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Le nouveau clip de Coldplay avec Beyoncé au cœur d'une controverse sur l'appropriation de la culture indienne

mercredi 3 février 2016 à 06:57
Beyonce in the video Hymn for the Weekend. Source: Youtube

Beyoncé dans le clip de Hymn for the Weekend. Capture d'écran Youtube

Le dernier clip du groupe de pop-rock britannique Coldplay, dans lequel figure la chanteuse américaine Beyoncé, fait l'objet de critiques pour son appropriation des codes culturels indiens et les stéréotypes qu'il véhicule.

Dans la vidéo de « Hymn for the Weekend », le chanteur de Coldplay Chris Martin joue le rôle d'un voyageur épicurien se mêlant à de jeunes Indiens pour danser et chanter à l'occasion de ce qui semble être Holi, la fête hindoue des couleurs, tandis que Beyoncé apparaît revêtue des atours d'une rani, une reine indienne.

Parmi les personnages secondaires du clip, on compte des hommes sacrés Sâdhus ainsi qu'un enfant Bahurupi [artistes costumés endossant le rôle de figures mythologiques ou religieuses] représentant le dieu Shiva.

Nishita Jha écrit dans The Wire que Chris Martin se comporte « comme le baroudeur blanc typique qui ne remarque que les drapeaux couleur safran et les hommes sacrés à barbe » :

Coldplay’s brand new video for the song ‘Hymn for the Weekend’ features what one imagines are Martin’s favourite bits of India: Mumbai taxis with colourful interiors, dilapidated buildings, holi, and the occasional child dressed as a monkey or a blue god. Beyonce also features on Coldplay’s album and appears in Martin’s vision as an angel, or its Indian equivalent: a Bollywood queen.

Le nouveau clip de Coldplay pour la chanson “Hymn for the Weekend” rassemble tout ce que Chris Martin semble préférer de l'Inde : les taxis colorés de Mumbai, les bâtiments délabrés, Holi, et à l'occasion un enfant déguisé en singe ou en divinité bleue. Beyoncé a également collaboré à l'album de Coldplay et apparait ici sous les traits d'un ange, ou de son équivalent indien : une reine du Bollywood.

Pour mieux comprendre le débat engendré par cette vidéo, il est utile de se remémorer le concept d’Orientalisme développé par Edward Saïd :

Orientalism can be discussed and analyzed as the corporate institution for dealing with the Orient – dealing with it by making statements about it, authorizing views of it, describing it, by teaching it, settling it, ruling over it: in short, Orientalism as a Western style for dominating, restructuring and having authority over the Orient.

On peut décrire et analyser l'Orientalisme comme l'institution globale qui traite de l'Orient, qui en traite par des déclarations, des prises de position, des descriptions, un enseignement, une administration, un gouvernement : bref, l'Orientalisme est un style occidental de domination, de restructuration et d'autorité sur l'Orient.

Selon Richard King, la conceptualisation d'Edward Saïd traite de la « complicité entre les récits académiques occidentaux sur la nature de “l'Orient” et les velléités hégémoniques de l'impérialisme occidental ».

Au XXIème siècle, ces « velléités hégémoniques » pourraient trouver leur prolongement logique dans l’impérialisme culturel aux moyens de l'appropriation et de la diffusion de stéréotypes à travers la musique et les autres formes d'art.

Parmi les stéréotypes véhiculés, tel que le cliché du chauffeur de taxi sikh au turban, c'est la représentation de Beyoncé comme une reine indienne qui s'avère le plus problématique pour certains.

En plus des gestes de l'artiste américaine, les détracteurs du clip ont souligné le fait que la célèbre actrice indienne Sonam Kapoor — une véritable star du Bollywood — soit reléguée à une apparition de huit secondes dans la vidéo et joue les seconds rôles de Beyoncé.

Dans les jours ayant suivi la sortie de la vidéo, de nombreux Indiens ont dénoncé sur Twitter la représentation qui était faite de leur pays :

La vidéo de Beyoncé est problématique car réductrice, et elle utilise l'Inde comme un accessoire lui permettant de gagner de l'argent. Une terre et une culture sur lesquelles elle n'a aucun droit.

Non merci Coldplay pour le ramassis de stéréotypes. Pas étonnant que l'Inde soit connue comme le pays des charmeurs de serpents et des sâdhus.

