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Djibouti : derrière la vitrine internationale, pauvreté et répression à 12 mois des élections

jeudi 18 juin 2015 à 17:58
Marché, centre de Djibouti - Photo de Baronnet CC BY 20

Marché, centre de Djibouti – Photo de Baronnet CC BY 20

Djibouti est un pays stratégiquement placé dans le contexte géo-politique mondial actuel. Le petit Etat d'Afrique de l'Est est avec l'Erythrée, au nord, et le Yémen, en face, un point de passage obligé entre la mer Morte et le Golfe d'Aden, soit la route vers le canal de Suez. Tandis que d'un point de vue géopolitique, le pays, à quelques kilomètres du Moyen-Orient, constitue un allié et une base-arrière essentiels pour des puissances comme la France, les Etats-Unis et, demain, la Chine. De quoi protéger son président Ismaël Omar Guelleh, connu pour sa pratique pour le moins autoritaire du pouvoir ? Jusqu'à présent, oui.

Djibouti aux côtés des Occidentaux contre le terrorisme

A Djibouti, Français et Américains sont présents. Ils y disposent de bases militaires, stratégiques pour leur action au Moyen-Orient, en Afrique de l'Est et dans l'océan indien. Qu'il s'agisse des opérations anti-piraterie au large de la Somalie ou de la lutte contre le terrorisme islamique, difficile de faire l'impasse sur ce pays tant les alternatives sont peu nombreuses, voire inexistantes.

Dans ce contexte, les remerciements appuyés de Washington à Djibouti en mai dernier n'ont rien d'étonnant. Comme l'a en effet relaté le site d'information suisse Romandie, le secrétaire d'Etat américain John Kerry y a effectué une visite officielle pour remercier le gouvernement d'avoir accueilli plusieurs centaines de ses concitoyens contraints de fuir le Yémen et la Somalie.

De fait, Djibouti a considérablement accru sa participation à la lutte contre l'extrémisme religieux dans la région et ne cesse de se placer en allié pour les puissances occidentales. Le pays fait partie d'une coalition militaire et humanitaire qui, sous l'égide de l'Union africaine et avec le soutien des Etats-Unis, combat les islamistes Shebab somaliens, proches d'Al-Qaïda.

Profitable aux pays occidentaux, la stratégie menée par Ismaël Omar Guelleh, président de Djibouti en poste depuis 1999 et qui vise un 4e mandat consécutif lors de la prochaine élection présidentielle prévue pour 2016, n'est certainement pas désintéressée. Grand artisan de l'indépendance de son pays vis-à-vis de la France, finalement obtenue en 1977, IOG s'est efforcé depuis d'entretenir de bonnes relations avec ses partenaires européens et américains pour asseoir son pouvoir, qu'une frange de plus en plus importante de la société djiboutienne lui conteste.

Répression, exactions et confiscation du pouvoir

Connu pour son exercice autoritaire du pouvoir, Ismaël Omar Guelleh n'est en effet pas parvenu à sortir son pays de la pauvreté ou à améliorer le développement humain de la population, et ce en dépit d'une croissance soutenue – 5 % – depuis plusieurs années. Pire, le président djiboutien a généralisé le recours à la violence et la répression, notamment à l'encontre du Front pour la restauration de l'unité et de la démocratie, un mouvement d'opposition qui a le vent en poupe dans le nord du pays.

Un bilan fort peu flatteur de plus en plus critiqué en interne, mais rarement évoqué à l'étranger. Les soupçons d'implication du président Guelleh dans l'affaire de l'assassinat du juge français Bernard Borrel à Djibouti en 1995 ont à peine rafraîchi les relations avec Paris.

A l'époque, Ismaël Omar Guelleh était chef de cabinet du président Aptidon et est encore aujourd'hui fortement suspecté d'avoir été le ou l'un des commanditaires de ce meurtre d'un magistrat dont le travail était vu d'un mauvais oeil par le pouvoir djiboutien. En 2007, la juge d'instruction Sophie Clément, chargée de l'affaire, avait souhaité auditionner Ismaël Omar Guelleh en marge du sommet France-Afrique qui se déroulait à Cannes, mais son immunité lui avait permis de s'y soustraire.

