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La crise constitutionnelle au Sri Lanka a fait un mort

mercredi 31 octobre 2018 à 18:53

Des manifestants dans la capitale sri-lankaise demandent au président de reconvoquer le parlement et d'y régler la question de la nomination du premier ministre. Image via la page Facebook de GroundViews. 30 octobre 2018.

Le 26 octobre, la situation politique au Sri Lanka a commencé à se détériorer quand l'actuel président Maithripala Sirisena a nommé premier ministre son prédécesseur et député d'opposition Mahinda Rajapaksa — une décision revenant à révoquer le premier ministre en fonctions Ranil Wickremesinghe. La lutte pour le pouvoir résultante entre le premier ministre renvoyé Wickremesinghe et le nouvellement désigné Rajapaksa a conduit à la mort d'un manifestant tué par balle lorsque le garde du corps d'un ministre limogé a tiré dans la foule à Colombo, la capitale si-lankaise.

Crise constitutionnelle et mort d'un manifestant

Le renvoi de M.Wickremesinghe a provoqué une crise constitutionnelle au Sri Lanka, où la légitimité de l'action du président paraît discutable à beaucoup. Après avoir limogé le premier ministre Wickremesinghe, le président Sirisena a suspendu le parlement national pour trois semaines et retiré à Wickremesinghe sa protection et ses voitures personnelles.

La sécurité du chef de l'UNP et du Premier ministre sri-lankais démis Rani Wickremesinghe a été réduite de 1.008 à 10 agents sur les ordres de l'IGP. On dit que la sécurité de 10 agents se composerait uniquement de membres de la Division de la sécurité ministérielle sans membres de la STF.

Il en est résulté une lutte de pouvoir entre le premier ministre nouvellement désigné et celui tout juste démis, tous deux convaincus de leur légitimité. Quand la nouvelle a été connue, les partisans des deux hommes sont descendus dans les rues — avec pour conséquence la mort d'un manifestant.

Le 28 octobre, le Président a dissous l'ensemble du gouvernement, et les partisans de Mahinda Rajapaksa ont commencé à empêcher les ministres de l'ancien gouvernement de pénétrer dans leurs ministères. Le même soir, une émeute a empêché un ministre du gouvernement renvoyé, Arjuna Ranatunga de pénétrer dans ses bureaux, ce qui a mené le garde du corps de Ranatunga à tirer cinq coups de feu dans la foule. D'après la police, un individu âgé de 34 ans est mort et deux autres ont été blessés. Le garde du corps a été immédiatement arrêté. Le 30 octobre, la police a aussi arrêté le ministre Ranatunga du fait de la fusillade.

“Ils ont tenté de me tuer, une cinquantaine de manifestants sont entrés avec des bâtons et l'un a essayé de saisir l'arme de mon agent de sécurité personnel, qui a tiré. Il y a des preuves par les caméras de surveillance, les médias peuvent les avoir et voir comment ils se sont conduits”. Le récit des événements par Arjuna Ranatunga

Manifestatios dans la capitale

Apprenant son renvoi, le premier ministre Ranil Wickremesinghe a réitéré qu'il n'avait aucune intention de quitter son poste.

“Je reste le premier ministre” dit Ranil Wickremesinghe. Il a déclaré à News 1st qu'il conservait le poste de premier ministre et que l'investiture était contraire à la constitution.

Wickremesinghe a aussi fait savoir qu'au moins 128 députés sur les 225 de l'assemblée ont signé un appel à une convocation immédiate du parlement. Des centaines de partisans de Wickremesinghe ont manifesté leur soutien en se rassemblant devant sa résidence officielle, brandissant les couleurs du parti et dénonçant le président Sirisena et le nouvellement nommé premier ministre Rajapaksa.

Pendant ce temps, les partisans de Rajapaksa occupaient les studios de Rupavahini, la télévision d'Etat supposée soutenir Wickremesinghe.

Chaos à Rupavahini TV. Plusieurs députés pro-Rajapaksa vus avec leurs partisans. Rupavihii a suspendu ses émissions. Les forces de sécurité ont été appelées. Images par Newsfirst

Le Sri Lanka et les Sri-Lankais peuvent-ils sacrifier leur pause déjeuner de demain pour l'avenir de notre pays ? Disons clairement aux gens au pouvoir qu'un coup d'Etat ne sera pas toléré. Ceci dépasse Ranil ou l'UNP. Défendons-nous. Nos avenirs !

