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‘Même en nous quittant elle nous donne une leçon’ : le Tadjikistan bouleversé par la mort de son inlassable défenseure des droits humains

dimanche 13 janvier 2019 à 21:22

Fayzinsso Vohidova. Arrêt sur image, source : chaîne YouTube de CATV News.

[Article d'origine publié en anglais le 7 janvier 2018] Fayzinisso Vohidova, une avocate tadjike de premier plan, renommée pour sa disponibilité à défendre les prisonniers politiques, et sa critique sans relâche de l'autocratie au Tadjikistan, est décédée le 4 janvier.

Sur Facebook, où la contestation ouverte des pouvoirs dans ce pays d'Asie centrale se fait de plus en plus rare, l'effusion de chagrin en dit long.

Mère de trois enfants, Vohidova était souvent surnommée par ses admirateurs “Gurdofarid”, du nom de l'héroïne intrépide de la Perse antique dans le poème épique persan le Livre des Rois.

Elle a perdu une courte bataille contre une pneumonie, une semaine seulement après avoir fêté son 55ème anniversaire.

Ces dernières années, Mme Vohidova subissait régulièrement le harcèlement des autorités tadjikes, les agressions verbales des partisans du régime et des restrictions à ses activités professionnelles.

Si l'arrestation lui a été épargnée, Vohidova a vu sa licence d'avocat suspendue et, au moment de sa mort, avait interdiction de sortir du pays.

Steve Swerdlow de Human Rights Watch a écrit sur Twitter un fil émouvant et largement partagé en l'honneur d'une femme qu'il considérait comme une amie autant qu'une consœur.

Ce matin tôt, le monde a perdu une personne merveilleuse, une héroïne des droits humains, une avocate intrépide, une figure d’opposition, une combattante des droits des femmes et de la dignité humaine fondamentale : l'avocate tadjike des droits humains, Fayziniso Vohidova, décédée à Khujand des complications dues à une pneumonie.

‘Mère courage’

Mme Vohidova est née dans un district isolé dans le nord du Tadjikistan, et a étudié le droit à la prestigieuse Université d’État de Moscou..

Membre du Parti social-démocrate du Tadjikistan, dans l'opposition, elle s'est fait connaître en défendant des jeunes gens encourant la prison sur des accusations d'extrémisme appliquées à grande échelle par les autorités civiles.

Lorsqu'un reporter de la BBC, Urinboy Usmonov, fut arrêté sur des charges similaires en 2011, il allait de soi que Vohidova prenne l'affaire en mains. Usmonov fut jugé coupable mais remis en liberté quand les médias internationaux braquèrent leurs projecteurs sur le pays.

Un autre journaliste de la BBC, basé à Londres, Darius Rajabian a écrit sur Facebook que la réaction en ligne à la mort de la défenseure des droits était sans précédent :

Ҳаргиз Файзбуки Тоҷикистон ин ҳама сӯгвор набуд ва ин ҳама файз намеборид, ки ҳоло меборад. Рафтанаш ҳам дарсе буд…

Le Facebook tadjik n'a jamais été aussi endeuillé qu'il l'est à présent. Même en nous quittant elle nous donne une leçon.

Autre journaliste, Anora Sarkorova a décrit Vohidova comme “l'honneur et la conscience de la nation tadjike.”

“Elle ne s'est pas tue quand les autres ont caché leur tête dans le sable. Elle risquait sa vie chaque jour et connaissait la valeur de ce risque”, a ajouté Sarkorova.

Le mur Facebook de Vohidova, rempli de félicitations d'anniversaire il y a seulement deux semaines, déborde maintenant de condoléances.

Les utilisateurs tadjiks de médias sociaux, réduits au silence ces dernières années par le ciblage des voix critiques en ligne, ont brisé ce silence pour exprimer leur profond chagrin du décès de Vohidova et leur sentiment d'être sans droits.

Dans un pays passionné de poésie, on ne s'étonnera pas de ce que certains utilisateurs aient exprimé leur désarroi en vers.

Abduqodir Rustam a écrit sur Facebook [lien devenu inactif] :

Боли мурғи озоди адолат шикаст! Модари ҷасорат мурд! Дар ин чанд соли охир худро боре ҳам чунин танҳо эҳсос накарда будам, агарчи боре ҳам ӯро надида ва рӯ ба рӯ суҳбат накарда будем……. Алвидоъ Файзинисо!