A un an de la prochaine élection présidentielle djiboutienne, le président sortant semble donc conserver la même posture que celle qui lui a apporté le succès au cours des seize dernières années. Ménager ses alliés étrangers et participer activement à la défense de leurs intérêts dans une région extrêmement sensible pour mieux occuper le pouvoir d'une main de fer.

Le récent rapprochement entre Djibouti et la Chine illustre parfaitement ce phénomène. Dans une optique tant commerciale que militaire, Pékin cherche en effet à renforcer sa présence dans cette partie du monde. Une volonté qui, à l'heure où la France tendrait plutôt à se désengager de Djibouti, aurait tout d'une aubaine pour Ismaël Omar Guelleh.

La Chine finance d'ores et déjà le colossal projet de ligne ferroviaire entre Djibouti et l'Ethiopie, aussi coûteuse qu'indispensable au développement de la région, et s'active actuellement pour devenir une puissance navale, présente sur tous les océans. En échange de bases militaires gratuites, le gouvernement chinois deviendrait l'un des plus grands pourvoyeurs d'aide économique du pays. La belle affaire ! Faute de redistribution efficace des richesses, le peuple n'en profiterait pas. En 2010, Djibouti était ainsi classé 147ème pays sur 169 sur le plan du développement humain.

Cette femme kirghize qui a adopté 150 enfants pendant le siège de Leningrad

mercredi 17 juin 2015 à 22:04
Three men bury the dead during the Siege of Leningrad in 1942 at the Volkovo cemetery. Boris Kudoyarov, RIA. Licensed to reuse.

Trois hommes enterrent les morts lors du siège de Leningrad en 1942, au cimetière Volkovo. Boris Kudoyarov, RIA. Image autorisée à être reproduite.

« Une légende » : voilà comment les médias kirghizes et russes font référence à Toktogon Altybasarova, 91 ans, qui a protégé 150 enfants évacués de Leningrad au cours des deux ans et demi qu’a duré le blocus durant la Seconde Guerre mondiale. Un blocus qui a coûté jusqu’à un million de vies.

En 1942, alors que l’Allemagne nazie bombardait la seconde ville de Russie, aujourd’hui nommée Saint-Pétersbourg, Altybasarova, alors âgée de 16 ans, décédée la semaine dernière, le 11 juin, a épargné la faim aux évacués. Elle les a également hébergés dans un dortoir pour le personnel ouvrier de la région, dans son village isolé de Kurmenty, au nord-est du Kirghizistan.

Elle venait d’être élue chef de son village à ce moment.

Photo taken from Wikipedia

Photo prise sur Wikipedia

Altybasarova a déterminé l’âge des enfants et leur a choisi des prénoms. En supervisant une équipe d’aidants, elle a veillé sur ces enfants jusqu’à ce qu’ils deviennent adultes et partent travailler et étudier dans différentes régions de l’Union soviétique.

Selon le radiodiffuseur d’État du Kirghizistan, Altybasarova a gardé précieusement, jusqu’à sa mort, les lettres de ses enfants adoptés.

Le président du Kirghizistan, Almazbek Atambayev, a dit dans un message vidéo :

Токтогон Алтыбасарова во время Великой Отечественной войны стала матерью 150 детям из блокадного города Ленинграда. В свои 16 лет, окружив детей заботой и вниманием, сумев им передать ощущение близости и теплоты, Токтогон-апа заменила им родную мать.

Pendant la Grande guerre patriotique [1941-1945], Toktogon Altybasarova est devenue une mère pour 150 enfants provenant de la ville assiégée de Leningrad. À 16 ans, Toktogon a assumé le rôle de mère pour ces enfants en leur offrant des soins, de l’attention et un sentiment de proximité et de chaleur humaine.