Appels à restaurer la démocratie

Le 30 octobre, des milliers de personnes sont allés dans les rues de Colombo exiger la convocation du Parlement à fins de résoudre la crise politique en cours:

La manifestation a débuté au Rond-Point de la Liberté. Des dizaines de milliers demandent à Maithripala de convoquer immédiatement le Parlement pour que la démocratie soit rétablie.

Si le premier ministre démis a vu dans la manifestation un appel à sa restauration, d'autres groupes y ont vu une opportunité de s'élever contre ce qu”ils ont vu comme la “prorogation du Parlement”. Reste à voir si les prochains jours et semaines apporteront ou non de nouvelles violences.

Le journaliste yéménite Marwan Almuraisy a disparu depuis son arrestation en Arabie Saoudite

mardi 30 octobre 2018 à 22:22

Photo de profil de Marwan Almuraisy sur Goodreads.

Quatre mois après son arrestation, toujours pas de nouvelles de Marwan Almuraisy. Il a été aperçu la dernière fois à Riyad, en Arabie Souadite, sa ville de résidence.

Le journaliste a été arrêté le 1er juin dernier. Selon les organisations de défense des droits, Marwan Almuraisy serait détenu dans un lieu secret:

 Al-Muraisy's family have been denied information about the charges against him, the location where he is being held and are unable to visit him.

La famille de Al-Muraisy s'est vue refuser des informations sur les motifs de son arrestation, le lieu où il est détenu et est dans l'incapacité de lui rendre visite.

Les motifs de son arrestation restent incertains jusqu'à présent. Avec près de 100 000 followers, Marwan Almuraisy utilisait généralement son compte Twitter personnel pour tweeter sur des sujets liès à la technologie, l'innovation et la science. Il publiait aussi des tweets et des vidéos de motivation pour inspirer les autres.

Al-Muraisy avait réalisé des reportages sur le site Web privé saoudien Sabq et d'autres sites, dont le réseau à but-non lucratif Science et de Développement (Scidev.net), axé sur la science et la technologie.

Selon sa biographie sur Goodreads, Al-Muraisy a géré un certain nombre de comptes Twitter dont WorldInNumbers, qui fournissait des données et des statistiques mondiales à un public arabe, @ArabicShortFilm consacré aux courts métrages en Arabe, et @3bqr, où il avait posté des énigmes, bien que ces comptes aient été inactifs depuis 2015. Il est aussi co-fondateur de CV Graphic, une entreprise de technologie qui crée des curriculum vitae professionnels au format de l'inforgraphie. En Janvier 2014, Almuraisy a publié un livre, Lbn ala’sfour (Le Lait de l'Oiseau), dans lequel il a reproduit 140 tweets amusants publiés par des utilisateurs arabophones.

La disparition d’ Almuraisy a déconcerté ses sympathisants, notamment parce qu'il n'était pas publiquement impliqué dans l'activisme politique ou dans la lutte pour les droits de l'homme, cibles habituelles des autorités saoudiennes.

Marwan Almuraisy est un jeune journaliste yéménite vivant en Arabie Saoudite. Il y a quelques mois, il s'est fait arrêter par le gouvernement saoudien qui l'a fait disparaître de force, alors qu'il n'avait aucun rapport avec la politique. A ce jour, personne n'a de ses nouvelles.

Marwan Almuraisy, jeune journaliste créatif, avec environ 100 000 followers sur Twitter, a disparu il y a de cela trois mois ! A qui profite la disparition et la mise au silence d'un utilisateur de Twitter comme Marwan? Tous ses tweets soutiennent le développement de la jeunesse arabe et du Golfe et du contenu numérique à la fois culturel et divertissant et sans aucun lien avec la politique !

Il semble que sous le règne de facto du prince héritier Mohammed Bin Salman, les questions politiques et liées aux droits de l'homme ne soient plus les seules cibles. Il semble exister un ordre visant à supprimer les voix “indépendantes” – les propos de quiconque ne travaillant pas pour le compte des dirigeants ou l'agenda politique du royaume. Bin Salman a accédé au pouvoir en juillet 2017, mais c'est seulement maintenant qu'il est  accusé d'avoir joué un rôle dans le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi que les chefs d'Etat et d'autres dirigeants mondiaux exercent des pressions sur lui au sujet de cette affaire.

Dans son analyse sur la répression médiatique, publiée avant la disparition de Khashoggi, Justin Shilad du Comité de Protection des Journalistes a écrit :

Since becoming crown prince in July 2017, Salman has directed a wide-ranging crackdown on dissidents under the guise of fighting corruption and extremism. Though he touts the need to modernize and open Saudi Arabia, Salman's reform agenda has become an effective way to remove independent voices.

