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Un programme télévisé japonais fait du divertissement sur les rafles et expulsions de migrants

jeudi 11 octobre 2018 à 13:49
deportation entertainment japan

Textes : (En haut) “Intégral : Les agents spéciaux du Bureau de l'Immigration localisent un clandestin vietnamien en un mois” (En bas) “VISA EXPIRÉ” “EXPULSION FORCÉE”

Capture d'écran de l'émission télévisée “A l'instant même de leur expulsion” (タイキョの瞬間) sur YouTube.

Au moment où le Japon prévoit une augmentation du nombre d'immigrants et de touristes étrangers dans les années à venir, une nouvelle émission télévisée fait du divertissement avec les expulsions de migrants. Ce programme a provoqué des réactions scandalisées de téléspectateurs ainsi que des réflexions sur la difficile situation des sans-papiers et des migrants dont le visa a expiré.

Taikyo no Shunkan (タイキョの瞬間) (traduction en français : “A l'instant même de leur expulsion”) a débuté sur Fuji Television en prime time du samedi soir, le 6 octobre 2018.

Dans un format de téléréalité, lla caméra suit pendant deux heures une équipe de soi-disant “agents spéciaux”, des fonctionnaires de l'immigration travaillant pour l'antenne régionale de Tokyo du service national de l'Immigration dans leur traque d'individus dont le visa a expiré, et de ceux appelés “étrangers illégaux” (fuhotaizaisha, 不法滞在者) et squatters (fuhosenshu, 不法占有).

Dans une séquence, les agents de l'immigration planquent près de l'appartement d'un Vietnamien suspecté d'enfreindre les conditions de son visa de stagiaire. L'homme est arrêté avec deux autres et interrogé devant la caméra avant d'être expulsé 24 heures plus tard.

Dans une autre séquence, les agents de l'immigration envahissent une usine et embarquent un groupe d'Indiens suspectés d'être des ouvriers sans papiers. A aucun moment les propriétaires n'apparaissent à l'image.

Une séquence finale enquête sur le problème des “squatters” chinois qui ont créé un potager sur un terrain public sur un bout isolé d'une berge à Kyoto.

Pour le moment, l'enregistrement vidéo de l'intégralité de l'émission par un fan est visible sur DailyMotion.

Le contenu et le ton de Taikyo no Shunkan a été largement critiqué. Le Collectif d'Action anti-raciste japonais a relevé que le Service japonais de l'Immigration, qui emploie les “agents spéciaux” montrés dans l'émission, a fait une active publicité pour ce programme :

Ce programme a le soutien officiel des Services de l'Immigration de Tokyo, qui admettent le moins de réfugiés au monde et maltraitent journellement les immigrants et demandeurs d'asile, parfois à mort.

[Traduction du tweet cité du  Service de l'Immigration de Tokyo]
Communiqué du Service régional de l'Immigration de Tokyo :
Le Tokyo Keizai Shimbun publie un résumé de l'émission Taikyo no Shunkan de samedi soir [sur le service de l'immigration.] Ne manquez pas de le lire avant de regarder l'émission !!! Lisez l'article du Tokyo Keizai ici : https://t.co/3fDFDaQKhV

Ce programme télévisé sort au moment où le Japon se prépare à muscler ses services d'immigration : l'État veut recruter pas moins de 500.000 travailleurs étrangers pour aider à faire face à une pénurie ressentie de main d’œuvre (les femmes japonaises restent moins présentes sur le marché du travail, d'où les difficultés à pourvoir des offres d'emploi).

Une bonne partie des 500.000 travailleurs étrangers potentiels sont supposés servir de main d’œuvre temporaire à bas salaires et emplois précaires, ce qui leur fournira de multiples incitations à rechercher, une fois arrivés, des postes mieux payés mais non déclarés.

Un article sur Buzzfeed Japan par Kota Hatachi à propos de Taikyo No Shunkan a rassemblé des commentaires en ligne sur l'émission, ainsi que des aperçus sur la vie des travailleurs étrangers au Japon. Un de ces commentaires notait que loin d'être une menace pour le Japon comme on les présente, ces travailleurs sont en réalité eux-mêmes traqués, interrogés et ensuite expulsés ; ce sont sans aucun doute eux qui subissent le plus de risques.

Hatachi souligne qu'au moins 13 personnes sont mortes en détention pour immigration au Japon depuis 2009, un chiffre jamais cité dans l'émission Taikyo No Shunkan.