Coldplay devrait retirer la vidéo et en ressortir une qui compile des tweets haineux pour que le monde puisse voir la véritable Inde.

Ne nous plaignons pas du fait que Coldplay accumule les clichés sur l'Inde. Vengeons-nous froidement en faisant en sorte que Himesh [Reshammiya] sorte plus de films en Occident.

Si vous voulez représenter l'Inde, essayez d'abord de comprendre sa culture riche et diversifiée ! On n'en a pas fini avec les stéréotypes vieux comme le monde !

Je suis vraiment contrariée par le fait que Coldplay utilise ma culture comme un accessoire pour leur clip. L'Inde ne se réduit pas à des enfants des rues et des femmes exotiques.

La nouvelle vidéo de Coldplay peut se résumer ainsi : l'Inde vue par les blancs.

Toutefois, d'autres ont minimisé les implications de la vidéo :

Tous ces débats sur « l'appropriation culturelle ». Au moins, la vidéo montre la beauté de l'Inde. Pas besoin de faire tant d'histoires.

Moi je l'aime bien. Elle capture l'âme et l'essence de l'Inde et de ses habitants (et non pas l'élite). C'est évidemment un parti pris artistique.

L'appropriation culturelle ne pose pas problème, personne n'est le dépositaire d'une culture, et en effet l'appropriation culturelle vise à gagner de l'argent.

Beyoncé coupable d’ « appropriation culturelle » dans le clip de Coldplay ? Si s'habiller comme une Indienne la rend coupable, qu'en est-il des Indiens qui s'habillent à l'occidentale ?

Dans un éditorial publié par l’Indian Express, Aditi Anand écrit qu'elle ne trouve pas la vidéo problématique.

Selon elle, « en tant que l'actrice de Bollywood “Rani”, [Beyoncé] s'intègre parfaitement. Certes, ce n'est pas sa culture, et alors ? Cela ne signifie en aucun cas qu'elle ne peut pas jouer un rôle dans sa propre chanson. »

Elle écrit également que bien qu'il y ait pu avoir des représentations stéréotypées de certains aspects de la culture indienne telle que la Holi, tout ce qui est montré fait partie intégrante de la culture indienne.

Martin’s video shows India in all its glory. The peacocks, the periscope, the puppets, the behrupiyas, the yellow and black cabs with colorful interiors, everything shouts India.

La vidéo de Chris Martin montre l'Inde dans toute sa gloire. Les paons, le kaléidoscope, les marionnettes, les bahrupiyas, les taxis jaunes et noirs aux intérieurs colorés, tout respire l'Inde.

Dans un pays de plus d'un milliard d'habitants et composé d'une myriade de religions et de cultures distinctes, il n'est pas surprenant que le clip réalisé par Ben Mor soit loin de faire l'unanimité.

La nouvelle loi sur les réfugiés au Danemark, ce n'est pas seulement la saisie des bijoux

mardi 2 février 2016 à 17:13
#RefugeesWelcome to Copenhagen: Local citizens of Copenhagen, Denmark, organized a collection of necessities for the refugees from Syria when they arrive at Copenhagen Central Station. September 10, 2015. Photo by Chris Alban Hansen. CC BY-SA 2.0

#RéfugiésBienvenue à Copenhague : Des habitants de Copenhague, la capitale du Danemark, ont organisé une collecte de produits de 1ère nécessité pour les réfugiés de Syrie à leur arrivée à la gare centrale de la ville. 10 septembre 2015. Photo Chris Alban Hansen. CC BY-SA 2.0

L'adoption par le parlement danois de la très discutée loi L87 le 26 janvier a déchaîné un ouragan de polémiques sur les médias tant sociaux que traditionnels qui reste peu compris et a été mal géré par les personnalités politiques qui s'en étaient faites les champions.

Cette législation est surtout connue comme la “loi sur les bijoux”. Mais tandis que le devoir de la police de fouiller et saisir les possessions d'une valeur dépassant 10.000 couronnes danoises (1.340 euros) a capté presque toute l'attention, ce sont d'autres paragraphes de la loi qui menacent gravement les droits et le bien-être des demandeurs d'asile.

L'aspect le plus négligé à l'international de la loi L87 est le délai porté à trois ans au lieu d'un, imposé aux demandeurs d'asile pour faire venir leur conjoint et leurs enfants, ce qui est une violation potentielle des engagements du Danemark en vertu de conventions internationales (comme les fonctionnaires danois l'ont eux-mêmes reconnu en rédigeant une mise en garde dans le projet de loi présenté aux députés). Deux années supplémentaires d'attente pour les familles séparées par la guerre ou l'insécurité.

