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Cet « évangéliste culturel » nigérian promeut les langues africaines avec des applications mobiles

jeudi 2 février 2017 à 09:58

Capture d'écran d'Oluronbi, application de contes.

Adebayo Adegbembo aime parfois se décrire comme un « évangéliste de la culture ». Cette expression est une description appropriée de son travail qui combine la technologie, l'enseignement et une passion pour la promotion des langues et cultures africaines sur internet.

Photographie : Adebayo Adegbembo (utilisé avec autorisation).

Adebayo vit à Lagos, au Nigéria. Sa langue maternelle est le yoruba, parlé par environ trente millions de locuteurs. Il a commencé à s'intéresser à cette approche de l'enseignement des langues il y a quatre ans et a décidé d'explorer l'utilisation de la technologie pour encourager sa nièce et les enfants du voisinage à apprendre la langue. En tant que fondateur de Genii Games, son équipe développe des applications d'apprentissage de langues et des vidéos d'animation en yoruba et en d'autres langues nigérianes et africaines. Selon Adebayo, cette technologie est maintenant un outil optimal pour rendre l'apprentissage d'une langue « sympa, attractif et engageant » :

Technology offers the best form of creative approach to preserving native languages. It aids the process of documentation, collaboration between language experts, offers a wide array of distribution medium etc. With technology, it's easier to contextualize the languages to reach different audience categorized by age and level of understanding of the languages.

La technologie offre l'approche la plus créative de préservation des langues maternelles. Elle vient en aide au processus de documentation et de collaboration entre les experts, et offre une vaste palette de moyens de distribution etc. Avec la technologie, c'est facile de contextualiser les langues pour toucher des audiences différentes catégorisées par âge et niveau de compréhension de la langue.

Conçue pour les enfants, l'une de ces applications, Igbo101, se présente sous la forme d'une quête. Les utilisateurs peuvent progresser dans le jeu étape par étape en apprenant différent éléments de la langue dans le but ultime d'acquérir le don de « Amamiihe », « connaissance » en igbo. L'application a récemment sorti sa deuxième mise à jour et existe sous Android et iOS. D'autres applications d'apprentissage de langues sont disponibles pour le yoruba et le haoussa.

Créer ces applications implique de construire une équipe de développeurs, d'illustrateurs, de doubleurs, d'ingénieurs du son et d'enseignants. Les linguistes sont essentiels au processus d'apprentissage des tons des langues nigérianes, qui sont aussi largement présents dans bien d'autres langues. Ce processus a été extensivement documenté et publié dans l'article « Que faut-il pour construire une app » sur le blog de Genii Games.

Le travail d'Adebayo comprend également un aspect de mise en lumière d'histoires du Nigéria et du reste de l'Afrique. Afin d'aider la prochaine génération de conteurs numériques, il organise des ateliers avec des enfants d'écoles primaires sur tout le continent. En mars 2016, il a ainsi dirigé huit ateliers avec des écoles nigérianes centrés sur la création de contenu numérique pour les enfants. Il partage l'idée de base de cette activité :

It’s a workshop where we walk kids through the process of creating simple stories using technology tools. Together, we come up with ideas for stories then write out the script, draw, color, record the narration and piece it all together into an app or video. Our goal is to demystify the content creation process. Furthermore, our larger goal is to inspire these kids to take ownership of their narratives.

C'est un atelier dans lequel on guide les enfants dans le processus de création d'histoires simples au moyen d'outils technologiques. On trouve des idées d'histoire ensemble, dont on écrit le script, que l'on colorise, enregistre et met dans une app ou une vidéo. Notre but est de démystifier la création de contenu. A plus long terme, nous voulons encourager ces enfants à s'approprier leurs histoires.