L'oiseau de liberté et de justice a une aile cassée ! La mère courage est morte ! je ne me suis jamais senti aussi seul depuis des années, bien que je ne l'aie jamais rencontrée ni ne lui aie parlé en personne (Fayzinisso). Paix à ton âme Fayzinisso !

Le 9 décembre, dans son ultime billet Facebook, Vohidova avait écrit sur deux femmes qu'elle admirait particulièrement : la chancelière allemande Angela Merkel et la célèbre militante russe des droits humains Lioudmila Alexeïeva, décédée la veille.

Tout en écrivant qu'elle aimait Merkel pour sa simplicité et, de façon émouvante, pour la récente décision de la dirigeante allemande de se retirer du pouvoir, Vohidova a célébré Alexeïeva comme “la défenseur de ceux qui sont tombés, de ceux qui souffrent, des démunis.”

“De toute manière, il n'y a qu'un chemin (vers Dieu) ! Et ce chemin doit être le chemin de l'honneur, de la bonne volonté et des bonnes actions, dans la dignité humaine, pure et modeste. Prions Dieu pour demander que chacun de nous soit pleuré avec des larmes de gratitude !” écrivait Vohidova.

Note de la rédaction : Global Voices a livré un bref portrait de Fayzinisso Vohidova dans l'article de 2016 Six Tajik mothers who rule the roost on Facebook. [Six mères tadjikes qui règnent sur Facebook, non traduit en français]

Rendre vie à la langue inuktitut, mot après mot

dimanche 13 janvier 2019 à 17:59

Illustration : “Lost in Storm” [Perdu dans la tempête, NdT] de Napachie Pootoogook, Centre culturel et imprimerie Kenojuak. Reproduit avec autorisation de QIA. Voir sur Instagram.

L'Association inuit de Qikiqtani (QIA) s'est tournée vers les réseaux sociaux pour encourager l'utilisation de l’inuktitut [fr], la langue inuit. Basée dans la région de Qikiqtani (Baffin), dans le plus jeune territoire du Canada, le Nunavut [fr], cette organisation travaille à “sauvegarder, administrer et promouvoir les droits et avantages des Inuits de Qikiqtani.”

Sur les réseaux sociaux, leurs efforts sont en phase avec leur mission de promotion de la langue inuktitut. Dans un interview par email avec la QIA, son représentant écrit ainsi :

Language preservation is an integral part of building pride among Inuit, particularly young Inuit. Learning, speaking-in and thinking-in Inuktitut helps young Inuit feel more connected to our community and traditional values.

La préservation de la langue fait partie intégrale de la construction d'une fierté parmi les Inuits, en particulier les jeunes Inuits. Apprendre, parler et penser en inuktitut aident les jeunes Inuits à se sentir mieux connectés à notre communauté et nos valeurs traditionnelles.

Ceci est particulièrement important, car des chercheurs ont noté “un déclin dans la qualité de l'inuktitut du Nunavik, dont une mauvaise grammaire, un faible vocabulaire et de plus en plus de mélange entre l'inuktitut et l'anglais.” Selon eux, l'influence des médias en d'autres langues que l'inuktitut et un nombre insuffisant d'enseignants parlant l'inuktitut couramment peuvent contribuer à ce déclin.

D'après les diverses informations rassemblées par Endangered Languages Project [Projet langues en danger, NdT], l'inuktitut compte entre 14.000 et 30.000 locuteurs natifs, mais la langue est considérée comme vulnérable par l'Atlas mondial des langues en danger de l'UNESCO.

La campagne de la QIA conduite sur Instagram, Twitter et Facebook introduit des mots inuktitut écrits dans le syllabaire autochtone canadien [fr] et les associe à des illustrations produites par le Centre culturel et imprimerie Kenojuak, à Cape Dorset, au Nunavut. Ces œuvres éclairent de nombreux aspects de la culture inuit.

Le Mot du jour est une des nombreuses initiatives conçue pour promouvoir la langue. La QIA parraine un concours annuel de poésie et de chanson en inuktitut ainsi que la production de matériel pédagogique pour la petite enfance. L'association publie aussi des livres d'enfants écrits par des auteurs inuits du Territoire en collaboration avec Inhabit Media, une maison d'édition inuit du Nunavut.

