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“Nos armes ne tirent pas de balles, mais des vérités”. Le journaliste Cándido Ríos assassiné au Mexique

vendredi 1 septembre 2017 à 08:54
Cándido Ríos Vázquez. Imagen ampliamente compartida en Twitter.

Cándido Ríos Vázquez. Image largement diffusée sur Twitter.

Le journaliste Cándido Ríos a été assassiné au Mexique dans la municipalité de Hueyapan de Ocampo, située dans l'État de Veracruz, sur la côte est du pays. Selon des sources locales, Ríos −aussi connu sous le nom de “Pavuche”− a perdu la vie dans une attaque à l'arme à feu le 22 août 2017. C'est en ces termes que le site d'informations indépendant Animal Político a annoncé sa mort :

Ríos, connu chez ses confrères sous le nom de “Pavuche”, est décédé des suites de ses blessures, occasionnées par des balles de gros calibre, durant son transport à l'hôpital, selon ce qu'ont rapporté à l'AFP des sources informées des faits.

Le nom de Cándido Ríos vient s'ajouter à la liste des journalistes tués au Mexique en 2017, après Salvador Adame, Miroslava Breach et Javier Valdez. Selon Article 19, organisation de défense de la liberté d'expression, Cándido Ríos est le neuvième journaliste mexicain exécuté depuis le début de l'année.

Fondateur de l'hebdomadaire La Voz de Hueyapan, Ríos était un correspondant du quotidien Diario Acayucan depuis plus de dix ans. Il couvrait des affaires relatives à la corruption et à la police, sujets que l'on regroupe au Mexique sous le nom de “nota roja” [“presse rouge”, spécialisée dans la couverture des crimes et de la violence]. Le média en ligne Animal Político décrit ainsi son travail :

El periodista era conocido por su larga trayectoria cubriendo nota roja, y por haber tenido conflictos con algunos exalcaldes de la región debido a su labor periodística.

Le journaliste était connu pour sa longue carrière dans la “nota roja”, et pour les conflits qui l'avaient opposé à certains anciens maires de la région à cause de son travail de journaliste.

L'utilisatrice de Twitter Diana Gabriela a partagé un extrait de la vidéo filmée par Cándido neuf jours avant son assassinat, dans laquelle il pointe fortement du doigt des personnalités politiques de Hueyapan de Ocampo. Dans cette captation, Cándido affirme : “nous, nous ne faisons pas usage des armes, et eux, ils nous tirent dessus tout en sachant que nos armes ne tirent pas de balles, mais des vérités”.

En mémoire de Cándido Ríos : “Nos armes ne tirent pas de balles, mais des vérités”. Journaliste assassiné par balle à Veracruz.

“Pavuche” était pourtant placé sous la protection du gouvernement local, suite aux menaces dont il avait été l'objet pour son travail journalistique. Le quotidien La Jornada précise à ce sujet :

Jorge Morales, de la Comisión Estatal de Atención y Protección a Periodistas, informó que Cándido Ríos tenía presentadas varias denuncias contra algunas autoridades municipales de la región, por agresiones a su persona.

“Nosotros en la CEAPP ya teníamos abierto un expediente de él, porque había presentado denuncias. Él tenía varias denuncias contra autoridades municipales”.

Jorge Morales, de la Commission en charge de la protection des journalistes de Veracruz (CEAPP), a signalé que Cándido Ríos avait déposé plusieurs plaintes contre certaines autorités municipales de la région, pour les agressions dont il avait été victime :

“La CEAPP avait déjà ouvert un dossier le concernant, en raison des plaintes qu'il avait déposées. Il avait plusieurs plaintes à son actif contre des autorités municipales.”

Le journal en ligne Huffpost rapporte cette déclaration à propos du défunt :

Su afán por denunciar injusticias le ganó amplia popularidad entre los lectores, pero también enemigos como el exalcalde de Hueyapan, su pueblo natal, quien lo amenazó de muerte en numerosas ocasiones, según recuerda su colega y director del Diario de Acayucan, Cecilio Pérez.

