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Les États-Unis peuvent-ils connecter les Cubains à Internet? L'histoire vue du côté cubain

jeudi 28 juin 2018 à 13:11

Illustration: MONK (Periodismo de Barrio). Utilisée avec permission.

La réunion inaugurale de la Cuba Internet Task Force (Groupe de travail sur l'Internet à Cuba, CITF) s'est tenue le 7 février 2018 sous la direction du sous-secrétaire adjoint du Département d'État pour les affaires de l'hémisphère occidental, John Creamer.

Ce qui y a été dit est déjà bien connu : le faible accès à Internet à Cuba est principalement le résultat d'une décision politique du gouvernement. Le coût horaire est prohibitif. L'accès à Internet est vital pour le développement de la société civile, le journalisme indépendant et la protection des droits humains. L'augmentation de l'accès à Internet pourrait contribuer à améliorer la santé, l'agriculture, le tourisme et offrir de nouvelles possibilités pour les affaires.

Il n'y a pas de lien direct par câble entre Cuba et les États-Unis, une infrastructure qui permettrait au pays de rétablir rapidement la connectivité si elle était perdue après un ouragan.

Pour comprendre pourquoi cela a été un sujet de discussion, nous devons revenir aux débuts du CITF.

Le 23 janvier 2018, le Département d'État a annoncé la création officielle du CITF conformément au Mémorandum présidentiel sur la sécurité nationale, dans le but de renforcer intentionnellement la politique des États-Unis à l'égard de Cuba en vigueur depuis juin 2017.

L'objectif déclaré était “d'examiner les défis technologiques et les opportunités d'expansion de l'accès à Internet et de la liberté d'expression à Cuba”. Ce paragraphe a attiré l'attention des médias traditionnels le lendemain et s'est répandu comme une traînée de poudre à travers les médias internationaux, les blogs et les médias sociaux.

Le ministère cubain des Affaires étrangères (MINREX) a remis une note au chargé d'affaires américain à La Havane huit jours plus tard, affirmant que les actions décrites dans le paragraphe visaient à “violer de manière flagrante la souveraineté cubaine”.

Tous les fonds nécessaires à l'organisation et au fonctionnement du CITF seraient fournis par le Bureau des affaires de l'hémisphère occidental et les agences participantes.

Le CITF devait être composé de représentants de ministères et d'organismes du gouvernement des États-Unis ainsi que d'organisations non gouvernementales ou d'entités privées liées à Internet.

Deux sous-comités ont été créés après la première réunion : “l'un, pour analyser le rôle des médias ainsi que le flux d'informations libres et non réglementées à Cuba, alors que l'autre explorera l'accès à Internet dans le pays”. Il est donc probable que le lecteur cubain de cet article soit accompagné d'un membre du sous-comité dédié au rôle des médias indépendants depuis son bureau.

En résumé, ce que le CITF doit livrer au secrétaire d'État et à la Maison-Blanche lorsque ses travaux seront terminés en 2019, c'est un rapport contenant des recommandations.

Demander des recommandations pour augmenter l'accès à Internet à Cuba n'est pas juste une nouvelle bizarrerie de Donald Trump. Bill Clinton, George W. Bush et Barack Obama l'ont fait avant lui. Avant Bill Clinton, Internet n'existait pas à Cuba (rappelons que c'est sous son administration que la première connexion Internet de l'île a finalement été autorisée en 1996, en relative synchronisation avec d'autres pays d'Amérique latine).

Illustration: MONK (Periodismo de Barrio)

Est-il technologiquement possible de connecter les Cubains à Internet sans que le gouvernement le sache?

Posez la question à Alan Gross. Pour ceux qui ne le connaissent pas, Gross est un citoyen américain qui a voyagé à Cuba et a passé la douane cinq fois avec un équipement de communication par satellite portable destiné à fournir un accès Internet à plusieurs communautés juives du pays (du moins en théorie). Gross n'était pas un philanthrope, mais un contractant de la société privée Development Alternatives, Inc. (DAI). En 2008, elle a été sous-traitante de l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), dans le but d'accroître l'accès à Internet à Cuba.

Gross a été condamné à 15 ans de prison en 2011 à Cuba et libéré après cinq ans, dans le cadre des négociations menées par l'administration Obama, lorsque les deux pays ont rétabli les relations diplomatiques.

L'enchaînement d'événements malheureux qui ont conduit Gross à l'emprisonnement a commencé sous l'administration de Bill Clinton et la signature de la loi Helms-Burton [fr] en 1996. Cette loi fédérale a été élaborée et adoptée afin de renforcer l'embargo contre Cuba, sanctionner le gouvernement Castro et soutenir un changement gouvernemental. Des interventions comme celle qui a conduit Gross en prison des années plus tard ont été favorisées [fr] par la loi Helms-Burton.

Travaillant par l'intermédiaire de sa petite entreprise, JBDC LLC, Gross a signé un contrat de sous-traitance en février 2009 avec DAI pour un paiement de 258 274 dollars. Cela comprenait l'achat de la technologie nécessaire pour établir des réseaux d'accès à Internet par satellite à Cuba. La proposition, appelée “ICT4Cuba” ou par son nom commercial “ICTs For The Island” (TIC pour l'Ile), devait “former un groupe initial à l'utilisation et la maintenance des technologies de l'information et des communications terrestres et non terrestres actuellement disponibles sur le marché”. À terme, le projet pilote aiderait à établir une base pratique pour améliorer la gestion des initiatives de transition vers la démocratie par la construction de réseaux technologiques, mais J BDC travaillerait d'abord avec les communautés juives, puis franc-maçonnes.

Gross a fait son premier voyage à La Havane juste un mois plus tard, en mars 2009. Selon la transcription du procès tenu à la Cour provinciale de La Havane le 11 mars 2011, “il a pu transporter la technologie sans être détecté par les douanes. à l'aéroport international José Martí et ensuite transmettre l'équipement à l'unité BGAN qui permet la communication par satellite dans la synagogue de la communauté juive de La Havane. “

Dans la nuit du 3 décembre 2009, avant son cinquième retour aux États-Unis, Gross a été arrêté par les autorités cubaines et accusé de crimes contre la sécurité de l'État.

Après son arrestation, il a été transféré à la prison de Villa Marista, à La Havane, puis à l'hôpital militaire Carlos J. Finlay, où il a été gardé en sécurité maximale. Après 14 mois de détention, il a été accusé d'avoir “commis des actes contre l'indépendance ou l'intégrité territoriale de l’État”, d'être impliqué dans “un projet subversif visant à renverser la révolution” et de violer l'article 91 du Code pénal à cause du travail qu'il faisait pour DAI et l'USAID. Verdict de la Cour suprême : 15 ans de privation de liberté.

Alan et son épouse Judy Gross ont poursuivi le gouvernement américain pour négligence en envoyant à plusieurs reprises Gross faire un travail pour lequel “le gouvernement le savait mal préparé, sans fournir l'enseignement le plus élémentaire, la formation, ou les avertissements exigés dans les directives par le gouvernement lui-même”. Mais ils ont perdu leur procès. Le maximum qu'ils ont obtenu a été un accord avec DAI pour un règlement non publié.