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Happy International Women’s Day: quviasugissi nunarjualimaami arnait ullunganni ᖁᕕᐊᓱᒋᔅᓯ ᓄᓇᕐᔪᐊᓕᒫᒥ ᐊᕐᓇᐃᑦ ᐅᓪᓗᖓᓐᓂ ᐅᖃᐅᓯᓕᕆᔾᔪᑎᕗᑦ ᐅᓪᓗᒥ Word of the day ᓄᓇᕐᔪᐊᖅ ᐊᓈᓇᑎᑐᑦ ᓲᕐᓗ nunarjuaq Anaanatitut suurlu: Mother Earth Celebrating all the strong Indigenous and Inuit women in our lives! ᐃᓅᖃᑎᑦᑎᓐᓂ! Quviasuutiqarniq iluunnanginnik isumatujunit nunaqaqtutuqaujunit Inunnillu arnanit inuuqatittinni! ᖁᕕᐊᓲᑎᖃᕐᓂᖅ ᐃᓘᓐᓇᖏᓐᓂᒃ ᐃᓱᒪᑐᔪᓂᑦ ᓄᓇᖃᖅᑐᑐᖃᐅᔪᓂᑦ ᐃᓄᓐᓂᓪᓗ ᐊᕐᓇᓂᑦ Image: Germaine Arnaktauyok

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Mot du jour : Mère nourricière. Célébrons toutes les fortes femmes inuits de nos vies !

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ᐅᖃᐅᓯᓕᕆᔾᔪᑎᕗᑦ ᐅᓪᓗᒥ Word of day ᐃᖃᓗᓕᐊᓗᒃ iqalulialuk: Plenty of fish (Image: CEE POOTOOGOOK’s Surfacing Bear) @kenojuakcentre

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Mot du jour : abondance de poisson.

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ᐅᖃᐅᓯᓕᕆᔾᔪᑎᕗᑦ ᐅᓪᓗᒥ Word of day ᖁᕕᐊᓱᓐᓇᐅᓂᖓ Quviasunnauninga: Festive (Image: Ningeokuluk Teevee's Uppik Quviasuttuq – Festive Owl) @kenojuakcentre

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Mot du jour : festif.

Rendez-vous sur le compte Instagram de @Qikiqtani_Inuit pour voir toute la collection.

Un club pro-russe de motards reconnaît sa participation aux manifestations qui ont conduit à l'attaque violente contre le parlement macédonien, révèle un procès

dimanche 13 janvier 2019 à 00:09

Capture d'écran de la page Facebook “Ilinden #4 – Initiative citoyenne pour une Macédoine unie”, avec la photo montrant des membres du club de motards Loups de la nuit, avec en tête le patron de sa branche macédonienne, Lenin Jovanovski.

La branche macédonienne du club russe de motards Les Loups de la nuit a pris part aux manifestations de 2017 conduites par l'ancien gouvernement nationaliste de la Macédoine, qui avaient culminé avec un assaut violent contre le parlement où plusieurs députés d'opposition avaient été blessés, ont affirmé les témoins à un procès.

Trente-trois personnes sont jugées à Skopje pour mise en danger terroriste de l'ordre constitutionnel et de la sécurité à la suite de l'incident d'avril 2017 appelé depuis le “Jeudi sanglant”, lorsque deux centaines de nationalistes macédoniens ont envahi le bâtiment du Parlement en réaction à l'élection de Talat Xhaferi, d'ethnie albanaise, à la présidence de l'Assemblée. Il y avait eu une centaine de blessés.

Un membre des Loups de la nuit, Tomislav Jovanovski, cité comme témoin au procès le 13 décembre 2018, a confirmé que le club de motards avait pris part à deux manifestations “Pour l'unité de la Macédoine”, qui avaient précédé l'attaque du parlement.

Pour essayer de disculper le club de l'attaque violente qui a suivi, Jovanovski a déclaré qu'ils étaient seulement contre le “programme de Tirana” et que les manifestations auxquelles ils avaient participé étaient non-violentes. Le “programme de Tirana” est une expression péjorative que les nationalistes macédoniens appliquent à une liste de revendications avancées par les partis politiques de la minorité albanaise en Macédoine et promues par le premier ministre de l'Albanie.

