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Une visite en photos des sites du “mouvement des parapluies” à Hong Kong

jeudi 30 octobre 2014 à 20:45
Major landmarks in Admiralty protest site. Image created by DASH.

Les endroits marquants, selon le site contestataire d'Admiralty. Image créée par DASH.

Les partisans de la démocratie occupent depuis plus d'un mois déjà trois sites importants de Hong Kong pour revendiquer un système ouvert de désignation des candidats à l'élection du chef de l'exécutif de la ville en 2017. Jusqu'à présent, les discussions entre hauts responsables et représentants des activistes étudiants et lycéens restent embryonnaires, car le gouvernement de Hong Kong maintient l'impossibilité de revenir sur le comité de nomination prescrit par les autorités du continent. 

Les protestataires se sont préparés à une occupation de longue durée en transformant les campements en villages ordonnés et fonctionnels, décorés de messages politiques réalisés pour le public par des artistes et créateurs pro-démocratie.

Le site contestataire d'Admiralty sert de quartier général à Occupy Central, nom que s'est donné le mouvement. Ici, les organisateurs tiennent des réunions publiques et rendent compte des derniers développements du mouvement démocratique. Au dernier comptage, les protestataires ont monté plus de 1.600 tentes.

Dash, une plate-forme de média des activistes étudiants, a créé sur le site contestataire d'Admiralty une carte (image ci-dessus) des principaux endroits à connaître. Présentation rapide de ces lieux, avec les photos d'Au Kalun, ex-journaliste et célèbre blogueur.

1. Umbrella Square (la Place des Parapluies) sur Harcourt Road

Umbrella Square. Photo taken by Au Kalun.

Place des Parapluies. Photo Au Kalun.

Les protestataires campent sur huit voies de circulation de Harcourt et Connaught roads, où ils ont monté plus de 1.600 tentes. Une statue, L'homme au parapluie, créée par un étudiant de 22 ans, se dresse sur “Umbrella Square”. 

Umbrella Man statue set up by a 22-year-old student. Photo taken by Au Kalun.

La statue de l'Homme au parapluie, créée par un étudiant de 22 ans. Photo Au Kalun.

2. Study Hall (la Salle d'études)

De nombreux élèves et étudiants font la grève des cours pour participer à l'occupation massive. Pour qu'ils puissent continuer à étudier en étant sur le site, des menuisiers ont monté des tables et des chaises, et des professeurs bénévoles font cours dans la zone de la salle d'études.

Students are reading and doing their homework in the study hall. Photo taken by Au Kalun,

Les étudiants lisent et font leurs devoirs dans la salle d'études. Photo Au Kalun,

3. Lennon Wall, le mur aux Post-it

Lennon Wall à Admiralty est un mur recouvert de Post-its multicolores. Les gens y écrivent leurs voeux et rêves pour le futur de Hong Kong et les collent sur le mur.

Lennon Wall covered with colorful post-it stickers. Photo taken by Au Kalun

Lennon Wall couvert de Post-its multicolores. Photo Au Kalun

4. Le Mur de la Honte

Le Mur de la Honte est la clôture métallique qui entoure le siège du gouvernement, édifiée en août après une manifestation contre les opérations immobilières dans les Nouveaux Territoires du Nord-Est à Hong Kong. L'autorité suprême de la ville, le chef de l'exécutif, a alors ordonné le renforcement de la sécurité autour du bâtiment par une grille d'acier de deux mètres de haut qui empêche de pénétrer sur la place. Les protestataires ont fait de ce mur un forum d'affichage de messages critiques contre le gouvernement.

Two-meter high iron gate outside the government headquarter is now called the wall of shame. Photo taken by Au Kalun.

La clôture de deux mètres de haut devant le siège du gouvernement est maintenant appelée le mur de la honte. Photo Au Kalun.

5. Plantation sur la voie rapide

Pékin continue à dire qu'Occupy Central ne fera pas dévier le statut politique de Hong Kong, de région administrative spéciale de la Chine continentale. Ce qui n'empêche pas les étudiants de persister à “rêver l'impossible.” Une affirmation artistique de cette attitude de défi est de faire pousser des plantes sur la route à quatre voies.

A plant that symbolizes the realization of an impossible dream. Photo taken by Au Kalun.

Une plante qui symbolise la réalsation d'un rêve impossible. Photo Au Kalun.Une

6. Honorable barricade

La police est sous la surveillance du public depuis son déploiement de gaz lacrymogène pour réprimer les manifestants pacifiques le 28 septembre. Quelques jours plus tard, le 3 octobre, des opposants au mouvement Occupy Central ont attaqué les protestataires à Mongkok devant des policiers indifférents aux violences. La police a nié avoir laissé faire ou collaboré avec les voyous pour nettoyer le campement, et a insisté que le service de la police est “Guang ming lei luo” (光明磊落) – un mot chinois riche de significations définissant le caractère d'une personne comme probe et honorable, intelligent et franc, ouvert et carré, droit et sincère. Protestataires et internautes se sont mis à utiliser le terme avec une dose de sarcasme après la publication de la vidéo du “coin sombre”.