Altybasarova a elle-même eu huit enfants, 23 petits-enfants et 13 arrière-petits-enfants. Le Cabinet du président a alloué 100 000 soms kirghizes (1700 $ US) afin de couvrir les frais funéraires.

Dans un article paru sur le site Web d’actualités kirghize, Vecherni Bishkek, les lecteurs célébraient la longue vie d’Altybasarova :

Вот настоящий пример человеческого отношения к людям!

Надеюсь, что она воспитала своих детей именно такими, какой она была сама. Настоящими!

Voilà un exemple de véritable humanité. J’espère qu’elle a élevé ses enfants comme elle l’a été elle-même, en tant qu’être humain!

Une personne affirmant être la fille de Altybasarova a remercié les gens pour leurs souhaits :

Всем ,  выразившим  соболезнования моей маме  – Алтыбасаровой Токтогон , большое спасибо !  Спасибо за поддержку и за ваши добрые слова !!!! Спасибо детям из блокадного Ленинграда за добрую память !!!

À tous ceux qui offrent leurs condoléances, mille mercis! Merci pour votre soutien et vos mots aimables!!! Merci aux enfants de Leningrad pour les beaux souvenirs!!!

Taïwan : Un espoir de sortir du nucléaire

mercredi 17 juin 2015 à 20:01
An anti-nuclear demonstration in April 2011. The card on the boy said 'I love Taiwan, and I do not want nuclear incident. This Photo is taken by coolloud.org. CC BY-NC 2.0.

Une manifestation antinucléaire en avril 2011. On peut lire sur l'affiche que porte le garçon  ” J'aime Taïwan et je ne veux pas de catastrophes nucléaires”. Photo de coolloud.org. CC BY-NC 2.0.

Pendant la première semaine qui a suivi l'accident nucléaire de Fukushima  en mars 2011, les stocks de riz et de nouilles ont été épuisés dans le supermarché le plus proche de mon logement dans la région de Tokyo, à environ 200 km de l'endroit de la catastrophe. Cette semaine là, ce ne sont pas seulement les habitants de Tokyo, mais une bonne partie du monde qui a été prise de panique face au risque de contamination par les radiations.

Aujourd'hui en 2015 nous sommes encore préoccupés par le déversement en mer de l'eau radioactive de la centrale nucléaire de Fukushima. Les produits agricoles provenant de plusieurs préfectures du Japon sont toujours interdits d'importation dans de nombreux pays dont la Corée et Taïwan, en dépit de négociations bilatérales entre gouvernements. Par ailleurs, malgré le souhait du gouvernement japonais d'en redémarrer certaines, toutes les centrales nucléaires aujourd'hui au Japon demeurent à l'arrêt.

L'accident nucléaire de Fukushima a sonné le glas pour l'énergie nucléaire non seulement au Japon mais aussi à Taïwan qui est également située sur ce que l'on appelle la ceinture de feu du Pacifique. Il y a trois centrales nucléaires en activité à Taïwan, deux d'entre elles sont très proches de la capitale Taipei. Compte tenu du fait que la première et la deuxième centrale nucléaire devraient être définitivement arrêtées d'ici six ans, une quatrième centrale est en construction pour remplacer ces deux premières. Néanmoins après une manifestation massive en avril 2014, la construction de la quatrième centrale a été arrêtée, il est prévu de mettre le chantier en sommeil pour trois ans dès le 1er juillet 2015. D'autre part, du fait de problèmes de sécurité et de gestion des déchets nucléaires, on envisage de déclasser la première et la seconde centrales à la date prévue ou même plus tôt.

“Pas de nucléaire chez nous”, le slogan le plus populaire lors des rassemblements anti-nucléaires à Taïwan, est devenu un élément de consensus social et politique.