Depuis qu'il est devenu prince héritier en 2007, Salman a dirigé une vaste campagne de répression contre les dissidents sous prétexte de lutte contre la corruption et l'extrémisme. Bien qu'il vante la nécessité de moderniser et d'ouvrir l'Arabie Saoudite, le programme de reforme de Salman est devenu un moyen efficace de suppression des voix indépendantes.

Le CPJ enquête sur l'emprisonnement d'au moins 10 autres journalistes depuis la prise de pouvoir de Salman. Parmi les personnes arrêtées sous son règne de facto, on compte les femmes ayant défendu les droits des femmes à conduire, une réforme politique que le prince héritier a lui-même soutenue et dirigée.

Ce que les enfants des banlieues de São Paulo réclament aux futurs dirigeants du Brésil

mardi 30 octobre 2018 à 21:58

Les enfants témoignent de la dégradation des espaces publics et de leur peur de la violence.| Photo: DiCampana Foto Coletivo/Utilisée avec autorisation

La version originelle de ce reportage de Lucas Veloso a été publiée sur le site Agência Mural. La présente republication repose sur un accord de partenariat.  

[Article d'origine paru le 26 octobre 2018] Nettoyer les toilettes publiques de la place du quartier, augmenter la taille de l'école pour que plus d'élèves puissent étudier, interdire les animaux dans la rue, empêcher les viols et faire en sorte que les parents ne battent plus leurs enfants.

Voici quelques unes des propositions faites par les enfants des quartiers Est de São Paulo interrogés par Agência Mural à propos de ce qui devrait changer avec les élections de 2018. Le 7 octobre, c'était le premier tour des élections présidentielles au Brésil. Les deux candidats, Jair Bolsonaro, du PSL (Parti social libéral), et Fernando Haddad, du PT (Parti des travailleurs), doivent s'affronter au second tour le 28 octobre.

Même si au Brésil les jeunes ont le droit de voter à partir de 16 ans, les politiques publiques présentées par les deux présidentiables et les gouverneurs ont un impact direct sur le futur d'enfants bien plus jeunes.

La notion de cet impact est ressentie par les enfants qui dénoncent le manque d'éducation, de nourriture et la violence comme étant les principaux problèmes. Pour Emilly Candida Ferrarez, 8 ans, qui vit à São Mateus, un des districts de São Paulo :

A política são as pessoas que cuidam do país.

La politique, ce sont les gens qui s'occupent du pays.

Davi de Almeida, 5 ans, a déjà des projets au cas où il serait un jour parlementaire. Il dit que les politiciens ne s'intéressent pas aux enfants :

Eu ia mudar o parque, a praça, a quadra, a escola, mudaria os livros pra fazer atividade.

Moi, je changerais le parc, la place, le terrain de sport, l'école, je changerais les livres pour créer de l'activité.

Même si elle dit qu'elle ne sait pas expliquer ce qu'est la politique, Aiyra de Almeida, 9 ans, pense que les politiciens devraient nettoyer la saleté sur la place, en plus d'autres actions pour les enfants qui ne profitent pas du système scolaire public.

Devia mudar a escola, deixar maior para mais alunos entrarem. Dar casa para as crianças que moram nas ruas e dar comida para elas também.

Il faudrait changer l'école, la faire plus grande pour que plus d'élèves puissent venir. Donner une maison aux enfants qui vivent dans la rue et leur donner à manger aussi.

Agência Mural a interrogé des enfants des quartiers Est de São Paulo | Photo: DiCampana Foto Coletivo/Utilisée avec autorisation.

Manuela Caravante, 6 ans, élève en première année de primaire, pense qu'au Brésil

deveria mudar a maldade e também que as pessoas não sejam obrigadas a abandonar cachorro na rua.

Il faudrait changer la méchanceté et aussi que les gens ne soient pas obligés abandonner leurs chiens dans la rue.

Pour Kemely Raquel, 9 ans, qui vit a São Mateus, la politique c'est “voter pour quelqu'un” et, ce qui devrait changer dans le pays, c'est “les personnes qui violent, qui tuent et qui volent”.

A 10 anos, João Prado voit la politique comme quelque chose pour améliorer la Brésil.

Acho que deveria mudar o estupro e também ajudar as crianças doentes e trazer as que estão na rua para dar comida”, acrescentou.

Je crois qu'il faudrait changer le viol et aussi aider les enfants malades et donner à manger à ceux qui sont dans la rue”, ajoute-t-il.