Mogi Kenichiro, un spécialiste de neurosciences et personnalité médiatique, a également fustigé l'inconscience d'un programme télévisé qui traite les rafles de migrants comme un divertissement :

Dépourvu de connaissances approfondies, sans même une miette d'analyse critique et avec la bêtise du divertissement superficiel, Taikyo no Shunkan de Fuji TV est le pire programme japonais de télévision aujourd'hui. Une honte internationale.

Après le diffusion de l'émission, des militants japonais se sont mobilisés pour que les travailleurs sans papiers arrêtés et incarcérés dans un centre régional de rétention et les autres sachent qu'ils ne sont pas seuls :

Nous avons envoyé ces photographies de gens qui manifestent contre le programme de Fuji Television Taikyo no Shukan à Shibuya (à Tokyo) à des expulsés de Ushiku (le centre d'iimmigration Higashi Nihon). Nous irons les visiter cette semaine. Libérez Ushiku Fouilles à domicile télévisées

Les programmes télévisés exploitant l'exécution des lois sur l'immigration pour du divertissement avec le soutien et la coopération des polices des frontières n'existent pas qu'au Japon.

Les médias du Royaume-Uni et d’Australie diffusent depuis longtemps sur les ondes des émissions où des voyageurs et migrants non autorisés sont filmés en train d'être raflés, interrogés, enfermés et parfois expulsés.

Une émission canadienne du même genre, produite avec la coopération directe de l”agence canadienne des services frontaliers (CBSA), a été annulée en 2016 pour cause d'infractions à la vie privée. Le programme reste visible en rediffusions.

Au Yémen, la guerre, le changement climatique et la mauvaise gestion, tous responsables de la crise de l'eau

mardi 9 octobre 2018 à 11:01

Capture d'écran d'une petite fille entourée de bidons vides. Arrêt sur image d'une vidéo de Positive Yemen.

Sauf mention contraire, les liens de cet article renvoient vers des pages ou des documents en anglais.

Le Yémen, pays où se déroule l'une des pires crises humanitaires dans le monde, fait face à une importante pénurie d'eau : d'après l'UNICEF, 16 millions de personnes n'ont pas accès à l'eau potable dans le pays.

“Qu'est ce qui est pire que d'être privé du plus basique des droits de l'homme, l'eau ?” se demande Shoushou, une jeune activiste de la capitale Sanaa, lors d'un entretien avec Global Voices.

Sanaa fait partie des dix villes les plus pauvres en eau du monde et elle court le risque de voir cette ressource se tarir d'ici quelques années. Un Yéménite utilise 95% d'eau en moins qu'un Américain moyen.

Trois années de guerre ont incontestablement affecté les sources d'eau, les réservoirs et les conduites ayant été régulièrement visés. En février 2016, des avions saoudiens auraient bombardé et détruit un bassin qui approvisionnait 30.000 Yéménites en eau potable. C'était peu après le bombardement d'une importante usine de désalinisation dans la ville de Mocha, un raid apparemment mené lui aussi par la coalition sous commandement saoudien.

Néanmoins, une mauvaise gestion explique également la détérioration de la situation. Forer pour atteindre des nappes phréatiques limitées est depuis longtemps la norme pour le gouvernement yéménite et il est assez improbable de voir les autorités mettre en place des stratégies plus responsables alors que la guerre fait rage.

“Je tiens le gouvernement responsable de ne pas avoir géré et supervisé la crise de l'eau. Personne ne se préoccupe du peuple,” déclare Shoushou à Global Voices.

Alors que les nappes phréatiques se sont considérablement appauvries, le climat au Yémen semble être de plus en plus aride. En 2009, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture prévoyait que le Yémen pourrait devenir le premier pays au monde à épuiser l'intégralité de ses ressources en eaux souterraines.

L'eau est déjà très chère dans le pays, où les citoyens ordinaires dédient plus de 30 % de leurs revenus à l'approvisionnement en eau de leurs maisons. C'est le taux le plus élevé du monde.

Alors que la crise s'intensifie, les combattants utilisent l'eau comme une arme. Qu'elles soient houthistes ou soutenues par l'Arabie Saoudite, les forces en présence ont à de nombreuses reprises bloqué des livraisons d'aide humanitaire constituées d'eau et de nourriture, ne laissant d'autres choix aux Yéménites que de stocker autant d'eau que possible, la plupart du temps dans des conditions insalubres.