Les leaders des deux principaux partis politiques, le Kuomintang et le Parti Progressiste Démocrate, ont tous les deux exprimé leur accord pour un abandon de l'énergie nucléaire et la mise en place d'une stratégie de développement des énergies alternatives. Néanmoins le gouvernement actuel présidé par Ma Ying-Jeou ( qui doit quitter le pouvoir en 2016)  considère toujours l'objectif du “Pas de nucléaire chez nous” comme un obstacle à la croissance économique du pays.

Face a l'inertie de M. Ma en ce qui concerne l'énergie nucléaire, la société civile est en train d'explorer plusieurs voies menant à un Taïwan libéré de l'énergie nucléaire. Son espoir est de développer des sources alternatives d'énergie pour remplacer l'énergie nucléaire et d'exporter ensuite cette technologie dans le monde pour doper la croissance économique.  Les trois centrales nucléaires de Taïwan ne produisent que 10 à 20%  de l'électricité du pays. La perspective de panneaux solaires bon marché combinés à de puissantes batteries de stockage d'énergie est une source d'espoir car Taïwan est un producteur important de cellules solaires. L'énergie géothermique est aussi une promesse d'avenir, le professeur Kao Cheng-Yen, un vétéran anti-nucléaire, a récemment créé une compagnie de production d'électricité géothermique,  et Eric Chu, le maire de New Taipei City, projette de construire une centrale géothermique dans sa ville  en partenariat avec l'institut de recherche technologique.

Un autre versant de cette stratégie pour Taiwan est une utilisation plus efficace de l'énergie. En Corée du Sud, touchée par son propre scandale nucléaire, le maire de Séoul, la capitale, a fait l'annonce d'une politique énergétique équivalente à une centrale nucléaire en moins. Outre une production électrique provenant de sources d'énergie renouvelable, il met également l'accent sur un usage plus efficace et une économie énergétique. Comme cela est plus facile à dire qu'à faire les groupes de citoyens antin-nucléaires de Taïwan cherchent à s'informer sur l'expérience en cours de la Corée du Sud.

An anti-nuclear demonstration in April 2014. The police used water canons to evict protesters. This Photo is taken by coolloud.org. CC BY-NC 2.0.

Une manifestation anti-nucléaire en avril 2014.  La police utilise des canons à eau pour chasser les protestataires de cette zone. Photo de coolloud.org. CC BY-NC 2.0.

Après la catastrophe de Fukushima, j'ai assisté à plusieurs manifestations anti-nucléaires à la fois à Tokyo et Taipei. Ce que j'ai observé à cette occasion me surprend toujours : les gouvernements ne savent pas ouvrir des discussions avec les manifestants mais utilisent leur énergie pour les faire taire. En avril 2014 à Taipei la police a commencé par faire évacuer la zone en braquant des canons à eau sur nous, les manifestants, qui n'étions que des citoyens ordinaires exigeant que le gouvernement reconsidère sa politique nucléaire. Et pourtant le pouvoir a fermé les yeux sur le mode d'action de sa police.

A l'encontre des aspirations du peuple taïwanais à l'abandon du nucléaire, le gouvernement du président Ma est en train de chercher les moyens d'augmenter la durée de vie de la première et de la seconde centrale nucléaires. Pour résoudre le problème d'insuffisance d'espace pour stocker les déchets nucléaires, ils proposent d'envoyer outre-mer pour retraitement 1200 barres de combustible nucléaire usagé et hautement radioactif. Cette proposition, suspendue par le Parlement en mars, est coûteuse et inefficace car le combustible retraité sera finalement renvoyé à Taïwan.

En outre, plusieurs experts du comité international sur les matériaux radioactifs fissiles sont inquiets au sujet de ces procédés de retraitement qui pourraient avoir un impact sur la prolifération des armes nucléaires. Il suffit de savoir qu'environ 2 tonnes de plutonium (quelques dizaines de kilos suffisent pour faire une bombe  dévastatrice ) seront produits par le retraitement des barres de combustible utilisé à Taïwan. Cette impasse sur le stockage des déchets nucléaires ne disparaîtra pas si l'administration du président Ma et la “Taiwan Power Company” qui gère la production électrique sur l'île  n'essaient pas une approche plus souple et plus pratique en commençant à discuter avec les groupes de citoyens opposés au nucléaire.

