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Tunisie : Vers un recul des droits et libertés après l'attentat au Musée du Bardo ?

dimanche 22 mars 2015 à 13:43
The Bardo Museum in Tunis, which houses the largest collection of Roman mosaics in the world, will reopen to visitors next Tuesday. Photo by Richard Mortel shared on flickr under a BY-NC-SA creative commons license.

Le musée du Bardo à Tunis, qui renferme la plus grande collection au monde de mosaïques romaines, rouvrira au public mardi prochain. Photo de Richard Mortel sur flickr Licence Creative Commons BY-NC-SA .

Les militants et blogueurs tunisiens s'inquiètent des répercussions sur les libertés à la suite du sanglant attentat au Musée du Bardo, qui a eu lieu mercredi à Tunis. L'attaque, revendiquée par l'EI le 19 mars, a fait perdre la vie à vingt touristes et un policier tunisien. Les deux assaillants ont été tués par la police.

Les déclarations faites après l'attaque par les hommes politiques et des particuliers, appelant à des restrictions sur les droits et libertés, ainsi qu'à l'utilisation de la peine capitale ont alarmé les défenseurs des droits humains.

Amin a tweeté :

Wafa Ben Hassine a mis en garde :

Le président tunisien Sebsi parle de “rayer ces terroristes de la carte”. Il est temps d'accueillir encore plus de restrictions à la liberté

Tandis que se déroulaient mercredi après-midi ces dramatiques événements, la députée Khawla Ben Aicha, du parti anti-islamiste à large spectre Nidaa Tounes, vainqueur des élections législatives et présidentielle de fin 2014, tweetait :

Ben Aicha faisait référence au projet de loi anti-terrorisme destinée à remplacer à la loi de 2003 mise en place par le régime précédent de Zine el Abidine Ben Ali. Voté sous le prétexte de préserver la sécurité, le texte de 2003 a servi d'outil d'oppression contre la dissidence pacifique.Selon Human Rights Watch, un projet de loi soumis à l'assemblée constituante en juillet 2014 mais finalement pas adopté comportait plusieurs améliorations à la loi antérieure de 2003, mais sa définition de ce qui constituait une activité terroriste restait large et imprécise.

Ironiquement, au moment de l'attaque les députés, qui siègent à côté du Musée du Bardo, débattaient précisément d'une nouvelle loi anti-terrorisme. S'adressant à Democracy Now, Amna Guellali, à la tête de Human Rights Watch Tunisie, a mis en garde contre “un resserrement supplémentaire de l'appareil sécuritaire et de vastes opérations anti-terrorisme qui conduiraient à un recul des droits”.

Le tweet de la députée a provoqué des réactions rageuses de certains utilisateurs tunisiens de Twitter :

Selim, membre du groupe de surveillance parlementaire AlBawsala, a tweeté :

Eya Turki a réagi :

Le journaliste et blogueur Malek Khadhraoui a exprimé son mépris :

In an anti terrorism protest on Wednesday, protester holds banner reading: "No to human rights with terrorists. We want life. They want to death. So Death is theirs. Photo shared on twitter by user @RymKH

A une manifestation contre le terrorisme mercredi, sur la pancarte : “Pas de droits humains pour les terroristes. Nous voulons la vie. Ils veulent la mort. Donc mort à eux”. Photo partagée sur Twitter par @RymKH

A la suite de l'attentat, les appels à la peine de mort sont réapparus. Les sympathisants de Nidaa Tounes rassemblés devant le parlement dans la soirée du 18 mars ont réclamé la peine capitale pour les participants à des “activités liées au terrorisme”, a rapporté la radio privée Mosaïque FM.

La Tunisie observe depuis 1991 un moratoire sur les exécutions, bien que les juges continuent à prononcer des condamnations à mort.

La liberté d'Internet a aussi été mise en cause. Le parti libéral Afek Tounes, membre du gouvernement de coalition dirigé par le Premier Ministre Habib Essid, et qui dispose de huit sièges au parlement, a publié une déclaration appelant à “faire la guerre au terrorisme” et prendre une série de mesures, parmi lesquelles la déclaration de l'état d'urgence et l'adoption de la loi anti-terrorisme. Le parti, dont le chef Noomane Fehri dirige le Ministère des Technologies de la Communication et de l'Economie Numérique, et a aussi demandé le filtrage des sites incitant au terrorisme et des poursuites contre leurs animateurs. Par ailleurs, M. Essid a annoncé que les Ministères de l'Intérieur et des Technologies de la Communication coopèrent dans une 'agence spécialisée dans la surveillance des sites faisant la promotion du terrorisme'.

Des propos qui ne sont pas passés inaperçus sur fond du passé tunisien d'abus et de législation restrictive de l'internet.

