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Abdoulaye Bah, une vie digne d'être vécue

lundi 20 mai 2013 à 16:27

[Liens en français, italien ou anglais]

 

Abdoulaye Bah est un citoyen italien d'origine guinéenne de 72 ans, retraité de l'ONU. Il vit entre Rome et Nice et collabore à Global Voices depuis décembre 2008, de façon très assidue puisqu'il a presque atteint les mille posts traduits ou écrits en français, ainsi qu'un certain nombre de contributions à Global Voices en italien et en anglais. Nous avons eu l'honneur et le plaisir de le faire parler un peu de sa vie.

Abdoulaye, tu es originaire de Guinée Conakry : quand es-tu arrivé en Italie ? Décris-nous ton expérience d'immigré clandestin en Italie.  

J'ai justement fêté en avril dernier le cinquantième anniversaire de mon arrivée en Italie, à Florence, pour étudier. Ce n'est pas à cette occasion là que j'ai vécu clandestinement en Italie. Mais peu de temps après mon arrivée, mes papiers sont arrivés à échéance et j'ai vécu en clandestin. La vie d'un étudiant sans bourse d'étude était difficile, mais la politique d'immigration italienne à l'époque ne contenait pas toutes les mesures xénophobes d'aujourd'hui.

Malgré l'aide de nombreux amis, j'ai connu la faim, au point d'avoir des vertiges lorsque j'ai passé mon premier examen à l'université. Heureusement, l’archevêque de Florence, S.E. Ermenegildo Florit, alerté par le maire Giorgio La Pira, m'a donné la possibilité de prendre mes repas à la cantine de Caritas et de dormir à l'hôtel des pauvres.

Alors, quand es-tu entré clandestinement en Italie ? 

Après la fin de mes études à Florence, en 1967 : j'ai obtenu mon diplôme en statistiques, j'ai suivi un cours de spécialisation, puis je suis parti pour Paris où je voulais travailler pour avoir de quoi acheter un billet d'avion et retourner ainsi dans mon pays. Quand mon père l'a appris, il est venu me voir pour me déconseiller de rentrer en Guinée, où la dictature était devenue féroce, avec des dizaines de milliers d'arrestations et des massacres d'innocents, en particulier des intellectuels de notre ethnie.

Je n'avais pas de papiers, il n'était pas facile d'obtenir un visa pour revenir en Italie. J'ai pris le train Paris-Rome le lendemain de la mort de Che Guevara, le 9 octobre 1967. Arrivé à la frontière, à Vintimille, quand j'ai entendu les policiers qui effectuaient des contrôles,  je suis entré dans les toilettes en laissant la porte ouverte et en m'accrochant aux parois au-dessus de la cuvette des WC. Quand les douaniers sont entrés, ils ont regardé à l’intérieur sans me voir et ont refermé la porte. C'est de cette façon que j'ai réussi à revenir en Italie.

Un prêtre qui venait de fonder l’UCSEI [Bureau central des étudiants étrangers]  m'a embauché comme rédacteur pour 20 000 Lires d'alors par mois, ce qui me permettait de payer le loyer de ma chambre. Il a réussi à me trouver des petits boulots pour gagner un peu plus d'argent. J'ai résumé et traduit des biographies de scientifiques, en particulier pour l’Académie pontificale des sciences, puis j'ai travaillé comme consultant en relations publiques pour l’IRI dans son service de coopération internationale.

I clandestini di oggi,

Les clandestins d'aujourd'hui :”Je suis en Italie, je vais devenir riche !”, de Gianluca Costantini (2005) sous licence CC 3.0

Ton pays est majoritairement musulman : tu nous a dit t'être marié au Vatican. Comment cela se fait-il ? 

En Guinée, la pratique de la religion est basée sur la tolérance. Enfant, j'ai passé beaucoup de temps avec mon grand-père, qui était un chef religieux important et qui est mort à La Mecque. J'ai suivi beaucoup de ses prêches, qui étaient pleins de piété. Après l'école primaire, mon père m'a payé des études dans un lycée tenu par des prêtres, le meilleur de la Guinée.
Etant donné le contexte dans lequel s'est formée ma personnalité, la différence entre religions n'a jamais été un problème pour moi.