Le 22 mars 2016, au Grand Théâtre de La Havane, Obama a prononcé un discours au peuple cubain :

L'Internet devrait être disponible à travers l'île, afin que les Cubains puissent se connecter au reste du monde – et à l'un des plus grands moteurs de croissance de l'histoire de l'humanité. […]. Et je peux vous dire, en ami, que la prospérité durable au XXIe siècle dépend de l'éducation, des soins de santé et de la protection de l'environnement. Mais elle dépend aussi de l'échange libre et ouvert d'idées. Si vous ne pouvez pas accéder à l'information en ligne, si vous ne pouvez pas être exposé à différents points de vue, vous n'atteindrez pas votre plein potentiel. Et avec le temps, les jeunes vont perdre espoir.

Dans le contexte de la détente et avec pour objectif “d'améliorer l'accès aux communications pour les Cubains et leur capacité à communiquer librement”, les entreprises américaines de télécommunications ont été autorisées à “établir les mécanismes et les infrastructures nécessaires pour leur fournir des services Internet et de télécommunications”. En outre, la vente commerciale de “certains dispositifs de communication, logiciels, applications, matériel et autres services pour l'établissement et la mise à jour de systèmes liés aux communications” a été autorisée.

Alors Cubains, connaissez-vous votre chance ?

Depuis 2014 [fr], des représentants de Google visitent régulièrement La Havane. En 2016, Google a ouvert un espace technologique au studio de Kcho, un artiste qui entretenait jusqu'à récemment des liens étroits avec le gouvernement cubain et le parti communiste. Situé dans la partie supérieure de la ville de Playa, le studio Google + Kcho.Mor proposait un accès Internet gratuit au public, sur 20 Chromebooks, que les utilisateurs pouvaient utiliser pendant une heure chaque fois, s'ils fournissaient d'abord une carte d'identité. Au moment de son ouverture, Brett Perlmutter de Google a déclaré que la société était convaincue que le projet ferait partie d'un effort de coopération plus large visant à offrir un accès Internet au peuple cubain.

En mai de cette même année, T-Mobile a annoncé un accord d'interconnexion et d'itinérance avec la société de télécommunications de Cuba, SA (ETECSA), qui a permis l'expansion des communications entre les États-Unis et Cuba, offrant des appels (à prix réduit mais tout de même relativement coûteux) aux clients américains qui voulaient rester en contact avec leurs amis et la famille à Cuba, ainsi que des forfaits-données pour les clients se rendant sur l'île. Grâce à cet accord, les clients du programme T-Mobile Simple Choice pouvaient “appeler des téléphones fixes et sans fil à Cuba depuis les États-Unis pour 0,60 dollar la minute».

ETECSA a également conclu des accords d'itinérance avec Verizon Wireless, basée à New York ; Sprint, basé à Overland Park, Kansas;  et AT & T, basée au Texas. Chez AT & T, les données coûtent 2,05 dollars par mégaoctet.

Le groupe de travail du Président Trump n'est pas le premier – et il ne semble pas non plus être le dernier – d'une administration américaine. Nous devrons attendre jusqu'en octobre 2019 pour savoir ce qu'ils vont recommander à la Maison Blanche et au Département d’État.

Au fil du temps, les autorités américaines ont essayé deux modèles différents pour élargir l'accès à Internet à Cuba : la formule Alan Gross, selon laquelle les initiatives étaient menées en secret ou semi-secret ; et le modèle Obama, où le gouvernement américain a ouvertement et publiquement cherché à faire pression pour le changement, tout en continuant à exécuter des programmes d'intervention semi-secrets.

La première méthode contourne entièrement les autorités cubaines (et en particulier le monopole ETECSA), défiant les lois douanières, installant des technologies dans les communautés d'intérêts (groupes religieux, opposants politiques, jeunesse, etc.), et dans le cas d'Alan Gross, se terminant par une peine de prison de 15 ans, réduite à 5 après d'intenses négociations.

D'autre part, les coûts de maintenance des opérations sont insupportables, même pour l'USAID, ou, dans les cas les plus risibles, un résultat final a été obtenu pour la société civile cubaine plus intéressée par le téléchargement de pornographie que par les informations politiques.

La dernière méthode, dans laquelle les négociations avec le gouvernement cubain et l'ETECSA ont débuté avec les annonces d'Obama en décembre 2014, n'a pas réussi à augmenter significativement l'accès, à réduire les coûts ou à promouvoir la libre circulation de l'information sur l'île.

En fin de compte, les plus grandes réalisations de ces efforts ont jusqu'à présent abouti à des téléchargements plus rapides sur les serveurs de la Havane de Google (sous l'œil d'ETECSA) du chanteur Marc Anthony et du groupe de musique Gente de Zona sur YouTube.

Les nouvelles lois anti-migration de la Hongrie continuent à rétrécir l'espace de la société civile

jeudi 28 juin 2018 à 12:46
Stickers with the label “An organization that supports immigration” (“Bevándorlást támogató szervezet,” in Hungarian) put on the door of Hungarian Helsinki Committee office in Budapest on 27 June 2018 by ruling party members. Photo by HHC, used with permission.

Autcollants “Organisation soutenant l'immigration” (“Bevándorlást támogató szervezet” en hongrois) apposés sur la porte du siège du Comité Helsinki hongrois à Budapest le 27 juin 2018 par des adhérents du parti au pouvoir. Photo HHC, utilisée avec autorisation.

Les nouvelles lois récemment approuvées par le parlement hongrois qui criminalisent les collectifs aidant les migrants font face à une avalanche de condamnations.

La dernière en date est celle de la Commission européenne de la démocratie par le droit (aussi appelée Commission de Venise, où elle se réunit), qui est l'organe consultatif du Conseil de l'Europe en matière de droit constitutionnel. Elle conseille les États membres, dont la Hongrie, sur la manière d'aligner leurs structures juridiques avec les normes européennes de démocratie, de droits humains et d’État de droit.

La Commission de Venise a établi que les lois anti-migration “enfreignent le droit à la liberté d'association et d'expression” et doivent être abrogées.

Entre autres dispositions, ces lois créent un nouveau délit appelé “aide à l'immigration illégale” qui peut inclure la fourniture de conseils juridiques et d'informations sur leurs droits et devoirs aux migrants, sanctionné par un emprisonnement allant jusqu'à un an.

Elles imposent aussi une taxe de 25 % sur les dons aux ONG étrangères qui aident les migrants en Hongrie.

Comme l'écrit Human Rights Watch, si le président hongrois promulgue ces lois, “à partir du 1er juillet, les travailleurs humanitaires et les bénévoles pourront être poursuivis et emprisonnés jusqu'à un an pour avoir apporté des services, conseils, ou aides aux migrants et demandeurs d'asile”.

Le paquet législatif a été baptisé “Stop Soros”, en référence au magnat américain d'origine hongroise George Soros, que sa philanthropie progressiste a transformé en cible de théories conspirationnistes le dépeignant en génie du mal résolu à détruire la Hongrie et la chrétienté. (Note de la rédaction : Global Voices bénéficie de financements des fondations Open Society, élément du réseau Soros.)