L'avocat Kaïs Berrjab a tweeté le 19 mars :

avant d'ajouter dans un autre tweet :

Dans un pays considéré précédemment comme un ennemi de la liberté d'Internet, les autorités intérimaires tunisiennes avaient supprimé les pratiques de filtrage après le renversement de la dictature de 23 ans de Zine El Abidine Ben Ali. Ce qui permet aux internautes tunisiens la liberté d'accès à la toile et de l'expression, y compris pour ceux qui adoptent des idéologies extrémistes.

Par exemple, un certain ombre de tweets ont été publiés sous le mot-dièse #غزوة_تونس (Tunis invasion) pour célébrer l'attaque au Musée du Bardo et commémorer les tueurs.

Des personnalités politiques se sont aussi jointes aux militants pour appeler au respect des libertés publiques dans la lutte contre le terrorisme. L'ancien président Moncef Marzouki a déclaré que “le recours au terrorisme ne résoudra pas les problèmes des Tunisiens” et a appelé le gouvernement à ne pas utiliser l'attentat du Bardo pour “retirer ce que la révolution a arraché [comme les droits aux] libertés d'expression e d'opinion”.

La députée du parti islamiste Ennahda Sayida Ounissi a tweeté ce dessin le 21 mars :

Malgré l'émotion, les craintes et la tentation. Nous devons rester sur le sentier démocratique.

La Tunisie saura-t-elle concilier libertés et lutte contre les extrémistes ?

Une petite Ukrainienne de 8 ans vient d'être victime de la guerre

dimanche 22 mars 2015 à 13:15
Семья и скорбящие пронесли убитого ребенка, Полину, по улицам Константиновки в похоронной процессии перед тем, как упокоить ее душу. 18 марта 2015.  Скрин с видео на YouTube. RuptlyTV.

La famille et les proches en deuil lors d'un cortège funèbre pour la petite victime, Polina, dans les rues de Konstantinovka, avant les funérailles. 18 mars 2015. Capture d'écran de vidéo sur YouTube. RuptlyTV.

L'horrible tragédie [en ukrainien] s'est déroulée lundi 16 mars, quand un véhicule blindé a fait irruption sur le trottoir de la ville de Constantinovka, dans l'est de l'Ukraine, tuant trois piétons. Une petite fille de 8 ans, Polina, est morte sur le coup, tandis que sa tante et son jeune cousin étaient transportés à l'hôpital.

Ce sont des soldats ukrainiens en état d'ivresse, au dire des témoins, qui se trouvaient au volant du véhicule blindé impliqué dans l'accident. Konstantinovka, l'un des foyers de la rébellion du Donbass, est restée quelques mois sous le contrôle de la République populaire du Donbass (RPD), avant d'être reprise par Kiev en juin 2014.

Constantinovka, RPD. Un enfant de 8 ans est mort, sa mère est en réanimation.

En apprenant cette tragédie, le porte-parole de l'armée Andreï Lyssenko a déclaré:

Это дело находится на личном контроле Главного военного прокурора и президента Украины. Командование Вооруженных сил Украины выражает глубокие соболезнования пострадавшим гражданам и уверяет, что виновные в этой трагедии будут наказаны — как сами военнослужащие, так и их командиры.

Cette affaire est placée sous le contrôle personnel du procureur militaire général et de la présidence de l'Ukraine. Le commandement des Forces armées ukrainiennes exprime ses sincères condoléances aux citoyens endeuillés et affirme que les coupables de la tragédie seront punis – non seulement les soldats, mais aussi leurs chefs.

Ce qui n'a pas empêché les habitants de Konstantinovka, tout à leur chagrin et à leur colère, de décider de faire justice eux-mêmes.

La foule rassemblée sur les lieux de l'accident puis près d'une ancienne école reconvertie en caserne militaire, s'est mise à lancer des cris et des injures, à jeter des pierres, à casser et à incendier des voitures, et enfin a mis le feu à l'entrée du bâtiment.

#Konstantinovka. 16 mars 2015

Sans doute effrayé par ces désordres, le député ukrainien et conseiller pour l'application des droits Anton Guerachenko a donné un sévère avertissement aux émeutiers :

Если кто-то в Константиновке с оружием в руках выступит против законов украинской власти, используя данное ДТП для массовых столкновений, то сначала будет сделан один предупредительный выстрел, а потом будет стрельба на поражение. Если не будет времени предупредить — будет стрельба на поражение сразу же. Никому не позволено подрывать украинскую власть с оружием в руках на территории Украины. Все необходимые действия, подкрепления, приказы в Константиновку направлены, там ситуация будет нормализована и в дальнейшем будет оставаться такой же.

