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Côte d'Ivoire: les résidus de chocolat connaissent une seconde vie avec le beurre de cacao

lundi 25 mars 2019 à 12:47

Une valorisation artisanale originale des rebuts de l'industrie cacaoyère

Abidjan, Côte d'Ivoire. Une femme ivoirienne fait fondre les résidus de chocolat afin de produire du beurre de cacao. Photo utilisée avec l'aimable autorisation de l'auteur.

Note de la rédaction: Jeslyn Lemke s'est rendue en Côte d'Ivoire et y a découvert le processus de production du beurre de cacao à partir de résidus de chocolat. Elle a réalisé une courte vidéo décrivant ce processus en exclusivité pour Global Voices.

Fatima Traoré, une maman de huit enfants âgée de 45 ans, vend tous les quelques mois sa production de beurre de cacao aux fabricants de savon. Fatima vit en Côte d'Ivoire, le premier producteur mondial de fèves de cacao.

De grandes entreprises européennes achètent des fèves de cacao ou de la pâte de cacao en provenance d'usines de cacao ivoiriennes afin de produire du chocolat. Elles ne sont pas seules, puisque les Ivoiriens font également un usage local de la fève huileuse et transforment le beurre de cacao à partir de morceaux de chocolat provenant des chocolateries, pour en faire un savon local : le Kabakrou.

Fatima qui vit à Abidjan, capitale économique du pays, achète plusieurs tonnes de morceaux de chocolat tous les mois auprès d'une chocolaterie située à Yopougon, un quartier de la ville.

Capture d'écran de Fatima vendant son beurre de cacao – extrait de la vidéo originale – avec l'autorisation de l'auteur

Les chocolateries vendent la majeure partie de la pâte de cacao aux entreprises en Europe et jettent les sacs plastiques dans lesquels était conservé le chocolat. Une fois chez elle, Fatima racle les petits morceaux de chocolat des sacs et récupère de grandes quantités de pâte de chocolat noir parfumée qu'elle étale sur une bâche.

Grâce au feu de bois, qu'elle utilise pour faire bouillir plusieurs marmites d'eau sous la chaleur tropicale, Fatima fait fondre les morceaux de chocolat et les transforme en beurre de cacao. En décembre 2018, Jeslyn Lemke a réalisé et commenté cette vidéo qui décrit le processus dans son ensemble avec une interview détaillée de Fatima Traoré :

Le beurre de cacao est un produit convoité dans la région. Fatima vend essentiellement son beurre à des femmes qui s'en servent pour faire le Kabakrou, un savon réputé dans le pays pour être efficace et bon marché pour la la lessive ou la vaisselle. Le Kabakrou original est un savon dur en forme de boule généralement fait à base d'huile de palme et de soude caustique mélangées à de l'eau.

Des savons Kabakrou photo de Narcisse Ehui Ble CC BY-SA 4.0

Le savon peut être vendu en gros ou à l'unité dans les villes ivoiriennes, mais aussi dans les pays voisins comme le Mali ou le Burkina Faso. Une grande pièce est vendue à 200 francs CFA (0,30 euros). Le savon à base de cacao de Fatima Traoré est une option surprenante comparée à celle du Kabakrou à base d'huile de palme, plus répandu.

Service Instagram VIP pour les chats abandonnés du Japon

dimanche 24 mars 2019 à 21:01
cats in japan

Temple du chat à Amanohashidate, Japon. Photo de Nevin Thompson.

Si vous cherchez un nouveau lieu de découverte des chats sur Internet, jetez un coup d'oeil sur “Backstreet Cats of Japan” (Roji-ura Nyankichi, 路地裏のにゃん吉), un compte Instagram de plus de 100.000 abonnés.

Le photographe anonyme s'est lié d'amitié avec des milliers de chats errants du Japon qu'il a pris en photo d'un endroit secret du pays.