A hugh blockade set up by the protesters. They called it a "candid" blockade. Photo taken by Au Kalun.

Une énorme barricade érigée par les protestataires, qui l'ont apelée “honorable” barricade. Photo Au Kalun.

7. Le Coin Sombre

Le 14 octobre, des manifestants ont tenté de barrer un axe majeur, Lung Wo Road, reliant les parties est et ouest de l'île de Hong Kong, pour riposter au démantèlement de barricades par la police ce même jour. Un des protestataires a été menotté et emmené dans un coin sombre où il a été roué de coups par sept policiers. Le passage à tabac a été enregistré par une caméra de la télévision. L'endroit où se sont déroulées ces violences policières est devenu un repère majeur d'Admiralty.

The spot where 7 police officers beat up a handcuffed protesters is now marked as dark corner in the google map. Photo taken by Au Kalun.

L'endroit où sept policiers ont roué de coups un manifestant menotté est maintenant marqué comme un coin sombre sur la  google map. Photo Au Kalun.

8. Infrastructure

Des ouvriers de chantiers ont monté une infrastructure, avec par exemple des escaliers permettant de franchir la barricade sur la route et pénétrer le site occupé. Les gens ont fait don pour les toilettes publiques proches du siège du gouvernement de toutes sortes de produits d'hygiène : savon, brosses à dents, cosmétiques, lingettes et mouchoirs en papier, pour que les protestataires puissent se garder propres tout en campant.

You can find all sort of body care items in the public bathroom near the government headquarter. Photo taken by Au Kalun.

On trouve toutes sortes de produits d'hygiène corporelle dans les toilettes publiques près du siège du gouvernement. Photo Au Kalun.

9. Route et tunnel déserts

Connaught Road est la voie la plus embouteillée de l'île de Hong Kong. L'occupation a métamorphosé le paysage urbain de sorte que l'autoroute et le tunnel pour voitures sont vides et l'air libéré des gaz d'échappement.

The empty vehicle tunnel looks rather surreal. Photo taken by Au Kalun.

Le tunnel routier a un air surréaliste. Photo Au Kalun.

10. Harcourt Village et rond-point des parapluies

Les mouvements civiques qui prônent des modes de vie alternatifs se sont aussi installés sur le site contestataire. On voit tisser, travailler le cuir, peindre et planter des légumes en pleine rue. L'installation du rond-point des parapluies devant le Conseil Législatif symbolise la nécessité de réfléchir à la voie de développement de la société.

A simple weaving machine has been set up in the Harcourt village. Photo taken by Au Kalun.

Un métier à tisser manuel monté dans le village Harcourt. Photo Au Kalun.

Retrouvez cet article dans notre dossier (en anglais) sur la révolution des parapluies de Hong Kong’

On ne badine pas avec la First Lady : le Président de Trinité-et-Tobago veut museler l'amuseuse

jeudi 30 octobre 2014 à 15:35
Trinidad and Tobago President Anthony Carmona, speaking at the International Criminal Court's  Judicial Candidates Forum in New York in 2011. Photo by Coalition for the ICC; used under a CC BY-NC-ND 2.0 license.

Anthony Carmona, le Président de Trinité-et-Tobago, prend la parole lors du Forum réunissant à New York, en 2011, les candidats à l'élection des juges de la Cour pénale internationale. Photo de la Coalition pour la CPI; sous licence CC BY-NC-ND 2.0.

Des internautes de Trinité-et-Tobago se sont livrés à un ‘facepalm’ (mine d'accablement) virtuel lorsque le tweet d'un journaliste a révélé que leur président, Anthony Carmona, avait envoyé une lettre d'avocat à Rachel Price, une humoriste du pays, pour lui interdire de brocarder les goûts vestimentaires de la Première dame.

Aux dernières nouvelles, Rachel Price n'avait toujours pas reçu la lettre mais se disait prête à sortir l'artillerie lourde le moment venu.

Son Excellence Reema Carmona a essuyé un déluge de critiques en raison de la tenue qu'elle a choisi, le mois dernier, pour la réunion “Fashion for Development [la mode au service du développement]“, lors de la 69e session de l'Assemblée générale des Nations Unies à New York. Le choix d'une épaisse ceinture en cuir tanné sur une robe noire donna l'illusion – du moins sur les photos – que la femme avait le ventre à l'air. Beaucoup jugèrent cet accoutrement déplacé, la Première dame se trouvant là à titre officiel, et certains continuent d'affirmer qu'elle ne portait pas de ceinture du tout.