Les révélations de l'implication des Loups de la nuit sont importantes, car elles braquent le projecteur sur les connexions du parti populiste de droite VMRO-DPMNE avec le Kremlin.

Quand le parti gouvernait la Macédoine de 2006 à 2017, il projetait à l'extérieur une image de bonne entente avec l'Union européenne et l'OTAN, pendant que sa politique nationaliste à l'intérieur l'en écartait. Les signes de l'influence du président russe Vladimir Poutine sur la politique intérieure macédonienne n'étaient pas discutés publiquement sous le règne du VMRO-DPMNE.

Qui sont les Loups de la nuit ?

Le club de motards les Loups de la nuit, aussi appelé “Anges de Poutine” dans les médias américains, a été créé en Russie en 1989 et a aujourd'hui des branches dans 14 pays. Au long des années, il a rempli diverses fonctions paramilitaires et de propagande pour le Kremlin tout en soutenant ouvertement le président russe Vladimir Poutine.

En 2014, les USA ont frappé les Loups de la nuit  de sanctions à la suite de leur implication dans l'annexion de la Crimée prise à l'Ukraine. En Slovaquie, ils sont alliés à l'extrême-droite locale, tandis qu'en Bosnie-Herzégovine ils sont impliqués dans la militarisation, soutenue par la Russie, de l'entité serbe de ce pays.

La branche macédonienne des Loups de la nuit a bénéficié du règne du VMRO-DPMNE sur le pays entre 2007 et 2016. Les autorités ont dépensé de l'argent public pour soutenir leurs activités homophobes, tandis que les médias soient gardaient le silence, soit les vantaient comme une force positive et des “patriotes exemplaires”.

Le patron des Loups macédoniens, Lenin Jovanovski, a aussi profité de ses connexions avec le VMRO-DPMNE, ainsi lorsque l’État a accordé à son entreprise de transports Sloboda Prevoz la licence pour opérer une partie des transports publics de la capitale Skopje.

Pendant ce temps, les médias continuaient à le traiter en vedette. Depuis 2011, ses rencontres avec Poutine étaient abondamment médiatisées. Lorsque l'Allemagne lui a refusé en 2015 un visa d'entrée pour la participation du club à une provocante chevauchée de la Fête de la Victoire de la Russie à Berlin en passant par la Pologne, la presse macédonienne l'a présenté comme un martyr.

Ensuite, les Loups de la nuit ont pris part à des opérations locales de propagande politique, comme le blanchiment de l'image du criminel de guerre condamné Johan Tarčulovski. En 2013, après avoir purgé sa peine, il était rentré en Macédoine, officiellement accueilli en héros et s'était vu nommer membre honoraire du club des Loups de la nuit.

En tant que député VMRO-DPMNE, Tarčulovski avait participé au “Jeudi sanglant” de 2017.

Le procès du “Jeudi sanglant”

Également le 13 décembre, le prévenu Aleksandar Vasilevski, un membre des services de sécurité appelé “Ninja”, a déclaré sous serment que le VMRO-DPMNE avait orchestré les manifestations “Pour l'unité de la Macédoine” y compris l'assaut contre le parlement.

„За заедничка Македонија“, беше формирана од ВМРО-ДПМНЕ и имаше фиктивни водачи. На протестите на „За заедничка Македонија“ 80 отсто беа од ВМРО-ДПМНЕ кои ги даваше сите реквизити што се користеа. Сите водачи на протестите ги имам гледано во штабот на ВМРО-ДПМНЕ кај Кирил Божиновски, рече обвинетиот Александар Василевски – Нинџа во својот исказ пред судот во врска со настаните во Собранието на 27 април минатата година.

“Pour l'unité de la Macédoine” a été formé par le VMRO-DPMNE et avait des leaders fictifs. 80 % des participants des manifestations “Pour l'unité de la Macédoine” étaient des adhérents du VMRO-DPMNE, et le parti a fourni tous les accessoires et le matériel utilisés. J'ai vu tous les meneurs des manifestations au siège du VMRO-DPMNE dans le bureau du [trésorier du parti] Kiril Božinovski.