L'inquiétude pour l'éducation semble être une priorité pour ces enfants. Alors que Davi dit qu'il faut changer beaucoup de choses comme le terrain de sport de l'école dans laquelle il étudie, la place en face de chez lui, et aussi les livres de classe, Gabriel Selefonte Silva, 9 ans, estime que les politiciens s'intéressent aux enfants et que pour cette raison ils devraient “changer les pupitres [de l'école], qui sont pleins de traces de stylos et donner des cahiers neufs”. .

Les enfants et les candidats 

Dans son programme de gouvernement, Haddad mentionne 18 fois les enfants. Un des thèmes souligne la priorité donnée à la petite enfance, qui va de 0 à 6 ans, la création de nouveaux postes dans les crèches, une baisse de la mortalité infantile, l'application effective de la loi ECA (Estatuto da Criança e do Adolescente ou Statut de l'enfant et de l'adolescent), et la mise en place d'actions pour lutter contre le travail infantile.

Les autres propositions présentées sont la protection et le développement des réseaux d'accueil et de protection des mineurs. Elles prévoient que :

Serão aperfeiçoadas as redes de atendimento e proteção, qualificando e equipando os Conselhos Tutelares e integrando toda a rede de garantia de direitos desde o nascimento.

Les réseaux d'accueil et de protection seront améliorés, en formant et en équipant les conseillers tutélaires et en tenant compte de l'ensemble des garanties des droits [des mineurs] depuis la naissance.

Le texte dit aussi que des ajustements seront apportés à la Base Nacional Comum Curricular (Base nationale commune d'enseignement), à l'inclusion numérique et au développement de tout le système éducatif, en concertation avec la population.

A meta é garantir que todas as crianças, adolescentes e jovens de 4 a 17 anos estejam na escola e que aprendam. Outra meta é assegurar que todas as crianças apresentem as habilidades básicas de leitura, escrita e matemática, assim como os conhecimentos necessários no campo das ciências naturais e ciências humanas até os 8 anos ou até o final do 2º ano do Ensino Fundamental.

L'objectif est de s'assurer que tous les enfants, les adolescents et les jeunes de 4 à 17 ans aillent à l'école et apprennent. Un autre objectif est de garantir que tous les enfants acquièrent la maîtrise des savoirs fondamentaux comme la lecture, l'écriture et les mathématiques, ainsi que les connaissances requises en sciences naturelles et en sciences humaines avant l'âge de 8 ans ou la fin du primaire.

Bolsonaro, quant à lui, mentionne les enfants dans 5 propositions. La première aborde la lutte contre le viol des femmes et des enfants. Il dit aussi que dans le futur gouvernement il y aura des changements “de contenu et de méthodes” en invoquant un endoctrinement idéologique qui sévirait actuellement dans les écoles. Le candidat déclare dans son programme :

Será possível detectar e corrigir dificuldades no processo de formação de nossas crianças e jovens. Com isso, acreditamos que todos os indicadores irão melhorar.

Il sera possible de détecter et de corriger les difficultés dans le processus de formation de nos enfants et de nos jeunes. Nous sommes sûrs qu'ainsi tous les indicateurs vont s'améliorer.

Bolsonaro s'inspire d'un groupe appelé Escola Sem Partido, (l'école sans parti) qui remet en question les débats sur des sujets politiques en classe, accusant les professeurs d'endoctrinement de gauche.

Un autre sujet abordé par Bolsonaro est le fameux kit gay. Le candidat évoque un matériel didactique à caractère sexuel qui aurait été utilisé à l'époque où Haddad était ministre de l'Éducation. Le Tribunal supérieur électoral a cependant demandé le retrait du contenu sur ce sujet, par cette décision :

A notícia é sabidamente inverídica, uma vez que o livro jamais chegou a ser adotado pelo Ministério da Educação (MEC).

L'information est délibérément mensongère, étant donné que le livre n'a jamais été utilisé par le Ministère de l'Éducation (MEC).

Le programme de l'ex-capitaine de l'armée dit encore que le gouvernement fédéral doit se concentrer dès le début sur l'enseignement de base plutôt que sur l'enseignement supérieur :

Precisamos inverter a pirâmide: o maior esforço tem que ocorrer cedo, com a educação infantil, fundamental e média. Quanto antes nossas crianças aprenderem a gostar de estudar, maior será seu sucesso

Nous devons inverser la pyramide : l'effort le plus important doit être fourni au plus tôt, avec l'éducation infantile, fondamentale et moyenne. Plus tôt nos enfants apprendront à aimer les études, plus grand sera le succès.