Quiconque à Konstantinovka prendrait les armes contre les lois de la République ukrainienne, instrumentalisant cet accident pour créer des troubles de masse, déclencherait en réponse un tir de sommation suivi de tirs d'efficacité. Et en cas d'urgence, des tirs sans sommation. Nul n'est autorisé à contester la loi ukrainienne les armes à la main sur le territoire de l'Ukraine. Tous renforts, commandements et actions nécessaires ont été envoyés à Konstantinovka, où la situation sera normalisée et stabilisée.

Comme il fallait s'y attendre, les événements ont été aussitôt interprétés sous un angle politique.

Le représentant des organes ukrainiens du maintien de l'ordre a demandé [en anglais] aux habitants de “ne pas céder aux provocations des séparatistes, prêts à saisir n'importe quel prétexte pour déstabiliser les villes proches de la ligne de front”, tandis que le site [en anglais] pro-Kremlin RT n'hésitait pas à titrer “Les flics ukrainiens ont reçu l'ordre de ‘tirer pour tuer’ après les troubles provoqués par l'assassinat d'une petite fille de 8 ans”.

On a appris que le calme était revenu le mardi dans les rues de Konstantinovka, et que le chef du ministère de l'Intérieur de Donetsk, Vyacheslav Abroskin, avait écrit sur Facebook que les deux soldats impliqués dans l'accident avaient été arrêtés et déférés chez le procureur.

C'est le mercredi qu'a eu lieu le cortège funèbre pour Polina, énième victime du conflit dans l'est de l'Ukraine.

(Mise à jour: La vidéo initialement incluse dans ce post – où l'on entend des tirs qui semblent provenir des forces de l'ordre, tirant en l'air pour disperser la foule dans la nuit de lundi à Konstantinovka – a été supprimée. Cette vidéo,qui a déjà été vue 122000 fois sur YouTube et reprise par des médias tels que RT, s'est avérée être en réalité un re-téléchargement d'unevidéo tournée à Konstantinovka en mai 2014. Merci à Ivan Pétrov, qui a décelé l'erreur et l'a signalée dans un commentaire).

Pourquoi j'adore Norooz

samedi 21 mars 2015 à 18:35
Tori Egherman explains Norooz traditions, and why she loves it.  Photo by Ehsan Khakbaz H. via Flickr (CC BY-ND-SA 2.0)

Tori Egherman explique les traditions de Norooz, et pourquoi elle les adore. Photo de Ehsan Khakbaz H. via Flickr (CC BY-ND-SA 2.0)

Écrit par Tori Egherman, Coordinateur de Programme à Arseh Sevom. Une version de ce texte est d’abord parue sur le site web de Arseh Sevom.

Norooz (ou Nowruz) est une magnifique période de l’année pour être en Iran. Les célébrations commencent la soirée du dernier mardi, avant l’Équinoxe de Printemps avec des feux d’artifices et des sauts par-dessus le feu. Les gens sautent par-dessus les feux en criant « Zardiye man az to, Sorkhieh to az man », ce qui signifie « Je te donne ma maladie, je prends ta force, ta santé ». Elles prennent fin deux semaines plus tard autour d'un pique-nique.

Norooz marque le début de la nouvelle année en Iran et dans d’autres pays de la région.

Il y a une énergie et une excitation pour ces célébrations en Iran, une expression culturelle qui unifie le peuple au-delà des classes sociales, de la religion, et de l’appartenance ethnique. Ne pas célébrer les deux semaines de vacances est, d’une certaine façon, impensable. Quand je vivais en Iran, les vacances de Norooz ressemblaient à une sorte de cérémonie d'accueil. Par là je veux dire qu’elles me permettaient d’être Iranienne pendant deux semaines par an. Elles me donnaient de l’espace pour célébrer sans nier aucune partie de moi. La tradition des vacances est ouvrir et inviter. Ça ne requiert aucune croyance ou foi. Les célébrations sont à la fois privées et publiques, et suffisamment vastes pour que tout un chacun puisse en jouir.

Norooz a lieu au moment de l’Équinoxe, généralement le 21 mars. Comme l’équinoxe a lieu au même moment à travers le monde, de même pour le changement d’année. Qu’il soit 3 heures du matin à Los Angeles ou 14:30 à Tehran, la nouvelle année commence.

Il existe de nombreuses traditions participant au changement d’année dont le nettoyage de printemps, faire amende honorable, acheter de nouveaux vêtements, offrir des cadeaux, rendre visite à des amis et à la famille. La plupart des familles décorent leur maison avec le haft sin (les sept “s”). Une table est couverte de toutes sortes de mets et objets commençant par “s”. Ces choses représentent thèmes communs de la nouvelle année, dont renouveau, sagesse, santé, et prospérité. On trouve généralement des graines germées, des desserts, des pièces de monnaie, des œufs.