En 1969, quand j'ai rencontré mon âme-sœur et que nous avons décidé de nous marier, je ne pouvais obtenir aucun document auprès de mon pays. Je vivais sans papiers en Italie. Je ne pouvais pas fournir le dossier nécessaire pour un mariage civil à la mairie. Don Remigio Musaragno, le directeur de l’UCSEI, m'a alors proposé de me marier au Vatican. La réglementation du Vatican sur les mariages mixtes publiée le 18 mars 1966 exigeait seulement quelques garanties sur ma situation de célibataire – y compris dans mon pays -, le respect de la religion de mon épouse, la promesse de ne pas m'opposer à l'éducation religieuse catholique de nos enfants et que je reconnaisse l'indissolubilité d'un mariage célébré à l'église.

Dans les grandes lignes, j'ai respecté mes engagements, nous sommes toujours mariés et je n'ai pas fait obstacle à l'éducation catholique de nos enfants. L’aîné est même entré dans le tiers-ordre franciscain, le 7 avril dernier, alors que le second est agnostique. Moi, je suis devenu militant du Parti Radical italien.

Tu peux nous en dire plus sur ton fils qui est entré dans le tiers-ordre franciscain ?

Dans tous les pays où nous avons vécu, mon épouse et mes trois fils ont toujours pratiqué la religion catholique. Par ailleurs, nous avons toujours reçu des prêtres chez nous, tant à Adis Abeba, mon premier poste aux Nations Unies, qu'à Vienne, en Autriche, où nous avons vécu très longtemps.

A Vienne, j'ai tenté de leur enseigner également les rudiments de la religion musulmane pour leur permettre de choisir entre islam et catholicisme. Mais l'enseignement de l'islam est difficile en Europe, parce qu'il faut apprendre à lire et écrire l'arabe :  nous avons alors demandé à des étudiants nord-africains qui étudiaient à Vienne de leur en enseigner les bases.

Quand les enfants ont décidé de se faire baptiser, Ahmed, l’aîné, ne voulait pas le faire pour ne pas me laisser seul dans la religion musulmane. Nous lui avons expliqué que ce n'était pas la peine, car je ne pratiquais aucune religion. Alors seulement il s'est fait baptiser. De retour à Rome, et alors qu'il a un métier, il a commencé à fréquenter une communauté franciscaine et à faire du bénévolat pour Caritas, où il a découvert sa vocation.

Dans tes rapports avec l'église catholique, il y a aussi ta participation au tournage du film “Habemus Papam” de  Nanni Moretti : comment cela s'est-il passé, et quel rôle as-tu interprété ? 

C'est une pure coïncidence. Quand le metteur en scène préparait le film, il recherchait des immigrés d'un certain âge venant du monde entier. Malheureusement, quand le tournage a commencé, je suis tombé malade et j'ai participé à peu de scènes. J'étais à la gauche de Michel Piccoli. J'interprétais le cardinal de Zambie. Je n'ai jamais rêvé de faire du cinéma, même si j'ai eu la chance de participer à des films de metteurs en scène célèbres comme Federico Fellini et Gillo Pontecorvo, dans les années 60, dans les studios de Cinecittà et ceux de De Laurentiis.

Abdoulaye Bah

Abdoulaye Bah

Comment as-tu découvert Global Voices et quel rapport y a-t-il entre GV et ton engagement parallèle de blogueur sur http://konakryexpress.wordpress.com ?

Un soir de décembre 2008, j'étais alors à la retraite, pour ne pas me disputer avec ma femme sur le choix du programme de télé, je me suis mis à chercher une activité bénévole sur Internet. Parmi les sites que j'ai visités, il y avait Global Voices. J'ai lu quelques posts et cela m'a plu. J'ai pris immédiatement contact avec Claire Ulrich, la responsable du groupe francophone, et j'y suis entré.

Je n'avais jamais eu aucune activité de blogueur auparavant. Je ne savais même pas ce qu'étaient ou signifiaient Facebook, Twitter, netcitoyen, médias citoyens, un blog, ou un post. Mon unique activité sur internet était le Forum de l'association des victimes de la dictature dans mon pays. Je suis devenu blogueur grâce à la patience de la responsable qui m'a aussi aidé à créer le blog Konakry Express [fr], né pour diffuser des informations sur les graves atteintes aux droits humains en Guinée lors des émeutes du 28 septembre 2009.

Quelle est la relation entre ton activité de blogueur et ton engagement politique avec le Parti Radical ?