 Trinité-et-Tobago est un pays réputé pour son “picong” : badinage satirique qui ne fait pas seulement partie de l'arsenal rhétorique de tout Trinbagonien mais qui est à la base de la tradition contestataire d'innombrables calypsos. Dans ce contexte, la réaction du Président a provoqué la surprise et exposé le chef de l'Etat à davantage de critiques encore.

Dans son discours d'investiture, Carmona a tenu à souligner, par des mots restés célèbres, que la présidence “n'est pas impuissante”.

 Je tiens à insister sur le fait [...] que je ne suis pas un président exécutif. Au sein du système de Westminster [système parlementaire de gouvernement basé sur celui du Royaume-Uni], il y a des paramètres que je dois prendre en compte pour agir. On me prête des pouvoirs…que je n'ai pas. Et je dispose de pouvoirs…dont on me croit privé.

Le discours avait fait grand bruit : les citoyens, en matière d'affaires publiques, espéraient moins de subordination et davantage d'action. Les coups bas de Rachel Price semblèrent futiles à côté de l'urgence des questions nationales. Rapidement, on délaissa la garde-robe de la Première dame …

reems

Non, mais franchement, Reema, tu vas porter ça?

…pour s'intéresser au plaidoyer qu'à  prononcé en sa faveur le Président :

 

president powers

Je n'use pas toujours des pouvoirs dont on me croit privé mais quand je le fais, c'est contre Rachel Price

 

Ce sont là les pouvoirs dont on le croyait privé ? D'envoyer à @RACHELPRICETT une lettre d'avocat pour qu'elle arrête de parler de ta femme?

Attendez! Le Président Carmona s'exprime sur les propos tenus par @RACHELPRICETT sur l'accoutrement de sa femme mais NE DIT RIEN SUR LA CONSTITUTION ?!? Ah. Bon.

@RACHELPRICETT thx hé! le bonhomme a jamais dû bosser autant depuis qu'il est président!

Pour d'autres utilisateurs Twitter, c'est l'incompréhension : pourquoi s'en prendre à Rachel Price quand le sujet alimente tant de discussions, sur les médias sociaux comme dans les médias traditionnels :

Rachel @RACHELPRICETT n'est pas la seule à en avoir parlé, tout le pays en a parlé et en parle encore, sa tenue vestimentaire c'était scandaleux

@RACHELPRICETT ils sont furax parce que tu dis tout haut ce que tout le monde pensait tout bas ! Tout d'un coup, il a son mot à dire !

Pour d'autres encore, la démarche était une attaque contre la liberté d'expression

@RACHELPRICETT what a Democratic country this is, when our citizens are not allowed freedom of speech!!!! 1st world status here we come

— jamie thorpe (@jthorpe91) October 22, 2014

@RACHELPRICETT quel beau pays démocratique, quand la liberté d'expression est interdite à nos concitoyens !!!! A nous le statut de premier monde [allusion à l'entrée, prévue vers 2020, de Trinité-et-Tobago dans le groupe des pays dits développés]

@RACHELPRICETT what I'd like to know is if they give you a letter, they might shutdown calypso fiesta next year. #raisetherealissues.

— Bradley (@Imsilentone) October 22, 2014

@RACHELPRICETT ce que j'aimerais savoir c'est s'ils t'envoient une lettre, si ça se trouve ils vont annuler la fête du calypso l'année prochaine.

Il y a ceux qui défendirent avec énergie la Première dame et son droit de s'habiller comme elle l'entendait : le créateur de mode Robert Young trouva “sexiste et remplie de colonialisme refoulé” la réaction suscitée par la tenue de Mme Carmona. Il tint à souligner que la mode est un phénomène culturel, disant : “Partout dans le monde, on montre son ventre. Feue Indira Gandhi à dû montrer le sien.” (sic)

Côté Président, le problème c'est que la Présidence considère diffamatoires les propos – bien qu'on ne sache pas bien lesquels – de Rachel Price. Cette dernière aurait fait la promotion d'un spectacle comique au cours duquel elle se promettait d'épingler l'accoutrement de la Première dame. Mais on ignore si la lettre renvoie à ce commentaire ou à d'autres. Pour Denise Demming, experte en relations publiques, la réaction du Président fait un peu penser à quelqu'un qui “utiliserait une hache là où il faudrait un scalpel”, ne réussissant qu'à “donner de la dignité à un humour médiocre et accroitre la popularité de l'intéressée.”