Au Yémen, se procurer de l'eau est également un défi. Lorsque les sources sont situées loin des villes ou villages, la responsabilité d'aller chercher de l'eau tend à peser sur les femmes et les filles. Le long trajet les rend vulnérables au harcèlement sexuel, elles risquent de se noyer dans les réservoirs à ciel ouvert ou de faire des fausses-couches à cause du poids des bidons qu'elles doivent porter.

Les jeunes filles qui ne sont pas capables de porter de lourdes charges doivent souvent faire plusieurs voyages. Cette mission peut prendre toute une journée, les empêchant ainsi d'aller à l'école.

Épidémies de choléra

Le stockage inapproprié de l'eau a causé une épidémie de choléra au Yémen, la plus vaste et la plus rapide jamais répertoriée. Plus de 1,1 million de cas suspects ont été répertoriés depuis avril 2017, et 2.300 décès liés à cette maladie.

Un Yéménite sur 62 est touché par le choléra, dont une grande partie des enfants de moins de sept ans. Les hôpitaux déclarent recevoir chaque jour entre 60 et 70 cas suspects.

L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) met en garde contre une possible troisième vague de choléra après deux importantes flambées ces dernières années.

Heureusement, traiter le choléra est relativement facile, une combinaison d'antibiotiques et de liquides intraveineux étant généralement suffisante pour remédier aux cas les plus graves. Le traitement doit cependant débuter rapidement après l'apparition des symptômes, car sinon l'infection peut être fatale.

Le manque d'accès aux soins pose un problème pour les traitements : en 2017, quasiment 17 millions d'habitants n'avaient pas accès aux services de santé de base et seulement 45% des établissements de santé du pays sont actuellement opérationnels.

Malgré les efforts de programmes internationaux pour les droits de l'homme, tels que l'UNICEF ou l'OMS, cette pénurie laisse de nombreux Yéménites sans traitements. Les bombardements aériens d'août 2018 n'ont pas seulement tué une douzaine de personnes, ils ont également endommagé l'hôpital Al Thawra à Al-Hodeïda.

Nous présentons nos condoléances au peuple du Yémen à la suite de l'attaque de l'hôpital Al-Thawra à Al-Hodeïda. Selon les premières estimations, 14 personnes seraient mortes et 30 autres blessées (ces chiffres devraient augmenter à mesure que la situation évolue).

En moyenne 50.000 consultations sont réalisées chaque mois à l'hôpital Al-Thawra, qui est également un centre majeur de traitement du choléra. Après l'attaque, les cas de choléra à Al-Hodeïda ont augmenté de près d'un tiers.

Projet communautaire

Le projet #سقيا_1000‬⁩ vise à fournir de l'eau gratuitement à ceux qui en ont besoin. Lancé en novembre 2017, le projet a pour objectif de remplir 1.000 réservoirs d'eau dans la capitale Sanaa et ses environs. Il a atteint son but en février 2018 : le programme bénéficie aujourd'hui à 6.194 familles, soit 39.789 personnes.

Les activistes installent également de nouvelles cuves et procèdent périodiquement au nettoyage et à la maintenance des réservoirs nouveaux et existants. Jusqu'ici, ils ont mis en place 14 nouvelles cuves, en ont rempli 74 et ont aidé à en entretenir 21 existantes. L'ensemble du projet est basé sur des dons de personnes au Yémen ou de l'étranger. C'est leur unique source de financement.

Omar Mohamad, un militant yéménite impliqué dans le projet, a ainsi expliqué à Global Voices :

The project started on social media. We got the support of people from inside and outside Yemen. Their support was the main reason we were able to succeed.  We did not receive support from any political party. Alhamdulillah, we reached our goal in February 2018. After that, the movement turned into a project that regularly ensures reservoirs are filled. In the first half of this year, the project was working perfectly and according to the plan. But recently there’s a lack of support, and the shortage is increasing day by day. Therefore we seek alternative sources from traders or donors to support the project.

Le projet a débuté sur les réseaux sociaux. Nous avons reçu le soutien de personnes au Yémen et à l'étranger. Ce soutien a été la raison principale de notre réussite. Nous n'avons reçu aucune aide d'aucun parti politique. Grâce à Dieu, nous avons atteint notre objectif en février 2018. Après cela, le mouvement s'est transformé en un projet qui s'assure régulièrement que les réservoirs sont remplis. Durant la première partie de l'année, la mission s'est déroulée parfaitement et comme prévu. Cependant, depuis peu il y a un manque de soutien et la pénurie s'intensifie de jour en jour. Nous recherchons par conséquent des ressources alternatives auprès de commerçants ou de donateurs pour soutenir ce projet.