La loi impose aussi aux jeunes hommes de rester dans des camps de tentes, avec une mobilité très limitée, en dépit d'un volant chronique de logements vacants au Danemark.

Pourtant, c'est le dispositif sur les bijoux et autres possessions qui a retenu l'attention mondiale. Après moults débats et flottements, les législateurs ont exempté les alliances et autres bijoux à “valeur claiement sentimentale” de la loi L87. “Les valises pleines de diamants”, comme l'a utilement précisé le Ministre de la Justice Soeren Pind, ne seront, elles, pas exemptées.

L'exception accordée aux alliances n'a pas suffi à apaiser le tollé. Le célèbre artiste chinois Ai Weiwei a annulé une exposition prévue de longue date au musée d'Aarhus, l'ex-Secrétaire Général de l'ONU Kofi Anan s'est dit inquiet et consterné, et le journal britannique The Guardian a publié un dessin représentant le Premier Ministre danois Lars Loekke Rasmussen avec une pose et un brassard de style nazi.

Sur les réseaux sociaux, le policier Jacob Nielsen a dit sa colère et son malaise, dans un texte qui a été partagé plus de 21.000 fois :

Jeg blev ikke politimand for at plyndre flygtninge for DERES ejendele!

Men først og fremmest blev jeg politimand fordi jeg ved, at retfærdighed er noget der skal arbejdes hårdt for, og nogen er nødt til at beskytte dem, der ikke kan værge for sig selv. Ingen steder får man bedre mulighed for det end i politiet, når det ikke bliver misbrugt.

Jeg tager tit ting fra folk – fordi det er ulovligt, eller stjålet fra andre eller det bliver brugt til at skade andre, men jeg tager aldrig tøjet af folk eller roder dem i munden for at tage DERES EGEN RING.

……Imens jeg så skulle gøre det ville jeg helt sikkert tænke på, om mine afdøde bedsteforældre, der var modstandsfolk, og som jeg ser op til, mon vender sig i graven, i tanken om, hvem jeg er kommet til at ligne.

Je ne suis pas devenu policier pour piller Ies possessions personnelles des réfugiés !

Je suis devenu policier avant tout parce que je sais que la justice nécessite qu'on se batte avec force pour elle, et que quelqu'un doit protéger ceux qui ne peuvent se protéger eux-mêmes. Qui pourrait mieux le faire que la police, à condition de ne pas abuser de son pouvoir.

Je confisque souvent Ies objets des gens – parce qu'ils sont illicites, ou qu'ils ont été volés à autrui ou qu'il peuvent être utilisés pour nuire à autrui. Mais jamais je ne fouille les gens au corps ou ne regarde dans leur bouche pour leur retirer LES BAGUES QUI SONT A EUX.

…. Si je faisais ça, mes grand-parents qui étaient dans la Résistance et que j'admire tant, se retourneraient dans leur tombe à cause de ceux auxquels je leur ferais penser.

Hommes politiques et diplomates danois ont essayé en vain de souligner que le Danemark reste toujours un pays très généreux qui consacre les 0,7 % du PIB recommandés par l'ONU à l'aide humanitaire et au développement — dont cependant un bon tiers est dépensé au Danemark même, ce qui veut dire que ce n'est pas la totalité des 0,7 % du PIB qui va au soutien des populations outre-mer nécessiteuses. L'argument que les citoyens danois demandeurs d'allocations sociales sont eux aussi soumis à la saisie de leurs avoirs et bijoux n'a pas réussi non plus à entamer la presse négative reçue par le Danemark. Les exportateurs danois s'inquiètent de l'image ternie du pays.

Pourquoi alors les politiciens danois ont-ils été autant pris au dépourvu dans cette affaire ? Pourquoi cette incapacité à expliquer ce qu'ils considèrent comme une disposition tout à fait juste, enracinée dans les valeurs danoises traditionnelles de contrition à la collectivité avant de demander son aide ?

Une explication possible est que lorsque la perception de soi d'un pays — pour le Danemark, d'être un tout petit outsider gentil et humanitaire incapable de faire du mal à quiconque — est contredite par la réalité, le personnel politique devient complètement aveugle à l'aspect que peuvent prendre ses actes à l'extérieur.