En débat aussi, la question de savoir si la Présidence devrait être partie d'une action en justice dans la mesure où seuls des individus peuvent être impliqués dans des affaires de diffamation. Lors d'une allocution donnée en 2014, à l'occasion de la Présentation des Diplômés de l'Université des Indes Occidentales, à Saint Augustine, le Président compara les commentaires de Rachel Price au “cyber-bullying“, évoquant la dégénérescence des sites web de médias sociaux dont “la fonction initiale était de créer un lien positif entre amis, famille et professionnels” et devenus désormais “un véritable champ de bataille où les insultes pleuvent, brisant des vies, détruisant l'estime de soi et l'amour-propre.”

En réaction à ces paroles et à la demande insistante du Président pour qu'on “respecte” sa fonction, Colin Robinson, un utilisateur Facebook, a déclaré :

J'en ai vraiment marre de ces conneries sur la fonction et la réputation. Va faire du vrai boulot et mérite-la, réputation! La dignité de quelle fonction? Est-ce qu'il existe une seule fonction à Trinité-et-Tobago qui ait de la dignité? C'est tous les jours que les tribunaux bafouent la dignité des gens, et la police qui les abat, et Kamla [Persad-Bissessar, le Premier Ministre] et tout ce qu'ils en sont peuvent baiser avec qui ils veulent et ils maintiennent les lois contre les homos et Wayne Kublalsingh est un reptile [...] Et tu veux préserver la dignité de ta fonction ??? Je pense même pas que Rachel Price ait raison de s'acharner sur une autre femme pour une histoire de robe. Reema et son ventre peuvent bien s'habiller comme ça leur chante, j'm'en tape. Mais quand on occupe une fonction publique, on doit accepter les insultes tout en gardant le sourire et en saluant avec la main. Sinon, faut pas aller, avec l'argent de mes impôts, poser à côté de Mme Ban [Soon-taek].

 

Sur Wired868, un site connu pour sa satire politique, M.Live Wire a totalement épousé le problème, comme une étoffe épouse les formes d'un mannequin :

 Feu le Président ANR Robinson prenait souvent à partie un ministre en exercice sur des questions qui, selon lui, allaient à l'encontre de l'esprit de la constitution et abusa de la confiance de la nation.

Le président actuel, quant à lui, ressemble davantage au type qui arrive dans une soirée, avec au bras sa femme à moitié nue, et qui veut en découdre avec tous ceux qu'il surprend en train de mater.

Pour certains utilisateurs Facebook, toute l'affaire pouvait tenir dans l'adage – propre aux habitants de la Trinité – : “do so don't like so”, en d'autres termes, “faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais”, remettant ainsi dans toutes les mémoires un procès semblable et intenté 11 ans plus tôt. En l'occurrence, Rachel Price avait envoyé une lettre d'avocat, pour calomnie, à Ricardo “Gladiator” Welch, un présentateur radio. Welch contre-attaqua et l'humoriste finit par retirer sa plainte.

Cette fois, néanmoins, il semble que celle-ci ne fasse pas marche arrière. Elle a déclaré dans son émission de radio :

On est en démocratie et si je ne peux pas parler du ventre de la femme du Président que j'avais devant les yeux, c'est qu'il y a un truc qui tourne vraiment pas rond…Tu l'as dit, bouffi, je sais pas ce que c'est que de rester à ma place. Mais je sais d'où je viens. Peut-être que je sais pas ce que c'est que rester à ma place mais vous m'connaissez ici. C'est Trinité-et-Tobago.

Au Burkina Faso, manifestations pour protester contre un ‘Président à vie’

mercredi 29 octobre 2014 à 22:52
Statue of President Campaoré Taken Down by Protesters in Burkina Faso - via Edem Tchakou (with permission)

Statue du président Compaoré abattue par les manifestants à Bobo Dioulasso, Burkina Faso – par Edem Tchakou (avec permission)

Les manifestations ont secoué Ouagadougou, la capitale de Burkina Faso, et d'autres villes depuis la mi-octobre suite à la proposition du président Blaise Compaoré de modifier les limites des mandats présidentiels de ce pays d'Afrique de l'Ouest.

Un président ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels en vertu de la Constitution actuelle. Mais cette Constitution a été modifiée à trois reprises — en 1997, 2000 et 2002 — depuis son approbation en 1991. Ces modifications ont permis à Compaoré de rester au pouvoir pendant 27 ans. 

La proposition de révision, qui sera votée par voie de référendum la semaine prochaine, vise à réduire à cinq ans le mandat actuel de 7 ans. La proposition remettrait le compteur à zéro (pour ainsi dire) et lui permettrait d'exercer encore trois fois et, s'il gagne, d'être président pendant 15 ans supplémentaires.

Le 28 octobre, des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans la capitale, scandant des slogans appelant au changement, généralement d'une manière pacifique. Malgré tout, quelques manifestants ont fait tomber la statue du président située au centre de Bobo Dioulasso et la police a lancé des gaz lacrymogènes sur les manifestants à Ouagadougou.