Un environnement de plus en plus hostile à la société civile

Le climat est devenu de plus en plus hostile à l'activité de la société civile en Hongrie ces dernières années, et les lois “Stop Soros” ne sont que les dernières d'une série de réformes en Hongrie destinées à accroître l'emprise du gouvernement au détriment des organisations non-gouvernementales (ONG).

Le rapport 2017 sur les droits humains élaboré par le Département d’État américain souligne que cette année-là la Hongrie a adopté une loi exigeant des “ONG qui reçoivent plus de 7,2 millions de forints (22.000 euros) par an de fonds de l'étranger qu'elles s'enregistrent comme organisations financées par l'étranger et à publier leur statut ‘à financement étranger’ sur leurs sites internet et publications” à côté d'autres obligations d'information.

Ces nouvelles exigences inscrites dans la loi sont, selon les termes de la Commission européenne, “discriminatoires et créent un fardeau administratif et un préjudice de réputation pour ces organisations”.

Selon le rapport sur les droits humains du département d’État, le “gouvernement a résilié des accords de coopération à long terme avec certaines ONG” pendant l'année 2017, notamment celles impliquées dans la surveillance de son action en matière de droits humains, tandis que le vice-président du parti Fidesz au pouvoir, Szilard Nemeth déclarait que les ONG soutenues par George Soros devaient “être mises dehors”.

Le rapport notait aussi que “les ONG affectées par la législation étaient les cibles fréquentes d'attaques médiatiques par les organes pro-gouvernementaux”, tandis que les employés d'ONG considèrent la déclaration de Nemeth comme une incitation à la violence.

A l'époque, plus de 180 ONG hongroises ont protesté contre la loi, qu'elles estiment “stigmatisante” parce qu'elle sous-entend qu'elles “sont une menace pour le pays” et “sape la confiance mutuelle dans la société et met en question le droit à la liberté d'expression”. L’effet général de cette politique est de “dissuader les Hongrois de créer leurs propres ONG pour soutenir les projets collectifs locaux” et d'étouffer le travail du secteur associatif d'une manière similaire à celle de la Russie en 2011 et 2012.

Selon l’avis de la Commission de Venise sur les dispositions des lois “Stop Soros”, “instaurer des poursuites pénales pour l'assistance intentionnelle aux migrants irréguliers en vue de contourner les règles de l'immigration n'est pas en tant que tel et en soi contraire aux normes des droits humains internationaux”.

Cependant, il affirme qu'elles [les lois] “vont beaucoup plus loin” en ce que le paquet législatif “criminalise des activités organisationnelles sans lien direct avec la matérialisation de l'immigration illégale” et “comporte un risque de poursuites pénales pour des individus et des organisations apportant une assistance respectueuse de la loi aux migrants.”

De nombreux journalistes et militants de la société civile en Hongrie et dans le reste de l'Europe ne disent pas autre chose, mettant en garde que les nouvelles lois semblent faire partie de la stratégie plus vaste de détricotage et de contrôle de la société civile et de la sphère médiatique. La journaliste américaine-israélienne-hongroise Lili Bayer a tweeté :

N'oubliez pas : le gouvt de la Hongrie cible les ONG non pas à cause d'inquiétudes sur la migration, mais parce que la Hongrie est petite et ces ONG se trouvent être les seules à travailler sur les droits civiques des citoyens hongrois : examiner les abus policiers, représenter gratuitement les manifestants devant les tribunaux, etc.

Comparaisons avec l'Europe du 20ème siècle

Certains ont tracé des parallèles entre ces développements en Hongrie et l'injustice institutionnalisée dans les régimes d'Europe centrale et orientale au 20ème siècle. Ainsi, l'écrivain et blogueur serbe Igor Čobanović a tweeté :

“La Hongrie adopte une loi qui criminalise l'aide aux migrants.”

La dernière loi de ce genre a été mise en place par Adolf Hitler et concernait l'aide aux Juifs.

Les partisans des mesures anti-société civile et anti-immigration du gouvernement hongrois ont alimenté d'autres comparaisons.

Le 12 juin, des membres du Parti populaire démocrate-chrétien (KDNP) ont apposé des auto-collants sur les entrées de bâtiments sièges d'organisations non-gouvernementales travaillant avec des immigrants et réfugiés en règle. On y lisait : “Organisation soutenant l'immigration” (“Bevándorlást támogató szervezet,” en hongrois).

Dans un cas largement médiatisé, cette opération a ciblé les bureaux d'une ONG du nom de Menedék, qui aide à l'intégration de réfugiés acceptés par l'administration hongroise. L'immeuble est une ‘maison étoilée’, élément d'un réseau pendant la 2ème guerre mondiale d'habitations obligatoires pour les 220.000 juifs de Budapest destinés à la mise à mort par les collaborateurs des nazis en 1944. Tant les maisons que leurs habitants étaient obligés de porter l'étoile jaune, et après la guerre la plupart ont été marquées avec des plaques mémorielles en bronze avec les noms des victimes de la Shoah qui y avaient vécu.

Autre cible de ce marquage, le Comité Helsinki hongrois, qui œuvre à protéger et promouvoir les droits humains. Ses membres ont twitté en direct pendant que Fidelitas (la branche jeunesse du parti Fidesz) posait les auto-collants tout en tenant une conférence de presse devant leur immeuble le 27 juin.

Nous recevons l'auto-collant anti-ONG stigmatisant en ce moment-même ! Conf’ de presse en direct en ce moment devant notre immeuble.

Si l'avis de la Commission de Venise n'est pas directement obligatoire, il apporte une base juridique à d'autres actions au niveaux national et européen. Ainsi le 25 juin, la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen a voté à une large majorité en faveur du déclenchement de la procédure dite de l'article 7 de l'Union européenne contre la Hongrie, susceptible d'aboutir à des sanctions pour manquement aux valeurs fondamentales de l'UE.

Quel choix pour les Syriens ? Les derniers jours de la Ghouta, entre mort immédiate ou à retardement

jeudi 28 juin 2018 à 10:52

Un Syrien marche parmi les bâtiments détruits dans le quartier de Jobar, en banlieue de  la capitale Damas, le 9 mars 2016. Photo : Sameer Al Doumy, utilisée avec autorisation.

Les gens de la Ghouta, en Syrie, avaient-ils le choix ou même une capacité d'agir sur leur sort, dans les derniers jours qu'ils y ont passés ? Dans la situation terrifiante et désespérée qui était la leur sous un siège asphyxiant de cinq années, les habitants de la Ghouta en sont venus à comprendre qu'ils étaient limités à seulement trois possibilités : partir pour d'autres zones contrôlées par le régime, rester dans une Ghouta contrôlée par le régime, ou devenir des déplacés contraints.

A la suite du siège et du bombardement ininterrompu qui paralysait la vie et la transformait en survie souterraine, le régime syrien, soutenu par les forces russes, lança une offensive militaire pour pénétrer dans la Ghouta et s'assurer le contrôle total de la région. Pendant la durée des opérations, les habitants furent soumis à un bombardement effréné par de multiples types d'armes y compris chimiques, qui les forçait à vivre dans des caves, où ils faisaient bouclier pour leurs enfants, avec l'espoir que leurs frêles corps les protégeraient. Rien de cela n'était leur choix.