J'ai vécu 1968 en Italie, j'ai suivi et participé à beaucoup de manifestations de jeunes : décolonisation de l’Afrique, lutte contre l'apartheid, dénonciation de la guerre au Vietnam, lutte contre la ségrégation raciale aux Etats-Unis. Ces thèmes, sur lesquels le Parti Radical a été en première ligne en Italie, ne pouvaient que m'impliquer : de la lutte pour le droit à l'avortement, au divorce, jusqu'à celle contre la faim dans le monde. Dans les années 90, c'est encore grâce aux initiatives du Parti Radical qu'à eu lieu la création de la Cour Pénale Internationale, le débat pour un moratoire de la peine de mort au niveau mondial ou la mobilisation contre les mutilations génitales féminines.

Ma sensibilité aux droits humains est le fruit de l'expérience vécue dans mon pays et durant des missions pour la paix auxquelles j'ai participé, dans des pays où ces droits étaient violés, comme au Cambodge, en Haïti et au Rwanda. A travers mon activité de blogueur, je chercher à écrire ou à traduire des posts sur ces thèmes, qui me tiennent à cœur.

A ce propos, quelle est selon toi la situation en Guinée aujourd'hui ? 

En 2010, Alpha Condé, un intellectuel qui fut professeur de droit à la Sorbonne a été élu Président. Beaucoup de citoyens s'attendaient à ce que les choses s'améliorent, mais malheureusement, c'est le pire président que le pays ait eu jusqu'ici, pour les fractures que sa politique créé entre les ethnies. Des personnes accusées de crimes contre l'humanité figurent dans son gouvernement, pas seulement celles accusées par les ONG internationales et l'ONU, mais aussi par la justice guinéenne, et pourtant, elles restent aux mêmes postes à responsabilités qu'elles occupaient quand elles ont commis ces actes et elles ont même obtenu des promotions. Il aurait fallu organiser des élections quelques mois après la présidentielle, mais on ne parvient pas à trouver un terrain d'entente entre le gouvernement et l'opposition. Je ne suis pas optimiste pour le futur. [A ce sujet, lire cet interview d'Abdoulaye.]

PS: cet entretien se conclut sur une note amère. Voici quelques jours, Abdoulaye a été victime d'une agression raciste dans un restaurant italien de Nice. Lire ici [fr]  son témoignage. Nous savons par ailleurs qu'il compte s'adresser à SOS Racisme pour être assisté dans le dépôt d'une plainte. Le groupe italien lui témoigne toute sa solidarité. 

Chine : deuxième manifestation contre une usine chimique à Kunming

lundi 20 mai 2013 à 14:51

Plusieurs centaines d'habitants de Kunming se sont rassemblés le 16 mai à proximité du siège du gouvernement local, pour protester contre la construction prochaine d'une raffinerie chimique dans les environs de cette ville du sud de la Chine. Il s'agit du deuxième grand rassemblement contre ce projet après la manifestation du 4 mai.

La China National Petroleum Corporation prévoit de construire une usine chimique dans la ville voisine d'Anning, afin de produire 500 000 tonnes de paraxylène (PX), qui serviront à fabriquer du tissu.

En réponse à la manifestation du 4 mai, le gouvernement local a organisé plusieurs réunions et a garanti que la raffinerie n'aurait pas d'effets nocifs sur l'environnement. Les citoyens se sont également vus assurer que leur opinion serait prise en compte. Li Wenrong, le maire de la ville, a promis que le projet PX serait abandonné si la majorité des habitants s'y opposaient.

Mais selon des sources officielles, le rapport d'évaluation sur l'impact environnemental du projet est toujours confidentiel. Des microblogueurs chinois ont également révélé que le gouvernement tente d'empêcher tout rassemblement futur [anglais] et d'interdire d'éventuelles investigations au sujet de la raffinerie. Les employés d'entreprises d'État et les élèves d'écoles publiques ont quant à eux dû promettre qu'ils ne participeraient à aucune manifestation et ne parleraient pas du projet en public.

May 16 sees another protest with skeptical residents calling on a stop on the project. (Image from Sina Weibo)

Une pancarte qui proclame: “Rendez le rapport d'évaluation public. Refusons la pollution.”  (Image via Sina Weibo)

Malgré toutes ces manœuvres du gouvernement local, des habitants ont bel et bien défilé pour demander l'arrêt du projet. Des photos de la manifestation circulent sur Sina Weibo et les discussions sur le projet sont régulièrement mises à jour.