Le chemin vers un pays débarrassé du nucléaire n'est jamais facile, il faut des décennies pour commencer à voir le fruit de ses efforts. Puisqu'une nouvelle génération d'hommes politiques à Taïwan est disposée à discuter avec les citoyens opposés au nucléaire, il serait bénéfique pour la société entière que débute le plus rapidement possible un débat réel entre le gouvernement et les groupes de la société civile.

(L'auteur remercie Tan Uichi, étudiant diplômé en sciences sociales à l'Université Hitotsubashi (une des plus grandes universités de Tokyo) qui lui a  fourni des informations et des commentaires précieux pour la réalisation de cet article.)

L'Afrique célèbre l'arrivée de la scientifique Ameenah Gurib-Fakim à la présidence de l'Ile Maurice

mercredi 17 juin 2015 à 19:11
Prof. Ameena Gurib-Fakim, nouvelle Présidente de l'ile Maurice. Source: zilmoris.mondoblog.org

 Ameena Gurib-Fakim, scientifique et nouvelle Présidente de l'ile Maurice. Source: zilmoris.mondoblog.org

En élisant un femme à la présidence, l'Ile Maurice marque d'une pierre blanche une belle étape de son histoire.

En effet, suite à la démission, le 29 mai dernier, de Kailash Purryag de la présidence, Ameenah Gurib-Fakim a été élue à l'unanimité par l'Assemblée nationale mauricienne, le 5 juin pour le remplacer. Jusqu'à présent cette éminente personnalité était connue pour ses travaux scientifiques.

En effet, la professeur Gurib-Fakim a publié plus de 28 livres qui sont vendus dans le monde entier et sont utilisés comme référence pour les étudiants et les chercheurs. Elle est Docteur Honoris Causa de l'Université Pierre et Marie Curie, anciennement connue comme Université de la Sorbonne. Elle est professeur honoraire de l'Université d'Afrique du Sud (UNISA) à Pretoria. Elle elle est aussi lauréate du prix l'Oréal-UNESCO ainsi que d'autres distinctions honorifiques dont celui de l'Ordre du “Chevalier de l'Ordre des Palmes Académiques” par le gouvernement français.

L'accession d'une femme à un poste de ce niveau a soulevé l'enthousiasme de la blogosphère africaine.

Carolejeune Mauricienne blogueuse sur les médias, sur la musique et la sociolinguistique, écrit, pleine d'enthousiasme, sur la particularité de cette scientifique apolitique promue à la présidence de l'Ile Maurice :

Chers amis de Mondoblog et d’ailleurs, ce vendredi 5 juin 2015 marque un jour historique dans le parcours de mon pays… En effet, la première femme à assumer les fonctions de président de la République de l’Ile Maurice sera intronisée cet après-midi. Elle se nomme Ameenah Gurib-Fakim.

Contrairement aux présidentes Dilma Roussef, Park Geun-hye, Ellen Johnson Sirleaf ou encore Cristina Kirchner, Ameena Gurib-Fakim n’a pas de carrière en politique. La présidente mauricienne est une brillante scientifique auréolée de nombreux prix et distinctions internationaux…

Ahhh, les subtilités ethniques, on y revient. Cette nomination, car les présidents de la République de Maurice ne sont pas élus au suffrage universel, revêt plusieurs aspects. Je laisserai le soin aux journalistes d’analyser les stratégies ethnopolitiques derrière cette nomination. Ne soyons pas dupes, en cette période de campagne électorale, il y a de bonnes raisons.