Bolsonaro défendait déjà la militarisation de l'éducation publique bien avant d'être officiellement candidat. Bien qu'il déclare que la proposition aiderait à diminuer “l'inégalité de revenus” dans des communautés fragiles, la réalité contredit le discours. Comme le rappelle le reportage de la revista Nova Escola :

Rosária Boldarine é doutora em Educação pela Universidade Estadual Paulista (Unesp) e ressalta que é necessário melhorar as condições de vida de uma população como um todo para enfrentar a violência de maneira sistemática. “Não adianta colocar a criança numa escola militarizada se quando ela volta para casa não há nada para ela”, afirma. Para a pesquisadora, uma escola também reflete o seu entorno e não é um local isolado da sociedade. “Se o entorno for de péssimas condições, a escola não será milagrosa”, afirma.

Rosária Boldarine est docteur en éducation à l'Université d'État de São Paulo (Unesp) et souligne qu'il est nécessaire d'améliorer les conditions de vie d'une population dans son intégralité pour affronter la violence de façon systématique. “Ça ne sert à rien d'envoyer un enfant à l'école militaire si quand il rentre à la maison il n'y a rien pour lui”, affirme-t-elle. Pour la chercheuse, une école reflète aussi son environnement et ce n'est pas un endroit isolé de la société. “Si l'environnement est très dégradé, l'école ne fera pas de miracles”, déclare-t-elle.

Elle termine son interview par une mise en garde :

Soluções simplistas para questões profundas levam a resultados muito ruins.

Des solutions simplistes en réponse à des questions fondamentales donnent de très mauvais résultats.

Récits en ligne de l'exode vénézuélien

lundi 29 octobre 2018 à 23:15

Capture d'écran de nombreux témoignages vidéos de jeunes gens documentant leurs périples après avoir quitté le Venezuela.

Il est difficile d'établir avec précision combien de Vénézuéliens ont quitté leur pays. La pesse internationale souligne que les chiffres donnés par le gouvernement restent “discutables”. Les données les plus récentes du Haut commissariat des Nations Unies aux réfugiés donnent leur nombre à environ deux millions de personnes — une information qualifiée de fausse par le gouvernement vénézuélien et ses aliés.Ce qui est visible, c'est l'extension des réseaux virtuels de soutien et les Vénézuéliens ordinaires qui vont sur les réseaux sociaux pour partager leurs histoires, leurs recommandations et réflexions personnelles pendant qu'ils font leur chemin hors du pays, donnant par là voix et visages aux froides statistiques.

Histoires personnelles et réseaux de solidarité

Yosy, une Vénézuélienne de 23 ans, est l'une des nomreuses personnes qui ont voulu enregistrer leurs histoires et en aider d'autres qui s'embarquent dans le même voyage. Sur sa chaîne YouTube, elle aconte sa migration, d'abord à Panama puis en Argentine. Outre son processus d'adaptation, elle médite aussi sur les raisons qui l'ont décidée à partir :

En mi país no hay medicinas, no hay doctores, no hay salud. En mi país todos los días hay muertes. En mi país no hay comida, pero sí hay desnutrición. En mi país no hay seguridad, pero sí mucha violencia. […] ¿Te sorprende? A nosotros ya no.

Dans mon pays, il n'y a pas de médicaments, pas de médecins, pas de santé. Dans mon pays, il y a des morts tous les jours. Dans mon pays, il n'y a pas de quoi manger, mais la dénutrition. Dans mon pays, il n'y a pas de sécurité, mais beaucoup de violence. […] Ça vous étonne ? Nous, ça ne nous étonne plus.

Des dizaines de vidéos sur YouTube avec des titres comme “Mon voyage au Pérou sans passeport“, “9 conseils pour aller du Venezula à Cúcuta en Colombie” et “Mon voyage terrestre du Venezuela au Chili” sont proposés par une recherche simple.Toutes contiennent des histoires personnelles illustrant l'exode vénézuélien et servent de guide à ceux qui projettent de faire de même. Sur chaque vidéo on peut voir les épreuves et dangers pour ceux qui voyagent par voie de terre. Par exemple, dans ses “9 conseils”, l'utilisatrice de Youtube Oriana détaille les risques potentiels qui attendent les voyageurs dans les gares routières, et le calvaire des documents d'identité :