Osaka rompt son jumelage avec San Francisco à cause d'un monument aux “femmes de réconfort”

lundi 8 octobre 2018 à 19:58
san francisco comfort woman statue

Inauguration du mémorial des Femmes de réconfort à San Francisco le 22 septembre 2017. Capture d'écran de la chaîne YouTube officielle de KPIX.

Osaka a officiellement mis fin à son jumelage avec San Francisco aux USA, après que cette ville a autorisé le maintien sur un terrain lui appartenant d'un monument à la mémoire des “femmes de réconfort”.

Le monument était une commande de la “Coalition Justice pour les femmes de réconfort”, une association de la société civile dédiée à la sensibilisation aux femmes qui avaient été recrutées dans toute l'Asie et asservies par l'armée japonaise pendant la deuxième guerre mondiale. Il est constitué de quatre statues représentant des femmes coréennes, chinoises et philippines, ainsi qu'une femme morte, témoignant d'outre-tombe de leur calvaire.

Le monument a provoqué de vives réactions au Japon lors de son inauguration en septembre 2017. Les autorités municipale, préfectorale et nationale ont élevé des protestations officielles contre San Francisco un mois plus tard, lorsque dans le cadre d'une transaction sans rapport, la municipalité étasunienne a acquis la parcelle. Le maire d'Osaka Yoshimura Hirofumi a alors menacé de rompre les liens de jumelage si le monument n'était pas retiré de l'emplacement, ou si les inscriptions n'étaient pas modifiées.

Il a finalement mis sa menace à exécution le 2 octobre 2018, en rendant publique pour cela une lettre de 10 pages et 3.800 mots en anglais adressée à la maire de San Francisco London Breed, énumérant — souvent en caractères gras et soulignés — une litanie de motifs de rupture.

Il se plaint, par exemple, que les inscriptions sur le monument présentent “des affirmations hasardeuses et unilatérales comme si elles étaient des faits historiques”, et écrit qu'il existe des désaccords entre historiens sur le nombre total de “femmes de réconfort” enrôlées et sur le degré d'implication de l'ex-armée impériale japonaise.

Si M. Yoshimura reconnaît le traitement déplorable des femmes pendant la guerre, il défend que le Japon est injustement “singularisé” :

[…] This issue should not be treated as an issue specific solely to the Japanese military. As long as widespread sexual problems on the battlefields by countries other than Japan are not openly recognized, past offenses, which the whole world must face, will go uncorrected, and those violations in other parts of the world will not be resolved.

[…] Cette question ne doit pas être traitée comme une question seulement particulière à l'armée japonaise. Aussi longtemps que les problèmes sexuels généralisés sur les champs de bataille de pays autres que le Japon ne seront pas reconnus ouvertement, les abus passés, que le monde entier doit regarder en face, resteront non corrigés, et ces violations dans d'autres pays du monde ne seront pas résolues.

Sans répondre directement à la lettre, la maire de San Francisco London Breed a publié une déclaration sur la décision d'Osaka de rompre les liens, disant :

One Mayor cannot unilaterally end a relationship that exists between the people of our two cities, especially one that has existed for over sixty years. In our eyes, the Sister City relationship between San Francisco and Osaka continues today through the connection of our people, and San Francisco looks forward to strengthening the bonds that tie our two great cities together.

Un seul Maire ne peut pas mettre fin unilatéralement à une relation qui existe entre les populations de nos deux villes, surtout si elle existe depuis plus de soixante ans. A nos yeux, la relation de jumelage entre San Francisco et Osaka continue aujourd'hui à travers la connexion entre nos habitants, et San Francisco se réjouit de renforcer les liens noués entre nos deux belles cités.

“Le Japon doit encore des excuses sincères”

San Francisco Comfort Women Memorial, as of February 2018

Le mémorial aux femmes de réconfort de San Francisco, en février 2018. Par: Ka-cw2018/Wikimedia, CC BY-SA 4.0

Les femmes enrôlées et asservies par l'armée japonaise étaient pudiquement appelées ianfu (femmes de réconfort) en japonais, et sont depuis longtemps source de controverse politique.

Pendant la deuxième guerre mondiale, au moins 200.000 femmes de plus de dix pays de toute l'Asie furent contraintes à l'esclavage sexuel par l'armée impériale japonaise (les États-Unis, pendant leur occupation du Japon de 1944 à 1952, ont opéré un semblable réseau de bordels).