Après le succès de ces ateliers, il a dirigé une activitié similaire à Johannesbourg, en partenariat avec iAfrikan, Who Are We Africa et Macroscopia Labs et organisée par Jozihub dans le cadre d'une Journée des enfants. Vingt-six enfants de deux écoles primaires de Soweto ont participé à toutes les étapes de la création d'une vidéo de 90 secondes sur l’Umngqusho, un plat populaire sud-africain. Les enfants ont trouvé l'idée pour leur histoire, dessiné les caractères et doublé leurs voix. Cette vidéo de YouTube en est le résultat :

Bien que ces applications et ces histoires numériques aient permis de faire progresser la promotion des langues nigérianes sur internet, il existe encore de nombreux défis pour s'assurer que de plus en plus d'enfants accèdent ce contenu. Les enfants des zones rurales africaines sont particulierement affectés, car le taux d'adoption des smartphones y est plus bas. Adebayo souligne l'importance de cet effet car les smartphones « ont des caractéristiques qui permettent de mieux présenter ces langues dans ces médias, et donc d'engager les utilisateurs de facon plus créative. L'accès croissant aux smartphones de base va atténuer cette limitation et je pense qu'on commence à le voir. »

Manifestation contre l'exclusion par Trump des musulmans : Notes depuis l’œil de la foule

mercredi 1 février 2017 à 19:09
 Faces of participants of the No Muslim Ban protest at Lafayette Park, in Washington D.C., January 28, 2017. Photos: Ivan Sigal

Visages de participants à la manifestation de Lafayette Park à Washington contre l'interdiction d'entrée des musulmans, 28 janvier 2017. Photos: Ivan Sigal

[NdT : “l'oeil de la foule” du titre renvoie à ce dessin de l'artiste Anna Nielsen] Samedi dernier dans la matinée, les habitants de Washington D.C. sont sortis de leurs maisons et appartements. A pied, à bicyclette et en bus, ils ont convergé vers Lafayette Square, face à la Maison Blanche, en une manifestation spontanée, en même temps que d'autres à travers les Etats-Unis, contre le décret de Trump excluant de l'entrée aux États-Unis les immigrants, détenteurs de visas et réfugiés de sept pays.

Peut-être 5.000 personnes, apparemment novices des rassemblements protestataires. Dans un espace compact entre les barrières restant de l'investiture présidentielle du week-end précédent, la manifestation a commencé dans le même esprit d'improvisation que celui de son organisation : par une page Facebook, suivie d'ondes concentriques à travers les médias sociaux avant de s'incarner dans le monde de chair et de sang.

En l'absence de podium ou de leader évident, les gens dans l'assistance se questionnaient mutuellement du regard. Ils étaient moins une mobilisation en marche qu'un rassemblement d'individus décidant, sur place, de leur conduite. C'étaient là des gens sortis de leurs coquilles de médias sociaux, des collectifs définis par le travail ou l'école, et entrés dans un espace pleinement civique. Il y a eu des rumeurs de présence de responsables politiques, restés invisibles ou inaudibles de tous les angles que j'ai pu observer. Au lieu de cela, les gens négociaient avec leurs voisins, pour de la place, pour une directive. Est-ce parce que cette foule n'était pas unie par un quelconque principe d'organisation autre que la nécessité de manifester une résistance ? Ces négociations avaient lieu pour la plupart en silence, par des regards, des signes de tête et des gestes occasionnels.

 Faces of participants of the No Muslim Ban protest at Lafayette Park, in Washington D.C., January 28, 2017. Photos: Ivan Sigal

Visages de participants à la manifestation de Lafayette Park à Washington contre l'interdiction d'entrée des musulmans, 28 janvier 2017. Photos: Ivan Sigal

Peut-être étaient-ils en colère, ou déterminés ; mais les slogans et les cris “Honte”, “Non à l'exclusion, non au mur” et “Non à la haine, non à la peur, les réfugiés sont les bienvenus ici” s'élevèrent dans des poches contestataires à l'intérieur de l'assistance, sans jamais atteindre un volume ou une intensité qui aurait pu passer pour agressive. Comme la foule était poussée par l'arrière, d'aucuns prirent l'initiative d'annoncer une marche le long de Pennsylvania Avenue, vers l'Hôtel International Trump, puis vers le Capitole. L'embouteillage se relâcha, et nous nous mîmes en mouvement.

 Faces of participants of the No Muslim Ban protest at Lafayette Park, in Washington D.C., January 28, 2017. Photos: Ivan Sigal

Visages de participants à la manifestation de Lafayette Park à Washington contre l'interdiction d'entrée des musulmans, 28 janvier 2017. Photos: Ivan Sigal

Une centaine d'Iraniens, dont beaucoup de résidents en règle, en difficulté pour entrer aux USA

mercredi 1 février 2017 à 00:00

Cette photo tweetée par le compte Twitter de la Marche des Femmes sur Washington dit : “Interdisez Bannon… pas ma mamie”. Bannon est l'un des conseillers spéciaux de Trump, et inspirateur probable de l'interdiction. Il dirigeait en 2016 le site d'extrême-droite Breitbart News, qu'il appelait “la plate-forme de l'alt-right”.