De Cúcuta a Bogotá, o a cualquier ciudad cercana debe haber por lo menos como 20 puntos de control en donde los policías de migración se suben al autobús y revisan las identificaciones para ver si los pasaportes están sellados. [Todo] debido a la descontrolada migración de venezolanos al territorio colombiano […] En el terminal de Cúcuta tienes que ir a el sótano si deseas guardar maletas bañarte o utilizar el baño. Tiene que ser estrictamente en el sótano pues es la única zona que es casi segura. Las afueras de los terminales son muy peligrosos…

De Cúcuta  à Bogotá, ou n'importe quelle ville des environs, il y a bien une vingaine de points de contrôle où la police des frontières monte dans les bus et vérifie les identités pour voir si les passeports sont tamponnés. [Tout ça] à cause de l'immigration incontrôlée de Vénézuéliens en territoire colombien […] Au terminal de Cúcuta tu dois aller au sous-sol si tu veux faire garder tes bagages, prendre une douche ou utiliser la salle de bain. Il faut strictement être au sous-sol car c'est le seul endroit à peu près sûr. Les zones en-dehors de ces terminaux sont extrêmement dangereuses…

Dans le même temps, bon nombre de communautés vénézuéliennes à l'étranger ot créé des groupes Facebook, et utilisent Twitter et d'autres réseaux sociaux pour donner soutien et conseils sur des destinations comme la Colombie, l’Equateur, le Chili et l’Espagne — un réseau virtuel de solidarité pout ceux qui sont obligés de quitter leur pays.

D”autres façons d'aider

La situation des Vénézuéliens qui quittent leur pays inquiète certaines ONG d'aide aux migrants. Parmi celles-ci, le Réseau jésuite pour les migrants et le Service jésuite pour les réfugiés d'Amérique latine, et de la Caraîbe, qui ont conçu une carte interactive en vue de contribuer à la sécurité des personnes se rendant au Brésil, en Colombie, en Equateur ou au Pérou. Un autre exemple de l'ampleur de l'exode vénézuélien, désormais considéré comme le plus vaste dans la région des 50 dernières années.

Les “routes virtuelles” détaillées développées par le Réseau jésuite des migrants, le Service jésuite pour les réfugiés d'Amérique latine, et The Caribbean pour assister les exilés. Le guide montre des chiffres et des informations organisationnelles utiles à ceux qui entreprennent le voyage du Venezuela vers d'autres pays de la région. Il popose aussi une série d'informations sur les tarifs de transport, les horaires et les itinéraires.

A part la route elle-même, il ne faut pas oublier les rudes conditions dans lesquelles les Vénézuéliens préparent leur voyage. D'une part, il y a des restrictions complexes et multiples à l'accès aux papiers officiels. Détenir un passeport peut ainsi impliquer jusqu'à deux ans d'attente ou le paiement d'un supplément pour le faire imprimer ou renouveler. D'autre part, la spectaculaire et inextinguible hyperinflation (qui selon les projections atteindrait un million pour cent en 2018) fait sigificativement changer au jour le jour n'importe quel budget.

Reste à trouver des solutions pour aider à répondre aux immenses défis à l'itérieur et à l'extérieur du pays. Jusqu'à présent, avec la montée contiue des chiffres de l'exode (comme celle des tensions avec les pays voisins), le phénomène migratoire vénézuélien ne donne aucun signe de ralentissement.

Le Burundi s'en prend aux ONG internationales et rejette les critiques sur les droits de l'homme

dimanche 28 octobre 2018 à 22:22

Rapport sur le Burundi: Présentation des rapports des experts indépendants au Conseil des droits de l'homme de l'ONU. Crédit: Représentation des États Unis à Genève/ Flickr, 27 septembre 2016.

Le gouvernement burundais a tenté à de nombreuses reprises de focaliser l'attention internationale sur les élections à venir de 2020 et de clore le débat sur la crise électorale de 2015 et ses conséquences, dont notamment la crise sécuritaire qui a suivi et la médiation régionale pour rétablir le dialogue avec les opposants en exil. En mai, des modifications constitutionnelles controversées ont été sans surprise approuvées par référendum, mais le Président Nkurunziza avait alors annoncé de manière inattendue qu'il ne se représenterait pas.

Bien que les positions divergent, les critiques internationales et burundaises se poursuivent contre la répression politique et la situation économique difficile, tandis qu'à Bujumbura, la capitale du Burundi, les représentants du gouvernement renforcent le contrôle exercé sur les organisations non gouvernementales.