“Maya Tansuozhe” est sceptique [chinois] quant aux déclarations du gouvernement sur l'absence de conséquences environnementales :

云南省环科院高级工程师周东风称,中石油炼油项目对昆明环境污染影响不大 http://t.cn/zTDtGwj --看到这则新闻忍不住吐槽,你们把滇池管成那样,还如何相信你们? 影响不大是多大? 许多环境污染具有不可逆性,到时候后悔都没地儿。一届政府的政绩,100年的治理代价,你负责得了吗?

Zhou Dongfeng, un ingénieur en chef à l'Académie des sciences environnementales du Yunnan, dit que l'usine chimique n'aura pas d'impact conséquent sur l'environnement de Kunming. A la lecture de cette déclaration, je ne peux m'empêcher de protester, car regardez dans quel état est le lac Dianchi à cause de vous [ndr, le lac est très pollué depuis plusieurs années]. Comment voulez-vous que l'on vous fasse confiance ? La pollution environnementale est très souvent irréversible, et quand vous le regretterez, il sera déjà trop tard. Les actions du gouvernement actuel vont donner l'exemple pour la politique environnementale des 100 années à venir, en assumerez-vous la responsabilité ?

“Huyan Luanyu” écrit quant à lui [chinois] :

13日,昆明政府就炼油与市民代表召开了表恳谈会,表示要充分听取各界市民对炼油项目的意见建议。可近几天,各院校各单位要求职工学生,不参加不宣传炼油的紧急通知和承诺书却是要民众“沉默”。这样的做法是否会使民众对政府公开信息充分听取市民意见产生怀疑?

Le 13 mai, le gouvernement de Kunming a organisé une réunion de “discussion sincère” avec des représentants de la population, et indiqué qu'il tiendrait compte de l'opinion du public sur le projet de raffinerie. Mais ces derniers jours, la circulaire envoyée aux écoles et compagnies d'Etat pour intimer aux gens de ne participer à aucune manifestation a démontré que l'on cherche à faire taire le peuple. Est-ce que cette approche va inciter les gens à douter des informations fournies par le gouvernement, et à remettre en cause leur prétendue attention vis-à-vis de l'opinion publique ?

“Shaomai Tuo” de Kunming partage ce sentiment [chinois] :

恳谈?一面说充分广纳民意,一面放锦衣卫四处镇压威胁!买口罩印刷宣传品要登记报警;各大企事业单位统统下禁令不许参加游行、不准发表任何意见;违者一律开除。这就是中国式恳谈,啃嗜民主、弹劾民意!

“Discussion sincère” ? D'un côté ils prétendent écouter l'opinion publique, et de l'autre ils demandent à la police de supprimer toute menace potentielle ! On doit s'enregistrer si l'on veut imprimer une phrase sur un masque, la plupart des grandes entreprises et institutions affichent une notice qui interdit tout défilé ou affichage d'opinion, et ceux qui ne suivent pas les règles sont licenciés. C'est ça la discussion sincère à la chinoise, une fausse démocratie, et le baîllonnement de l'opinion publique !

“Abu Gougou 911″ déclare [chinois]:

没有合理的解释,没有真正的处理态度,民众怎样能够安心

Sans aucune explication fiable ni véritable volonté de régler les problèmes de la part du gouvernement, comment la population peut-elle avoir l'esprit tranquille ?

“Lan Qinzi” ajoute [zh] :

据说昆明各部门各事业单位都在要求职工签订保证不去参加16号的散步活动。其实我已经想不出来还有什么比散步这么和平的渠道更好的抗议方式了,不让散步的话,民众还有什么其他的方式让自己的声音被听到吗?

Apparemment, certaines institutions à Kunming ont exigé que tous leurs employés signent une promesse de ne pas participer à la manifestation. Mais en vérité, je ne vois pas de meilleure forme de protestation qu'un défilé pacifique. Si même marcher n'est plus autorisé, quel moyen reste-t-il au peuple pour faire entendre sa voix ?

La réalisatrice Wang Tingting, originaire de Beijing, a cité [anglais] une chanson issue de la comédie musicale Les Misérables :

Entends-tu le peuple qui chante ? Une chanson d'hommes en colère ! C'est la musique du peuple qui refuse d'être esclave ! Quand les battements de ton cœur font écho aux battements du tambour. Demain arrive et une nouvelle vie s'apprête à commencer !