“Son combat véhément pour dénoncer les injustices lui a valu une grande popularité parmi les lecteurs, mais aussi des ennemis, comme l'ancien maire de Hueyapan, son village natal, qui l'a menacé de mort à plusieurs reprises”, se souvient son confrère Cecilio Pérez, directeur du Diario de Acayucan.

Le portail d'informations MX Político a partagé cette image sur Twitter :

Cándido Ríos, le journaliste assassiné à #Veracruz, avait prévenu qu'on projetait de le tuer

La nouvelle de l'homicide de Cándido Ríos a été peu relayée par les médias traditionnels du pays. Des versions divergentes sur le mobile du crime ont aussi été communiquées. Le site du journal national Milenio relève les propos d'un membre du gouvernement mexicain, qui nie que Ríos ait été la cible de l'attaque où il a trouvé la mort :

El periodista Cándido Ríos Vázquez no era el objetivo del ataque en el que murieron él y otras dos personas frente a una gasolinera en el municipio de Hueyapan de Ocampo, dijo Roberto Campa Cifrían, subsecretario de Derechos Humanos de la Secretaría de Gobernación.

Le journaliste Cándido Ríos Vázquez n'était pas la cible de l'attaque qui a causé sa mort et celle de deux autres personnes, devant une station d'essence de la municipalité de Hueyapan de Ocampo, a déclaré Roberto Campa Cifrían, sous-secrétaire aux Droits de l'Homme au Ministère de l'Intérieur (Segob).

Jacqueline Dorantes a partagé ce post avec ses followers :

Cándido Ríos était le seul reporter de Hueyapan

Le Mexique est devenu une véritable zone de guerre pour les professionnels de l'information, qui sont constamment menacés ou agressés pour leur travail.

Lisez notre dossier spécial sur les multiples attaques contre le métier de journaliste au Mexique et l'impunité dont elles bénéficient.

En Inde, la condamnation pour viol du “gourou rock-star” laisse des millions de disciples désorientés

jeudi 31 août 2017 à 16:52

Dera Sacha Sauda Chief Gurmeet Ram Rahim. Capture d'écran d'une vidéo YouTube par Siddharth Kannan.

En Inde, une multitude de ‘gourous’ (maîtres spirituels) et ‘babas’ (ascètes) prêchent des enseignements spirituels, religieux et philosophiques. Des ‘hommes-dieux’ auto-proclamés se créent une popularité de masse en séduisant des adeptes et en se cultivant une cour par une relation psychologique et sociale intime offrant consolation, pouvoir et communauté.

Vendredi 25 août, Gurmeet Ram Rahim, le chef controversé de l'immensément populaire Dera Sacha Sauda, a été reconnu coupable de deux cas de viol par un tribunal spécial du Bureau Central d'Enquête (CBI selon l'acronyme anglais). Des affaires qui étaient devant la justice depuis 2008, quand le CBI a ouvert une enquête sur le chef du Dera Sacha Sauda. Durant cette enquête, deux femmes s'étaient présentées pour accuser Gurmeet Ram Rahim de viol, et leurs affaires ont traîné pendant près de dix ans devant le tribunal spécial du CBI.

Le Dera Sacha Sauda est l'un des cultes religieux les plus répandus de l'Inde, avec une base d'adeptes approchant les 3 millions d'Indiens. Surtout répandu dans les États indiens de l'Haryana et du Pendjab, ce culte religieux se dit une organisation spirituelle et de bien-être social, actuellement présidée par Gurmeet Ram Rahim, qui se donne le titre de ‘Saint Spirituel’. Rahim, originaire d'un village de l'État du Rajasthan, s'est aussi fait connaître par ses vêtements tape-à l'œil ainsi que ses rôles-vedettes dans deux films appelés ‘Messager de Dieu’.