Le chef de l'opposition, Zephirin Diabre, est l'un des principaux organisateurs des manifestations. Le 26 octobre, il a tweeté un appel pour un rassemblement:

Il a ensuite ajouté pourquoi il pensait qu'il était temps pour les citoyens de prendre des mesures:

Les manifestations ont été largement relatées et suivies sur Twitter via les hashtags #burkina#bf226 et #iwili. Mossi Dramame, depuis la capitale, a publié quelques images:

Voici un aperçu de l'assistance mardi matin:

Même s'ils comprennent la raison des protestations, certains Burkinabés ne sont pas sûrs que la désobéissance civile soit la bonne manière de procéder. Yaya Boudani rapporte certaines de ces opinions depuis Ouagadougou:

Il faut choisir des voies légales pour arriver à trancher le différend entre le pouvoir et l'opposition. Il n'y a pas d'autres voies sinon une voie illégale qui va braquer les uns contre les autres. On va tomber dans une crise que personne ne peut maîtriser.

Les observateurs des pays voisins observent avec inquiétude les  évènements au Burkina Faso. Le président Compaoré a joué un rôle crucial dans la médiation de la crise ivoirienne en 2010.  Après l'élection présidentielle en novembre 2010, la Côte d'Ivoire a connu une interminable crise de gouvernance après que deux leaders, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, aient tous les deux revendiqué la victoire. Des manifestations et des violences excessives ont marqué la période depuis l'impasse initiale, puisque ni Gbagbo ni Ouattara ne s'était démis. Compoaré a dirigé un groupe de travail de médiation pour tenter de sortir la Cote d'Ivoire de la violence.  

Un membre du gouvernement ivoirien, Alain Lobognon, a donné son point de vue sur les manifestations via son compte Twitter:

Les observateurs craignent que la violence puisse dégénérer rapidement. Les articles sur News Ouaga montrent que les manifestations, la semaine précédente, devenaient plus controversées:

Après des manifestations relativement pacifiques la semaine dernière à Ouagadougou, des groupes de “50 à 300″ individus “agressent” depuis dimanche des députés de la majorité devant leurs domiciles, les accusant d’être “corrompus”, “traîtres à la nation”

Les musiciens russes et ukrainiens coincés entre guerre, discours hargneux et interdictions

mercredi 29 octobre 2014 à 19:08
Andrei Makarevich wears a ribbon with the colors of the Ukrainian Flag in the March of Peace in Moscow on March 15th. Image taken from Wikimedia Commons

Andreï Makarevitch arbore un ruban aux couleurs du drapeau ukrainien lors de la Marche de la Paix à Moscou le 15 mars. Photo : Wikimedia Commons

Le concert donné par le chanteur russe Andreï Makarevitch à la Maison de la Musique de Moscou le 25 septembre a été interrompu par le parti nationaliste non enregistré “Autre Russie” aux cris de “Traître !” avec jets d'oeufs, lancers de tracts et vaporisation de gaz au poivre dans la salle.

Makarevitch s'est récemment produit à Donetsk, ce qui, en regard des tensions nationalistes de plus en plus agressives attisées par le conflit russo-ukrainien, a suffi à le marquer comme sympathisant de l'Ukraine aux yeux des activistes pro-Russes. L'évolution du conflit transforme les frontières politiques en frontières culturelles, au grand dam des artistes des deux bords.

Les artistes russes dénoncés

Les scènes musicales russe et ukrainienne ont toujours été imbriquées. Les jeunes artistes ukrainiens montaient à Moscou en quête de célébrité et de fortune, tandis que les célébrités russes faisaient des tournées en Ukraine. Les deux nations ont toujours été reliées par la culture, les langues et l'histoire. Mais alors que le discours nationaliste s'échauffe, ce sont les échanges culturels qui souffrent.

En compagnie d'artistes ukrainiens, Makarevitch, à la tête du célèbre groupe russe de rock Machina Vremeni (Time Machine), a donné début un août à Donetsk un concert devant les enfants de réfugiés.

La ville de Donetsk, en Ukraine orientale, se trouve au centre du conflit de cet été entre la Russie et l'Ukraine, depuis sa prise par les séparatistes pro-Russes en avril. Malgré le cessez-le-feu déclaré en septembre, les affrontements violents se poursuivent.  

Rentré en Russie, Makarevitch a raconté son voyage dans une tribune pour le magazine russe Snob, qui a allumé des débats enflammés dans les mass média pro-Kremlin. Les titres ont accusé Makarevitch de se produire pour les troupes d'occupation ukrainiennes.  Des personnalités russes connues ont utilisé leurs plate-formes pour le dénoncer publiquement.

Joseph Kobzon, un chanteur et homme politique russe emblématique assène :

И говорить о том, что демократия позволяет каждому иметь свое мнение… Свое мнение – да, но демократия не позволяет быть предателями своей страны.