 

Ye Tan, professeur d'histoire et contributrice régulière à la version chinoise du Wall Street Journal, a proposé sa vision de la situation dans un édito intitulé “La protestation contre le PX est inutile” [chinois]. Elle y explique en détail pourquoi elle croit que le gouvernement local n'abandonnera pas le projet, qui reste une opportunité incomparable pour accélérer la croissance économique – et ce malgré les protestations et le coût environnemental.

笔者尊重当地居民的选择权,佩服公民的抗争意识,但对中国的环保现状表示悲观,在产值、财富与青山绿水之间,地方政府的选择不言而喻。 昆明翠湖,群鸟飞翔,人鸟共乐,是中国大城市中极少看到的温馨景致,再过十年,这样的情景还能看得到吗?

Je respecte l'opinion des habitants et admire la conscience citoyenne dont ils font preuve en manifestant. Toutefois, je suis pessimiste quant au status quo qui existe sur la protection de l'environnement en Chine. Entre la richesse et la valeur de la production d'un côté, et les montagnes et fleuves de l'autre, le choix est vite fait pour le gouvernement local. Le Lac Émeraude de Kunming et les oiseaux qui le survolent sont une vision rare dans une aussi grande ville chinoise. Pourrons-nous toujours en profiter dans dix ans ?

Mexique : les mères de disparus en grève de la faim

lundi 20 mai 2013 à 11:03

[Les liens renvoient vers des pages en espagnol, sauf mention contraire] 

Un groupe de mères a entamé une grève de la faim au Mexique et a commémoré la Fête des mères devant le bureau du procureur général du Mexique pour pousser le gouvernement mexicain à tenir sa promesse de rechercher leurs enfants disparus.

D’après les rapports officiels [en anglais], plus de 26 000 personnes ont disparu au Mexique entre le 1er décembre 2006 et 30 novembre 2012 sous le gouvernement de l'ancien président Felipe Calderón.

Ces femmes sont en grève de la faim depuis le 9 mai 2013.

Erwin C. a mentionné l'une des mères grévistes de la faim sur le blog The Latin Americanist [en anglais] :

Nous ne bougerons pas tant que notre affaire ne sera pas résolue,  nous attendons que le président prenne rendez-vous avec nous et qu’il constitue un groupe de travail compétent pour nous dire quand et comment ils vont commencer à rechercher nos proches disparus », a déclaré la gréviste de la faim Margarita López. Elle a dit que sa fille disparue, Yahaira Guadalupe Bahena, avait  été enlevée il y a deux ans par “des hommes armés”. Margarita Lopez est persuadée que Yahaira a été torturée jusqu'à la mort et a exhorté les autorités à mener une enquête sur une fosse commune où on suppose que sa fille aurait été enterrée, mais les revendications des mères ont été ignorées jusqu'à présent.

Margarita López a été l'une des participantes à une grève de la faim de sept jours qui a eu lieu en novembre dernier et qui a pris fin quand les autorités de Mexique s'étaient engagées à résoudre l'affaire.

Paris Martínez a couvert la grève de la faim sur le média numérique Animal Político depuis son début. Dans une de ses publications, il a présenté aux lecteurs certaines mères participants à la grève, comme Nancy Rosete, dont le fils Elvis Axell Torres Rosete est porté disparu depuis le 29 décembre 2010 :

Yo decidí participar en la huelga de hambre porque, como víctimas, no contamos con certeza sobre las acciones que realizan las autoridades. Han pasado ya más de dos años y, aun cuando hay supuestos avances en las investigaciones, nosotros no podemos verificarlos.

J'ai décidé à participer à la grève de la faim parce que, en tant que victimes, nous n'avons aucune certitude sur les actions entreprises par les autorités. Plus de deux ans se sont écoulés, et même s'il y aurait des avancées dans les enquêtes, nous ne pouvons pas le vérifier.

Le 13 mai, Paris Martínez a écrit sur le site Animal Político que ”à l’exception d'un bref échange avec le vice-procureur Ricardo Garcia Cervantes dans la journée où les protestations ont commencé, aucune autorité n'est venue se renseigner sur les revendications [des manifestantes] ou pour ouvrir officiellement un dialogue”.