Difficile d'évaluer l'ampleur de l'impact de l'interdiction temporaire décrétée par le président Donald Trump contre les nationaux de sept pays à majorité musulmane –Iran, Irak, Libye, Somalie, Soudan, Syrie et Yémen. Mais une base de donnée crowdsourcée lancée par un professeur iranien au MIT donne un aperçu effarant des effets sur les ressortissants iraniens.

Dans les quatre jours qui ont suivi la signature du décret, ce sont plus de 110 Iraniens détenteurs de cartes vertes, de visas étudiant et de tourisme valides et de bi-nationaux de pays comme le Canada, qui connaissent des difficultés d'admission aux États-Unis, selon la base de données des entrées, rétentions et expulsions commencée par le professeur iranien d'ingéniérie au MIT Hazhir Rahmandad.

Sur les plus de 286 signalements enregistrés bénévolement dans la base de données, 213 sont des nationaux iraniens. 112 d'entre eux ont connu des difficultés significatives pour entrer aux USA, 76 ont été refusés “à la porte de départ avant l'embarquement” ou “après l'arrivée aux USA”, tandis que 36 ont été admis “après délai ou négociation significatifs”.

Si vous avez eu des problèmes pour entrer aux Etats-Unis à cause de l'interdiction de voyage, vous pouvez les signaler sur la base de données de Rahmandad ici. 

La situation reste volatile et imprévisible pour beaucoup, y compris la question de savoir si l'interdiction concerne les détenteurs de la carte verte américaine ou les bi-nationaux iraniens-canadiens. L'interdiction d'entrée de Trump était initialement applicable à quelque 500.000 détenteurs de cartes vertes, avant que l'administration ne fasse marche arrière. Cette dernière a émis d’innombrables informations contradictoires au long du week-end.

Dans une déclaration à CNN, des responsables du Homeland Security américain ont clarifié que les nationaux des sept pays titulaires de cartes vertes valides devaient être autorisés à entrer aux Etats-Unis :

Voici notre message pour eux : prenez l'avion. Revenez aux Etats-Unis. Vous passerez un filtrage secondaire, mais tout le reste sera normal.

Aujourd'hui, le Département de la Sécurité intérieure a indiqué qu'il n'allait plus totalement ‘interdire d'entrée’ les détenteurs de cartes vertes des pays de la liste d'exclusion, mais que ce serait un “facteur déterminant” pour autoriser les immigrants de ces pays à entrer aux Etats-Unis lors du filtrage.

D'après le site d'investigation ProPublica, les ressortissants iraniens et irakiens représentent 50 % des 500.000 titulaires de cartes vertes affectés par l'interdiction temporaire et les mesures de filtrage qui l'accompagnent.

Les nationaux iraniens ciblés par l'interdiction

Parmi les sept pays de l'interdiction, les Iraniens seront probablement impactés de façon significative.

A la différence des autres pays de la liste, les USA sont une destination recherchée par les étudiants iraniens. Il y avait plus de 12.000 Iraniens avec des visas étudiants aux Etats-Unis l'an dernier, selon le rapport de l'Institute of International Education’s Open Doors, qui suit la démographie des étudiants internationaux. L'année passée, les étudiants iraniens dans les collèges et universités ont contribué pour 386 millions de dollars à l'économie américaine.

De fait, le nombre de visas accordés aux Iraniens est généralement beaucoup plus élevé que celui des nationaux des autres pays de la liste.

[Texte au-dessus du tweet : Impact de l'ordre de Trump : Les USA ont émis un total de 49.000 visas (tous types) pour les sept pays en 2015 et 2016, 14.900 d'entre eux sont Iraniens.]

Manifestations à l'échelle nationale et actions judiciaires de l'Union Américaine des Libertés Civiques et d'avocats bénévoles spécialistes de l'immigration ont œuvré pour assister les personnes en rétention.