Osaka elle-même compte un grand nombre d'habitants d'origine coréenne, et le prédécesseur de Yoshimura, le populiste et nationaliste Hashimoto Toru, s'est rendu célèbre par les nombreuses polémiques qu'il a allumées, comme sa déclaration de 2013 que les femmes de réconfort avaient été “une nécessité militaire” pendant la deuxième guerre mondiale. Yoshimura, un ancien avocat de 41 ans, est lui aussi impliqué dans le mouvement populiste national aux niveaux local et national depuis 2011.

Un accord entre le Japon et la Corée du Sud fin 2015 avait voulu résoudre de manière “définitive et irréversible” la question des “femmes de réconfort”, mais s'est traduit par des manifestations de grande ampleur en Corée du Sud.

C'est alors que Park Geun-hye, la présidente sud-coréenne qui avait signé l'accord, fut destituée, contrainte à démissionner et finalement emprisonnée pour des faits de corruption sans lien avec l'affaire. Le successeur de Mme Park, le président Moon Jae-in, a déclaré que le Japon doit encore présenter des excuses sincères et reconnaître que les “femmes de réconfort” étaient par système réduites en esclavage et exploitées pendant la guerre.

Le monument de San Francisco n'est pas le seul à provoquer la controverse. Des militants se sont battus sans succès pendant trois ans pour faire enlever un mémorial similaire érigé à Glendale (Californie), et une statue à Manille a été ôtée soi-disant pour laisser place à des améliorations d'infrastructures, bien que le retrait soit intervenu après des protestations officielles du gouvernement japonais. Celui-ci a aussi protesté contre une “statue de la paix” érigée face à l'ambassade japonaise à Séoul, en Corée du Sud.

Cet article incorpore des recherches d’Eric Johnston.

Netizen Report : Le Bangladesh s’apprête à remplacer sa tristement célèbre loi sur l’Internet – mais la nouvelle semble pire encore

dimanche 7 octobre 2018 à 21:21

La liberté d'expression en action : ici lors d’une manifestation en 2013 au Bangladesh, où justice était réclamée pour des crimes de guerre. Photo Mehdi Hasan Khan via Wikimedia (CC BY-SA 3.0)

Le Netizen Report de Global Voices Advox offre un aperçu des défis à relever, des victoires obtenues et des tendances émergentes en matière de libertés numériques dans le monde.

Début 2018, le gouvernement bangladais avait promis d'abroger la tristement célèbre Loi sur les technologies de l’information et de la communication (TIC), utilisée pour réduire au silence les voix critiques comme les journalistes et les blogueurs.

Mais au lieu d’abroger ou d’amender cette loi, le parlement du Bangladesh l’a rendue plus dure encore. Adoptée juste avant le coup d’envoi de la saison électorale, la nouvelle Loi sur la sécurité numérique [tout les liens sont en anglais ou en français] étend et renforce les composantes les plus draconiennes de la Loi sur les TIC.

La Loi sur la sécurité numérique rend passibles de poursuites criminelles différents types de discours en ligne, depuis des messages diffamatoires jusqu’aux propos « portant préjudice aux valeurs ou sentiments religieux ». La loi permet également de condamner quelqu’un à une peine pouvant aller jusqu’à 14 années de prison pour avoir collecté, envoyé ou conservé, par le biais d’un ordinateur ou de tout autre outil numérique, des informations confidentielles relatives à l’État. Des journalistes ont manifesté, le 29 septembre dernier à Dacca, contre cette disposition et ont fermement fait part de leur opposition à la loi nouvellement entrée en vigueur.

Human Rights Watch, Amnesty International et d'autres organisations locales ont dénoncé cette loi comme étant une tentative d’étouffer la liberté d’expression.

Pendant ce temps-là, la Loi sur les TIC est toujours en vigueur et continue de réduire au silence des critiques fondées émises en ligne. Le 24 septembre, un professeur de sociologie a été emprisonné à Chittagong, dans l’est du pays, pour avoir critiqué la Première ministre Sheikh Hasina sur Facebook. C’est un membre du parti au pouvoir qui avait engagé des poursuites contre Maidul Islam en juillet, en vertu de la Loi sur les TIC. Bien qu'il ait au départ été libéré sous caution, il a été convoqué au poste de police il y a quinze jours et placé en détention. Il a également été suspendu du poste qu’il occupait à l'université publique de Chittagong. Plus de 50 professeurs d'université ont signé une déclaration exigeant sa libération.