Ou encore, c'est que les partis d'extrême-droite anti-immigrants, parfaitement conscients de la publicité attirée par la loi “bijoux”, s'en réjouissent. Cela participe du relookage délibéré du Danemark en destination peu attayante pour les demandeurs d'asile, lancé en novembre 2015 avec les insertions payées par le gouvernement dans les journaux libanais qui soulignaient sa politique rigoureuse concernant les régugiés.

La bataille pour la réputation du Danemark et son identité politique continue à faire rage, et les politiques danois apprennent une fois de plus que faire de la politique intérieure sous microscope international, c'est délicat.

Le conseiller internet de Poutine complice du piratage en ligne

mardi 2 février 2016 à 00:13
Pirates of the Kremlin. Edited by Kevin Rothrock.

Les pirates du Kremlin. Collage de Kevin Rothrock.

On vient d'apprendre que le conseiller internet de Vladimir Poutine pourrait être impliqué dans une activité de violation des droits d'auteur sur la toile. Herman Klimenko, qui a rejoint l'équipe présidentielle voilà quelques semaines, a déjà causé beaucoup d'inquiétudes : d'abord en menaçant de fermeture la messagerie Telegram, puis en couvrant d'éloges les avantages qu'aurait le «modèle chinois» pour la Toile russe. Et voilà qu'aujourd'hui, il attire de nouveau l'attention de la presse… mais il semble que cette fois, ce soit contre son gré.

Selon les informations publiées par le quotidien économique «Vedomosti» du 18 janvier, le service Mediametrics d'Herman Klimenko est affilié à la compagnie 3.0 «ECO PC-Solutions complexes», laquelle n'est autre que la propriétaire du serveur de fichiers Torrent Torrnado.ru.

La veille de la sortie de cette info par les «Vedomosti», le 17 janvier, Klimenko a annoncé qu'il transmettait le contrôle de nombreux actifs à son fils. Selon la source du journal, Torrnado.ru en ferait partie.

Sur sa page Facebook, Klimenko taxe l'article des «Vedomosti» de «délation» et sous-entend que quelqu'un se sert du quotidien pour ternir sa réputation. Il écrit aussi que détenir des serveurs de fichiers Torrent n'a « rien d'illégal »: «il faut simplement coopérer avec les auteurs et les aider à ses battre pour leurs droits». Trois heures plus tard, après minuit selon l'heure de Moscou, il ajoute: « OK, la liste de mes péchés est impressionnante. Je veux fermer [la messagerie] Telegram. Je remplace l'internet russe par le modèle chinois. Je soutiens les pirates. Et tout cela tout seul et en même temps. »

Certains soulignent que la possession d'un serveur de Torrent peut représenter un conflit d'intérêts. Ainsi, le 14 janvier, Klimenko a déclaré à l'agence d'information Prime qu'il valait mieux retarder l'application du strict respect de la loi des droits d'auteur en Russie jusqu'à ce que le pays sorte de la crise. “Les exigences en droit d'auteur augmentent à mesure de la croissance économique, a-t-il expliqué. Et quand la situation est très difficile, il me semble qu'il ne faut pas mettre une pression excessive aux gens sur ces sujets.»

Sur la Toile, des mèmes internet ont déjà fait leur apparition (en particulier sur la thématique de «la Guerre des étoiles») pour railler Klimenko, qui n'a pas de mots assez durs pour les fournisseurs internet occidentaux tout en étant lui-même impliqué dans l'activité d'un site où fleurit le piratage en ligne.

“Tu étais l'élu ! Selon la prédiction, tu devais détruire les serveurs Torrent, pas te ranger à leurs côtés !” Le conseiller internet du président s'avère être le possesseur d'un serveur de fichiers Torrent.

Au moment de la rédaction de cet article, la page d'accueil du site Torrnado.ru (ТорррНАДО) contenait des liens vers des fichiers Torrent de films hollywoodiens clairement piratés, tels que «Hôtel Transsylvanie 2», «Mission : impossible. Rogue Nation», «Ant-man», et bien d'autres.

Herman Klimenko a été nommé conseiller de Vladimir Poutine pour l'internet et le commerce en ligne le 4 janvier, mais ses obligations et prérogatives demeurent peu claires. L'ordre de nomination indique seulement que «Herman Serguéïévitch Klimenko est nommé conseiller du président de la Fédération de Russie».