Des mères et des proches des disparus [en anglais] ont manifesté le 10 mai [en anglais], la Fête des mères au Mexique. Paris Martínez a partagé une vidéo qui montre les mères en grève de la faim célébrant la fête des mères en chantant en chœur « Ils ont pris leur vie, nous voulons revenir vivants !” Et : “Où sont-ils ? Où sont-ils ? Nos enfants, où sont-ils ?” :

Dans une autre vídéo, Paris Martinez a interrogé les mères et les proches des disparus, au quatrième jour de leur grève de la faim. Erica, une des mères, porte un panneau qui dit : “Quatre jours de grève de la faim et pas de réponse. Nous voulons que nos fils et filles apparaissent. Justice !”

Erica dit qu'elles ressentent les effets du manque de nourriture, que la température diminue pendant la nuit et qu'elles ne se sentent pas en sécurité. Elle ajoute que les citoyens leurs ont apporté de l’aide.

Une autre manifestante affirme qu'elles ne s'en iront pas : “Nous ne sommes pas là pour une seule personne, nous sommes là pour un objectif commun, qui consiste à rechercher les disparus” :

Mercredi, le 15 mai, Paris Martínez a signalé qu'une délégation représentant les manifestants a été admise à rentrer dans Los Pinos - la résidence officielle et le bureau du président du Mexique –, et à présenter des demandes par écrit au président Enrique Peña Nieto, “afin qu'il explique le manque d'actions concrètes pour rechercher nos fils et filles.”

La Polynésie Française, entre démocratie et décolonisation ?

lundi 20 mai 2013 à 00:28

L'Assemblée générale de l'ONU a adopté, vendredi 17 mai 2013, une résolution plaçant la Polynésie française sur la liste des territoires à décoloniser. La résolution avait été présentée, entre autres, par trois petits Etats du Pacifique : les îles Salomon, Nauru et Tuvalu, et a été adoptée sans vote, par consensus, en l'absence de la France qui a boycotté la séance, après avoir usé de tous les moyens politiques et diplomatiques pour empêcher un vote. L'inscription était portée par le président indépendantiste Oscar Temaru, battu entre-temps non sans ironie aux élections locales par le presque inusable Gaston Flosse, rescapé de plusieurs affaires judiciaires, autonomiste dans le cadre de la république française, et proche de la droite métropolitaine.

carte en relief de la Polynésie Française, par Sardon sur Wikimedia Commons, licence GNU

carte en relief de la Polynésie Française, par Sardon sur Wikimedia Commons, licence GNU

La résolution de l'ONU affirme ”le droit inaliénable de la population de la Polynésie française à l’autodétermination et à l’indépendance”, conformément à la Charte de l’ONU et l’article 73 sur les territoires non autonomes. Elle invite le gouvernement français à ”faciliter et accélérer la mise en place d’un processus équitable et effectif d’autodétermination” en Polynésie. A l’heure actuelle, la Polynésie française (274 000 habitants) est une collectivité dotée d’une très large autonomie, mais la France conserve ses compétences régaliennes, telles que la sécurité publique ou les relations internationales. On trouvera d'intéressantes cartes sur le blog Histoire-Géo.

Des résolutions analogues ont par le passé visé le Royaume Uni (Gibraltar, Malouines) ou la Nouvelle-Zélande, sans résultat concret, les pays passant régulièrement outre.

Le Ministère français des Affaires étrangères a déploré, dans le communiqué de son porte-parole,

une ingérence flagrante, une absence complète de respect pour les choix démocratiques des Polynésiens, un détournement des objectifs que les Nations unies se sont fixés en matière de décolonisation. (…) Le 21 avril puis le 5 mai, les électeurs polynésiens ont renouvelé, comme tous les cinq ans, leur assemblée territoriale. Ils ont donné une majorité incontestable aux élus favorables à l'actuel statut d'autonomie.

 

En effet, le parti de Gaston Flosse est arrivé en tête du second tour de l’élection pour l'assemblée territoriale le 6 mai 2013 et obtient 38 des 57 sièges à pourvoir.

Gaston Flosse, à peine réinstallé dans le fauteuil présidentiel polynésien, a moins mâché ses mots et déclaré dans un discours radiodiffusé :

Nous continuerons à nous élever contre cette décision jusqu’à ce qu’elle soit rapportée. L’ONU a inventé le droit des nations à disposer des peuples contre leur gré. Nous ne voulons pas de dictature chez nous.