Des récits non vérifiés ont circulé que des fonctionnaires de l'immigration montaient à bord des avions et confisquaient les téléphones et appareils des détenteurs de visas pour les empêcher de prévenir leur famille et des avocats.

La police aux frontières nous a retenus 4 heures ma famille et moi ils ont fouillé la voiture et exigé que nous donnions nos mots de passe. On m'a demandé ensuite si j'aimais l'Amérique. [Je suis] citoyen des Etats-Unis

Quatre cours fédérales sont intervenues en la matière et ordonné la suspension des expulsions. Une juge fédérale de Virginia a aussi statué que les retenus devaient se voir accorder l'accès à un conseil juridique, ce qui n'était pas le cas à l'aéroport Dulles de Washington.

Les avocats à Dulles ayant un ordre du tribunal les habilitant à voir des retenus se sont fait dire par la police aux frontières “ce n'est pas près d'arriver”. Les avocats demandent une ordonnance d'outrage

L'incertitude domine, et fait basculer beaucoup de vies et de familles dans le désarroi. D'innombrables programmes de mastères sont manqués et des emplois mis en péril, tandis que des familles restent séparées.

‘Un affront ouvert contre le monde musulman et la nation iranienne’

Les relations entre l'Iran et les USA, tendues depuis la révolution islamique de 1979, avaient commencé dernièrement à se réchauffer sous l'administration Obama. La négociation couronnée de succès et la mise en œuvre de l'accord nucléaire entre l'Iran, les USA et les pays dits P5+1 avaient levé les nombreuses sanctions économiques qui entravaient la vie des Iraniens ordinaires.

La nouvelle de l'interdiction d'entrée aux USA des nationaux iraniens s'est rapidement soldée par des mesures de réciprocité iraniennes à l'encontre des nationaux américains, publiées par le Ministère des Affaires étrangères dirigé par Javad Zarif.

Déclaration complète du Ministère des Affaires étrangères de la République islamique d'Iran sur l'interdiction des musulmans.

Tout en respectant le peuple américain et en distinguant entre eux et les mesures hostiles du gouvernement des Etats-Unis, l'Iran appliquera le principe de réciprocité jusqu'à ce que les limitations offensantes des Etats-Unis contre les nationaux iraniens soient levées. Les restrictions aux voyages des musulmans en Amérique… sont un affront ouvert contre le monde musulman et la nation iranienne en particulier, et seront reconnues comme un grand cadeau aux extrémistes.

Le ministre des affaires étrangères a tenu à préciser que l'Iran continuerait à accepter tous les visas valides, contrairement à ce qui s'est déroulé tout le week-end et se poursuit encore dans certains endroits des USA.

Contrairement aux Etats-Unis, notre décision n'est pas rétroactive. Tout porteur de visa iranien valide restera le bienvenu.

Malgré cette déclaration, deux Américains, Joseph Jones et J.P. Prince, joueurs professionnels de basket-ball de Super League iranienne à l'université Azad de Téhéran, sont en ce moment empêchés de revenir en Iran après un congé à Dubaï payé par leur équipe.

Un blogueur condamné à mort revient devant la Cour suprême de Mauritanie

mardi 31 janvier 2017 à 23:16

Photo de Hani Amir via Flickr (CC BY 3.0)

Le 31 janvier, la Cour suprême de Mauritanie [fr] doit rendre une décision sur le cas du blogueur Mohamed Cheikh Ould Mkhaitir, condamné à mort en 2014 pour avoir exprimé une opinion publiée sur le site internet du journal Aqlame.

M. Ould Mkhaitir avait critiqué l'utilisation de la religion pour justifier le système discriminatoire des castes en Mauritanie, en citant des textes de l'époque du prophète Mohammed.

Mohamed Cheikh Ould Mkhaitir

Les autorités mauritaniennes ont arrêté Ould Mkhaitir le 2 janvier 2014, deux jours après la publication de son article et, en décembre 2014, le tribunal de première instance de Nouadhibou l'a condamné à mort pour “apostasie” en vertu de l'article 306 du Code pénal mauritanien [fr] pour “avoir parlé avec légèreté” du prophète. En avril 2016, une cour d'appel a confirmé sa condamnation et renvoyé son cas à la Cour suprême, qui a le pouvoir de réduire sa peine de mort à une peine d'emprisonnement et une amende, si elle juge que le défendeur s'est “repenti”.