Klimenko n'est pas le premier fonctionnaire russe de la sphère internet à être accusé d'utiliser un mandat d'Etat pour développer ses propres intérêts commerciaux. En octobre 2015, le blogueur anticoruption Alexeï Navalny a accusé le médiateur de l'internet russe Dmitri Marinichev d'avoir contribué à faire voter la loi «obligeant» les compagnies internet occidentales à localiser leurs serveurs sur le territoire russe, de façon à encaisser des millions de roubles avec la construction sans appels d'offres de plusieurs centres de traitement des données. Pour sa défense, Marinichev avait déclaré que Navalny ne comprenait tout simplement pas que la réglementation des données de localisation aurait très peu d'influence sur la demande d'espace Web des serveurs à l'intérieur du pays.

Cinq ans après, il est temps de se rappeler de ceux qui ont tout donné pour la révolution égyptienne

lundi 1 février 2016 à 21:10

Tomorrow is the fifth anniversary of the start of the Egyptian revolution. Photograph from a protest in Tahrir in 2012. By Mosa'ab El Shamy, flickr, used with permission.

Demain [article initialement publié le 24 janvier 2016] sera le cinquième anniversaire du début de la révolution égyptienne. Photo d'une manifestation à Tahrir prise en 2012 par Mosa'ab El Shamy, sur flickr, utilisée avec sa permission.

[Tous les liens de cet article sont en anglais.]

Passez dans n'importe quelle rue dans le centre du Caire : il y a de fortes chances que vous voyiez sur les murs des graffitis, attestant de l'indignation et des manifestations qui ont traversé ces rues. La montée constante de la pauvreté en Égypte, la corruption des politiques, et l'inégalité des chances ont été les principaux ingrédients de la révolution égyptienne de 2011, plus connue sous le nom de la révolution du 25 janvier. Localisée au centre du Caire, la Place Tahrir est devenue le symbole de cette série d'événements qui a façonné l'histoire de l’Égypte moderne. La place, avec ses tentes, ses bannières anti-Moubarak et ses drapeaux qui flottaient, incarnait l'esprit de cette révolution. La foule qui y était rassemblée réunissait aussi bien le séculaire libéral que le fauteur de troubles islamiste. Tout le monde était rassemblé sous le slogan: “Pain, liberté, justice sociale”.

Un aperçu du 25 janvier

Tout commença par de petits réseaux militants, qui créèrent les conditions d'une action massive contre le régime dictatorial d'Hosni Moubarak. Quand des appels furent lancés sur les médias sociaux, des milliers d’Égyptiens des quatre coins du pays y répondirent, défiant l'interdiction gouvernementale de manifester contre le président. C'était le début de la fin du régime tyrannique qui avait régné pendant 30 ans. 18 jours de sit-in réussirent à renverser les dirigeants du pays, le 11 février 2011.

Jamais, dans toute l'histoire égyptienne, n'avait régné un tel sentiment de liberté que celui qui a suivi le 11 février 2011. Toutefois, alors que la situation dégénérait, la révolte a commencé à prendre une autre trajectoire. Les factions politiques sont devenues de plus en plus désorientées, au fur et à mesure que la place Tahrir commençait à être envahie de demandes aux partisanes. Le temps avançait, et on observait des luttes de plus en plus acharnées pour accéder à l'hégémonie et au pouvoir. Une série de violences en résulta. En trois ans, le parti très organisé des islamistes, qui avait réussi à gagner les élections présidentielles et une majorité de sièges au parlement, fut dissout par le ministre de la Défense d'alors, Abdel Fattah Al-Sissi: en juillet 2013, l'islam politique n'existait plus dans l'échiquier politique égyptien.

Suite au renversement de Mohamed Morsi, président des Frères Musulmans, Le Caire s'est transformé en un champ de bataille entre le gouvernement, appuyé par Abdel Fattah al-Sissi, et les mouvements d'opposition. Abdel Fattah Al-Sissi avait promis d'apporter la sécurité, la stabilité et le confort, contre ce qu'il appelait le terrorisme. Mais ses détracteurs considèrent que son intention en s'en prenant aux Frères Musulmans était surtout d'éliminer toute forme de résistance.