Si vous désirez en savoir plus sur les traditions de Norooz, une simple recherche sur internet vous donnera des centaines de réponses. L’Université d’Harvard a rédigé un guide en PDF pour les éducateurs. Ce lien offre un aperçu de Sizdeh Bedar, le pique-nique qui marque la fin officielle de ces deux semaines de vacances pour Norooz.

Donc, à tous ceux qui fêtent Norooz : bonne nouvelle année. À ceux qui ne le font pas : il n’est pas trop tard pour commencer !

Des simulacres de chasse pour sauver les lions du Kenya et de la Tanzanie

samedi 21 mars 2015 à 11:33
Male Lion at Sunrise, Ol Pejeta Conservancy, Kenya, East Africa. Photo by Diana Robinson. CC-BY-NC-SA 2.0

Un lion mâle au lever du soleil,  Ol Pejeta Conservancy, Kenya, Afrique de l'est. Photo de Diana Robinson. CC-BY-NC-SA 2.0

Ce post de Stephanie Dloniak est publié par Ensia.com, une revue en ligne qui met en valeur les actions internationales en faveur de l'écologie. Il est republié ici après un accord sur le partage de son contenu.  

Sur un plateau broussailleux à l'ombre du Kilimandjaro, dans une tente de toile, sous une toiture métallique à l'allure d'un hangar pour avion, Philip Briggs sort trois lions d'un jeu de cartes. 

“Toute ces femelles ont eu des petits au début de 2010, juste après le début de la sécheresse, elles ont commencé à s'attaquer régulièrement à des “bomas” (enclos d'élevage), et Narika a été tuée à la lance en représailles”. 

Le jeu de cartes a été crée par une ONG du Kenya, Lion Guardians, pour aider les gardes à connaître individuellement chaque lion. Chaque carte porte la photo et la description d'un lion vivant à proximité du parc national Amboseli au Kenya.  En organisant les cartes selon des familles et en les faisant glisser, comme s'il s'agissait de gros chat se déplaçant dans le paysage, sur la table en bois qui sert aux repas, Briggs and Stephanie Dolrenry, biologistes de Lion Guardians, racontent l'histoire du bétail tué par les lions et comment la mort de Narika leur a inspiré l'idée de cet outil pour gérer de tels problèmes.

Trading-card-like images and descriptions of lions help Lion Guardians distinguish among individual animals as they work to minimize human-lion conflict. Photo by Stephanie Dloniak

Un jeu de carte avec les photos et la description des lions aide les ” Lion Guardians” à les reconnaitre lors de leurs interventions pour minimiser les conflits hommes/lions.  Photo de  Stephanie Dloniak

 

 

Les Masaï, peuple pasteur du sud Kenya et du nord de la Tanzanie, ont toujours chassé le lion, en réponse aux attaques de bétail et comme rite de passage à l'age adulte. Pendant ces chasses, un groupe de guerriers suit, à pied, un lion à la trace, se rapproche de lui en criant et en chantant et finalement passe à l'attaque avec des lances dans une frénésie bruyante. 

“ Après que Narika ait été tuée, ses petits et un mâle nommé  Lomunyak ont tous quitté cette zone et cessé de s'en prendre au bétail pendant deux mois.” Nous avons observé un grand changement de comportement” explique Dolrenry . 

Les équipes de “Lion Guardians” se demandent si les chasses simulées qui miment de très près la chasse réelle, avec la différence qu'en fin de compte, l'animal n'est pas percé de lances, permettent d'obtenir le même résultat en matière de comportement et d'améliorer la protection de ces “grands chats”. Les lions n'occupent  aujourd'hui que 25 % de leur territoire africain historique et leur population est en déclin. Ceci est en grande partie du au manque de territoire, de proies et aux abattages de représailles.  

“Les Masaï pensent que les lions sont des animaux “éclairés” et qu'ainsi ils savent s'ils ont fait quelque chose de mal” dit le responsable du groupe des “gardiens des lions”, Eric Ole Kesoi, qui a participé à plusieurs simulacres de chasses. Il est persuadé que si les lions sont réprimandés pour des attaques de bétail, ils sauront en tirer les conclusions. 

Le “Lion Guardians” vise à assurer la protection des lions par une méthoge intégrant un savoir écologique traditionnel, les valeurs culturelles du peuple Masaï et une technologie moderne permettant l'analyse de données précises. Les guerriers Masaï qui sont choisis pour devenir “Lion guardians” sont formés et équipés de balises radio, GPS, cartes (de lions), téléphones satellites, qui s'ajoute à leurs traditionnels lances et couteaux. Les plus jeunes dépistent les lions, notent les données concernant la faune sauvage, avertissent les éleveurs de la présence de lions et retrouvent le bétail égaré. Jusqu'à maintenant ils semblent avoir du succès. La population locale de lions a plus que doublé pendant les quatre dernières années et très peu de lions ont été tués. La chasse simulée est un outil très important qui s'ajoute à leurs moyens d'action. 