Vasilevski dit avoir été convoqué au siège du parti VMRO-DPMNE avant de se joindre à l'assaut et avoir entendu quelques-uns se dire déçus que leurs députés n'aient contribué à l'escalade des faits qu'en facilitant l'entrée des attaquants dans le bâtiment.

Une loi votée avant la fin de 2018 a accordé l'amnistie aux participants des événements du “Jeudi sanglant” qui n'ont pas pris part aux violences physiques ou agi comme organisateurs.

En soutenant la loi, les Sociaux-démocrates aujourd'hui au pouvoir espéraient obtenir le soutien de quelques députés VMRO-DPMNE à la réformes constitutionnelle relative à la solution de la querelle du nom avec la Grèce, qui a été finalement adoptée à la majorité des deux tiers le 11 janvier 2019. Le changement de nom est une condition essentielle à l’adhésion de la Macédoine à l'OTAN et à l'UE, puisqu'il mettra fin au veto grec.

La loi d'amnistie permettait aux individus suspectés d'avoir participé aux incidents du Jeudi sanglant de postuler à l'amnistie avant le 31 décembre 2018. Soixante-six demandes ont été reçues et douze ont été acceptées, y compris de députés et meneurs des manifestations.

“Le Ninja” Vasilevski a aussi été candidat à l'amnistie, mais ne l'a pas obtenue. Son procès se poursuit donc et reprendra le 14 janvier. Les médias macédoniens informent que les organisateurs principaux de l'assaut contre le parlement ne sont toujours pas identifiés, alors que l'enquête préliminaire est presque terminée.

Passé effacé : un artiste amérindien remet l'histoire des Premières Nations en lumière

jeudi 10 janvier 2019 à 20:48

Légende : “En 2017, les autochtones avaient le taux de chômage le plus élevé.” Photographie : Ótaés, reproduite avec autorisation.

Pour la majeure partie de la société aux États-Unis, les vies amérindiennes passent souvent inaperçues. C'est ce qu'Ótaés, un artiste (qui préfère ne divulguer ni son nom ni son genre) de la nation Ramapough Lenape, est déterminé à changer.

Son travail, à base de marqueurs permanents et de colle de farine (celle qui peut entrer dans la composition du papier-mâché), peut être vu dans tout le pays et, explique-t-il à Rising Voices, se focalise sur “la discussion des injustices auxquelles les communautés autochtones font face et l'exposition d'une histoire manipulée ou effacée dans le Midwest et les Appalaches”.

Le territoire de la nation Ramapough Lenape s'étend à travers les États actuels de New York et du New Jersey. Ótaés obtient ses informations de diverses sources, des archives archéologiques aux récits oraux transmis par les anciens.

Ótaés a publié plus de cent dix œuvres sur Instagram. Ainsi, celle présentée ci-dessous attire l'attention sur la pauvreté des enfants autochtones :

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Native Americans experience the highest rate of poverty, nearly double the national average (and triple in areas).

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Légende : “Un tiers des enfants autochtones vit sous le seuil de pauvreté.”

Commentaire : “Les Amérindiens souffrent du taux de pauvreté le plus élevé, presque le double de la moyenne nationale (et le triple dans certaines régions).”

À travers son art, Ótaés aborde les inégalités du système judiciaire, la violence contre les femmes, les problèmes psychologiques et le racisme auxquels les peuples amérindiens sont confrontés.

Certains messages portent sur le récent procès intenté par la nation Ramapough Lenape contre le constructeur automobile Ford. La nation Ramapough Lenape a accusé l'entreprise de déverser des déchets toxiques dans des mines abandonnées du New Jersey, affectant leurs terres et causant de graves problèmes de santé aux résidents :

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Happy birthday, mom

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Légende : “Ma mère serait encore en vie si Ford n'avait pas déversé 113 millions de litres de boues de plomb sur les terres ramapough lenape pendant deux décennies. Ma mère, cousins, famille et jeunes enfants ont été victimes de maladies et de cancers rares. Notre terre était leur déchetterie.”

Commentaire : “Joyeux anniversaire, maman.”

Ótaés lance souvent des statistiques déchirantes sur la vie des Amérindiens pour faire prendre conscience de l'injustice subie par son peuple.