Tandis que le chef du Dera Sacha Sauda se rendait au tribunal pour entendre le verdict dans la ville de Panchkula en convoi de 700 voitures, des milliers de ses adeptes s'assemblaient dans les rues de l'Haryana et du Pendjab pour soutenir leur ‘homme-dieu‘. Les hauts responsables ont annulé bus et trains, fait venir des renforts de police, et fermé plus tôt de nombreuses administrations pour le cas où les choses tourneraient mal. Des heures avant l'annonce du verdict, une atmosphère d'hostilité et de tension s'emparait de ces deux États du nord de l'Inde. Et de fait les choses ont mal tourné quand le tribunal annonça le verdict. Les adeptes ont tenu des manifestations violentes dégénérant en heurts avec la police d'une telle intensité que les autorités décrétèrent un couvre-feu dans le district de Panchkula. Il y a eu une trentaine de morts, et beaucoup plus de blessés. Anand Mohan, un correspondant de l'Indian Express a tweeté :

Un wagon de chemin de fer incendié à la gare de chemin de fer Anand Vihar.

Simples citoyens et célébrités ont été nombreux à condamner ces violences sur les médias sociaux, tout en défendant le verdict du tribunal.

Arun Sharma ironise :

Je vis dans un pays où Babas et Maulvis ont plus d'impact sur les gens que l'enseignement

L'actrice de Bollywood Twinkle Khanna a tweeté :

C'est de notre faute s'il existe des Babas vers lesquels nous nous tournons comme de stupides tournesols vers le soleil, en oubliant qu'un halo n'est qu'un phénomène d'optique !

Ajay Kadian a tweeté :

Tu peux maintenant ajouter “violeur” à ta biographie

Le caricaturiste Satish Acharya a tweeté :

Foi aveugle !

Lundi 28 août, les tribunaux ont prononcé une peine de 20 ans au total, 10 ans pour chaque délit, et une amende de 14 lakh roupies indiennes (soit près de 22.000 dollars US). De nouvelles émeutes ont suivi l'annonce du verdict.

Amit Dholakia accuse les médias d'avoir omis un détail essentiel de la condamnation :

Les unes en hindi : Dans les titres sur Ram Rahim, le mot qui manque est “viol”.

D'autres, comme Yogendra Yadav, ont exprimé leur satisfaction en termes mesurés :

C'est fait. Enfin, 18 ans après le viol, 10 ans de procès. Reste à s'assurer qu'il purge sa peine comme un détenu, et non un VIP à l'hôpital ou libre sous caution

Les partis politiques Bharatiya Janata (BJP) et d'opposition Congrès National indien (INP) ont chacun tenté d'exploiter l'affaire en leur faveur. Le Congrès a accusé le BJP d’entretenir des relations politiques étroites avec Gurmeet Ram Rahim, tandis que le BJP clame que le verdict a été trop sévère, tout en gardant un relatif silence.

Le Ministre en chef de l'Haryana a été mis en cause pour négligence à assurer la sécurité, et celui du Pendjab a annoncé qu'aucun dédommagement ne serait payé aux adeptes blessés pendant les violentes manifestations qui ont balayé son État. Le Premier ministre indien Narendra Modi a condamné les violences lors de son programme radiophonique hebdomadaire. L'Uttarakhand, l'État situé à l'est de l'Haryana, a connu de violentes émeutes, forçant les autorités à imposer la Section 144 du code de procédure pénale de 1973, pour interdire les rassemblements de cinq personnes et plus sur son territoire.

Pendant ce temps, le chef Gurmeet Ram Rahim doit encore répondre de trois autres accusations criminelles en cours à son encontre, pour meurtres et la castration alléguée de 400 adeptes de Dera au siège de la secte.

Sous le choc de la condamnation de leur gourou, les adeptes de Dera Sacha Sauda restent dans les rues, sans savoir en qui croire désormais.

Grève des enseignants au Pérou : la photo qui fait le buzz

jeudi 31 août 2017 à 15:47

Le policier  Rodolfo La Rosa Ariza réconforte une enseignante gréviste. Photo de Anthony Niño de Guzmán largement diffusée sur les réseaux sociaux.