L'article 306 stipule [fr] que ” Tout musulman coupable du crime d’apostasie, soit par la parole, soit par l'action de façon apparente ou évidente, sera invité à se repentir dans un délai de trois jours.

S’il ne se repent pas dans ce délai, il est condamné à mort en tant qu’apostat, et ses biens seront confisqués au profit du Trésor. S’il se repent avant l’exécution de cette sentence, le parquet saisira la Cour suprême, à l’effet de sa réhabilitation dans tous ses droits, sans préjudice d’une peine correctionnelle prévue au 1er paragraphe du présent article. Si l'accusé ne se repent pas dans ce délai, il sera condamné à mort et tous ses biens seront confisqués par l'Etat”. Le même article prévoit que si le condamné “se repent “avant son exécution, la Cour suprême mauritanienne peut commuer la peine de mort en une peine d'emprisonnement de trois mois à deux ans et une amende de 5 000 à 60 000 UM (environ 14 à 170 USD).

Après son arrestation, M. Ould Mkhaitir a publié une déclaration [fr] depuis sa prison dans laquelle il a soutenu qu'il n'avait aucune intention d'insulter le prophète, et a accusé ses critiques “d'utiliser des émotions religieuses” pour le cibler. M. Ould Mkhaitir s'est repenti, mais il appartient à la Cour suprême de déterminer si son repentir est suffisant ou non.

“Le dernier bastion de l'esclavage”

La critique du système des castes reste un tabou en Mauritanie, un pays qui a été décrit comme “le dernier bastion de l'esclavage” [vidéo fr/en]. La Mauritanie a été le dernier pays au monde à abolir l'esclavage en 1981 et n'a criminalisé la pratique qu'en 2007.

Malgré cela, les Nations Unies estiment que le nombre de personnes vivant dans l'esclavage en Mauritanie se situe entre 340.000 et 680.000, ce qui représente 10 à 20 % de la population totale. Selon un rapport de 2014 [fr] de la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les formes contemporaines d'esclavage, le nombre de poursuites engagées en vertu de la loi anti-esclavage était “très faible”, alors que les militants qui font campagne contre les pratiques de l'esclavage font face à des procès criminels.

En 2014, plusieurs militants dont M. Biram Dah Abeid, candidat en 2014 à l'élection présidentielle mauritanienne sur une plateforme anti-esclavage et anti-discrimination, ont été arrêtés [fr] et traduits en justice pour avoir fait campagne contre l'esclavage. En 2012, M. Dah Abeid, comme M. Ould Mkhaitir en 2014, a été condamné [fr] à mort pour “apostasie” pour avoir organisé une manifestation anti-esclavagiste au cours de laquelle il avait brûlé des textes religieux d'un érudit islamique du 8ème siècle qui justifiait la pratique et avait prononcé un discours [fr] dénonçant ceux qui utilisaient la religion pour justifier l'esclavage et la discrimination:

Il y a un groupe de mauvaises personnes qui détiennent l'islam et qui l'utilisent comme bon leur semble, et ce groupe divise la société, mettant certaines personnes au dessus et d'autres en position subalterne, non pas à cause de ce qu'elles font ou de ce qu'elles sont, mais sur la base de la couleur de leur peau.

M. Dah Abeid a été acquitté par la suite. Mais en 2015, il a été condamné à deux ans de prison pour son activisme anti-esclavagiste.

Dans plusieurs pays du monde arabe, y compris l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, le Qatar et le Yémen, l'apostasie est un crime assujetti à la peine de mort. Les accusations d'apostasie et de blasphème sont souvent utilisées “comme prétexte pour régler des problèmes politiques ou des rancunes personnelles”, comme l'a écrit le journaliste Brian Whitaker, auteur du livre Arabs Without God, sur le cas d'Ould Mkahitir en 2014.

Le décret sur l'immigration veut vous faire croire qu'on entre facilement aux États-Unis

mardi 31 janvier 2017 à 19:18

Manifestation contre le décret présidentiel sur l'immigration à Boston. Photographie : little celería sur Instagram.