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HAPPY NEW YEAR✨ We live!2019 生きるよ #生き抜け野良猫 #igersjp#ねこ#猫#ネコ#ねこ部#ふわもこ部#野良猫#にゃんすたぐらむ#みんねこ #cats#ファインダー越しの私の世界 #catsofinstagram#ig_catclub#catstocker#instagramjapan##catloversclub#ペコねこ部#ピクネコ #thecatawards#icu_japan#team_jp_西#pleasantcats #고양이#nekoclub #catstagram#japan_photo_now #bestcatclub #balousfriends#備中備後デニムコンテスト2018

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Bonne Année ! Nous vivons en 2019 !

Les chats sont photographiés en diverses postures. Certains semblent vivre ou socialiser en sous-sol, sous une étendue solitaire d'asphalte.

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ヘイヘイ、おみゃーらキリキリ掃除しろにゃー #真似もいいけど自分の感性で撮りなよ #igersjp#ねこ#猫#猫穴部#ねこ部#ふわもこ部#野良猫#にゃんすたぐらむ#みんねこ #cats#ファインダー越しの私の世界 #catsofinstagram#ig_catclub#catstocker#instagramjapan##catloversclub#ペコねこ部#ピクネコ #thecatawards#icu_japan#team_jp_西#pleasantcats #고양이#nekoclub #catstagram#japan_photo_now #bestcatclub #loves_nippon#balousfriends

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D'accord, c'est entendu je vais nettoyer la rue très vite.

Il est commun de voir des chats errants partout au Japon. Environ 35% des foyers possèdent un chat et nombre d'entre eux mènent une vie de luxe en tant que membre choyé de la famille, les Japonais consacrant à leur épanouissement environ 3,8 milliers de milliards de yens (3,8 milliards de dollars américains) par an.

Bien que l'animal de compagnie soit populaire au Japon, beaucoup de gens l'achètent sans comprendre les véritables enjeux de sa possession. Lorsqu'ils découvrent la vraie nature d'un chat adulte, ennuyeux et mature sexuellement, ils peuvent l'abandonner. Quand une personne âgée meurt ou va en maison de retraite, son animal de compagnie autrefois chéri se voit délaissé aussi.

Un grand nombre de vagabonds se retrouvent ainsi à travers le pays . Certains sont gentiment nourris et suivis par des gens comme cet nstagrammeur.

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Thank You 2018 一年ありがとうございました ガキ使見て過ごしてます ラインで👍良い歳をと書いて怒られかけました 皆さんよいお年を👍✨ #igersjp#ねこ#猫#ネコ#ねこ部#ふわもこ部#野良猫#にゃんすたぐらむ#みんねこ #cats#ファインダー越しの私の世界 #catsofinstagram#ig_catclub#catstocker#instagramjapan##catloversclub#ペコねこ部#ピクネコ #thecatawards#icu_japan#team_jp_西#pleasantcats #고양이#nekoclub #catstagram#japan_photo_now #bestcatclub #loves_nippon#balousfriends#備中備後デニムコンテスト2018

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Merci 2018! […] Je souhaite à tous une superbe année 2019.

#MeTooSebat : Les Kirghizes débattent sur les réseaux sociaux du sujet controversé des ‘écoles Gülen’

dimanche 24 mars 2019 à 12:21

Au lycée kirghizo-turc de garçons Tchingiz Aitmatov de Bichkek (Photo: Lycée kirghizo-turc Tchingiz Aitmatov). Publiée sur Eurasianet.

[Article d'origine publié le 3 mars 2019] Le hashtag #MeTooSebat est en tendance sur la version kirghize de Twitter depuis que d’anciens élèves d'écoles privées inspirés par l’intellectuel turc controversé Fethullah Gülen partagent des histoires de professeurs tyranniques et de harcèlement institutionnalisé. D’autres défendent la réputation d'excellence de ces écoles.

En hiver il il arrivait que les bavards qui ne dormaient pas, étaient envoyés dehors en pleine nuit en pyjama et forcés à faire plusieurs tours du dortoir au pas de course.