Les survivants de la Ghouta racontent comment ils attendaient un moment de calme entre deux raids aériens pour sortir de leurs caves et chercher une connexion internet pour se relier au monde extérieur hors des zones assiégées et trouver des informations.

Dans les zones non assiégées, le régime menait une guerre psychologique à travers son appareil médiatique. Un sentiment général de défaite, d'impuissance et d'abandon dominait les cercles d'opposition sur les médias sociaux.

Aller dans les zones contrôlées par le régime

En février 2018, le régime a lancé une offensive militaire générale dans la Ghouta, appuyée par des frappes aériennes russes massives qui visaient les zones d'habitation et les hôpitaux de campagne. Les forces du régime fractionnèrent la région en trois secteurs et bombardèrent chacun massivement et sans relâche. Dans le même temps, des couloirs spéciaux de sortie de la Ghouta et vers des refuges furent ouverts, et les civils furent autorisés à quitter la Ghouta exclusivement pour ces refuges.

Des refuges qui étaient plutôt des camps de détention. Les gens n'étaient autorisés à y entrer qu'après enregistrement de leur identité et vérification de leur nom par rapport aux listes noires des divers services de sécurité du régime syrien. Les habitants de ces refuges ne pouvaient pas en sortir sans un garant. De nombreux jeunes hommes ayant quitté la Ghouta pour ces refuges furent enrôlés de force pour le service militaire dans l'armée du régime. En outre, les distributions de nourriture s'y faisaient de manière humiliante, comme le montraient des vidéos fuitées sur l'internet.

Les organes officiels d'information ont tenté de montrer une image contraire, en diffusant des vidéos qui montraient des civils sous le choc psalmodiant des textes appris et des slogans à la gloire du président et de l'armée syrienne qui les avaient sauvés des “terroristes”.

Ahmad, 23 ans, dit comment il a persuadé sa famille (père, mère et trois jeunes frères et sœurs) de partir en empruntant ces couloirs sécurisés :

Mon père est paysan. Il possède une terre à Beit Sawa. L'offensive a débuté avec un pilonnage massif et ininterrompu, et le régime a commencé à pénétrer dans la zone par le côté de Beit Sawa. Mon père s'est trouvé pris au piège dans la ferme et nous avons perdu contact avec lui. Quand il a finalement réussi à revenir auprès de nous il nous a dit qu'il s'était caché, avec un voisin, dans un trou sous terre. Pendant un bref arrêt du pilonnage, ils sont sortis de leur cachette et ont vu l'armée syrienne approcher, ils ont donc décidé de fuir à travers champs, pour retourner à Hamouriya.

L'armée a avancé vers Hamouriya, mais nous n'avons pas pu fuir à Irbeen, pas avec mes jeunes frères et sœurs, car la route était lourdement pilonnée et il n'y avait donc pas de véhicules pour couvrir cette longue distance. C'est là que j'ai commencé à convaincre ma famille de sortir vers les zones contrôlées par le régime. D'abord ils étaient contre, mais le régime avançait sans relâche, et ma capacité à protéger mes frères et sœurs et d'apporter de quoi manger diminuait. Après de longues discussions, dans le bruit de l'artillerie qui approchait, j'ai décidé de marcher jusqu'à Irbeen, pendant que ma famille sortirait par les couloirs vers les refuges.

Beaucoup de familles ont été séparées en prenant des décisions similaires. Les hommes restaient dans la Ghouta par crainte de l'arrestation ou du recrutement forcé dans l'armée syrienne, tandis que femmes et enfants fuyaient en grand nombre vers les refuges de peur d'exécutions sommaires lorsque les militaires pilleraient leurs quartiers.

Une femme de 35 ans qui se trouve maintenant dans un refuge raconte :

Mon mari, mon frère et moi avons été séparés. Je suis venue ici avec ma mère et les enfants, pendant que les hommes restaient en arrière puis sont partis pour Idlib. Je ne sais pas si ma décision de sortir par les couloirs était la bonne, et je ne sais pas si je vais la regretter, mais j'échappais à une mort certaine. Je ne sais pas si je serai réunie un jour au reste de ma famille, où et quand, ou pas.

“Arrangement” dans la Ghouta sous contrôle du régime

De nombreux habitants de la Ghouta ont choisi de rester chez eux et de “régler leur statut politique” lorsque l'armée syrienne a pris le contrôle de la zone, de peur qu'aller à Idlib entraîne pour eux d'être une fois de plus assiégés et bombardés. Les habitants ayant fait ce choix sont notamment les paysans ne voulant pas quitter leur terre, les personnes âgées et les démunis.

Les forces du régime ont recouru aux “arrangementst” comme alternative à une solution globale négociée du conflit.

La tactique des forces du régime est de lancer une vaste offensive d'artillerie sur une zone tenue par les rebelles. Sous le déluge de bombes ciblant des installations stratégiques comme les écoles et les hôpitaux et soumis à un siège asphyxiant, les rebelles doivent choisir entre continuer un vain combat jusqu'à la mort ou accepter une reddition au régime, souvent renforcé par le soutien russe.

Les conditions de la reddition varient légèrement selon les diverses régions tenues par les rebelles, mais ont en commun les mêmes points-clés. Mis à part certains détails militaires et de terrain, les rebelles doivent remettre leur armement en échange d'un cessez-le-feu et d'une sortie garantie vers les parties nord de la Syrie (Idlib). Ce choix a été fait par ceux qui n'ont pas voulu vivre sous le régime, craignant d'être arrêtés ou tués. Un scénario appliqué par le régime dans des dizaines de zones tenues par les rebelles.

Safaa, un enseignant de 30 ans, évoque ce choix :

Ma décision a été déterminée par mes parents et mes frères. Mes frères ne pouvaient pas rester ici parce que le régime forcera tous les hommes soit au service militaire soit à la prison. Mes parents sont tous les deux âgés, ils ne peuvent pas quitter leur ville natale après y avoir vécu 70 ans. Mon frère est devenu martyr et a laissé une femme et deux enfants en bas âge qui sont le centre de nos vies, mais aussi de notre responsabilité. C'est pourquoi mes frères sont partis et je suis resté avec mes parents et la famille de mon frère martyr.

J'ignore à quoi ressemblera l'avenir. Il n'y aura peut-être plus de siège étouffant, peut-être plus de bombardements, mais que deviendront mes frères ? Est-ce que nous resterons ici ? Est-ce qu'on nous forcera à partir à un moment donné ? Est-ce qu'on m'autorisera à continuer à enseigner ? Comment mes parents supporteront-ils de vivre loin de mes trois frères ?

Il n'y a pas de garanties de sécurité de la part du régime et de ses polices pour ceux qui choisissent de “se mettre en règle”. Les hommes qui restent sont contraints au recrutement obligatoire dans l'armée et envoyés sur les lignes de front ; de victimes des bombardements, ils en deviennent les complices en bombardant d'autres. Quiconque demeure risque aussi l'incarcération et la torture. La plus récente victime de ces arrangements dans les quartiers Est d'Alep est l'avocat Mahmoud Mihyo, arrêté puis tué sous la torture.