Au Pérou, depuis le 15 juin 2017, le sujet qui fait la une des actualités est la grève nationale des enseignants organisée par le Syndicat Unitaire des Travailleurs de l'Education du Pérou (SUTEP). Les principales revendications sont l'augmentation des salaires, et le report du projet d'évaluation des professeurs qui devait être mis en application en 2017 et s'étaler jusqu'en 2018.

Fin juillet, les parties étaient arrivées à un accord notamment sur l'augmentation des salaires avec un minimum de 2.000 soles (environ 600 USD), et un temps de travail de 30 heures de cours. En ce qui concerne l'évaluation des professeurs, elles étaient convenues de mettre en place des ateliers de travail pour préciser les critères et méthodes d'évaluation, mais certains dirigeants syndicaux ne l'avaient pas accepté.

Par ailleurs, une majorité écrasante des citoyens était favorable à l'idée d'évaluer les professeurs.

Depuis lors, la situation s'est aggravée car il n'y a pas qu'un seul et unique syndicat des enseignants. On trouve aussi le Comité National de Réorientation et Reconstruction (CONARE), SUTE Democrático, différentes fédérations, et des organisations dissidentes du SUTEP. De manière générale, les divergences se concentrent sur l'évaluation des enseignants, car nombre d'entre eux craignent que cela donne lieu à des licenciements.

Mais les difficultés ne s'arrêtent pas là. Le conflit entre le gouvernement et les syndicats est compliqué, et il s'enlise aussi dans d'autres querelles étroitement liées à l'histoire récente complexe du Pérou. Carlos Basombrío, le ministre de l'intérieur, a déclaré que parmi les dirigeants se trouvaient des personnes en lien avec une faction du Sentier lumineux et il a rappelé que le gouvernement ne dialoguerait pas avec des interlocuteurs liés à ce groupe terroriste.”

Le temps passe, et les négociations avancent d'un côté et reculent de l'autre. Pendant ce temps, des élèves n'assistent plus aux cours depuis plus de deux mois. On risque de perdre une année scolaire dans les collèges publics où les cours avaient déjà débuté en retard après les inondations qui avaient touché plusieurs régions du pays du fait de l'épisode Niño côtier.

Durant plusieurs jours, les professeurs ont organisé des manifestations de protestation dans plusieurs villes du pays. Dans certains cas, la police a violemment réprimé les manifestants et c'est dans ce contexte que la photo d'un policier aux côtés d'une enseignante a fait le buzz sur les réseaux sociaux péruviens :

Au milieu de la violence et du chaos, un policier réconforte une enseignante -qui pourrait être sa propre mère.Une image qui redonne de l'espoir.

Beto Ortiz, le journaliste péruvien ayant le plus de followers sur Twitter, et dont la mère a fait sa carrière dans l'enseignement, a commenté l'impact colossal de la photo dans sa rubrique du dimanche intitulée “elle pourrait être ta mère”.

J'ai été étonné […] le lendemain soir, d'entendre  l'officier de police nationale d'origine Huanca Rodolfo La Rosa Ariza [l'un des protagonistes de la photo], qui racontait à un journaliste […] ce qui lui avait traversé l'esprit dans ce moment de chaos : “En voyant son chagrin et son désespoir, je lui ai dit : pauvre petite mère, je suis là pour te protéger, et je vais t'emmener dans un endroit où tu seras en sécurité. Je l'ai embrassée, et j'ai pris son visage entre mes mains. Elle m'a fait pensé à une professeure que j'avais eue”. Affublé de tous les attirails d'un soldat d'assaut, le policier parait énorme et terrible, il ressemble à un méchant dans un film  de science fiction, une sorte de Robocop ou Dark Vador. Mais le simple fait de caresser le visage de cette petite femme frêle et apeurée le transforme –comme par magie– en un tendre et gentil géant.