Le Kenya rejoint la liste des pays africains taxant |’utilisation d’Internet

L’administration kényane est sur le point de mettre en place un nouveau régime fiscal qui va imposer une taxe indirecte de 15 % sur les services téléphoniques et Internet. Ces frais vont constituer une charge supplémentaire pour les Kényans, qui paient déjà un impôt indirect de 20 % sur les transactions d'argent par téléphone portable, qui représentent un moteur important pour le développement de l'économie locale.

Le Kenya est loin d’être seul engagé sur cette nouvelle voie fiscale, puisque des pays proches comme l’Ouganda, la Tanzanie et la Zambie ont tous récemment commencé à taxer différents modes d'utilisation de l'Internet – de la messagerie mobile à la tenue d’un blog – dans le but d'accroître les revenus de l’État. Il ne fait aucun doute que ces mesures vont également contribuer à réduire encore plus les possibilités pour les citoyens africains de communiquer et s’exprimer librement en ligne.

Les autorités tanzaniennes doublent la « taxe sur les blogueurs »

En avril 2018, les autorités tanzaniennes ont mis en œuvre le Règlement sur les communications électroniques et postales (pour le contenu en ligne), connu de manière informelle sous le nom de « taxe sur les blogueurs ». La loi impose aux blogueurs et à toute personne responsable d’un média en ligne indépendant de s'enregistrer auprès de l'Autorité tanzanienne de régulation des communications et de payer chaque année une licence de plus de 900 dollars (environ 780 euros). Cela limite également la publication d'une longue liste de types de contenus, allant d’images de nudité aux « fake news », en passant par des documents gouvernementaux confidentiels.

Dans une récente interview accordée au journal local The Citizen, le directeur général de l'Autorité de régulation, James Kilaba, a menacé les médias indépendants qui mettent en ligne des documents publics. « Nous suivons ceux qui publient de tels documents en ligne, a-t-il déclaré. Ils seront démasqués et arrêtés pour que la loi puisse être appliquée. »

Le gouvernement britannique a admis avoir espionné une ONG luttant contre la surveillance

A peine deux semaines après le jugement rendu par la Cour européenne des droits de l'homme quant à l’illégalité des programmes de surveillance mis en place par le gouvernement britannique, trois agences de renseignement du Royaume Uni ont révélé par écrit, le 25 septembre dernier, qu'elles avaient collecté et surveillé illégalement les communications de Privacy International, une ONG basée à Londres qui défend les droits à la vie privée en Europe et au-delà de ses frontières.

Un défenseur français des droits des migrants condamné pour diffamation

Le 25 septembre dernier, un tribunal français a reconnu un défenseur des droits des migrants coupable de diffamation, pour un tweet envoyé quelques mois plus tôt, et l’a condamné à une amende avec sursis ainsi qu’à payer les frais de justice. Loan Torondel, 21 ans, avait auparavant travaillé dans les camps de réfugiés de Calais. Dans son tweet mis en ligne début janvier, il avait partagé une photo de deux policiers français se tenant au-dessus d’un jeune homme (apparemment un réfugié) assis sur son sac de couchage.

Loan Torondel avait assorti l’image d’une légende caustique, dans laquelle il imaginait un dialogue entre la police et l’homme ; les policiers confisquaient le sac de couchage de l’homme, ce dernier les implorant de se calmer, arguant qu’il ne faisait que deux degrés Celsius dehors. « Peut-être, mais nous sommes la Nation française, monsieur », répondaient-ils dans l’échange imaginaire. Le jeune militant entendait faire allusion à un discours dans lequel le président français Emmanuel Macron avait déclaré: « N'oubliez jamais, nous sommes la Nation française. » Une citation que ses détracteurs avait détournée sous forme de mème pour se moquer de lui.

La Cour suprême indienne maintient le système d’identité numérique, à quelques exceptions près

La cour composée de cinq juges a décidé de maintenir le système d’identité numérique indien Aadhaar, mais a imposé des restrictions importantes quant à son utilisation. Le système Aadhaar attribue à chaque personne un numéro d’identification unique associé à plusieurs éléments personnels d’information démographiques et biométriques, l’ensemble étant stocké dans une base de données centralisée. En théorie, il est censé aider les gens à prouver leur identité afin d’accéder à une multitude de services sociaux et fédéraux.

Mais le programme a parfois subi les conséquences d’une mauvaise gestion des données et d’erreurs informatiques qui ont aggravé les obstacles rencontrés par les citoyens dans leurs multiples démarches, pouvant aller d’une inscription scolaire à de l’aide alimentaire. Par ailleurs, plusieurs fuites massives ont prouvé que les numéros Aadhaar pouvaient être facilement divulgués, publiés en ligne et utilisés à des fins malveillantes.