Ameenah Gurib-Fakim dans son laboratoire  Centre technique de coopération agricole et rurale - Domaine public

Ameenah Gurib-Fakim dans son laboratoire
Centre technique de coopération agricole et rurale – Domaine public

A cette expression de satisfaction ont fait écho quelques uns de ses lecteurs, dont Seydou Koné, du Mali:

beaucoup de chance à elle et à votre pays. un autre pas vers l’égalité du genre.bravo au peuple mauricien

Eli du Togo s'associe à ces félicitations et pose une question sur le système politique à Maurice:

Bon à savoir. Il s’agit d’une embellie qui devrait inspirer d’autres en Afrique et dans le monde. Par qui est nommé le président? Bon vent à elle.

Carole explique la procèdure comme suit:

Merci Eli! Elle a été nommée par le Premier ministre, et élue par les membres du Parlement mauricien. Et oui, c’est une bonne chose qui rejaillit sur le continent africain et autre. Ceci devrait certainement inspirer d’autres pays

La communauté ivoiro-allemande sur Monsaphir TV, lutte pour la promotion  des droits de la femme et  commente la nouvelle en ces termes:

Sa nomination n'était pas une surprise, mais Ameenah Gurib-Fakim pensait avoir un peu plus de temps devant elle avant d'entrer en fonction. En décembre 2014, le gouvernement avait promis de mener pour la première fois une femme au poste honorifique de président de la République de Maurice. Le nom d'Ameenah Gurib-Fakim, scientifique de renom, avait alors fait consensus….

Ameenah Garib-Fakima, 56 ans, a la carrure d'une pionnière. Ce n'est en effet pas la première fois que la scientifique se fait une place dans un environnement très masculin. Première femme professeur d'université de Maurice, elle fût également la première doyenne de la faculté des sciences, entre 2004 et 2010.

Le blog intitulé “De l'Ile Maurice” sur medipart  se demande quel impact cette nomination va avoir sur la région :

Une belle avancée pour la démocratie à l’Ile Maurice. Chercheuse de renomée mondiale, (voir ses conférences TED en bas), la Présidente de l’Ile Maurice, va-t-elle insuffler un nouveau souffle sur Mauritius ? Ancienne vice chancelière de l’université de Maurice, Madame Gurib-Fakim passe de la science à la politique. Issue de la minorité musulmane, Madame Gurib-Fakim respectée et scientifique de renom va maintenant gérer le pays.

Préoccupé par le sort des prisonniers, particulièrement des victimes d'erreur judiciaire, Ismael Nazir sur lemauricien.com,  regrette que la nouvelle présidente n'ait pas pensé aux prisonniers:

PHOTOS : Le patrimoine historique du Yémen, autre victime de la guerre

mercredi 17 juin 2015 à 10:31
 A captivating view of Old Sana'a by photographer Ameen Alghabri

La vieille ville de Sanaa, par le photographe Ameen Alghabri

Le Yémen, un des plus anciens centres de civilisation du monde arabe, et aussi le pays arabe le plus pauvre, est pilonné depuis près de trois mois par les frappes aériennes menées par son riche voisin l'Arabie Saoudite. L'opération a débuté après que les rebelles Houthis se sont emparés de la capitale Sana'a, ce qui a provoqué la fuite à Aden du Président Abdu Rabu Mansour Hadi, avant qu'il cherche refuge dans la capitale saoudienne Riyad.

Il y a eu plus de 2.500 morts et 11.000 blessés depuis le premier jour de la guerre le 25 mars. Un million de personnes sont des déplacés internes au Yémen et 21,1 millions — 80 % de la population — ont besoin d'aide humanitaire, selon le le dernier rapport du bureau de l'ONU pour la Coordination des Affaires Humanitaires (UNOCHA en anglais). Pourtant les habitants ne sont pas les seules victimes de cette guerre. Le patrimoine historique du Yémen souffre aussi.

Le 9 mai, les bombardiers saoudiens ont aussi visé la Mosquée de l'Imam al-Hadi dans la ville de Saada, bastion des Houthistes. Cette mosquée, édifiée il y a 1.200 ans, est la troisième plus ancienne du Yémen.