Les “Lion Guardians” ont organisés jusqu'à maintenant six chasses simulées contre des lions bien identifiés, connus pour des attaques répétées contre du bétail parqué dans des “bomas” (enclos) et immédiatement après ces faits. Les résultats préliminaires sont prometteurs, ces chasses ont toutes stoppé les attaques de bétail pendant une période de un à deux mois. 

Lion Guardian Ng’ida takes a GPS point in front of Mt. Kilimanjaro. GPS data help Lion Guardians track animals and keep livestock out of harm’s way. Photo by Philip Briggs.

Le “Lion Guardian” Ng’ida fait un point GPSen face du  Kilimanjaro. Les données GPS les aident à suivre la piste de ces animaux et maintenir le bétail hors de danger . Photo de Philip Briggs.

Ole Kesoi y voit un intérêt à la fois pour les lions et les Masaï. Le recours à ce type de chasse comme une sorte de thérapie d'aversion (envers les lions) peut mener à moins de chasses punitives et moins de lions abattus. Dans le même temps, elle permet aux “Lions Guardians” de jouer un rôle protecteur dans leur communauté. 

pourtant, tout le monde n'est pas acquis à cette initiative, Craig Packer, un écologiste de l'université du Minnesota,  à étudié les lions de l'écosystème du Serengeti dans la Tanzanie depuis 1978. “Bien que les “Lion Guardians” aient été très innovants, j'ai des doutes sur la viabilité à long terme de ce projet” dit-il.” Le défi d'une protection à long terme va exiger beaucoup plus que cette stratégie “culturellement correcte'.”

Susan Alberts, biologiste de l'université de Duke, parait plus optimiste, elle a travaillé sur cet écosystème depuis plus de 20 ans sur le programme de recherche “Amboseli Baboon”. 

“La principale menace qui pèse sur la vie sauvage à Amboseli vient de la croissance de la population humaine. Nous savons tous comment gérer cela par l'éducation, quelques réimplantations volontaires et probablement des compensations. Il n'y a pas de baguette magique. Le fait d'utiliser la connaissance du comportement des prédateurs et de faire comprendre à la communauté qu'ils ont une carte à jouer dans un écosystème qui demeure intact paraît réellement  essentiel pour aller de l'avant.”

 L'organisation de ces chasses simulées (chasses de réprimande) pour changer le comportement des lions qui posent problème n'est certainement pas une solution magique pour leur préservation en Afrique, mais associé à d'autres approches en particulier celles qui s'appuie sur des valeurs et traditions locales, elle peuvent aider à la fois à la fois la faune sauvage et les personnes qui vivent ce jeu de la vie gagnante avec les cartes qu'elle peuvent utiliser.

  Note de l'éditeur: Stephanie Dloniak  a écrit cet article en tant que participante du Programme Mentor Ensia. Sa tutrice pour ce projet, Michelle Nijhuis. a été récompensée par un Prix du journalisme scientifique et écologique.

A Caracas j'ai trouvé Téhéran

samedi 21 mars 2015 à 11:02
Bikinis vs Chadors in Venezuela and Iran: "After acclimatizing to Venezuela, even some of the Iranian women would adopt the more revealing dress style of their Venezuelan peers." Shiraz street scene photo by Flickr user Gabriel White (CC BY-SA 2.0). Images remixed by Georgia Popplewell.

Bikinis contre tchadors au Vénézuéla et en Iran: “Après un temps d'adaptation au Vénézuela, même les Iraniennes les plus traditionnelles sont prêtes à adopter les tenues légères de leurs consoeurs vénézuéliennes.” Photo d'ambiance de la Rue Shiraz de Gabriel White sur Flickr (CC BY-SA 2.0). Arrangements photographiques de Georgia Popplewell.

Je me demande ce que les Vénézuéliens connaissaient de l'Iran quand les présidents Chavez et Ahmadinejad se sont rapprochés, et quand les travailleurs vénézuéliens et iraniens ont commencé à faire les aller retours entre Caracas et Téhéran.

L'Iran est entré dans mon imaginaire grâce à une carte du monde que ma mère aimait bien nous montrer quand nous étions enfants. Cette carte -une projection traditionnelle de Mercator comme toutes les cartes qui façonnaient notre idée du monde à l'époque- recouvrait presque la moitié d'un mur de la chambre de mes frères. On pouvait y voir un pays appelé Iran, avec le mot “Perse” écrit entre parenthèses juste en dessous. Pour moi, à 8 ans, la Perse était le pays de mon jeu vidéo préféré, Prince of Persia.