Le hashtag a des connotation géopolitiques puisque le président turc Recep Tayyip Erdogan a fait pression sur le petit Kirghizstan en Asie centrale (comme sur quantité d’autres gouvernements étrangers), allié d'Ankara pour qu'il ferme toutes les institutions éducatives liées à Gülen, sa bête noire.

Le gouvernement turc affirme que Gülen tente depuis plus longtemps d’affaiblir l’État turc depuis son exil de fait aux États-Unis, et qu’il était le cerveau du coup d’Etat avorté en Turquie en 2016.

Parmi les retombées du coup d’État, les diplomates turcs ont forcé ou incité les gouvernements étrangers, de l’Azerbaïdjan jusqu'à l’Angola, à fermer les écoles Gulen.

Un utilisateur de twitter Kirghiz plaisante en disant que le Président turc Recep Tayyip Erdogan paye des utilisateurs pour qu’ils se plaignent de l'école sur Twitter

Alors que de nombreux alliés de la Turquie ont répondu à l’appel d’Ankara pour faire fermer les écoles, le Kirghizstan et le Kazakhstan ont cherché un compromis, qui autoriserait ces écoles à continuer d’exister mais en les renommant et en augmentant le contrôle gouvernemental sur leurs structures de direction.

La direction turque a indiqué à plusieurs reprises qu’elle n’était pas satisfaite par cette approche.

Au vu du hashtag #MeTooSebat, au moins un législateur kirghize a déjà demandé une enquête approfondie sur les écoles, qui sont réputées pour leur discrétion, ce qui consterne les parents qui voient ces établissements comme une alternative abordable au système éducatif qui est actuellement en difficulté.

Sur Twitter, beaucoup de personnes ont souligné que les cas de harcèlement et autres abus qui ont été signalés dans ces instituts de haute performance ne sont que la pointe de l'immense iceberg des maux des écoles, que les autorités ont régulièrement essayé d'affronter sans succès.

La violence s'insinue avec des blagues, des stéréotypes et des mensonges — puis nous prend par surprise

dimanche 24 mars 2019 à 09:00

Je suis en colère contre le racisme

Mitchel Esajas from Black Archives talks to the police

Mitchel Esajas, co-directeur de Black Archives, une organisation aux Pays-Bas, négocie avec des policiers sur la route du Helder en novembre 2018. Bien qu'ayant obtenu l'autorisation de manifester pacifiquement pour des festivités de Sinterklaas (Saint-Nicolas) inclusives, notre groupe parti d'Amsterdam a été stoppé à quelques kilomètres du point de départ. On nous a finalement fait faire demi-tour. Photo de l'auteur, utilisée avec sa permission.

Note de l'auteur : Ceci est resté pendant des mois à l'état de brouillon. Aujourd'hui 19 mars [date de la 1ère parution en anglais sur le blog interne de Global Voices] ne paraît pas le bon jour pour cliquer sur “Publier”. Mais j'ai écouté les discours racistes, xénophobes et islamophobes des politiciens néerlandais qui ont suivi les récents événements. Pouvoir ne doit pas forcément rimer avec agression. Et je crains qu'on en soit là, ici-même, aux Pays-Bas dits tolérants.

Chers Néerlandais,

Il y a plus de cent ans, quelque chose a allumé un feu sous les pieds de mes arrière-grands-parents, et ils ont fui l'Europe de l'Est pour les États-Unis avec leurs enfants. Peu de dizaines d'années plus tard, il ne restait rien des communautés juives qu'ils avaient fuies, à part le souvenir. La plupart ont été entièrement détruites. Parties en fumée. Rayées de la carte. Vous connaissez l'histoire. Les Pays-Bas ont souffert eux aussi. Les juifs néerlandais furent déportés, torturés, et assassinés. Des gens d'ici furent tués, affamés à mort et torturés.