La photo a été abondamment diffusée sur Twitter, et ce geste du policier lui a valu la reconnaissance de tous. Des cérémonies de remise de décorations ont été organisées en son honneur et largement diffusées sur les réseaux sociaux péruviens :

Remise de décoration au policier qui a réconforté une professeure pendant la grève des enseignants

Pendant ce temps, dans certaines villes les enseignants retournent en classe tandis que dans d'autres le rapport de force continue.

Regard sur le patrimoine syrien partiellement détruit

mercredi 30 août 2017 à 15:15

La Citadelle d'Alep en 2008. Avec la permission de Jean-Baptiste Rabouan/Hemis.fr.

L'histoire de la Syrie s'est tissée à travers des familles d'un millénaire à un autre. Considérée comme une province romaine sous la tutelle de Pompée le Grand en 64 avant Jésus-Christ, et mise sous suzeraineté ottomane 16 siècles plus tard par le Sultan Selim I en 1516, le pays a connu sa part des grandes conquêtes militaires mondiales. Les empires qui ont rivalisé pour dominer la région ont légué  un patrimoine architectural et culturel varié intégré à l'héritage de la nation. Pour les Syriens, le fait de savourer les épices dans les souks d'Alep ou d'admirer le joyau que constitue le théâtre Romain à Bosra sont des droits innés.

Les sites historiques de la Syrie sont depuis longtemps les témoins de son histoire fascinante. Mais leur pulvérisation sur une période de six années de guerre civile ayant coûté la vie à plus de 400.000 personnes et déplacé plus de la moitié de la population du pays signifie que les futurs Syriens, et le monde en général, risquent de se voir privés de ce récit séculaire.

Les souks d'Alep

L'ancienne ville d'Alep, inscrite sur la liste du site du patrimoine mondial de l'UNESCO en 1986, a historiquement été un important centre d'affaires où se croisaient les routes commerciales de l'Orient et de l'Occident, stratégiquement situé entre la mer Méditerranée et la Mésopotamie. Son importance historique découle de sa situation à l'une des extrémités de la route de la soie.

Etant une des plus vieilles villes du monde peuplées en permanence, elle a connu les pires atrocités de la guerre.

En décembre, au moment de la chute aux mains du régime d'Assad et de ses alliés, de la partie est de la ville auparavant assiégée, les activistes locaux ont dit leur difficulté à compter chaque jour le nombre de morts.

Selon l'Institut des Nations Unies pour la Formation et la Recherche (UNITAR), un total de 22 sites patrimoniaux dans la ville ont été détruits et 48 fortement endommagés en 2013.

Dans la frénésie animée du Souk Al-Madina, l'on pouvait généralement trouver un vaste choix coloré de biens importés, allant de la soie aux épices, aux produits locaux comme le savon et la laine. En dehors du commerce, le souk servait aussi de résidence aux caravaniers avec les khans (caravansérails), qui accueillaient les commerçants et leurs marchandises.

Un aperçu du souk en 2011 sur Flickr par LucyCaldicott. (CC BY 2.0)

Une photo du souk en 2012. Crédit: AMC, utilisation autorisée.

A la fin de 2012, des combats intenses entre le régime et l'Armée de Libération de la Syrie (FSA) ont eu lieu à l'intérieur et aux alentours du souk. Le régime a attaqué aux mortiers le site historique, le laissant en flammes.

Tandis que l'évaluation des dégâts de l'UNITAR établit que la plupart des magasins avaient été complètement détruits, un optimiste habitant d'Alep s'exprima ainsi au journal The Telegraph en 2012 :

C'est très mauvais et très triste.. Mais nous pourrons le reconstruire, lorsque la révolution sera achevée.

La citadelle d'Alep

Citadelle d'Alep. Photo de Bernard Gagnon via Wikimedia. CC BY-SA 3.0

La citadelle d'Alep est un château médiéval fortifié situé au cœur de la vieille ville et considéré comme l'un des plus grands et anciens du monde dans sa catégorie. Le monument en calcaire est tombé sous le contrôle des Byzantins, des Grecs, des Ayyoubides, des Ottomans et autres, et chacun de ses différents conquérants a laissé sa marque particulière sur son architecture.