Enquêtes sur les droits de l'homme

Lors de la 39ème session du Conseil des droits de l'homme des Nations unies, en septembre 2018, la Commission d'enquête des Nations unies (UNCOI) a renouvelé son mandat pour une année supplémentaire, suivant la demande d’opposants et de nombreuses organisations de défense des droits de l'homme. Elle avait été créée en 2016 pour enquêter sur les violations des droits de l'homme commises depuis 2015.

Malgré les menaces de Bujumbura de quitter le Conseil, la motion a été adoptée avec 23 votes pour, 17 abstentions et 7 votes contre. La plupart des États africains se sont abstenus. L’ambassadeur du Burundi auprès de l’ONU a déclaré que les États européens avaient essayé d'“imposer leur volonté”.

Un rapport de l'UNCOI indiquait en 2017 qu'elle avait «des motifs raisonnables de croire» que des crimes contre l'humanité avaient été commis au Burundi. Le président de l'UNCOI, Doudou Diène, avait déjà averti que le référendum constitutionnel avait exacerbé les problèmes existants et, en juin, la Commission a indiqué être toujours préoccupée par la répression en cours, citant la lourde peine de prison prononcée à l’encontre de l'activiste Germain Rukuki. Elle a également déclaré que l’annonce du président Nkurunziza selon laquelle il ne se représenterait pas aux élections ne devait pas occulter la situation.

Un rapport de l’UNCOI publié en 2018 indique que les violations des droits de l'homme au Burundi se sont poursuivies en toute impunité, y compris des actes de torture et des disparitions forcées perpétrés par les services de sécurité et les Imbonerakure, la ligue des jeunes de plus en plus puissante du parti au pouvoir. Le rapport déplore le “rétrécissement de l'espace démocratique” et “l'appauvrissement croissant de la population”, et critique le président de manière directe pour ses incitations à la violence.

Le gouvernement ayant refusé que l'UNCOI mette les pieds au Burundi, les enquêteurs ont dû avoir recours à des centaines d'entretiens téléphoniques et en personne avec des réfugiés.

Le gouvernrment et ses partisans ont systématiquement rejeté ces rapports, affirmant que les informations qu’ils contiennent sont fausses et visent à alimenter des complots contre la souveraineté nationale. Un porte-parole du gouvernement a déclaré que l’un des rapports était “nul et non avenu” et servait un “agenda caché”, et les représentants du régime ont boycotté sa présentation, allant même jusqu’à exiger des réparations. Les enquêteurs de l'UNCOI ont été, quant à eux, déclarés ‘personae non gratae’ au Burundi.

L'envoyé de l'ONU Michel Kafondo, en sa qualité de médiateur, a adopté un ton plus positif que l’UNCOI. Selon les représentants du gouvernement, il s’agit là d’un signe que l'UNCOI n’a pas su saisir tous les tenants et les aboutissants de la situation. Au même moment, l’enquête de la Cour pénale internationale sur les violences et l'impunité, ouverte en 2017, se poursuit. Bujumbura a, une fois de plus, refusé de coopérer et, dans une démarche sans précédent, a quitté le tribunal.

Répression contre les ONG

Après la crise de 2015, les restriction imposées aux détracteurs du gouvernement se sont intensifiées, déclenchant un harcèlement des opposants, des médias et de la société civile, ainsi que la fermeture de plusieurs radios indépendantes. Le journaliste Jean Bigirimana a été victime d'une disparition forcée et le militant Pierre Claver Mbonimpa a dû s’exiler après avoir été grièvement blessé par balle. D'autres, comme l'activiste Nestor Nibitanga, ont dû faire face à des poursuites judiciaires pour atteinte à la sûreté de l’État.

En 2016, plusieurs organisations burundaises de défense des droits de l’homme ont été désenregistrées et, récemment, des organisations non gouvernementales (ONG) internationales ont également subi des pressions.

En septembre, le Conseil national de sécurité, présidé par Nkurunziza, a annoncé que toutes les ONG – à l'exception de celles travaillant dans des hôpitaux et des écoles – étaient suspendues pour trois mois à compter du 1er octobre, de même que les compagnies minières, pour un mois.

Ces mesures visent à assurer le respect de nouvelles régulations datées de 2017, dont notamment l’instauration de quotas ethniques et de genre, initialement prévus par des accords de paix conclus après la guerre et destinés aux institutions politiques et militaires. Un porte-parole du gouvernement a même accusé certaines ONG de promouvoir l'homosexualité et les conflits politiques.