Je me demande souvent ce qui aurait changé si l'Europe avait écouté l'avertissement des Juifs fuyant vers d'autres terres. A quoi ressemblerait le monde ? L'expérience des minorités vulnérables à la violence finit par advenir aussi au reste d'entre nous : les bien intentionnés, les silencieux, les à l'aise.

La violence entre sur la pointe des pieds, avec des blagues, des stéréotypes, et des mensonges. Elle nous prend par surprise. La violence contre les Juifs d'Europe n'est pas sortie de nulle part. Elle a commencé par des fausses accusations, la désignation comme boucs émissaires, et des actes individuels de violence. La violence de masse s'est fabriquée pendant des décennies.

“Si vous voulez comprendre les Pays-Bas, regardez qui a le droit de manifester. Les nazis, Pegida [mouvement politique d'extrême-droite d'Allemagne]…Au lieu de faire barrage aux nazis, vous faites barrage à ceux qui luttent pour des sociétés inclusives. Nous recevons des menaces de la droite et la police annule notre défilé et laisse défiler les nazis. On leur donne toute la scène.” Naomi Pieter, militante et artiste

Aujourd'hui je me trouve à vivre en Europe, dans un pays que j'aime, parmi des gens que j'admire. Je suis sûre que mes grand-parents se retournent dans leur tombe. Je crois les entendre me demander pourquoi iI me viendrait à l'idée de retourner dans une contrée qu'ils associent à la violence. Moi aussi, je sens leurs angoisses et leurs peurs me remplir. Il y a des jours où je redoute de porter mon étoile de David, mais je le fais quand même. Je ne veux pas être invisible. Honnêtement, j'ai beaucoup plus peur de porter un t-shirt avec #BlackLivesMatter ou Zwarte Piet C'est du Racisme écrit dessus. Même si je suis d'accord avec les deux affirmations.

Graphisme de la page Facebook Zwarte Piet is Racisme.

Pourtant, chaque jour, les noirs et les basanés sortent dans leur peau. Ils ne peuvent pas éviter la violence raciste en ôtant simplement un sweatshirt ou en la rentrant sous un col de chemise.

Et la violence, ils la rencontrent. De la part des individus et des autorités. Je la vois. Vous la voyez. Dernièrement j'ai assisté à une manifestation contre le déguisement en noirs. J'ai pris un bus avec une quinzaine d'autres personnes. Nous voulions aller au Helder.  Mitchell Esajas de Black Archives nous a donné les consignes de la manifestation. On nous a recommandé de rester calmes et pacifiques. Sous peu nous avons été stoppés par la police. Une déception, pas un scandale. Un déni de notre droit au rassemblement pacifique.

Au lieu de continuer vers Le Helder, nous sommes allés à Amstelveen et avons rejoint une manifestation en cours. Il y a eu de la colère contre nous, mais rien d'inattendu ni d'extrême. Ce n'a pas été vrai ailleurs, où des manifestants ont été agressés avec des saluts néo-nazis, des projectiles, des insultes racistes et des violences physiques.

Quand j'ai entendu le Premier ministre Mark Rutte rejeter les militants anti-racistes comme étant des “extrémistes”, j'ai senti remonter les anciennes peurs. Comment la lutte pour une société plus inclusive peut-elle jamais être qualifiée d'extrême ? Le Premier ministre a-t-il une idée de la quantité de menaces que reçoivent les militants anti-racistes ? A quel point leur sécurité physique est menacée ? Combien leurs droits et opportunités dans la société sont entravées ? Si les préoccupations sur le racisme dans la société avaient pu être résolues sur les plateaux de télévision, alors il n'y aurait pas de manifestations.

Je me demande aujourd'hui où est le courage aujourd'hui ? Où est l'aptitude à diriger ? J'en ai vu du côté des militants du KOZP. Mais si les responsables élus n'ont pas la volonté de protéger les droits des minorités vulnérables, que deviendra le restant d'entre nous ?