Vous dites que la démocratie autorise chacun à avoir son opinion. Son opinion – oui, mais la démocratie n'autorise pas à être traître à son pays.

Le député russe Evgueni Fiodorov a suggéré que Makarevitch se voie retirer toutes ses récompenses publiques. Un autre député, Dmitri Livintsev, a proposé de l'expulser du pays.

“Andreï Makarevich travaille depuis longtemps avec les fascistes. Il y a longtemps qu'il a fait son choix, lorsqu'il s'est mis du côté des ennemis de la Fédération de Russie”, a déclaré Fiodorov au journal Izvestia. 

Quand Naché Radio, organisatrince du festival de rock Nachestvié, a annoncé que Machina Vremeni se produirait au concert de clôture, son site web a été inondé de commentaires furieux et d'appels au boycott. (Nachestvié quant à lui a connu une importante fréquentation militaire, avec chars, soldats en uniforme et un poste de recrutement.) 

Après trois semaines de ce harcèlement, Andreï Makarevitch a écrit une lettre ouverte à Vladimir Poutine lui demandant de “stopper ce sabbat [de sorcières]‘”. Et il a reporté sa tournée prévue en Ukraine, alléguant de raisons de santé.

Notchnye Snaipery, un autre célèbre groupe russe de rock, n'est plus le bienvenu dans plusieurs villes russes depuis que Diana Arbenina, sa meneuse, s'est vue reprocher ses sympathies avec les Ukrainiens. Diana Arbenina est convaincue que son concert d'octobre à Vladimir a été annulé parce que son groupe s'est produit à Kiev en juillet. Au moins neuf concerts de ses concerts ont été annulés ces derniers mois.

Lors de son concert à Kiev Arbenina avait dit 

Я за то, что бы нас не могли разлучить и поссорить наши народы [...] Меня никто об этом не просил, но мне кажется, что сейчас очень правильно перед лицом Всевышнего попросить прощения за своих коллег, за тех людей, которые играют рок-н-ролл и, которые почему-то вас до сих не поддержали в страшное для Украины время

Je suis d'avis que rien ne peut nous séparer ni brouiller nos peuples. […] Personne ne me l'a demandé, mais aujourd'hui il est juste que je demande pardon devant le Tout-Puissant pour mes collègues, pour ces gens qui jouent du rock-and-roll, et qui pour quelque raison ne vous ont pas encore soutenus dans ces temps terribles pour l'Ukraine.

Après l'annulation de ses concerts dans toute la Russie, Diana Arbenina a publié un message vidéo sur YouTube. 

Elle y affirme : 

Причини по которому это случилось очень разные. потекла крыша. был ремонт в клубе. плошадку внезапно забирали под другие городские нужды. и все ето конечно же вранье. я хочу вам сказат што мы все равно приедем. ждите нас пожалуйста, мы делаем все што би ситуация стала нармални, штобы те политические брены которые вешают мне на голову закончилес. 

Les raisons [de l'annulation de mes concerts] sont variées : le toit qui fuit, les réfections du club, le plateau subitement occupé pour d'autres besoins de la ville. Et bien sûr ce ne sont que mensonges. Je veux vous dire que nous viendrons quand même. Attendez-nous s'il vous plaît, nous nous ferons tout pour que la situation redevienne normale, pour que ce délire politique s'arrête. 

Les artistes ukrainiens bannis de Russie

Inversement, des députés russes ont exprimé leur volonté d'établir une liste d'artistes ukrainiens indésirables en Russie.

Au printemps dernier, Okean Elzi, un groupe ukrainien, et Lyapis Trubetskoï, un groupe biélorusse, ont joué en Russie. Tous deux ont été accusés de soutenir le mouvement Euromaïdan, malgré les dénégations réitérées de ces artistes.

Vopli Vidoplyassova est un groupe ukrainien célèbre tant en Russie qu'en Ukraine depuis 1986. En août dernier, ses concerts ont été annulés à Moscou. Oleg Skripka, le frontman du groupe, a raconté les ennuis du groupe à la radio Echo Moskvy, parlant d'une grave maladie qu'il faut supporter :

Мы в Россию ездить не можем. У нас были запланированы два концерта — на Кубани и в Москве. Их отменили, потому что мы украинцы.

Пока это похоже на бред, но потом все устаканится.

Nous ne pouvons pas aller en Russie. Nous avions deux concerts prévus dans le Kouban et à Moscou. On les a annulés parce que nous sommes Ukrainiens. 

Pour le moment ça ressemble à du délire, après ça va se tasser.