Aujourd'hui, alors qu'arrive le 25 janvier, l'état resserre progressivement son étau autour des réseaux sociaux, craignant qu'ils ne continuent agiter l'opposition, comme ils l'ont fait depuis 2011. Les autorités égyptiennes auraient aussi récemment arrêté trois militants lors d'un raid dans leurs appartements du centre-ville du Caire, tous accusés d'avoir critiqué l'armée et le président du pays. Parmi eux figure Taher Mokhtar, un physicien connu pour ses positions anti-régime.

Dans leurs annonces, les officiels du ministère de l'intérieur affirment qu'ils sont en train de renforcer les mesures de sécurité en Égypte pour prévenir toute attaque potentielle. De nombreux militants très connus et anti-Sissi sont actuellement détenus sans que les accusations contre eux ne soient très claires, des événements culturels sont annulés, et la police mène régulièrement des inspections. La situation s'est empirée avec le nombre considérable de sentences de peine de mort qui ont été prononcées récemment. En réponse, une violente campagne de protestation visant le juge Nagi Shehata a fait trembler les réseaux sociaux, critiquant ses verdicts politisés et les condamnations à la peine de mort qu'il prononce à l'encontre d'opposants au régime sans avoir assez de preuves.

Sur son compte Facebook, le journaliste et militant des droits de l'homme Hossam Bahgat critique durement le juge Nagi Shehata:

C'est certain, Nagi Shehata n'est pas une exception. Les insultes qu'il a proférées à l'adresse des accusés et des avocats dans son tribunal, ainsi que ce qu'il a dit aux médias sur la “perte” du 25 janvier, sont des opinions très répandues chez ses confrères juges. Cependant, il a décidé de faire entendre brutalement et publiquement ses opinions, car il est sûr qu'il n'aura pas à en répondre devant la justice. En ce sens, il a perdu sa position “externe” qui lui donnait le droit de décider du destin des gens et même de leur vie ou de leur mort. Avec toutes ces fautes professionnelles, il aurait dû être exclu, au moins pour préserver l'illusion déchue d'un prestige et d'une hégémonie de la justice. Pour résumer : #StopNagiShehata, pour qu'il puisse inaugurer un nouveau bureau avec Mortada Mansour ou présenter un show télévisé. Car c'est ce qu'il mérite.

Parallèlement, des politiques égyptiens, des journalistes et des militants ont lancé un nouveau hashtag Twitter : “J'ai participé à la révolution de Janvier”. Le but était de contrer les actions violentes du gouvernement. Plus tard, une page Facebook du même nom a été lancée et a dépassé les 5 000 vues en 3 jours.

De son côté, l'animateur de télévision et militant populaire Bassem Youssef a changé hashtag #RememberThem [Rapellons-nous d'eux] en #IParticipatedIn25thOfJanuaryRevolution [J'ai participé à la révolution de janvier], pour parler des militants politiques emprisonnés. Il explique dans une série de tweets :

J'aimerais que le hashtag “J'ai participé à la révolution de janvier” ait un autre sens. Car aujourd'hui, il nous rappelle surtout ceux qui ont été injustement arrêtés à cause d'une révolution dont on est fiers – malgré ce qu'il arrive en ce moment.

Puis il tweete:

J'ai décidé que, dans les années à venir, j'utiliserai mon compte Twitter pour publier des histoires de prisonniers, que ce soit ceux qui sont arrêtés sans raisons et sans dossier, ou ceux qui ne sont pas là parce qu'on les a forcé à disparaitre, ou encore ceux qui sont font face à des accusations fantaisistes. Notre devoir, c'est de nous rappeler d'eux.

Et quand nous racontons de ces histoires, nous devrions remplacer le hashtag #RememberThem par #IParticipatedIn25thOfJanuaryRevolution, afin de mettre toute la lumière sur eux. Ce ne sont pas seulement des noms, mais des histoires.

Le journaliste Amro Ali utilise les deux hashtags pour honorer les martyrs de la révolution de janvier:

Ils ont participé à la révolution du 25 janvier. Mais l’Égypte doit se rappeler d'eux.

Puis il décrit les actions de la police comme relevant de la “démence”:

Démence: La police égyptienne a fouillé 5000 appartements, en vérifiant des comptes Facebook au hasard, juste avant l'anniversaire de la révolution.

Connus pour leur opposition au régime actuel, le mouvement de 6 avril a posté une chanson endeuillée:

Salutations aux âmes des martyrs. Ils se sont révoltés pour le pain, la liberté, la justice et la dignité. Donc, le régime les a tués.