Avec les années j'ai trouvé d'autres références perses, dans mon livre de maths, et avec les poètes perses de la bibliothèque de mes parents. Et également par les films tournés dans un pays “lointain”, je veux dire Hollywood. L'un d'eux raconte l'histoire tragique d'une Américaine mariée à un Iranien et dont le monde s'écroule quand elle se rend dans le pays d'origine de son mari et se retrouve piégée par la déception de ce dernier et les coutumes répressives iraniennes. Contre toute attente elle parvient à s'enfuir avec sa petite fille, et réalise qu'elle est enfin rentrée chez elle quand elle aperçoit le bon vieux drapeau américain…

C'était une idée bien différente de celle que j'avais de la Perse. Pour moi, l'Iran faisait partie du Moyen-Orient que nous pensions peuplé d'Arabes, comme dans les contes des Mille et une nuits. Je n'avais pas complètement tort, mais je l'ai découvert beaucoup plus tard, quand l'Iran et la Perse se sont retrouvés de manière très inattendue à Caracas.

En 2007, je travaillais au Ministère de l'Economie Populaire, le ministère qui gérait les finances de ce qui est devenu la colonne vertébrale de la stratégie de l'administration Chàvez à l'époque: aide financière aux coopératives et formation en management pour les défavorisés, entre autres choses. Mon travail consistait principalement à publier et traduire des documents qui provenaient de la direction à l'attention du personnel du ministère. Je devais aussi relire des manuels et des présentations, ainsi que des transcriptions de colonnes de sommes d'argent si importantes que l'on pouvait à peine les lire.

Parmi tous les documents qui arrivaient sur mon bureau il y avait des lettres et des invitations, et l'une d'elles a attiré mon attention: un mémo qui annonçait des cours de persan pour les techniciens et les chefs de département. Cela pouvait paraître difficile et extravagant, mais j'ai postulé pour ces cours.

Les cours étaient donnés par des Iraniens diplômés en traduction et littérature espagnole. Ils étaient jeunes, 25-30 ans, et certains quittaient l'Iran pour la première fois. Pour moi, ces cours représentaient une ouverture sur un monde fascinant: non seulement par sa langue et sa grammaire mais aussi pour les interactions personnelles. Les deux tiers du cours portaient sur des questions sur l'Iran: “Pourquoi les femmes doivent-elles se couvrir les cheveux?” “Comment certaines peuvent-elles l'éviter?” “Pourquoi avez-vous autant de femmes?” “Dans ma religion, Dieu est partout. Pourquoi devez-vous vous tourner vers la Mecque quand vous priez?”. Ce qui avait commencé en cours de langue était devenu un cours d'études iraniennes.

J'avançais lentement dans l'étude de la langue, mais j'étais devenue accro à tout ce qui était iranien. Les professeurs de langue étaient de bons amis, dont un en particulier, qui m'initia à la musique classique persane, au cinéma, à la poésie et à l'histoire contemporaine. J'ai lu et entendu différentes versions de la révolution de 1979, et sur la vie actuelle en Iran. J'ai découvert toute une liste de mots qui venaient du persan à l'arabe, puis à l'espagnol. C'est là que j'ai compris que la plupart des contes des Mille et Une Nuits, dont le conte qui fait le lien entre tous, tiraient leurs origines des contes folkloriques traditionnels persans.

J'ai vécu une expérience passionnante en observant les réactions de mes nouveaux amis face à Caracas, et se promener avec eux dans les quartiers où ils vivaient et qu'ils fréquentaient c'était comme se promener dans un petit Téhéran à Caracas. Les femmes avaient l'air ravies de ne pas être obligées de porter le voile et de pouvoir acheter des vêtements qu'elles ne pourraient pas trouver de retour chez elles. J'ai fait la grande expérience de l'épilation à la cire, à la manière iranienne, et elles m'ont montré leur façon de se coiffer et de se maquiller. Nous avons échangé les rythmes latino-américains contre les rythmes persans.

Les gens que j'ai rencontrés grâce à ces échanges étaient des professeurs de langue, des techniciens, des ingénieurs et du personnel de l'ambassade. Certains étaient venus avec leurs familles. D'autres avaient laissé derrière eux leurs familles et ceux qu'ils aimaient.

Lors de fêtes traditionnelles, on reconnaissait les différentes options politiques des iraniens. Ceux qui soutenaient le gouvernement par exemple célébraient Nowruz, le nouvel an perse, à l'Ambassade en partageant des prières et un repas traditionnel. Ceux qui soutenaient l'opposition se retrouvaient pour danser chez eux ou dans l'un de leurs restaurants préférés de Caracas.