Je pose la question en tant que citoyenne et en tant que petite-fille de réfugiés. Je suis assez âgée pour avoir grandi dans une communauté de juifs ayant été aux prises avec l'Holocauste. Il y avait des survivants qui ne pouvaient s'arrêter de parler de ce qu'ils avaient vécu, même en présence de jeunes enfants. Il y en avait d'autres qui se retiraient en eux-mêmes et n'ont jamais pu surmonter le trauma. Certains ont même pu être heureux et productifs. Sous leur influence, je me suis fait la promesse de devenir une adulte courageuse, équitable et juste. C'est une promesse que j'ai toujours tenue. Chaque jour pourtant, cette promesse d'enfant devient plus exigeante.

Je suis sûre que beaucoup d'entre vous, y compris le Premier ministre Rutte, avez fait des promesses similaires quand vous étiez enfants.Vous vous disiez que vous feriez partie de la résistance, que vous prendriez la défense des droits d'autrui, que vous feriez votre possible même si l'acte était modeste.

Il n'y a pas de meilleur moment qu'aujourd'hui pour tenir cette promesse. Vous vous dites peut-être que prendre position en faveur d'une tradition plus inclusive de la Saint Nicolas est insignifiant dans un monde qui brûle et toutes ses crises. Pourtant, si nous laissons les personnes vulnérables parmi nous s'épanouir dans une société inclusive et accueillante, les solutions à nos crises seront plus proches.

Merci d'avoir lu jusqu'au bout,

Tori

‘Qui a commandité l'assassinat de Marielle Franco ?’ demande le Brésil un an après le meurtre de la conseillère municipale

samedi 23 mars 2019 à 18:58

La veuve de Marielle, l'architecte militante Monica Benicio, a tatoué son visage sur son bras. Photo: Fernando Frazão, Agência Brasil. Reproduction autorisée sous condition d'attribution.

Le visage et le nom de Marielle Franco sont devenus familiers à travers le Brésil et dans de nombreuses manifestations depuis qu'elle a été assassinée le 14 mars 2018. Cette femme politique de Rio de Janeiro, arrivée en cinquième position des candidats les mieux élus aux élections des conseillers municipaux en 2016, a été abattue cette nuit-là, en même temps que son chauffeur Anderson Gomes qui la ramenait chez elle.

Deux jours avant le premier anniversaire de sa mort, la police a annoncé l'arrestation de deux suspects. Le policier militaire à la retraite de 46 ans Elcio Queiroz, exclu de la police pour travail illégal dans des maisons de jeux, est suspecté d'être celui qui conduisait la voiture qui a surpris Marielle Franco. Le tireur suspecté était Ronnie Lessa, 48 ans, un sergent qui n'a jamais été accusé de crime auparavant, mais dont la réputation de sniper affûté n'est plus à faire.

Selon le journal O Globo, après plusieurs retournements de situations et suite à la séparation de l'enquête en deux parties distinctes (une sur les traces du tireur, l'autre sur celles du commanditaire), la police civile de Rio a pu arrêter les suspects en remontant la piste complexe d'une liste de téléphones portables ayant borné dans la zone du crime.

Mais même après avoir appris les noms de ceux qui avaient appuyé sur la gâchette, les nombreux Brésiliens qui ont manifesté dans les rues le 14 mars de cette année ont bien senti qu'il manquait encore une réponse dans ce dossier. La grande question reste en effet posée. Celle que pose la journaliste brésilienne Eliane Brum, qui tweete tous les jours depuis un an  “qui a tué Marielle ” :

Nous voulons savoir: QUI A COMMANDITÉ LE MEURTRE DE MARIELLE? ET POURQUOI?

Le tireur

La police a eu accès à l'historique du téléphone de Lessa. Selon les enquêteurs, il avait une obsession pour “les gauchistes”. Le programme de Marielle et de son mentor en politique, le député Marcelo Freixo, faisait partie des ses recherche en ligne. La haine politique pourrait être l'un des mobiles, dit un des enquêteurs.