La citadelle n'a cessé de subir les bombardements du régime Assad depuis 2012, et une explosion de bombe en juillet 2015 a provoqué la chute d'une partie de ses murs.

Le régime syrien et les groupes rebelles se sont mutuellement rejeté la responsabilité de cette explosion.

Capture d'écran du 3 octobre 2014 de l'Association pour la Protection de l'archéologie syrienne. La photo était accompagnée de la légende suivante : ‘plusieurs photographies publiées par un photographe de la télévision syrienne à Alep montrent les positions d'un tireur embusqué à l'intérieur de la Citadelle d'Alep, qui est devenue un camp militaire de l'armée du régime Assad . Ce positionnement de tireurs d'élite met le monument en danger en raison des tirs des rebelles. Les photos montrent qu'une des tours de la citadelle est endommagée et comporte des fissures. Plusieurs façades et éléments architecturaux de la citadelle comme les tours ont subi de sérieux dégâts.’ Source: Facebook.

La grande mosquée d'Alep (Mosquée des Omeyyades)

L'historien d'Alep du 15ième siècle Ibn al-Shihna écrivit: “La Grande Mosquée d'Alep a rivalisé avec celle de Damas dans sa décoration, ses peintures et mosaïques.”

La grande mosquée d'Alep, aussi connue sous le nom de mosquée des Omeyyades, a vu construire son spectaculaire minaret en 1090 et elle dura près de 1.000 ans — elle fut détruite en 2013.

Une vue de la magnifique cour intérieure de la mosquée en 2009. Photo de Arian Zwegers via Flickr. CC BY 2.0

La mosquée des Omeyyades partage plusieurs traits avec sa mosquée sœur à Damas, allant de la cour intérieure en marbre à son emplacement sur un site romain/byzantin.

Le régime syrien, appuyé par ses alliés russe et iranien, a constamment ciblé la mosquée dans la bataille pour le contrôle de la ville, qui fit rage suite à sa prise par les forces rebelles en 2012.

Syrie : la mosquée des Omeyyades à Alep, une des plus vieilles mosquées de la ville, datant du 8ième siècle, détruite durant les affrontements

Un témoin, combattant rebelle, a rappelé :

Nous étions ici aujourd'hui et brusquement des obus ont commencé à s'abattre sur le minaret. [L'armée] a alors essayé de prendre d'assaut la mosquée mais nous les avons repoussés.

Selon l'état des lieux d'UNITAR, la mosquée a subi des dégâts importants dans sa paroi extérieure orientale, dans la partie méridionale de sa galerie est, dans la cour intérieure carrelée en marbre, le jardin, et l'entrée du souk de la galerie orientale.

Helga Seeden, un professeur d'archéologie à l'Université Américaine de Beyrouth, a dit à Associated Press :

C'est comme faire exploser le Taj Mahal ou détruire l'Acropole à Athènes. Cette mosquée est un sanctuaire vivant. C'est une catastrophe. En ce qui concerne le patrimoine, ceci est le pire que j'ai vu en Syrie. Je suis horrifié.

Capture d'écran d'une photo de la Mosquée d'un internaute photojournaliste qui se fit connaitre sous le nom de ‘Points de vue d'un jeune d'Alep’, datée du 22 octobre 2012. Source: Facebook.

Mosquée Al Omari, Deraa

Réputée pour être un symbole de la révolution, la mosquée de Deraa a été construite au 7ième siècle par le calife Omar ibn al-Khattab. Son minaret jadis magnifique, actuellement détruit, était le premier minaret de tout le Levant.

La mosquée historique a été la cible anti-régime des manifestations à Deraa et le lieu de nombreuses protestations constamment réprimées avec brutalité par les forces de sécurité du gouvernement.

C'est la cause principale pour laquelle elle a subi en permanence des bombardements du régime, détruisant son minaret, dans l'intention de briser le moral des manifestants.