Les raids saoudiens visent la mosquée historique de l'Imam Al-Hiadi à Saada. Vidéo de la télévision houthie Almasirah.

Photo de la mosquée Al-Hadi de Sanaa frappée aujourd'hui par les raids aériens saoudiens, 4 morts et 10 blessés.

Jamila Hanan, une militante humanitaire, a partagé des photographes de la belle et antique mosquée dans son tweet :

Je lis à propos de la belle mosquée Al-Hadi à Saada Yémen construite au 9ème siècle. Je n'arrive pas à croire qu'elle a été bombardée.

Le 11 mai, c'est la vieille ville de Sana’a, capitale du Yémen et une des plus anciennes villes habitées au monde, qui était massivement bombardée de nuit, avec de graves dommages à de nombreux bâtiments historiques. D'autres zones endommagées par les frappes aériennes sont la vieille ville de Saada et le site archéologique de la cité pré-islamique fortifiée de Baraqish, ce qui a amené la Directrice Générale de l'UNESCO à publier une déclaration appelant les parties à protéger le patrimoine culturel du Yémen. Mme Irina Bokova écrit :

Je suis particulièrement préoccupée par les informations concernant les frappes aériennes qui ont visé des zones très densément peuplées comme les villes de Sana’a et de Saada. En plus des souffrances humaines qu’elles provoquent, ces attaques détruisent le patrimoine culturel unique du Yémen, qui est dépositaire de l’identité, de l’histoire et de la mémoire de la population et représente un témoignage exceptionnel des réalisations de la civilisation islamique […] J’appelle toutes les parties à faire en sorte que les sites et les édifices du patrimoine culturel ne soient pas pris pour cibles, conformément à leurs obligations en vertu des traités internationaux […]

Le 24 mai, deux raids aériens saoudiens ont visé l'ancienne citadelle d'Al-Sharif dans la ville de Bajel, dans la province de Hodeida.

Le patrimoine yéménite sous les bombes saoudiennes Photos de la citadelle d'Al-Sharif, Bajel, Hodeida. Le Yémen de l'ouest frappé 3 fois par les Saoudiens

Le 4 juin, Dar-al-Hajjar (le Palais du Rocher), perché sur un piton dans le Wadi Dhar, au nord de Sana'a, et construit par l'Imam Mansur en 1786, aurait été visé par les frappes aériennes saoudiennes.

Dar al-Ahajer touché aujourd'hui par l'aviation de l'Arabie Saoudite. Le patrimoine et l'histoire du pays aussi sous le feu saoudien.

Le 25 mai, le Musée régional de Dhamar, qui abritait des milliers d'objets de la civilisation Himyarite, a été totalement détruit par les bombardements saoudiens.

Le musée de Dhamar, contenant plus de 10.000 objets de la civilisation Himyarite, et le site voisin de Zafar, détruits par les missiles saoudiens

Le musée de Dhamar avant et après les récentes frappes aériennes de la coalition sous direction saoudienne

Et le 1er juin, le barrage de Marib, décrit comme “l'une des plus imposantes merveilles d'ingéniérie de l'antiquité” et parmi les plus importants sites antiques du Yémen, remontant à la reine de Saba, était endommagé par les frappes aériennes saoudiennes, qui ont touché son canal du nord, le mieux préservé. Le barrage originel a été édifié au 8ème siècle avant J.-C., dans la ville de Marib autrefois capitale du royaume de Saba.

La ‘merveille d'ingéniérie’ de la ville de la Reine de Saba endommagée lors d'un raid aérien

Le journal Yemen Post a partagé une photo avant-après du grand barrage :

AVANT et APRÈS… photo du site touristique historique au Yémen du “Barrage de Marib” atteint par un raid aérien saoudien.