Exode forcé

Près de 66.000 habitants ont quitté la Ghouta pour Idlib ou la campagne au nord d'Alep pour préserver leur vie. Maher, un homme de 26 ans, explique sa décision :

Je ne fais pas assez confiance à ce régime pour vivre sous son pouvoir. Je sais qu'il y a des gens qui ont effectivement passé accord avec le régime dans la campagne de Damas, mais beaucoup d'entre eux ont été emprisonnés, tués ou traînés dans le recrutement forcé dans l'armée d'Assad.

Muhannad évoque son choix de quitter Douma, le dernier réduit rebelle dans la Ghouta, alors que sa famille y est restée :

La question est, faut-il rester sur notre terre, sous prétexte de règlement et de réconciliation, mais aussi sous le contrôle d'un régime qui nous a tués pendant sept ans en utilisant toutes sortes d'armes militaires, civiles et sociales ? Faut-il quitter la terre de notre enfance, où nous avons grandi et eu nos propres enfants ; où nous avons bâti des relations avec nos voisins et connu bonheur et tristesse ? Faut-il laisser tout cela derrière nous et partir ? Comment puis-je emmener ma femme et nos quatre enfants d'une réalité sombre à une réalité inconnue ? Est-ce que nous vivrions dans un camp, à attendre des rations d'aide alimentaire ? Beaucoup de questions et aucune réponse certaine.

J'ai pris le bus du déplacement forcé, seul. Quand le bus a démarré, je n'ai cessé de regarder ma femme et mes enfants. Je leur ai promis de les rejoindre bientôt, où que je sois, peut-être dans un an. Peut-être que je ne pourrai jamais les revoir. Je leur ai laissé assez de moyens pour qu'ils puissent s'en sortir, et avec mes prières qu'ils restent sains et saufs. J'ai fait mes derniers adieux à mes parents sur leurs tombes, puis à ma famille, et je suis monté dans le bus du déplacement forcé et suis parti.

Ceux qui subissent l'exode forcé traversent les épreuves du recommencement à zéro avec les pénuries dans les régions qui accueillent les déplacés forcés, principalement dans le nord de la Syrie. Des difficultés amplifiées par le manque de réponse internationale à leurs besoins humanitaires.

Hassan, un jeune de 18 ans qui a passé toute son adolescence sous le siège, parle de ses rêves :

“Je veux continuer mes études, mais je dois aussi travailler pour gagner ma vie. Jusqu'à maintenant je n'ai pas pu trouver un bon emploi, ni n'ai eu de chance de continuer mes études. Ceci parce que je ne suis toujours pas bien installé. J'essaie de me concentrer sur ma nouvelle vie, et de survivre à ma nostalgie de ma famille, de mes amis et de mon quartier.

Ahmad décrit ses nouveaux débuts à Idlib :

Avec l'argent que j'avais, j'ai commencé par vendre des légumes dans la rue, mon boulot actuel. Je rêve de développer mon commerce pour finalement posséder mon propre supermarché afin de gagner de l'argent et d'aider mes parents. Il n'y a rien de plus amer que de vivre loin de ceux qui nous sont chers, mais j'essaie de ne pas y penser pour ne pas tomber dans la dépression. J'essaie de me donner le change en faisant comme si j'étais seulement en voyage et que je retournerai chez moi un jour. Chaque soir avant de me coucher je parcours les photos de mes parents, de mes frères et sœurs et amis devenus martyrs à Hamouriya. J'essuie mes larmes en espérant que je me réveillerai le matin en sachant que je peux enfin rentrer chez moi et être réuni à ma famille.

La communauté internationale échoue toujours à trouver un moyen de faire cesser la violence mortelle en Syrie. Des centaines de milliers de personnes ont péri par la torture, la faim et le froid dans les camps de réfugiés, les bombardements extrêmes ou sur les lignes de front aux côtés des forces du régime.

Rafeef, une jeune femme d'une vingtaine d'années, qui a quitté la Ghouta, proclame :

Maintenant que je suis hors de la Ghouta, mon but dans la vie sera de raconter au monde l'histoire de notre exode, de qui nous a fait cela, pourquoi il nous l'a fait et ce qu'il nous a fait avant de nous envoyer en exil.

Désolée, je ne parle pas anglais. Je parle photographie

mercredi 27 juin 2018 à 11:08

Personne n'est jamais totalement prêt à partir.

Un percussionniste dans les rues de Détroit, Michigan, USA (Photographie prise par l'auteur, publiée avec son autorisation).

Il peut être difficile de parler de ce que signifie le fait d'émigrer, mais le temps et la distance permettent à certains de voir plus clairement le processus d'émigration comme un tout constitué d'une multitude de parties. Chaque émigration est une histoire unique, mais ces histoires sont également reliées par des choses qui les transcendent et les rendent semblables à d'autres histoires de vie.  Est-ce que ce conseil pourrait être d'une quelconque utilité pour les personnes s'apprêtant à quitter leur maison ou qui sont déjà parties ? Aucune parole ne sera assez forte pour leur apporter réconfort et conseil. Personne n'est jamais totalement prêt à partir.

Dans le Venezuela que j'ai quitté, j'appartenais à une histoire partagée par un groupe entier d'individus qui ne requérait aucune explication de ma part. Tout était facile à lire : les gestes, les habitudes, les dangers, le passé et les perspectives d'avenir – même si le brouillard de l'instabilité politique obscurcissait tout. Comme les identités individuelles et collectives étaient implicites dans toutes les activités du quotidien, je ne m'étais jamais posé la question de qui j'étais ou de qui nous étions. À cette époque, le taux d'émigration au Venezuela n'avait pas encore atteint les niveaux atterrants que nous voyons aujourd'hui [es], et l'idée de partir conservait encore une touche de romantisme : partir au loin impliquait automatiquement de vivre mieux dans un nouveau pays.

Les Vénézuéliens qui avaient commencé une nouvelle vie en exil dès 1999 étaient largement incompris par les Vénézuéliens qu'ils avaient laissés derrière eux. Les plaintes des émigrés à propos de leurs nouvelles conditions de vie n'étaient pas acceptées par leurs compatriotes qui, à la même époque, commençaient à souffrir de ce qui est aujourd'hui reconnu comme la pire crise politique, économique et humanitaire de l'histoire contemporaine du Venezuela. Pour cette raison, les émigrés ont perdu leur droit de s'exprimer sur ce sujet : leurs opinions politiques sur leur pays étaient minimisées à cause de la distance et les difficultés auxquelles ils faisaient face dans leurs changements de vie n'étaient pas jugées recevables. La croyance qu'un nouveau pays offrait des conditions de vie exemptes de vraies difficultés, en comparaison avec celles auxquelles faisaient alors face les Vénézuéliens, était ancrée dans l'esprit de ceux restés au pays. Et, au même moment, les pays recevant ces immigrés ne considéraient pas les critiques de ces nouveaux venus comme valables, et les acceptaient encore moins comme de véritables acteurs politiques.