En termes de liberté d'expression, j'ai été frappée par la réaction d'un ami iranien en voyant le journal pour lequel je travaillais après avoir quitté le Ministère. C'était un journal délibérément d'opposition créé pour critiquer les actions du Gouvernement et provoquer Chàvez par tous les moyens (aujourd'hui, ce journal fait face à de  graves difficultés en raison du recul sévère du gouvernement et du manque de ressources). En venant me voir au bureau, cet ami est resté stupéfié à la vue des unes du journal exposées dans le hall d'entrée et m'a dit doucement: “En Iran ce serait tout simplement impossible”.

Mais le plus important c'est que nous avions des conversations enflammées sur l'Iran, sur Ahmadinejad, sur Chávez et sur le Venezuela. Certains appréciaient Chàvez et n'aimaient pas Ahmadinejad. D'autres ne les aimaient pas tous les deux. D'autres encore comprenaient la popularité des deux présidents, et d'autres s'en désintéressaient et voulaient simplement changer d'air. Ces conversations m'ont permis d'avoir un aperçu des différentes classes sociales et des différentes approches de la religion, aperçu que j'ai pu approfondir avec l'arrivée de nouveaux traducteurs iraniens diplômés d'universités publiques et qui venaient de régions autres que celles de la capitale iranienne.

En général mes amis venaient de la classe moyenne ou aisée; ils étaient plus ouverts aux idées occidentales et plus critiques sur leur gouvernement et sur l'idée d'une république islamique. A mes yeux ils n'étaient pas différents des jeunes vénézuéliens de la classe moyenne ou aisée, mais avec plus de maturité du fait qu'ils n'avaient pas toujours eu accès à tout ce qu'ils voulaient.

Les nouveaux arrivants étaient nettement plus conservateurs. L'une des femmes a fini par partager un appartement avec un ami iranien qui est devenu plus tard mon petit ami. Elle avait une attitude totalement différente de mes amis sur le port du voile, et demandait à mon petit ami de rester dans sa chambre pendant qu'elle se coiffait, ce qu'il avait du mal à comprendre. Je me demande si elle désapprouvait le fait que je vienne le voir, et même que je passe la nuit avec lui, et si c'était le cas elle n'en a jamais parlé.

C'est difficile d'imaginer le choc que les Iraniens les plus conservateurs et religieux, comme ceux de l'Ambassade, ont pu avoir à leur arrivée à Caracas. Le haut des immeubles des grandes villes vénézuéliennes scintille d'énormes panneaux publicitaires sur lesquels on peut voir des femmes en bikinis provocants, une bière à la main, la bouche ouverte en une moue sensuelle. Les rythmes chauds du reggae et de la salsa érotique débordent des bus, et dans les discothèques les gens dansent dans le noir, corps à corps. Une vedette de la télévision doit presque systématiquement montrer un maximum de peau.

Je sais, bien sûr, qu'en Iran ces attitudes ne sont pas tout à fait inconnues. Il y a un reggaeton perse et on parle des folles soirées qui ont lieu dans certaines couches de la société iranienne. Mais tout ce dont je parle plus haut ne pourrait vraisemblablement pas se produire aussi ouvertement en Iran. Je me souviens avoir vu un groupe d'Iraniens de l'Ambassade, qui dinaient dans un restaurant perse renommé, piquer du nez dans leurs assiettes, apparemment très gênés, en assistant à un concours d'imitation de Shakira qui a dégénéré en une séance de danse érotique autour du pose de télé du restaurant.

Mes amis iraniens masculins m'ont dit qu'à leur arrivée il leur était difficile de ne pas dévisager les femmes vénézuéliennes, mais ils se sont vite adaptés à l'atmosphère décontractée, malgré les longues heures qu'ils passaient à travailler sous le soleil sur des chantiers à la campagne, pour servir d'interprètes à des techniciens iraniens qui avaient continuellement besoin d'eux, bien souvent sans aucune compensation pour les heures supplémentaires. Et tout cela malgré les mauvaises conditions de logement, et après une étrange procédure de sélection où on ne leur disait pas exactement la date et les conditions de leur départ d'Iran. Après un temps d'adaptation au Venezuela, certaines femmes iraniennes ont même adopté les tenues vestimentaires de leurs paires vénézuéliennes.

Il n'était pas rare de voir des contacts professionnels tourner en histoire d'amour, comme cela m'est arrivé, ou même se terminer en mariage. L'amour ne connaît pas les frontières de la langue, et pendant la construction de l'usine de Guarico où mon copain traducteur iranien était affecté, on a entendu parler de techniciens qui disparaissaient avec des collègues féminines pendant les heures de travail. Le bus qui transportait les équipes de travail pour aller et revenir de l'usine était rempli de couples qui pouvaient à peine communiquer, et les traducteurs iraniens étaient parfois appelés à la rescousse par leurs compatriotes pour traduire des déclarations d'amour adressées à leurs futures amies vénézuéliennes.