Présidence de Papeete sur wikipédia license CC-BY-3.0

Présidence de Papeete sur wikipédia license CC-BY-3.0

Causeur ironise :

Il semble d’autant plus urgent d’y organiser un « processus équitable et effectif d’autodétermination » que celui-ci a déjà eu lieu en mars dernier. À la question « Souhaitez-vous que les îles Malouines conservent leur statut politique actuel en tant que territoire d’outre-mer du Royaume-Uni ? », les insulaires ont répondu Oui à 99,8%.
Mais peut-être est-ce là une majorité trop faible pour beaucoup d’Etats membres de l’ONU, où un scrutin n’est valide que si le pouvoir en place dépasse la barre des 100% des suffrages exprimés.

Sur les médias sociaux, les réactions ont été tout aussi épidermiques, et des utilisateurs de Twitter renvoient symétriquement la France à ses incohérences supposées de donneuse de leçons.

Michel Emka cite un article d'europe-israël.com :

@EmkaMichel : L’arroseur arrosé: La France furieuse après le vote de l’ONU sur la Polynésie française – http://www.europe-israel.org/2013/05/larroseur-arrose-la-france-furieuse-apres-le-vote-de-lonu-sur-la-polynesie-francaise/ …

Le souverainiste Damien Lempereur invoque la Palestine :

@dlempereur : La Polynésie française sur la liste des pays à décoloniser selon l'ONU mais bien sûr pas les territoires palestiniens http://www.un.org/fr/decolonization/nonselfgovterritories.shtml …

La Polynésie - En 5, la Polynésie française

Le triangle polynésien, par Kahuroa sur Wikimedia Commons – libre reproduction. 5 : la Polynésie française

Le blog Zone Militaire, sur opex360.com décrit les enjeux stratégiques de la Polynésie pour la France :

La Polynésie française apporte au domaine maritime français quelques 5.030.000 km2. Elle donne aussi à la France une position stratégique de premier choix dans le Pacifique, région qui tend à prendre de plus en plus d’importance étant donné qu’autour de cet océan vit près de la moitié de la population mondiale et que presque toutes les grandes puissances y sont présentes. (…) Qui plus est, la Zone économique exclusive (ZEE) de la Polynésie française recèlerait, si l’on en croit les résultats d’une exploration menée en 2010 par une équipe de l’Université de Tokyo, des dépôts offshores de terres rares, indispensables pour l’industrie électronique.

Mais, comme l'explique cette tribune publiée par Rue 89, la décision d'inscription “peut être examinée au regard de la très grave crise économique, sociale et culturelle que traverse cette région, et de la difficulté de l’Etat à contribuer à son règlement.”

(Sous le gouvernement de l'indépendantiste Temaru) la Polynésie a continué de s’enfoncer non dans la récession, mais dans la dépression économique, compte tenu de son étrange modèle totalement inadapté à la donne économique mondiale actuelle. Nous sommes en effet en présence d’une sorte de Janus, monstre à deux têtes, l’une ultralibérale (absence d’impôt sur le revenu et d’allocations chômage), et l’autre ultradirigiste (secteur public hypertrophié et protectionnisme).

L’Etat (…) a fini par prendre conscience de la gravité de la situation. Mais Paris ne dispose guère de leviers de réforme, compte tenu du statut d’autonomie. (…)

Le paradoxe est que c’est le père du modèle en cause qui a été élu, à la satisfaction semble-t-il de certains milieux économiques persuadés que l’on pouvait revenir au bon vieux temps. Gaston Flosse est conscient de la gravité de la situation : la première mesure qu’il a annoncée est la mise en place de l’assurance chômage. Cet homme intelligent saura-t-il être le Gorbatchev de son propre système ? (…)

 

Pas de femmes dans les pubs de l'Andhra Pradesh après 22 heures

dimanche 19 mai 2013 à 21:34

Est-ce que l'absence de femmes dans les lieux publics rend ces lieux plus sûrs pour les femmes ?

Ce commentaire vient de la blogueuse qui publie le blog The Life and Times of an Indian Homemaker (La vie et les heures d'une femme au foyer indienne), outrée par la décision du gouvernement de l'Andhra Pradesh d'interdire aux femmes de se trouver dans les pubs après 22 heures, au prétexte qu'elles seront ainsi plus en sécurité.