La réaction ukrainienne

La classe politique ukrainienne a elle aussi pris en marche le train de la haine. Dans un entretien récent, Bogdan Tchervak, directeur du service de la politique de l'information du Comité d'Etat ukrainien de la radio-télévision, a indiqué que les interprètes russes et leurs chansons pourraient bientôt être bannis des ondes ukrainiennes.

“[C'est répugnant que] les [radios] diffusent principalement les concerts des soi-disant ‘vedettes’ russes, dont beaucoup sont déshonorées par leur soutien public à la politique expansionniste agressive de Poutine. [Ils ne] dissimulent [pas] leur haine de notre patrie”, a déclaré Tchervak à la Komsomolskaya Pravda d'Ukraine.  

Anton Gerachenko, conseiller au Ministère de l'Intérieur, a écrit sur son mur Facebook :

Мы сейчас со своей стороны готовим список по запрету въезда в Украину около 500 российских деятелей одобривших аннексию Крыма и раздел Украину.

И я считаю правильным не давать им зарабатывать денег на концертах и выступлениях в Украине – пусть едут выступают в Крым перед чайками на пустых пляжах.

Nous préparons de notre côté une liste d'interdiction d'entrée en Ukraine d'environ 500 artistes russes qui ont approuvé l'annexion de la Crimée et la division de l'Ukraine. Je trouve qu'il n'est pas juste de les laisser gagner de l'argent avec des concerts et des spectacles en Ukraine. Qu'ils se produisent en Crimée devant les mouettes sur les plages désertes.

Les nationalistes ukrainiens ont reproduit les attitudes de leurs homologues russes en traitant la célèbre chanteuse ukrainienne Ani Lorak de traîtresse quand elle a obtenu deux récompenses musicales en Russie en mai dernier. Les contestataires ont boycotté ses concerts et défiguré les affiches avec son portrait. Lorsqu'Ani Lorak a enregistré une chanson patriotique du célèbre compositeur ukrainien Ivassiouk, les militants d'Euromaïdan l'ont accusée de vouloir “exploiter le sang”.

En mai, les militants de Maïdan ont interrompu son spectacle dans la ville ukrainienne d'Odessa et essayé de forcer l'entrée de la boîte de nuit où elle se produisait. Plus de 200 policiers armés ont été appelés à la rescousse contre les assaillants, et il y a eu des échauffourées.

Gerachenko a écrit un article approfondi sur Facebook au sujet de l'incident, où il dit désapprouver la conduite de Lorak à propos de la Russie mais pour en conclusion prendre la défense de Lorak et des policiers :

Я не считаю вину Ани Лорак настолько большой, чтоб не давать ей выступать в Украине. Она несколько мне известно не делала заявлений о поддержки аннексии Крыма или раздела Украины, а только поехала на награждение какой то музыкальной премией в мае этого года. Считаю, что казнить ее за это нельзя.

Je ne trouve pas Ia culpabilité d'Ani Lorak si grande qu'il faille l'empêcher de se produire en Ukraine. Que je sache elle n'a pas fait de déclarations approuvant l'annexion de la Crimée ou la division de l'Ukraine. Elle est juste allée à une cérémonie de prix musical en mai. Je pense qu'elle ne doit pas être exécutée pour ça.

[affrontements au Club Ibiza - video sur YouTube de l'utilisateur ClikaTV] 

Le conflit entre Russie et Ukraine déborde les limites de la simple opération militaire : en ce moment même, la guerre se mène dans les média, sur internet et dans les sphères de la culture. Les liens historiques entre les deux pays sont tellement étroits que le conflit est à beaucoup d'égards une guerre civile. La diabolisation mutuelle des créateurs montre à quel point la guerre est entrée dans les têtes. 

Cet article est une commande de Freemuse, le principal défenseur des musiciens dans le monde, et de Global Voices pour Artsfreedom.org. L'article peut être reproduit par les médias non-commerciaux, en créditant l'auteur Masha Egupova, Freemuse et Global Voices avec un hyperlien vers l'original.

Gabriela García Calderón, sept années au quotidien avec Global Voices

mercredi 29 octobre 2014 à 13:39

 

Gabriela au Kenya en 2010, avec la Rift Valley à l'arrière-plan. Courtoisie Gabriela García Calderón Orbe

Gabriela au Kenya en 2010, avec la Rift Valley à l'arrière-plan. Courtoisie Gabriela García Calderón Orbe

Gabriela García Calderón a rejoint Global Voices en 2007, et depuis, dévouée et toujours amicale, elle  contribue sans relâche, avec d'excellents articles, à l'édification de cette communauté dynamique, qui célèbre ses dix ans. Elle est l'un des contributeurs les plus réguliers ainsi que les plus prolifiques et a récemment pris le poste d'éditeur chargé de l'Amérique latine.

