privées, la corruption des forces de police, la corruption dans les écoles, la mauvaise qualité des services publics … Tant de problèmes et son Excellence le gouverneur pointe ses fusils sur les vendeurs ambulants qui font beaucoup de sacrifices et qui essayent juste de gagner de l'argent pour pouvoir nourrir leurs familles et mettre leurs gamins à l'école pour ne pas qu'ils deviennent des criminels. Sérieusement, beaucoup de gens de ce pays pensent à l'envers !!!

L'interdiction des marchants ambulants – ou zungueiras, comme on les appelle ici – semble faire partie d'une stratégie plus importante qui consiste à cacher les pauvres de Luanda et à les déverser dans la périphérie. Loin des yeux, loin du coeur, en gros. Hormis les zungueiras, les habitants des bidonvilles plutôt nombreux de Luanda sont aussi fréquemment réveillés par le bruit des bulldozers qui viennent raser leur maisons sans sommation avant d'être transportés en bus jusqu'à des terrains non-habitables.

"Pour la plupart des habitants, les grattes-ciels de Luanda ne sont rien d'autre qu'un arrière plan." Photo et légende par Ionut Sendroiu copyright Demotix (8 October 2010)

“Pour la plupart des habitants, les grattes-ciels de Luanda ne sont rien d'autre qu'un arrière plan.” Photo et légende par Ionut Sendroiu copyright Demotix (8 Octobre 2010)

Conséquence d'une variété de facteurs dont une guerre civile prolongée et un manque d'investissements notoire dans l'éducation, la majorité de la main d'oeuvre angolaise est non-qualifiée et le chômage touche plus d'un quart de la population. D'après un rapport sur la transition vers la démocratie et l'économie de marché de 129 pays, publié récemment (Bertelsmann Stiftung, BTI 2014 Angola Country Report) [en - pdf] :

[...] la population des villes [angolaises] dépend souvent du commerce informel pour joindre les deux bouts. C'est particulièrement le cas à Luanda, la capitale, où on estime qu'un tiers de la population est seule responsable de la production de 75% du PIB.

Zungueiras. Photo partagée sur le blog O Patifúndio sous licence Creative Commons (BY-NC-ND)

Zungueiras. Photo partagée sur le blog O Patifúndio sous licence Creative Commons (BY-NC-ND)

Le même rapport déclare que 70% de la main d'oeuvre informelle est constituée de femmes. Immanquablement, les dernières mesures du gouvernement auront un impact négatif sur ces femmes, qui sont les plus vulnérables dans ce genre de cas.  Il n'aura pas fallu longtemps pour mettre ces mesures en exécution : Le blog Maka Angola, qui lutte contre la corruption, a signalé récemment [en] qu'une cinquantaine d'hommes, femmes et enfants avaient été détenus dans la même cellule dans un commissariat de Luanda, certains durant 3 jours, pour ‘délit de vente ambulante'. Mais ça n'a rien de nouveau. Louise Redvers dénonce ce problème dans un article [en] paru sur le site internet de l'Open Society Initiative for South Africa (Initiative de l'Open Society pour l'Afrique australe).

[...] pire encore, ces femmes sont régulièrement maltraitées par les équipes d'inspecteurs du gouvernement et des officiers de police abusifs qui les battent, les rackettent, leur volent ou endommagent leurs marchandises. Vous pouvez en lire plus sur l'étendue de ces abus – et l'impunité apparente des officiers concernés – dans ce rapport accablant de l'ONG Human RIghts Watch [en] publié en septembre dernier.

Ces dernières mesures ont été reçues dans l'incrédulité générale et sont condamnées par l'opinion publique, mais il est important de noter que tout le monde ne pense pas de cette manière. Beaucoup ont applaudi la décision du gouvernement et jugent que la vente ambulante devient incontrôlable et qu'elle nuit à l'image de la ville. J'ai eu l'occasion de voir comment les zungueiras peuvent changer n'importe quel coin de rue ou de trottoir en un marché ouvert peu hygiénique, mais comme le chante le rappeur Angolais MCK :

em vez de combater a pobreza estão a combater os pobres.

Ils combattent les pauvres au lieu combattre la pauvreté.

La commerce de rue n'est pas le problème mais plutôt la conséquence d'un phénomène de plus grande envergure, à savoir l'incapacité du gouvernement à réduire le fossé énorme qui sépare les nantis des plus démunis. L'incapacité également de se consacrer à la pauvreté malgré les immenses richesses pétrolières dont profitent les Angolais les plus fortunés. Et cette idée fausse que le meilleur moyen de s'occuper des pauvres, c'est de les cacher.

"Commercial street in Luanda." Photo de Ionut Sendroiu copyright Demotix (31 October 2010)

“Rue commerçante à Luanda.” Photo de Ionut Sendroiu copyright Demotix (31 Octobre 2010)

Une citation de l'article de Louise Redvers mentionné plus haut est particulièrement révélatrice :

Je me rappelle très clairement des mots d'un homme d'affaires du pétrole angolais bien habillé et diplômé d'une université américaine coûteuse : « Nous ne pouvons plus avoir ces gens dans nos rues, pas dans le centre ville à côté de bâtiments comme Sonangol. Il nous faut améliorer notre image, nous sommes un pays moderne, ces gens ne peuvent pas être ici comme ça. »

L'Angola est un pays ou le registre national peut fermer pendant 4 jours pour cause de panne de système [en] (lire : intranet). Où un transfert Western Union ou Moneygram de routine peut demander plusieurs heures ou plusieurs déplacements. Où il n'y a pas de distribution fiable d'eau potable ou de l'électricité. Où le gouvernement est incapable de fournir même le plus basique des services à sa population. Où le gouvernement ne consacre qu'une faible part de son budget à la santé et à l'éducation [en], (parmi les chiffres les plus faibles du continent africain [en]). Où la corruption est un mode de vie et où le gouvernement a oublié ses promesses de l'indépendance qui proclamaient que le plus important est de résoudre les problèmes de la population. Les zungueiras et les plus pauvres du pays continueront à souffrir de cette rénovation si soucieuse de l'image du pays jusqu'à ce que soient prises des mesures de lutte contre la pauvreté plus sérieuses et que soient promulguées d'autres possibilités de subsistance.