La Cour suprême a décidé que les résidents indiens ne seraient plus obligés de fournir leur numéro Aadhaar pour acheter des cartes SIM, ouvrir des comptes bancaires, s'inscrire à l'école ou passer des examens d'entrée à l'université. La carte d'identité Aadhaar sera octroyée sur la base du volontariat aux Indiens ne bénéficiant d’aucune subvention de l’État. L’article de la Loi Aadhaar qui autorisait les entreprises privées à exiger une authentification via ce système a également été abrogé.

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Le premier ministre portugais, en visite en Angola, critiqué sur les réseaux sociaux

samedi 6 octobre 2018 à 23:35
António Costa em conversa com o Ministro das Relações Exteriores de Angola | captura de tela (Youtube), feita pelo próprio autor

António Costa en conversation avec le ministre des Relations extérieures de l'Angola | capture d'écran (Youtube), réalisée par l'auteur

Tout a commencé le 17 septembre dernier, lorsque le dirigeant portugais António Costa a atterri dans la capitale angolaise, Luanda, pour une visite officielle, vêtu d’un jean, d’une chemise sans cravate, d’une veste et d’une paire de chaussures décontractées.

Contrairement à la tenue vestimentaire d’António Costa, le ministre des Affaires étrangères Manuel Augusto qui a accueilli le chef du gouvernement portugais était vêtu quant à lui d’un costume cravate, comme on peut le voir dans un tweet du ministre portugais.

Il importe de souligner ici que cette année aussi, António Costa s'est rendu au Mozambique et, lors de son arrivée dans le pays, il fut reçu à l’aéroport dans le cadre d’une cérémonie officielle, mais cette fois il portait une tenue usuelle, c’est-à-dire un costume (pantalon formel, chemise, cravate et chaussures habillées).

Pourtant, on sait que durant les deux jours de sa visite en Angola, Costa s’est présenté à la rencontre officielle avec le président de l’Angola, João Lourenço, et à la signature de divers protocoles de coopération, vêtu d’un costume cravate.

L’Angola et le Portugal : deux pays séparés par la justice

António Costa s’est rendu en Angola après des mois de tension diplomatique entre les deux pays, raison pour laquelle sa visite a été scrutée par de nombreux Angolais et Portugais. Pour le premier ministre portugais, cette visite servait surtout à rapprocher les deux pays.

Les relations entre l’Angola et le Portugal ont connu leur pire moment avec l'affaire judicaire qui a impliqué l’ancien vice-président de l’Angola, Manuel Vicente, au cours d’un procès appelé « Opération Fizz », ouvert par le Portugal et transféré récemment à Luanda, après sollicitations et insistances du gouvernement angolais.

Le transfert du procès vers l’Angola ne s’est pas fait avec un consensus unanime, comme l‘eurodéputée Ana Gomes qui a considéré cet acte comme une « démission terrible » de la justice portugaise fondée sur des arguments hypocrites.

Dans cette affaire, Manuel Vicente est accusé d’avoir corrompu le procureur portugais Orlando Figueira, en le payant 760 000 euros afin qu’il classe deux enquêtes, dont l’une, l'affaire Portmill, est liée à l’acquisition d’un immeuble de luxe à Estoril.

Le web divisé à propos de la tenue d’António Costa

Certains internautes se sont divisés sur l’interprétation à donner de l’attitude du dirigeant portugais. Il en va ainsi du journaliste de Folha 8 et mliitant civique Pedrowsk Teca, qui s’est interrogé sur son profil Facebook sur l’attitude du premier ministre du Portugal :

Vestindo-se de calça jeans 👖 em uma visita oficial tão aguardada, qual é a mensagem que Portugal está a transmitir à Angola?

Porter un jean lors d’une visite officielle attendue depuis si longtemps, quel message le Portugal est-il en train de faire passer à l’Angola ?

En revanche, Ilídio Manuel, journaliste lui aussi et professionnel du théâtre, s’est demandé ce qu’il se serait passé si un tel acte avait été le fait d’un dirigeant angolais ou d’un autre pays :

O primeiro-ministro português, António Costa, chegou a Luanda para uma visita OFICIAL vestido de forma informal (calças Jeans e sem gravata). Teria vestido da mesma forma caso visitasse à Alemanha, EUA, Japão, ou outro país do 1.º mundo? Se fosse o inverso, um governante angolano que visitasse Portugal vestido da mesma forma?