Vendredi dernier, alors que l'encre séchait à peine sur le tristement célèbre décret présidentiel américain sur l'immigration, un groupe de spectateurs regardait le premier épisode de la série brésilienne de Netflix 3% dans une salle de classe de l'Université des Indes occidentales à Trinité et Tobago.

La série imagine un futur dystopique dans lequel les jeunes gens sont soumis à une batterie d'examens appelés « le Processus » dans le but d'établir leur admission à Offshore, un monde paradisiaque auquel seulement 3% des candidats auront accès. Dans un passage en particulier, les candidats sont soumis à un interrogatoire humiliant. Pendant la discussion qui a suivi la projection, une étudiante a déclaré que ce moment lui rappelait sa visite à l'ambassade des États-Unis à Port-of-Spain. Des murmures d'assentiment se sont fait entendre dans toute la pièce, y compris de ma part. Au début de la présidence de G.W. Bush, ma vieille Honda Civic est tombée en panne dans la rue de l'ambassade. Alors que je tentais de rendre ma voiture à la vie, deux Marines sont apparus de nulle part, brandissant des fusils d'assaut et hurlant « Arrêtez ! ». Et tout ça, c'était en dehors de l'ambassade. À l'intérieur, l'atmosphère était presque aussi anxieuse.

Dans tout ce bruit autour du décret présidentiel, ce qui a le plus résonné en moi fut la notion erronée qu'obtenir d'entrer légalement aux États-Unis est facile. En fait, on en bave. Chacun des centaines de visiteurs légitimes refoulés dans les aéroports américains avait déjà subi des interrogatoires stricts et angoissants pour obtenir leurs documents. Comme cela a été signalé depuis longtemps, le processus en place pour les réfugiés est encore plus rigoureux.

Compte-tenu de la popularité des États-Unis, peut-être que la difficulté d'obtenir un visa devrait être évidente. Mais si vous êtes citoyen américain, ou bien citoyen de l'un des pays dispensés de visas, vous n'avez peut-être jamais considéré cette question sous cet angle, même si vous êtes un journaliste couvrant ces événements. Un grand nombre de gens n'auront jamais besoin de demander un visa de leur vie. Cependant, comprendre ce que d'autres traversent pour obtenir le droit d'entrer aux États-Unis me paraît fondamental pour comprendre à quel point ce décret est une exagération néfaste.

Comme chaque pays souverain, les États-Unis ont le droit de contrôler et sécuriser leurs frontières. Mais comme l'a récemment expliqué Ron Nixon dans le New York Times, il existe déjà un système de contrôles robuste auquel les candidats doivent se soumettre bien avant qu'ils ne touchent le sol américain. Rien que la procédure de demande de visa est ardue. Les candidats doivent produire des liasses de documents, dont des relevés de compte, des certificats de police, des preuves de « liens forts » avec leur pays d'origine tels que des certificats de mariage et des titres de propriété, ce qui signifie que les jeunes gens célibataires sont défavorisés dès le début. Il y a ensuite l'interrogatoire prolongé par un officier consulaire. Les demandes de visa sont fréquemment rejetées pour toutes sortes de raisons. Et dans ce cas, l'ambassade américaine ne rembourse pas les cent soixante dollars de frais administratifs, qui dans bien des pays représentent une partie significative du salaire moyen.

À l'arrivée aux États-Unis, même un voyageur plutôt transparent comme moi — citoyenne de Trinité et Tobago portant un nom « qui sonne catholique » et bien plus âgée que la moyenne des passeurs de drogues — est occasionnellement soumis à des questions étranges de la part des services d'immigration. Une fois, pendant une correspondance à Miami en direction de l'Europe, on m'a demandé qui je connaissais aux Pays-Bas, comme si connaître quelqu'un dans un pays était un prérequis pour y voyager. Je frémis en pensant aux questions que l'on doit poser aux citoyens de pays cités dans le décret.

Tous les gens qui ont essayé d'entrer aux États-Unis depuis le week-end dernier par des moyens parfaitement légaux et ont vu leurs vies mises sens dessus dessous à cause du décret sont tout à fait en droit de se sentir mis à l'index et diabolisés. Ces gens ont payé cher leur ticket d'entrée, au sens propre comme au sens figuré. On s'attendrait à ce qu'une administration composée d'hommes d'affaires puissent comprendre ça. Mais en même temps, on sait aussi pourquoi ce n'est pas le cas.