Des autres, des réalités étrangères et des mondes impénétrables

Je ne savais rien des choses sur lesquelles je me penche aujourd'hui lorsque je suis arrivée pour la première fois aux États-Unis à l'été 2011. À cette époque, je ne savais dire que peu de chose en dehors de quelques mots de salutation et de l'indispensable formule d'excuses pour ne pas parler anglais. (Appeler mes amis restés au Venezuela pour vider mon sac n'était pas une option). Pour établir de nouveaux contacts, j'avais besoin de l'aide de mon mari pour écrire, lire et traduire ce que je disais à d'autres personnes, et en retour, traduire ce qu'ils me disaient.

Photographie prise durant le festival de jazz de Détroit. Derrière cette jeune femme, qui fixe l'objectif sans la moindre timidité, se trouve un  manifestant religieux parlant de pardon et de repentir. C'est un contraste frappant avec la jeune femme qui s'est arrêtée devant mon appareil photographique et s'est mise à poser sans que j'aie besoin de lui demander (Photographie prise par l'auteur, publiée avec son autorisation).

En somme, à l'âge de 26 ans, j'étais devenue une illettrée dépendante totalement de son mari pour communiquer. La crainte a eu pour effet mon enfermement à la maison et d'interminables heures d'isolation totale. Quand quelqu'un quitte son pays d'origine, même l'incident le plus insignifiant qui puisse arriver lors de ses contacts avec ce monde extérieur étranger peut avoir un immense impact démoralisant plongeant n'importe qui dans les tréfonds de l'insécurité.

Se dissimuler est alors l'une des possibilités qui s'offre à vous, et c'est précisément ce que j'ai fait pendant un certain temps.

Pendant cette période de confinement, les fenêtres de ma maison sont devenues mon appareil photo préféré. Ces larges ouvertures dans le mur me donnaient l'occasion d'approcher ces dynamiques sociales que je jugeais impénétrables. Une partie de la fascination de l'observation des autres provient des questions que soulève cette rencontre avec une réalité étrangère. De même, la nature des réponses qui émergent de ces questions a le pouvoir de soulever encore plus de questions sans réponses.

En observant, m’interrogeant et réagissant, j'ai appris que les personnes que j'observais étaient toutes très différentes les unes des autres. Tandis ce monde riche de différences prospérait et s'étendait, mon identité personnelle s'amenuisait. Je n'étais plus perçue comme moi, une personne venant de la ville de Barquisimeto [Venezuela], mais comme une personne venant du Venezuela. J'étais même incluse dans une catégorie aussi nouvelle qu’incompréhensible : j'étais une latino-américaine, une latina, l'étiquette supposée montrer l'absence de différence entre quelqu'un de la Terre de Feu et une personne de la ville de Juárez au Mexique.

Mais, j'en ai tiré quelque chose : j'ai réalisé que, presque à coup sûr, ni les Vénézuéliens d'ici ou de là-bas, ni les Américains d'où qu'ils soient, ne rejettent les histoires ou les produits provenant de la rencontre avec une photo ou un photographe. C'est quelque chose que j'ai appris lorsque j'ai décidé d'arrêter d’observer à travers ma fenêtre et de sortir pour la première fois avec mon appareil photo pour seule compagnie.

Et désormais, l'appareil photo m'accompagne à chaque fois.

Des fragments du monde

Il y a quelque chose de transgressif dans le simple fait de photographier. L'image capturée est le petit trophée d'un voleur insignifiant et avisé, devenu le propriétaire d'un fragment du monde qui a été figé. L'espace de la rue se rétrécit et tous les gestes deviennent importants, non pour reconnaître ceux que je voudrais fuir, mais au contraire avec l’intention de les regrouper, de les collecter et les comprendre tous dans le calme de la nuit, quand je passe en revue les photographies de la journée.

Moi, qui suis restée cloîtrée pendant un certain nombre d'années, j'ai trouvé soudainement le courage de sortir et de faire face aux personnes avec mon appareil photo. Quand j'ai commencé à lire, les courts textes qui apparaissaient sur le chemin étaient inclus dans les scènes avec certaines personnes dans la rue, cela venait servir de base ou de support pour améliorer ces images.

Ann Arbor, Michigan (Photographie prise par l'auteur, publiée avec son autorisation).

Même lorsque mes capacités de communication étaient très limitées, les gens venaient me demander de les prendre en photo. Avoir cette sorte de contrôle dans une situation comme ça, dans laquelle un individu appartenant à ce monde indifférent, quelqu'un qui à un autre moment serait passé devant ma fenêtre sans me voir, me fixe directement dans les yeux, c'est une nouvelle manière d'expérimenter le fait d'être immigrant. C'est également une petite victoire face à l'insécurité avec laquelle tous les immigrants doivent vivre.

En tant que Vénézuélienne, et à travers mon appareil photo, je me suis construite une image des États-Unis, pour moi et également pour ma propre survie. Partager mes images me permettait de communiquer en utilisant un langage qui dépendait plus des gestes que de la voix.

En utilisant un appareil photo, j'ai appris comment le lire, mon nouveau monde. J'ai appris à parler, pas en anglais ou en espagnol, mais en photographie. Et, plus important, j'ai appris de nouveau comment être regardée dans les yeux. La photographie a été le pont par lequel j'ai découvert que je suis “l'autre” dans ce pays, mais aussi que la différence est bien ; à tel point qu'il n'existe rien qui ne puisse être photographié, rien qui ne puisse justifier de ne pas raconter une nouvelle histoire.

Pour voir quelques-unes des photos de Natali Herrera Pacheco, vous pouvez consulter son Instagram

Simone Veil, l'Immortelle: conversation avec Pascal Bresson sur l'héritage qu'elle nous lègue

mardi 26 juin 2018 à 14:28

Couverture du prochain roman graphique “Simone Veil, L'immortelle” par Pascal Bresson

Le 1er jSimone Veil fera son entrée au Panthéon avec son époux.   Figure incontournable de l'histoire contemporaine française, Simone Veil est une personnalité centrale de la société civile:  rescapée de sa déportation à Auschwitz, grande figure de la défense des droits des femmes et première présidente du Parlement européen. A quelques jours de cette reconnaissance nationale au Panthéon, Global Voices a échangé avec Pascal Bresson, auteur de BD engagé avec plus de 40 albums à son actif, et qui vient de finaliser un roman graphique basé sur la vie de Mme Veil. Ci-après à travers notre conversation, une présentation de cette œuvre et la signification de l'héritage de Simone Veil dans le contexte politique actuel.

Global Voices (GV): Merci de d'avoir accepté de répondre aux questions de GV. Votre ouvrage,  SIMONE VEIL, L'IMMORTELLE, va paraitre le 27/06/2018  aux Editions Marabulles. Pouvez-vous nous parler du contexte de cet ouvrage et les raisons qui ont inspiré ce roman ?