Le premier ministre portugais, António Costa, est arrivé à Luanda pour une visite OFFICIELLE vêtu de manière informelle (jean et sans cravate). Se serait-il habillé de la même façon pour une visite en Allemagne, aux États-Unis, au Japon ou dans un autre pays de premier plan ? Et si cela avait été l’inverse, un dirigeant angolais visitant le Portugal habillé de cette façon ?

Pourtant, tandis que certains critiquaient sa tenue, d’autres ont préféré louer l’attitude du premier ministre portugais qui a eu recours à la compagnie nationale d’aviation portugaise (TAP) pour un voyage d’État :

António Costa, o “Premier” de Portugal que afectou a viagem de Estado ao nosso País, por dois dias (chegou no dia 17 e regressou no dia 18), onde reuniu-se com o PR João Lourenço, viajou de Lisboa – Luanda – Lisboa com a sua comitiva em voo comercial da transportadora aérea portuguesa (TAP Portugal), ou seja não fez o uso de um avião privado para esta viagem e presume-se que tenha viajado na primeira classe ou mesma na executiva (o que é bem normal neste caso).

Em novembro o PR João Lourenço vai efectuar uma visita de Estado para Portugal, também por dois dias, quero ver se o nosso Chefe de Estado e a sua comitiva vão fazer o uso da transportadora nacional (TAAG – Linhas Aéreas de Angola), durante o percurso Luanda – Lisboa – Luanda, ou vão viajar num avião privado.

Apreciemos o Cenário…Nas Calmas!

António Costa, le « Premier » [ministre] du Portugal qui a fait un voyage d’État dans notre pays, pour deux jours (il est arrivé le 17 et est reparti le 18), où il a rencontré le président João Lourenço, a fait son voyage Lisbonne – Luanda – Lisbonne avec sa délégation à bord d’un vol commercial de la compagnie aérienne portugaise (TAP Portugal), c’est-à-dire qu’il n’a pas utilisé un avion privé et on suppose qu’il a voyagé en première classe ou même en classe affaire (ce qui est bien normal dans ce cas).
En novembre prochain le président João Lourenço fera une visite d’État au Portugal, également pour deux jours, j’aimerais voir si notre chef d’État et sa délégation vont aussi prendre un vol de la compagnie aérienne nationale (TAAG – Angola Airlines) pour le trajet Luanda – Lisbonne –Luanda, ou s’ils vont voyager dans un jet privé.
On appréciera le tableau… Au calme !

Maria Antónia Palla, la mère du premier ministre portugais, s’est manifestée pour défendre son fils face à la vague de commentaires et de critiques en provenance de Luanda :

O meu filho, António Costa, é bem-educado. Em Angola há protocolo a mais e coisas importantes a menos – a democracia.

Mon fils, António Costa, est bien élevé. En Angola il y a du protocole en trop et des choses d’importance en moins, comme la démocratie.

L’internaute mozambicain Constatino Marengula dit ne pas comprendre quelle sorte de message prétend-t-on faire passer en portant un costume et une cravate :

Ha pessoas zangadas porque António Costa chegou a Angola sem facto e nem gravata. Nunca entendi essa de padroes de beleza, responsabilidade e profissionalismo definidos pelas embalagens, representados por factos e gravatas, numa zona tropical, com calor e humidade. Quando vi isto, recordei me duma entrevista para emprego, num certo Banco muito grande nos anos 90. Mesmo com calor, os homens perguntaram me se tinha algum problema em vestir factos e gravatas…! Ao que disse que nao e dei a minha justificaçao! Nao sei se foi por isso, mas nao fui o feliz contemplado! Depois de ver muitos malandros engravatados, ainda ando curioso em saber o que se procura nos factos e gravatas, com calor e humidade!

Il y a des personnes fâchées parce qu’António Costa est arrivé en Angola sans costume ni cravate. Je n’ai jamais compris le code vestimentaire, la responsabilité et le professionnalisme définis par les apparences, représentés par des costumes et des cravates, dans une zone tropicale, chaude et humide. Quand j’ai vu ça, je me suis souvenu d’un entretien d’embauche, au sein d’une certaine banque très prospère dans les années 90. Même par temps chaud, on m’a demandé si j’avais un problème à porter un costume et une cravate… ! Je leur ai dit que non et je me suis justifié ! Je ne sais pas si c’est à cause de ça mais je ne fus pas l’heureux élu ! Après avoir vu tant d’escrocs encravatés, je reste curieux de savoir ce que l’on recherche dans les costumes et cravates, avec la chaleur et l'humidité !