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Légende : “Les autochtones ont la plus courte espérance de vie de toutes les races.”

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Invading and murdering nations then wearing a disrespectful parody of the culture you tried to erase is unacceptable. We will not allow you to profit off our indigenous identity.

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Légende : “Vous avez tué les autochtones et puis vous les avez transformés en déguisements pour Halloween.”

Commentaire : “Envahir et assassiner des peuples, puis porter une parodie irrespectueuse de la culture que vous avez essayé d'effacer est inacceptable. Nous ne vous permettrons pas de tirer profit de notre identité autochtone.”

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Only 47 of the nation’s 570+ federally recognized tribes are part of DOJ’s crime statistic/occurrence exchange. Virtually no information is being collected by the US government on missing people, murders, abuse. Why? Because the tribes must PAY (!!!) to be involved and meet other very rigorous guidelines that Nations struggling to stretch budgets can not afford. Again, most crime committed against natives is by non-natives (70-90%) and the US government feels no need to ensure they know how much crime is being caused by their own citizens… #mmiw

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Légende : “Le gouvernement ne tient aucune registre des femmes autochtones disparues ou assassinées.”

Commentaire : “Seules 47 des plus de 570 tribus reconnues au niveau fédéral font partie du système d'échange de statistiques criminelles du ministère de la Justice. Pratiquement aucune information n'est collectée par le gouvernement des États-Unis sur les disparitions, les meurtres et les agressions. Pourquoi ? Parce que les tribus doivent PAYER (!!!) pour être incluses et doivent satisfaire d'autres critères très rigoureux, et que les Nations, qui peinent déjà avec leur budget, n'en ont pas les moyens. Une fois encore, la plupart des crimes commis à l'encontre des autochtones l'est par des non-autochtones (de 70 à 90 %) et le gouvernement des États-Unis ne ressent aucun besoin de connaître le nombre de crimes commis par ses propres citoyens…”

Visitez le compte Instagram d'Ótaés pour voir toutes ses illustrations.

Des féministes russes revisitent des dialogues de grands classiques du cinéma soviétique, une bulle après l'autre

jeudi 10 janvier 2019 à 14:34

La propagande d’État insistait sur l'importance de l'égalité des genres, mais les femmes soviétiques devaient supporter le double fardeau d'un travail à temps complet et des tâches familiales  // National Library of Scotland, distribué sous CC-BY-NC-SA

Les célébrations de la veille du Nouvel an en Russie, dans une poignée de pays post-soviétiques et dans la diaspora, ont un certain nombre de caractères communs. L'un d'eux est le marathon annuel de classiques du film soviétique comme Moscou ne croit pas aux larmes, une production des studios Mosfilm de 1979 qui a obtenu un Oscar du meilleur film en langue étrangère, parmi d'autres récompenses. L'autre classique absolu est L'Ironie du sort (1975), traditionnellement diffusé le 31 décembre par une grande chaîne de télévision nationale pendant que des millions de familles russes s'affairent à avaler des seaux entiers de salade Olivier [NdT : appelée en français ‘salade russe’. Ces films, de grands réalisateurs, restent visibles en entier sur YouTube, en v.o. avec sous-titres anglais].

Mais la génération de Russes né.e.s à cette époque, qui sont maintenant trentenaires ou quarantenaires, trouve de plus en plus leurs modèles inadaptés à l'ère moderne, et leurs points de vue carrément insultants. A chaque fin d'année, les médias sociaux russes s'emplissent de textes réprobateurs d'usagers découvrant subitement que les programmes télévisés favoris de leurs parents exaltent des valeurs qui sont loin d'être progressistes :

Si on parlait de “Moscou ne croit pas aux larmes”. Comment vous trouvez ce message : tu peux être directrice d'usine, conseillère municipale de Moscou, une bonne mère (célibataire), mais tu n'auras réussi ta vie que si tu donnes la soupe à ton ivrogne de serrurier et mec ?

Ce genre d'attitude prédomine toujours en Russie, aussi le collectif féministe Rosgendernadzor (jeu de mot sur les acronymes d'organisations officielles, traduit à peu près par Rusgenresurveillance) a-t-il synthétisé ces frustrations modernes avec une série d'arrêts sur images de plusieurs classiques du cinéma soviétique, sous forme de bulles de texte imaginant comment un personnage aurait pu riposter à un propos nonchalamment sexiste ou humiliant. En voici une de Moscou ne croit pas aux larmes, où le personnage féminin est sous pression pour avoir des relations sexuelles avec un jeune homme élégant et influent qui lui est socialement supérieur et qui l'abandonnera une fois enceinte.