Lisez aussi l'article de Clara Onofre sur Global Voices (2008): Angola : courageuses et dignes, les vendeuses ambulantes des rues de Luamba

Les grands méchants cadors des médias russes

jeudi 27 février 2014 à 22:36
The bullies of the Russian media. Dmitri Kiselyov, left, and Vladimir Solovyov, right. Images mixed by Kevin Rothrock.

Les cadors des médias russes : Dmitri Kisseliev (à gauche) et Vladimir Soloviev (à droite). Collage Kevin Rothrock.

Ce qui se passe actuellement dans les médias russes n'incite guère à l'optimisme. Il suffit de lire “l'Echo de RuNet” pour savoir que TV Dojd (pluie), la seule chaîne indépendante de Russie, fait l'objet d'attaques et que la radio la plus écoutée du pays, “l'Echo de Moscou”, est menacée de poursuites – comme le célèbre blogueur politique Alexeï Navalny. Tout cela pour un article ou une émission jugés politiquement incorrects et antipatriotiques par les médias conservateurs. TV Dojd a organisé un sondage [en anglais] demandant aux spectateurs s'il n'aurait pas mieux valu que Léningrad se rende aux nazis durant la Seconde Guerre mondiale pour éviter le blocus de la ville ; “l'Echo de Moscou” a diffusé une contribution de Viktor Chenderovitch comparant sous certains aspects les Jeux de Sotchi avec ceux de Berlin en 1936; quant à Navalny, il a fait une blague cryptée  [en anglais] après le meurtre d'un juge en Ukraine, insinuant que ça pourrait bien arriver à des juges russes.

Les Russes peuvent en effet débattre du côté politiquement correct ou non des choix de TV Dojd, Chenderovitch ou Navalny, mais la popularité de la chaîne et de ces deux politiques ne fait aucun doute. Comme dans la Russie actuelle l'idée d'une chasse aux sorcières contre les “traîtres” ne tient pas debout, le choix de ces cibles obéit forcément à une certaine logique.

La semaine dernière, cette logique s'est trouvée mise à mal quand la télé russe et le journaliste de radio Vladimir Soloviev ont consacré toute une émission à disséquer et dénoncer les tweets de soutien à Maïdan d'un groupe d'étudiants de l'Ecole supérieure de commerce de Moscou. (Vous pouvez lire ici le compte rendu détaillé de Soultan Souleïmanov). Soloviev a villipendé en priorité une certaine Ioulia Arkhipova, qu'il a accusée (par contumace) d'être une fervente supportrice des homosexuels.

Il semble que Soloviev ait eu connaissance de l'existence de Ioulia Arkhipova grâce à Vitali Milonov, conseiller municipal de Saint-Pétersbourg tristement célèbre depuis son décret de 2011 interdisant la “propagande homosexuelle”. Milonov “s'est occupé” du cas Arkhipova à la veille de l'émission de Soloviev, raillant sa sollicitude envers les blessés du Maïdan, une sollicitude “déplacée” qui montre bien, selon lui, où mène l'enseignement supérieur russe. Quand, plus tard, Arkhipova a tourné Soloviev en ridicule, dans un tweet disant qu'elle avait revêtu “tout exprès pour lui” l'habit traditionnel ukrainien et mis son passeport russe dans sa poche, celui-ci a répondu qu'”une âme vile le reste”, en costume traditionnel ou sans.

Pourquoi, pour quelques tweets sur l'Ukraine, Soloviev s'en prend-il à un groupe d'étudiants qu'il ne connaît pas ? Ioulia Arkhipova soupçonne un journaliste pro-Kremlin qui commence à se faire un nom – par ses attaques contre l'opposition russe qui choquent régulièrement la société libérale -, Dimitri Kisseliev, d'avoir mis la barre plus haut dans les médias russes en matière d'allégeance au pouvoir. Si Soloviev est connu de longue date comme polémiste pro-Poutine, ses sorties semblent bien pâles comparées à celles de Kisseliev ; et quant à Milonov, c'est carrément Harvey Milk à côté, surtout depuis(qu'il s'est emporté en 2012 à la télévision d'Etat au point de vouloir faire brûler le coeur de gays disparus dans un accident de voiture.

La surenchère de Soloviev s'attaquant à des jeunes twitteurs dissimulait sa cible réelle : cette grande école de commerce que Milonov décrit comme un “nid de libéraux”. En d'autres termes, les réactionnaires russes conservent tout de même une certaine logique.

Pendant ce temps, l'école, elle, tâchait de rester au-dessus de la mêlée. Le 21 février, dans ce post sur sa page Facebook elle décidait de traiter comme une “provocation” les attaques de Soloviev. Le post était illustré par une photo de Mark Twain, avec cette citation: “Ne discutez jamais avec les imbéciles. Ce serait descendre à leur niveau, où ils vous écraseraient de leur compétence.”

Tiré de la page Facebook de l'école de commerce.