Mais nombreux sont ceux qui doutent de ce mobile. Lessa, le militaire à la retraite devenu policier, était un mercenaire très connu dans les cercles de la police. Il travaillait notoirement comme mercenaire pour l'un des chefs du jeu illégal à Rio depuis quelques années, jusqu'à ce que le fils de celui-ci soit tué dans une attaque à la bombe. La crédibilité de Lessa a alors été fortement entamée, puisqu'il avait failli dans la protection de la famille de son patron.

Le patrimoine de Lessa semble aussi ne pas correspondre à la pension d'un militaire à la retraite. Il possède en effet une voiture blindée estimée à 31.000 dollars, un bateau fabriqué sur-mesure, et il vit dans une maison d'un quartier luxueux de Rio, où les loyers tournent autour des 2.000 dollars plus 500 dollars de charges. Selon la Folha de São Paulo, la maison de Lessa se situe dans la même rue que celle où vit le président Jair Bolsonaro. La police a aussi confirmé que l'un des fils de Bolsonaro avait fréquenté la fille des Lessa.

Le tweet dit: Les chiens ont aboyé, mais les manifestations sont passées.
La banderole dit : Qui a donné l'ordre au voisin du président de tuer Marielle ?

Bolsonaro a répondu aux journalistes qu'il n'avait aucun souvenir de son voisin.Le président a ajouté, sur le ton de la plaisanterie, que Renan, son plus jeune fils, avait flirté avec tout le voisinage, et que donc il ne se souvenait pas de “cette fille”. La police écarte le fait que ce ne soit qu'une coïncidence.

Le jour où Lessa a été arrêté, la police a trouvé 117 armes à feu qu'il avait entreposées chez un ami. Elle a aussi découvert qu'il avait reçu une somme de 26.000 dollars en espèces sept mois après le meurtre de Marielle.

La question reste posée

En janvier, la police a arrêté des individus liés à un groupe paramilitaire (connu à Rio sous le nom de “milice”) appelé le “Bureau du Crime” et a émis l'idée qu'ils pouvaient avoir des liens avec le meurtre de Marielle Franco. La mère et la sœur de l'un des membres étaient des employées de Flavio Bolsonaro, l’aîné des fils du président, élu sénateur en 2018.

The Intercept Brazil fut le premier organe de presse à attirer l'attention, en 2018, sur le lien entre le dossier Marielle Franco et la milice du “Bureau du Crime”. L'article publié la semaine dernière par UOL révèle que cette milice dispose de membres travaillant dans l'unité d'enquête sur les homicides de la Police de Rio. Leandro Demori, le rédacteur en chef de The Intercept Brazil, a tweeté cet article et dit :

Après tout ce vacarme sur le Bureau du Crime, le nom a disparu des titres des journaux suite aux arrestations de cette semaine. Bizarre, non ? En fait, non. “La police fédérale soupçonne la milice connue sous le nom de “Bureau du Crime” d'avoir des personnels infiltrés dans l'unité d'enquête sur les homicides”

Dans sa chronique, Eliane Brum résume les questions restées en suspens dans le meurtre de Marielle Franco :

Quando finalmente for descoberto quem mandou matar Marielle Franco – e por quê –, não será apenas um crime que vai ser elucidado. É a anatomia do Brasil atual que poderá ser desvelada em todo o seu espantoso horror. Mas os mandantes – e os motivos – só serão revelados se continuarmos a perguntar: “Quem mandou matar Marielle? E por quê?”

Quand, finalement, nous découvrirons qui a commandité le meurtre de Marielle Franco – et pourquoi -, il ne s'agira pas que de l'élucidation d'un crime. C'est l'anatomie du Brésil actuel qui pourra être ainsi révélée dans sa terrifiante horreur. Mais les commanditaires – ainsi que leurs motifs – ne seront enfin révélés que si nous persistons à demander : “Qui a commandité le meurtre de Marielle? Et pourquoi ?”.