Global Voices (GV): Lorsque Juan Arellano vous a interviewée en juillet 2009, vous étiez traductrice pour GV espagnol depuis près de deux ans. Aujourd'hui, vous comptez plus de 7160 contributions au sein de GV en espagnol - le nombre le plus élevé à GV si je ne me trompe pas – et plus de 415 sur GV en anglais. En outre, vous remplissez actuellement les fonctions d'éditrice de GV pour l'Amérique latine. Parlez-nous des étapes de votre implication au sein de Global Voices.

Gabriela García Calderón (GGC): Tout a été un un processus graduel. J'ai commencé à la fin de 2007, comme traductrice bénévole pour GV en espagnol et deux ans plus tard, Eddie Avila, alors rédacteur en chef régional, m'a invitée à être auteur. Je suis devenue, alors, traductrice bénévole et auteure. Quand notre ancienne rédactrice en chef Silvia Viñas a pris son congé de maternité, elle m'a demandé de la remplacer pendant les deux mois de son absence. Et quand elle a décidé de changer d'emploi, on m'a demandé de la remplacer provisoirement.

Entretemps, j'avais aussi écrit quelques articles pour Rising Voices, d'autre part, j'aide actuellement Eddie Avila dans le projet Rising Voices Amazonia  [fr].

GV: Est-ce que votre expérience de la traduction, de la création et de l'éditing a changé votre vision du monde au cours de ces années ?

GGC: Oui, ça me fait réfléchir beaucoup plus sur les personnes touchées par chaque information ou événement que nous rapportons. Les informations ne se limitent pas uniquement aux accidents ou aux manifestations, c'est celle d'une fille qui raconte sur Twitter comment elle s'est sentie malade lorsqu'on a lancé du gaz lacrymogène à côté d'elle, ou celle d'un volontaire qui partage ses réflexions après avoir vu directement les effets d'un typhon. Ce qui me porte à considérer le côté humain des informations et me fait réaliser qu'il ne s'agit pas que de statistiques et de chiffres, mais de personnes.

GV: Est-ce que votre travail avec GV a un impact sur vos activités d'avocate ?

GGC: Faire partie de GV m'a rendue plus sensible à ce qui se passe dans le monde. De même, quand je prends connaissance d'une affaire judiciaire, je tends à me concentrer sur la façon dont elle affecte quelqu'un pour essayer de faire respecter la loi. Nous lisons tellement à propos d'endroits où les gens n'obtiennent pas justice, que j'ai la chance depuis là où je me trouve d'être en mesure d'aider quelqu'un à voir ses droits respectés.

GV: Le monde des médias sociaux a-t-il changé beaucoup en Amérique latine depuis, disons, 2009 ? 

GGC: En 2009, Twitter n'était pas utilisé comme il l'est maintenant. A présent, les politiciens expriment leurs pensées via Twitter et parfois ils créent tout un buzz avec seulement 140 caractères. Les citoyens ordinaires aussi utilisent Twitter pour dénoncer des incidents où ils estiment que leurs droits sont violés. Ou pour signaler des tremblements de terre, très fréquents dans ce pays. Par exemple, il y a quelques jours, il y a eu un séisme à Lima. il a fallu un peu de temps aux médias pour réagir. Mais immédiatement après, Twitter a commencé à inonder de messages sur le tremblement de terre.

GV: Vous êtes aussi une blogueuse active. Quelle est la place que tient cette activité dans votre vie quotidienne ? 

GGC: Mon blog m'a apporté beaucoup de moments de bonheur, beaucoup de bons amis dans des pays très divers et l'idée que partager des événements et des incidents quotidiens en vaut la peine, aussi insignifiants que nous estimions qu'ils soient. Il est incroyable de voir comment les idées et les pensées similaires que nous pouvons trouver quand nous sommes confrontés à une situation simple, peu importe si cela se produit au Pérou, en Espagne ou au Qatar.

GV: Pourriez-vous aussi apporter quelques précisions sur la façon dont vous gérez votre propre temps pour toutes ces tâches, y compris votre travail comme avocate ? Des conseils ?

GGC: Chaque jour apporte ses propres problèmes. Ce que je fais chaque jour est de diviser mes activités et voir celles qui ont la priorité. Si un post sur GV doit être publié tout de suite, tout le reste devra attendre. La même chose avec toutes les autres activités. Cela fonctionne pour les jours de la semaine. Le week-end, j'essaie d'être loin de l'ordinateur, ce qui n'est pas une tâche facile ! Je finis à un certain point par consulter mes e-mails et exécuter des tâches afin de réduire ma charge de travail pour la semaine.

GV: Autre chose que vous aimeriez ajouter ?

GGC: Je souhaite à GV un heureux dixième anniversaire ainsi que beaucoup d'autres anniversaires à venir. Je suis tellement heureuse d'appartenir à cette communauté incroyable, où chacun compte comme une personne et où tout le monde a son mot à dire.