Pascal Bresson (PB): Avec grand plaisir. C'est le tout premier roman graphique autorisé par la Famille Veil. J'ai élaboré ce projet depuis plus de trois ans. Suite à une visite au Panthéon en 2014, il faut préciser que je voue une admiration depuis petit aux grandes personnalités qui ont fait quelque chose de bien pour notre pays, en regardant ces nombreuses cryptes : Zola, Jean Jaurès, Victor Hugo, Marie Curie, jean Moulin, Aimé Césaire, etc… Je me demandais qui pourrait être la prochaine personnalité à y entrer ! De suite, Simone Veil m'est apparue comme une évidence. Une femme humaniste, une femme indépendante et intransigeante sur ses convictions, une conscience morale et combative. Un personnage fort au destin à la fois tragique et exceptionnel. Au-delà de son image de droiture et d'honnêteté, Simone Veil est d'abord et avant tout une femme qui incarne son temps et son combat. Son histoire personnelle se confond intimement avec l'histoire collective : La guerre, l'enfer des camps de la mort, la loi sur l'avortement, le combat pour les femmes, l'engagement pour une Europe réunie. Il faut dire que son destin fascine et intrigue. A travers de ces 176 pages, je perce le mystère qui entoure un parcours exemplaire de celle qui est devenue une icône, un symbole pour des générations de femmes. Je me suis nourris de ses propres témoignages, j'ai retracé l'itinéraire d'une petite fille au caractère rebelle, intelligente née à Nice un 13 juillet 1927 qui s'appelait encore Simone Jacob. Je mets en lumière les coulisses de ses combats politiques, les blessures, la souffrance qui ont émaillé sa vie. Ni hagiographie ni pamphlet, cet ouvrage destiné de 7 à 77 ans (et plus) est celui d'un auteur passionné qui restitue en BD pour la première fois un personnage essentiel de notre temps.

GV: Simone Veil est certes une figure emblématique de l'histoire française. Cependant, l'ensemble de son oeuvre est encore méconnu par le grand public. Si vous devez résumer en quelques phrases pourquoi Simone Veil est maintenant au Panthéon, qu'est ce que vous ferez ressortir de son histoire (exercice difficile, j'en conviens) ? 

 PB: Son livre le plus connu est sans conteste « Une Vie ». Le grand public connaît bien son combat pour l'IVG en 1974, par contre au tout long de sa vie, elle n'aura cessé de mener d'autres combats comme réussir à faire transférer en France des prisonnières algériennes qu'elle estimait exposées aux mauvais traitements et aux viols, elle a fait obtenir le régime politique aux milliers de membres du FLN internés en France… Mais son plus gros combat mené était contre le Front National et pour finir le combat pour l'Europe, indissociable de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale. En effet, Simone Veil entrera au Panthéon le dimanche 1er juillet 2018. Elle y reposera en compagnie de son marie Antoine Veil, mort en 2013. C'est la première fois qu'un homme fera son entrée en tant qu'époux au Panthéon. A ce propos, j'ai une petite anecdote à ce sujet ! Quand j'ai rencontré pour la première fois Simone Veil et son fils Jean, je me souviens lui avoir dit qu'il était important que sa maman aille au Panthéon. Ce dernier, éclate de rire en disant : « Oh, si maman doit entrer un jour au Panthéon, il faudra que papa suive ». Simone Veil sera la cinquième femme à reposer dans ces lieux symboliques. Ce sera une belle façon de lui témoigner l'immense remerciement du peuple français. Elle mérite tant d'entrer dans ce temple de la République. A savoir, que son mari Antoine s'est mis à l'ombre en 1974 pour laisser son épouse devenir Ministre de la santé. Lui était prédestiné à devenir home politique pas elle. Il s'est sacrifié par amour pour elle. Il ne voulait pas lui faire de l'ombre. C'était un couple fusionnel. Au moins, ils dormiront ensemble éternellement et ne seront plus jamais séparés. C'est une belle reconnaissance de la nation et surtout du peuple Français qui s'est mobilisé sur les réseaux sociaux pour que Simone soit inhumée au Panthéon… 

Pascal Bresson, avec sa permission

GV: Vous êtes vous-même un  auteur engagé de BD depuis 25 ans où vous traitez de sujets tel que l'humanisme, la tolérance; le ségrégation, le racisme, l'injustice et le devoir de mémoire. Le monde actuel est particulièrement riche en situations qui paraissent injustes, voire cruelles.  Comment voyez-vous le rôle de l'auteur dans le monde actuel et quelles situations injustes en particulier souhaiteriez-vous pouvoir voir évoluer dans le futur ?

PB: Dans la vie, il y a deux sentiments que je déteste plus que tout : l’injustice et la médiocrité. Souvent les deux s’associent bien. L’injustice est un vrai dégoût pour moi. Depuis quelques années, je me suis spécialisé dans divers domaines : « humanisme », « justice », « social », « racisme », « écologie ». Je suis devenu un auteur engagé avec le temps. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que mon auteur préféré est Victor Hugo. La question du rôle de l’auteur dans notre société est plus d’actualité que jamais. Je tiens à être un « médiateur de la société », pas un « spectateur », mais un « acteur actif » qui raconte, dénonce, analyse tout ce qui se passe de bon ou de mauvais dans notre société. C’est à l’auteur que revient le rôle de gardien et de passeur de mémoire. Des bouts de vie mis sur papier pour les faire durer. L’écriture a toujours eu pour moi des vertus thérapeutiques. Écrire aide soi-même et aide les autres. Mais l’écriture est aussi un moyen d’exprimer les états d’esprit et d’humeur, les colères ou les aspects frivoles de la vie. L’écriture peut se révéler être un outil éducatif essentiel. Je tiens à être celui qui récolte des données pour leur donner forme et les coucher sur papier, c’est une sorte de transmission. Je suis un passeur. Quel monde je désire pour demain ? Le meilleur du monde ! Pour tout vous dire, j’essaie petit à petit de trouver ma place un peu « en dehors du système », même si ce n’est pas une chose facile car on est obligé de faire avec ce système (à moins de se marginaliser, ce qui n’est pas mon objectif) où l’argent et le « toujours plus » régissent tout, c’est une question de compromis et d’équilibre. Je me dois de rester optimiste déjà pour les miens. Je travaille l'exemplarité et surtout ma conscience. Je fais tout pour être une belle personne avec sincérité. Il faut garder foi dans l'humanité. Quand je vois la bêtise humaine, je suis écœuré, mais je dois avancer. Maintenant, je reste convaincu que l'avenir pour les hommes seront les femmes. « L’avenir de l’homme, c’est la femme », disait Louis Aragon. A l’instar du célèbre poète, ils sont nombreux, ces grands hommes, à affirmer que sans le soutien des femmes de leurs vies, leur ascension professionnelle aurait été différente. Notre époque peine à penser conjointement l'égalité et la différence. Il est urgent de renouer avec la tradition française unique des rapports entre hommes et femmes pacifiés et complémentaires, humanistes en somme – c'est-à-dire fondés sur une haute idée de l'humanité et de son destin…

 

GV: Une de vos BD “Plus Fort que la Haine aux Editions Glénat a reçu le “Prix du Meilleur Album Public 2015, catégorie BD Européenne. Il traite de l'histoire de Doug Wiston, un jeune travailleur noir dans les années 1930 à la Nouvelle-Orléans dans une Amérique rongée par le racisme et la ségrégation. Le mandat du président Trump aux USA semble raviver les années les plus sombres de cette ségrégation. Comment expliquez-vous ce regain de racisme aux USA et dans une certaine mesure à travers le monde en général ?