Ahmad El Esseily, animateur dans une radio égyptienne et écrivain, tweete:

J'ai participé à la révolution de janvier non pour quelqu'un d'autre, non pour les pauvres, même pas pour l’Égypte, mais pour moi, parce que je voulais participer à la chose la plus honorable qui n'ait jamais eu lieu en Égypte.

La militante Ghada Shahbender ajoute:

J'ai aussi participé à la révolution de janvier, et j'en suis fière, parce qu'elle a renversé un dictateur corrompu qui pillait le pays et laissait le peuple dans l'ignorance. J'ai participé à la révolution de janvier et je n'en connais pas d'autres.

Le journaliste Ahmad Gamal s'exclame:

J'ai participé à la révolution de janvier, et ô combien cette “accusation” me parait merveilleuse !

La photo d'un torero dans l'arène avec son bébé sous le bras fâche les Espagnols

lundi 1 février 2016 à 11:26
La foto de la polémica. Publicada por eldiario.es con licencia (CC BY-SA 3.0)

La photo polémique de Fran Rivera toréant en portant sa fille. Publiée par eldiario.es sous licence CC BY-SA 3.0 license.

Le célèbre matador Fran Rivera vient d'agiter le chiffon rouge devant les médias sociaux en publiant sur son compte Instagram [Le compte est désormais privé] sa photo en train de toréer d'une main une génisse, sa fille de cinq mois dans l'autre bras.

La photo était accompagnée de ce commentaire :

Debut de Carmen, es la 5 generación que torea en nuestra familia. Mi abuelo toreo así con mi padre. Mi padre toreo así conmigo, y yo lo he hecho con mis hijas Cayetana y ahora con Carmen

Les débuts de Carmen : la 5ème génération qui torée dans notre famille. Mon grand-père a toréé ainsi avec mon père. Mon père a toréé ainsi avec moi, et je l'ai fait avec mes filles Cayetana et maintenant Carmen.

En quelques heures, la photo a reçu des millions de “j'aime” (près de 14 millions à la publication du présent article) et des milliers de commentaires illustrant l'animosité entre partisans et opposants de la tauromachie en Espagne.

Les “anti-taureaux” qui se sont pendant des années sentis réduits au silence par la protection que les courses de taureaux reçoivent des institutions officielles,  ont ainsi trouvé sur les réseaux sociaux une arène pour leur activisme contre ce qui est pour les uns un art et pour les autres, de la torture.

patry_yuma Desde luego los argumentos pro taurinos son rídiculos!! Criar a un ser vivo con todo lujo de detalles para desp torturarlos… reconocer que soys unos putos sádicos… ño que hay que oir… gracias a dios el mundo se esta concienciando y ojala deje de existir esta carniceria.

Evidemment que les arguments pour la tauromachie sont grotesques !! Elever un être vivant avec tout un luxe de soins pour ensuite le torturer… Reconnaissez que vous êtes des salauds sadiques… inutile que vous écoutiez… dieu merci le monde prend conscience et on peut espérer que ce carnage cessera d'exister.

Alexvam76  Al que no le gusten los toros que respete los gustos de los demás. Es una foto de un padre con su hija .Mostrandole sus raíces.

Ceux qui n'aiment pas les taureaux, respectez les goûts des autres. C'est une photo d'un père avec sa fille. Qui lui montre ses racines.

amparo_lopez_24 Ole tu f.r.paquirri y a los k no les gusta k luchen mas por detener el ambre en el mundo y dejen de meterse en algo k lleva toda la vida siendo una cultura española

Ole, Francisco Rivera Paquirri ! Et que ceux à qui ça déplaît luttent plutôt contre la faim dans le monde au lieu de se mêler de quelque chose qui est depuis toujours dans la culture espagnole.

niceguy_rob87 Pauvre imbécile. Tu risques la ville de ta fille avec un animal qui n'est pas domestiqué !!! Tu ne mérites pas d'avoir des enfants !

Le tollé a rapidement gagné Twitter, où “Fran Rivera” a été en tête de tendance le 25 janvier. Les tweets ont été, comme de coutume, chargés de sarcasmes :

Tu n'a pas honte. Respecter la tradition du zig qui torture une bête à cornes, son bébé dans les bras. Ça suffit, mec !