“Allons Katia, laisse-toi faire”
“Rudy, j'adore faire l'amour, mais pas ici, pas maintenant, et peut-être même pas avec toi. Mon silence en réponse à tes tentatives persistantes, ou le fait que je ne me débatte pas ne signifient pas que je veux avoir un rapport sexuel avec toi. Je te suggère de prendre connaissance du principe de consentement dès tu auras du temps.”

Ou cette réplique de L'Ironie du sort, une comédie dramatique très populaire sur deux étrangers l'un à l'autre engagés chacun dans une relation stable mais insatisfaisante, qui sont réunis par les hasards de l'ivrognerie du Nouvel An et de l'ubiquité uniforme de l'architecture soviétique de production de masse.

“Trente-quatre ans et toujours pas de famille ? Pas de chance. Ça arrive !”
“Pas de chance ?! Je ne suis pas en train de jouer à la loterie. Les normes sociales ne sont plus ce qu'elles étaient. On est en 1975. Les femmes sont présidentes, elles occupent des postes de direction. Elles n'ont pas besoin de fonder une famille pour se réaliser personnellement. Si je veux une famille, j'ai toujours le temps d'en fonder une.”

La répression par les hommes de leurs sentiments est aussi évoquée (avec cet extrait de la mini-série télévisée humoristique de 1972 La Grande récréation, sur un jeune enseignant dans un cours du soir pour adultes) :

“Pour nous ça va, nous pouvons pleurer un coup et nous sentir mieux. Mais toi, tu dois résister, tu es un homme !”
“J'ai rompu avec ma petite amie, alors j'ai envie d'être triste quelque temps, je ne veux pas résister. C'est normal pour un homme de passer par là, alors que tes postulats sont conditionnés par les normes de masculinité toxique qui m'empêchent d'éprouver les émotions complexes provoquées par la rupture.”

Dans le billet Facebook de présentation du projet, la créatrice de Rosgendernadzor écrivait :

Приближаются новогодние праздники. Встречаем 2019 год, а за столом — все те же блюда, на экранах — все те же фильмы. И представления о социальных ролях мужчин и женщин все те же. Новый выпуск “тех самых карточек” — про старое-доброе советское кино и гендерные стереотипы. Мы вторгаемся в диалоги героев новогодних фильмов и помогаем им отвечать собеседникам с патриархальными взглядами. Такие взгляды не редкость и сегодня: они поддерживают неравенство между мужчинами и женщинами. Поэтому наши ответы могут помочь и вам. С Новым годом!

Les fêtes du Nouvel An approchent. 2019 arrive, et à table ce sont les mêmes plats, sur les écrans les mêmes films.  Et la représentation des rôles sociaux des hommes et des femmes reste aussi la même. La nouvelle production de ‘ces meilleures vignettes’ porte sur le bon vieux cinéma soviétique et ses stéréotypes de genre. Nous intervenons sur les dialogues des films du Nouvel An et donnons à leurs personnages l'occasion de riposter aux attitudes patriarcales. Celles-ci ne sont pas rares aujourd'hui et maintiennent l'inégalité entre hommes et femmes. Nos répliques peuvent donc aussi vous aider. Bonne année !

La totalité de ces actualisations de classiques soviétiques est visible en anglais ici. Certaines ont poussé l'idée plus loin :

reposté ces images géniales sur mon facebook et je me régale à regarder comment ça explose chez les “gars réguliers”

Sur ces images, chacun des propos du personnage masculin principal, du genre “C'est aux hommes de protéger et de prendre les décisions, c'est comme ça” se voit opposer un sec “Alors va donc juste te faire f… Géorgui”.

La Russie est classée 75ème sur les 149 pays évalués par le Rapport mondial sur les écarts hommes-femmes 2018 du Forum économique mondial, avec des bons points pour l'égalité d'accès des femmes à la santé et à l'enseignement, mais des lacunes dans les lois protégeant leurs droits.