Le racisme, la ségrégation sont deux sujets que j'aime traiter. Il faut regarder la vérité en face : Trump est raciste. Il parle des gens et les traite différemment selon leurs origines. Cela fait des années que ça dure, et il continue à le faire.Déjà dans les années 70, la société immobilière de Trump veillait à éviter de louer des appartements aux Noirs américains et accordait un traitement préférentiel aux Blancs, à en croire le gouvernement fédéral. Ce pays n'a jamais été bâti sur l'intégration des Noirs. Les disparités raciales n'ont donc pas disparu après l'élection du premier président Noir des États-Unis. Le racisme non plus. Tout cela est assez effrayant ! Certains observateurs affirment que les discours anti-Obama, souvent très populistes, sont dirigés vers les groupes radicaux. Je pense que l'on ne naît pas raciste, on le devient. D'une manière générale, il semble qu'aujourd'hui le racisme ne corresponde pas forcément à la croyance profonde de l'appartenance à une race supérieure. Il est plutôt fait de la peur et de l'inquiétude face à un autre qui est différent de soi et qu'on n'arrive pas à comprendre. Le racisme, c'est quand on en arrive à refuser ces différences et à refuser l'autre. Pour revenir à mon album « Plus Fort que la Haine », on peut dire que les coups pleuvent sur la tête du jeune Doug le héros de cette BD, qui va devoir apprendre à maîtriser sa révolte, à la dompter, la canaliser. Pourtant, les injustices s’amoncellent pour lui, pour les siens, pour ses semblables. Son salut, il va le tenir par l’intervention de deux sages, l’un noir qui l’empêchera de commettre une erreur irréparable, et l’autre blanc, son voisin, qui lui donnera ses premiers gants de boxe, et un billet pour la ville. Une fable humaniste dans une Amérique rongée par le racisme et la ségrégation, qui prouve que, quoi qu'il arrive, la haine n'est jamais la réponse…

 

GV: Revenons à votre ouvrage à paraitre. Vous avez eu l'accord de la famille de Simone Veil pour ce roman. Mme Veil en son temps a eu à faire face à un déferlement de haine pour son travail en faveur du droit des femmes, notamment sur l'avortement. Est-il plus difficile de nos jours d'essayer de faire avancer une cause progressiste qu'en 1974 ? Et est-il possible que l'on revienne en arrière sur les progrès obtenus en matière de droit de la femme ?

En 40 ans, les Français ont nettement changé d'opinion sur les conditions d'avortement. 75% d'entre eux se disent favorables à une IVG sans restriction, contre seulement 48% en 1974, l'année de la « loi Veil ». On peut ajouter le Chili sur la liste qui s’apprête enfin à alléger sa législation sur l’IVG. En Amérique latine ou en Afrique, certains pays prohibent l’avortement quand certains ne l’autorisent qu’à des conditions très restrictives. Ce sont les femmes d’Europe et d’Amérique du Nord qui bénéficient des législations les plus libérales. Dans la pratique, l’IVG reste fortement limitée dans certains pays. Les médecins peuvent en effet faire appel à la « clause de conscience », qui les autorise à ne pas pratiquer d’acte pouvant heurter leurs convictions éthiques, morales et religieuses. Il ne s’agit pas d’un retour brutal des vagues réactionnaires, c’est plus un état d’esprit, une ouverture d’esprit. Un nombre important de pays continuent de l’autoriser uniquement sous des conditions extrêmement restrictives. Notamment en cas de danger pour la vie de la mère. Par contre pour les autres, ceux qui sont contre, le problème qui se pose est précisément celui-ci : qui tranchera et sur la base de quel(s) critère(s) ? Qui décidera quand il y a vie humaine et quand il n’y a rien ou presque rien ? Mais pour moi, pour résumer : « Les femmes ont le droit de disposer de leur corps » comme elles le veulent. « Je n’imaginais pas la haine que j’allais susciter » disait Simone Veil le 26 novembre 1974. L’opinion des Français sur les conditions d’avortement a changé de manière très significative. On observe que dans la France d’aujourd’hui, il n’existe pas de réel clivage de sexe ou d’âge sur les conditions d’interruption volontaire de grossesse. En effet, hommes et femmes se prononcent tout autant pour une autorisation extensive de l’IVG respectivement. On peut considérer qu’aujourd’hui le public est sensible à ce raisonnement. Si l’opinion française est massivement acquise à un recours à l’IVG sans condition, une minorité non négligeable, représentant un quart de la population totale mais aussi un quart des femmes et des jeunes, souhaiterait que cette pratique soit plus encadrée. Les prises de position sont les mêmes chez les hommes et chez les femmes, et quel que soit le nombre d’enfants des personnes interrogées. Mais l’âge fait sentir son effet : plus on est jeune et plus on se montre favorable à la liberté de l’avortement. D’autre part, dans l’ensemble du public prédomine l’idée que l’avis médical doit avoir un grand poids dans la décision d’un avortement pour raisons sociales.

GV: Vous êtes passionné par la justice et par la mer. Je ne pouvais pas ne pas mentionner l'épisode tragique de l'Aquarius et des réfugiés en mer Méditerranée. Que retenez-vous de la situation actuelle des réfugiés traversant  la mer Méditerranée et comment cela pourrait-il être amélioré ?

PB: Si Simone Veil était encore vivante et vivace, je peux vous affirmer qu'elle aurait tapé du poing sur la table ! C'est une honte. Cette grande dame, authentique Européenne n'aurait jamais laissé cette triste situation telle que nous la vivons, car nous pouvons le dire, c'est une honte européenne absolue. Évidemment, je réagis en tant qu'humain, citoyen, c'est peut-être facile d'écrire ces lignes de là où je me trouve. Mais, il faut bien reconnaître que le désordre est total, le manque de cohérence patent, l’absence de règles communes est d’une terrible banalité. Chaque pays fait ce qu’il veut, accueille ou rejette qui il veut, quitte à l’envoyer vers une mort certaine. Cela avait déjà commencé avec l’accueil des Syriens. Alors que chaque pays européen s’était engagé sur un quota d’accueil minimal de ceux qui fuyaient Daech, la plupart ne l’ont pas respecté, et encore moins la France. Le nombre de personnes qui meurent en Méditerranée est un désastre humanitaire considérable, et pourtant, l’Europe n’est toujours pas capable de  l’enrayer. Tout cela fait peur, peur pour l'avenir, notamment l'avenir de nos enfants. Comment leur montrer un bon exemple de solidarité ? Cela montre à quel point l'Europe a perdu sa compassion morale dans la Méditerranée. Ces hommes, ces femmes, ces enfants ont fui la pauvreté et la guerre. Je vous avoue que je suis dépassé devant un tel comportement. Comment va évoluer cette situation ? Je ne sais pas. J'ose espérer que les mentalités vont évoluer, mais j'ai tendance à penser que l'humain régresse. Car pour être humain, il faut : Être humain, c’est être digne et respectueux, Être humain, c’est penser avec intelligence, Être humain, c’est partager avec les autres, Être humain demande d'être libre au sein d'une société civilisée… Mais tous ces aspects par lesquels j'ai essayé essayé de caractériser une attitude humaine sont actuellement en régression dans la vie quotidienne. Pour demain, j'espère beaucoup…

GV: Merci encore pour cet interview et l'ensemble de votre œuvre.

PB: Merci à vous pour ce moment fort agréable.