J'aimerais avoir un bébé pour pour le faire crucifier. — Mon Dieu

M. Rivera, Carmen peut sortir jouer ?

Le sujet a même traversé les frontières, comme le montre ce tweet de l'acteur britannique défenseur du bien-être animal Ricky Gervais:

Taré, dangereux et cruel. Avec ou sans bébé.

A l'inverse, les confrères toreros de Rivera on pris sa défense en publiant des photos d'eux-mêmes toréant avec des enfants dans les bras, comme sur le tweet de Paula Zorita ci-dessous :

Que savent les anti des racines culturelles et des valeurs ! Moi, ces photos m'enchantent… #OuiAuxEnfantsDansLesArènes

Grâce à ces tweets, beaucoup d'internautes ont eu la surprise de découvrir une pratique apparemment courante parmi les toreros, qui leur fait mettre en ligne des images terrifiantes, comme celle publié par le torero retraité Antonio Martin :

Mon fils aussi se régalait dans mes bras en train de toréer, vive la tauromachie

L'utilisateur BorisVian a laissé le commentaire suivant à l'intention de Rivera sur eldiario.es:

Tu tontería, te ha puesto a ti y a los compañeros en el punto de mira del mundo entero (siendo noticia y no de las buenas en varios diarios punteros internacionales). Creo que todavía no sabes hasta donde has metido la pata.

Ta bêtise a fait de toi et tes camarades le point de mire du monde entier (en faisnt l'actualité et pas la bonne dans divers journaux internationaux leaders). Je pense que tu ne sais toujours pas à quel point tu as foiré.

Et certes, l'information est parue dans la presse du monde entier, qui a largement flétri l'irresponsabilité du matador.

Susana Parra Becerril a cependant défendu Rivera :

A mi me encantan los toros y la Fiesta. Lo que pasa es que en España, en vez de sentirnos orgullos de nosotros y de nuestras costumbres, somos unos acomplejados que nos parece mejor todo lo de fuera. No son más irresponsables los padres que beben y se ponen al volante? Y las armas en EEUU? O la violencia machista?

J'adore les taureaux et la Fiesta. Ce qui se passe, c'est qu'en Espagne, au lieu de nous sentir fiers de nous et de nos coutumes, nous avons un complexe d'infériorité vis-à-vis de tout ce qui vient de l'extérieur. Les parents qui boivent et prennent le volant ne sont-ils pas plus irresponsables ? Et les armes aux USA ? Ou la violence machiste ?

Virgilio27 compare Espagne et taureaux sur eldiario.es:

(…) El problema es que los toros huelen a España y eso a los antiEspañoles les jode. Una sociedad cada vez más hipócrita y falsa donde la gente se acojone por ver un animal ensangrentado es una sociedad enferma que no sabe lo que es la vida ni el valor de esta. Poner a los animales a la altura del ser humano es cuanto menos de ignorantes.

(…) Le problème est que les taureaux sentent l'Espagne et ça emmerde les anti-Espagne. Une société toujours plus hypocrite et fausse où les gens ont les boules en voyant saigner un animal est une société malade qui ne sait pas ce qu'est la vie ni la valeur de celle-ci. Mettre les animaux à la hauteur de l'être humain est pour le moins de l'ignorance.

Le Défenseur des mineurs de l'Andalousie a porté les faits à la connaissance du procureur de Séville — où vit le matador — lui demandant de considérer que la photo reflète “une situation de risque gratuit pour une petite fille”.

Le parquet a ouvert un dossier “en protection de mineurs”, tandis que le ministre de la Santé, des services sociaux et de l'égalité Alfonso Alonso a invité le torero à réfléchir” arguant qu'il “est inadéquat, en toutes circonstances, de mettre en danger des mineurs”.

Pour autant M. Alonso n'a pas estimé nécessaire de sanctionner M. Rivera.

Le Parti Populaire au gouvernement, auquel appartient le ministre Alonso, tient le cap d'une défense tenace de la tauromachie, une activité déclarée “bien culturel” en 2013, ce qui lui a permis l'accès à davantage de subventions dans une législature caractérisée par l'austérité et les coupes budgétaires, bien que selon les sondages moins d'un Espagnol sur cinq approuve le financement public des festivités taurines.

Il faut noter que Fran Rivera est un torero parfaitement conscient du danger des taureaux de combat, puisqu'il s'est lui-même fait gravement encorner dans l'exercice de sa profession. Enfant, Rivera a perdu son père, le célèbre torero Paquirri, mort en septembre 1984 après avoir été encorné par un taureau.