De plus, le gouvernement a contraint les ONG à se conformer à de nouvelles taxes et autres exigences financières, auxquelles ces dernières n’étaient pas préparées, créant une situation de blocage. L’une des motivations possibles pour expliquer ces nouvelles exigences serait la tentative de générer des revenus pour l’Etat afin de soulager les finances publiques en difficulté.

Les critiques ont fait valoir que le Conseil n'était qu’un organe consultatif dépourvu de pouvoir légal, mais le ministre de l'Intérieur, Pascal Barandagiye, a déclaré que le Conseil était “au-dessus” des ministres.

Lors d'une réunion qui s’est tenue le 2 octobre, des responsables politiques ont annoncé que les ONG se conformant aux nouvelles régulations pourraient reprendre leurs activités après avoir soumis certains documents officiels au gouvernement. Celles qui ne s’y seront pas conformées dans les trois mois seront désenregistrées. Plusieurs employés de l'International Rescue Committee auraient par la suite été temporairement arrêtés pour avoir continué à travailler.

Les ONG ont protesté et Amnesty International a averti que l'arrêt brutal des activités “déstabiliserait des services essentiels”. Le journal Iwacu a ensuite rapporté que les services d'aide au retour des réfugiés au Burundi avaient dû être suspendus.

Les blogueurs Landry Burundi et Patrick Nimpagaritse, de Yaga Blog, ont qualifié les restrictions imposées aux ONG de “décision pénalisant tout le monde”, citant le taux de pauvreté déjà élevé et des répercussions sur les approvisionnements en engrais et en énergie.

L’UNCOI et d’autres continuent de dénoncer des violations des droits de l’homme, et le gouvernement continue de les nier. Sur fond de désaccord – ou peut-être de désintérêt  – de la communauté internationale, la crise politique a stagné, à l'avantage du parti au pouvoir, qui renforce son contrôle sur l'opposition et les agences internationales présentes dans le pays, mais sans pour autant apporter de solution à l’impunité toujours plus grande et aux problèmes économiques.

‘Élections crédibles’

Les divisions internationales persistent sur la situation au Burundi. Alors que les relations diplomatiques avec la Chine et la Russie sont au beau fixe, les sanctions de l'Union européenne se maintiennent et les gouvernements voisins sont divisés. La Tanzanie a appelé les réfugiés burundais à rentrer chez eux, tandis que les tensions avec le Rwanda s'aggravent sur fond de raids transfrontaliers opérés par des groupes armés.

En août, un communiqué du Conseil de sécurité des Nations Unies a exprimé ses préoccupations sur la situation humanitaire, concernant “près de 180 000 personnes déplacées à l'intérieur du pays, 3,6 millions de personnes dans le besoin et près de 400 000 Burundais réfugiés dans les pays voisins”. Il a également déploré la lenteur du dialogue et le manque d’engagement du gouvernement, et a déclaré que le Burundi devait améliorer la liberté d'expression dans le pays pour que les élections de 2020 soient crédibles.

L’International Crisis Group a souligné que les difficultés économiques ont décuplé les risques de violences, tandis que la collecte de contributions financières forcées pour les élections de 2020 est en train d’exacerber le chômage, l’inflation et la pénurie de biens. Nombreux sont ceux qui ont fui les violences politiques depuis 2015 et, bien que des milliers de personnes soient déjà rentrées depuis 2017, le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés compte toujours 319.753 réfugiés ayant quitté le pays après 2015 et s’entassant toujours dans des camps sous-financés.

Le Conseil de sécurité des Nations unies a salué la décision du président de ne pas se représenter et a déclaré que la situation sécuritaire s’était améliorée, ce qui semble indiquer que l’attention internationale est en train de se déplacer du discours centré sur la « crise politique”  vers un discours centré sur des “élections crédibles en 2020″, reflétant la consolidation du contrôle du gouvernement.

L'ambassadeur auprès des Nations unies, Albert Shingiro, s'est félicité de cette formulation, mais l’opposant politique Leonce Ngendikumana a critiqué le manque d’action internationale et déclaré qu'un dialogue inclusif était nécessaire pour rétablir la paix et assurer un retour digne pour les réfugiés et la libération des prisonniers politiques.

Le journal Iwacu, par exemple, rapporte de manière récurrente des découvertes de corps sans vie dans certaines régions du Burundi. Le crime armé et les groupes rebelles, particulièrement actifs dans l'est de la République démocratique du Congo, posent également de graves menaces.

Pierre Célestin Ndikumana, de la coalition d’opposition Amizero y’ Abarundi, nous rappelle enfin que “l’absence de guerre n’est pas synonyme de paix”.