Les liens créés entre les vénézuéliens et les iraniens ont provoqué la polémique. Les chefs de l'opposition craignaient que le pays ne devienne un acteur politique au Moyen-Orient. En 2009 Chávez a annoncé que l'Iran aidait le Venezuela dans sa recherche d'uranium et les commentateurs politiques en ligne et autres  ont parlé d’ une arrivée massive de combattants du Hezbolla dans le pays.

Malgré tout, d'autres sortes d'échanges se sont mis en place des deux côtés: des rues iraniennes baptisées Chávez et Bolivar; des groupes de musique vénézuéliens montrant Téhéran sur leurs clips vidéo. Une nouvelle chaîne de télévision sur internet proposée par le gouvernement iranien vise un public latino-américain, alors qu'au Venezuela des ateliers de cuisine iranienne et des cours de langue perse prolifèrent, autant de choses inimaginables il y a dix ans.

Echanges culturels? Propagande? Un peu des deux? Difficile de ne pas pas se désoler de la direction que peuvent prendre certains alliances, mais ce qui me fascine ce sont les rencontres culturelles et personnelles qui ont lieu en dehors de la sphère gouvernementale et de ses interférences. Ne pas en parler donnerait une image incomplète de la situation

L'alliance politique se poursuit. Nous ne savons pas combien de temps cela va encore durer, malgré les déclarations enflammées des dirigeants qui prétendent que cela va durer toujours. Comme les histoires d'amour que j'ai vu fleurir à l'usine de Guárico, les relations entre le Vénézuéla et l'Iran peuvent être passionnées aujourd'hui, mais aussi tumultueuses et incertaines. Qu'en adviendra-t-il de ces relations si le prix du pétrole continue de baisser, et si la siutation économique et sociale du Vénézuéla continue de se détériorer?

Mais au-delà de ces craintes, je sais que de nombreuses passerelles invisibles ont été construites et sont solides. Toutes mes amies iraniennes ont épousé des Vénézuéliens et vont élever une génération de Perso-Venezueliens que personne n'aurait pu imaginer il y a une dizaine d'années. Un groupe particulier d'Iraniens découvre encore l'Amérique Latine de manière différente. Mon histoire amoureuse n'a pas duré, mais les liens que j'ai tissés avec la culture iranienne sont indestructibles.

Je tourne encore la tête quand j'entends quelqu'un parler perse, je me souviens encore des poèmes dans cette langue, et quand je doute je cherche la réponse dans les ghazals d'Hafez. J'ai choisi des sujets de mémoires sur l'Iran dans mon cursus universitaire, et j'ai beaucoup souffert quand des personnes qui m'étaient chères ont été arrêtées lors des manifestations et de la répression qui ont suivi les élections iraniennes de 2009, en particulier quand l'un d'eux a été emprisonné et blessé moralement et physiquement en détention. Je me demande toujours si, à la suite de cette expérience, il pourra retrouver la finesse d'esprit et la sensibilité que je lui ai connues au Venezuela.

Les échanges culturels ne se font qu'à travers les interactions humaines. Les horizons culturels s'ouvrent, facilement ou plus difficilement, pour le meilleur ou pour le pire. L'interculturel est l'interpersonnel. En remuant tous ces souvenirs, je me rappelle les mots d'un ami cher, écrivain et activiste vénézuélien de longue date, qui, comme moi, a été envoûté par l'Iran grâce à son peuple. Il a été marié à une femme iranienne exceptionnelle, activiste à l'époque de Khomeini et après. Il m'a dit une fois: “Quand un Iranien traverse ton chemin, tu ne pourras plus jamais échapper à son charme.”

Des années après, même encore maintenant que je vis en France, j'entends encore ses paroles. Quoique l'Iran ou le Venezuela soient, ou deviennent, ce qui restera ce sont ces nouvelles cultures nées du besoin des gens à s'ouvrir à des mondes nouveaux. Ma rencontre avec l'Iran est la preuve qu'en réalité les cultures sont un univers presque insaisissable, difficile à définir en quelques mots. Histoire, classes sociales, politique, religion et littérature donnent des images si différentes de ce pays que l'on est toujours choqué par les tentatives de simplification de la réalité.

En ce sens, il est juste de chercher l'inspiration dans les écrits d'un auteur qui m'est cher pour expliquer ce que l'Iran était, est, ou peut être, du moins pour moi: C'est par simplification et par commodité que nous parlons d'un Iran. En réalité, exception faite de l'appellation géographique, l'Iran que nous croyons connaître n'existe peut-être même pas.