Le 5 juin, c'était au tour du magnifique château d'Al-Qahera (Le Caire) surplombant la ville de Taïz d'être détruit par un raid aérien saoudien. Les forces houthistes et du président déchu Ali Abdullah Saleh l'auraient utilisé comme position militaire d'où pilonner leurs adversaires dans la ville.

Le journal Yemen Post a tweeté des photos du château bombardé et des photos avant-après montrant les dommages.

Le château d'AlQahera DÉTRUIT : un des PREMIERS sites historiques et inscrit au patrimoine de l'UNESCO, touché par les frappes aériennes saoudiennes

AVANT & APRES LE RAID : le château historique d'AlQahera vieux de 800 ans à Taïz n'est plus, grâce à 2 missiles saoudiens

La destruction de tous ces sites du patrimoine yéménite par les raids aériens saoudiens dans tout le Yémen semblait passer inaperçue, jusqu'à ce que, le 12 juin au matin, un missile saoudien explose dans le quartier Qassimi du Vieux Sana'a, inscrit au Patrimoine Mondial de l'UNESCO pour ses 9.000 maisons en brique crue, dont certaines construites avant le 11ème siècle. Le monde a été scandalisé en apprenant la destruction de ce patrimoine vieux de 3.000 ans par les bombes saoudiennes, mais pour la plupart des Yéménites, le chagrin est immense.

Une vidéo mise en ligne par l’UNESCO donne un aperçu du vieux Sanaa :

Commentaires du photographe Alex Potter :

“Souviens-toi que tu es né poussière et que tu redeviendras poussière”

Le reportage de CNN cette nuit sur la destruction de la Vieille Ville de Sanaa

La Directrice générale de l'UNESCO a une nouvelle fois condamné et déploré le raid sur la Sana'a ancienne. Dans une déclaration elle a écrit :

J’appelle une nouvelle fois toutes les parties à respecter et protéger le patrimoine culturel au Yémen. Ce patrimoine porte en lui l’âme du peuple yéménite. C’est un symbole de son histoire millénaire en matière de connaissance, qui appartient à l’humanité tout entière.

Ahmed Al-Sayaghi a partagé des photos du quartier de Qassemi dans le Vieux Sana'a avant et après la frappe du missile, montrant les maisons détruites.

LA VIEILLE VILLE DE SANAA avant & après les frappes aériennes

Abubakr Al-Samahi exprime éloquemment le sentiment de nombreux Yémenites dans son article sur al-Araby al-Jadeed :

Nous avons pris l'habitude de voir la destruction du Yémen.
Pourtant, quand ce qui est détruit, ce sont les bâtiments que vous vous rappelez, les rues où vous marchiez, les vues que vous aimiez, la pilule est plus amère…Certes, les milliers de vies disparues dans la guerre au Yémen comptent plus. Mais, comme de nombreux autres Yéménites, je ressens une profonde douleur en voyant la destruction de notre patrimoine, de lieux que nous voulons partager avec le monde.

Nos ancêtres ont mis des centaines, sinon des milliers d'années pour construire nos villes dans les sables et nos palais dans les montagnes. Il suffit d'un instant pour qu'ils soient détruits.

Ali Almurtada use d'une comparaison pour analyser la douleur des Yéménites.

Si vous avez du mal à comprendre ce que le Vieux Sanaa représente pour les Yéménites, imaginez les pyramides d'Egypte détruites.

Le Yémen est peut-être un pays économiquement pauvre, mais il est culturellement très riche par son patrimoine et son histoire, source de fierté pour les Yéménites qui souffrent d'assister à sa destruction. L’ “Opération Restaurer l'Espoir” de l'Arabie Saoudite semble s'être convertie en “Opération Détruire l'Histoire”. Aujourd'hui, les Yéménites pleurent êtres humains et pierres, vies présentes et histoire, que détruisent dans cette guerre toutes les parties, forces de l'ex-président Saleh avec les Houthistes, et surtout la coalition menée par l'Arabie Saoudite.