En juin, les hélicoptéres du régime syrien ont largué dans la mosquée des barils d'explosifs contenant des substances incendiaires , brûlant sa partie septentrionale.

Capture d'écran d'une page intitulée ‘Patrimoine de l'archéologie syrienne en danger’ datée du 24 avril, 2013. Source: Facebook.

Bosra

Dans le voisinage de cette ville du sud riche d'histoire se trouve un superbe amphithéâtre romain du 2ième siècle, l'un des plus anciens à avoir survécu aussi aux mosquées et ruines chrétiennes. La ville ancienne de Bosra, inscrite au Patrimoine mondial de l'UNESCO en 1980 et ajoutée à la liste UNESCO du Patrimoine en Danger en 2013, fut la capitale de la province romaine de l'Arabie et un lieu d'escale des caravanes en route pour la Mecque.

L'amphitéâtre romain de Bosra en 2011. Photo de (Ergo) via Wikimedia. CC BY 2.0

Le site d'une très grande importance culturelle a été bombardé par les hélicoptères du régime en 2015, occasionnant des dégâts importants à l'ancienne citadelle.

Image de l'agence SMART News montrant les dommages considérables aux colonnes à l'intérieur du château. Source: Facebook.

Krak des Chevaliers

Le château médiéval surplombant le paysage. Photo d'(Ergo), détail, Nev1, via Wikimedia. CC BY 2.0

Le Krak des Chevaliers, ou ‘Château des Chevaliers’, est une forteresse des croisades dans la région de Homs en Syrie. Autre site du Patrimoine mondial de l'UNESCO, il est considéré comme l'un des plus importants châteaux médiévaux préservés du monde. La forteresse a été bâtie par l'Ordre Hospitalier de Saint Jean de Jérusalem de 1142 à 1271 et fit l'objet de constructions additionnelles par les Mamelouks vers la fin du 13ième siècle.

Le château a subi des dommages significatifs, surtout la chapelle de la forteresse, à cause d'une série de bombardements et frappes aériennes.

Palmyre

L'Arc de Triomphe vieux de 2000 ans à Palmyre avant sa destruction par l'EI. Source: Pixabay. Domaine public.

L'ancienne ville sémitique de Palmyre a connu une croissance prospère durant l'Empire romain grâce à ses grands commerçants qui s'activaient le long de la Route de la soie. La prospérité facilita la construction de superbes monuments comme le temple de Bêl, la tour d'Elahbel, et l'Arc de triomphe. Malheureusement, tous ces trois monuments ont subi de sérieux dommages et même une destruction.

Depuis qu'il s'est emparé de la ville en 2015, l'EI y a fait exploser un nombre important de temples et autres monuments.

L'EI a détruit plusieurs anciennes structures comme celle-ci dans la ville de Palmyre, en Syrie. Lire plus.

Auparavant une ville qui parlait au cœur de tout historien ou archéologue, Palmyre évoque maintenant un sentiment de deuil d'un riche patrimoine mis aux oubliettes.

La mosquée de Khalid ibn al-Walid

La mosquée pittoresque en 2005. Photo de Abdulhadi Najjar via Wikimedia. CC BY-SA 3.0

La mosquée de Khalid ibn al-Walid à Homs porte le nom du chef militaire arabe musulman qui mena la conquête musulmane de la Syrie au 7ième siècle et mit fin à la domination byzantine dans le pays. Consacrée en 1908, la mosquée se distingue pour son style architectural traditionnel turc ottoman.

En 2013, les forces d'Assad ont bombardé la mosquée historique, détruisant finalement son mausolée. La mosquée a fait l'objet d'attaques répétées depuis cette période.

Un caricaturiste politique malaisien fait un procès à la police pour arrestation illégale et saisie de ses livres

mercredi 30 août 2017 à 15:12

Zunar exige de la police qu'elle lui rende les 1.187 livres et les 103 t-shirts été saisis lors de son arrestation le 17 décembre 2016. Photo extraite de la page Facebook Zunar Cartoonist Fan Club

Le caricaturiste malaisien Zulkiflee S.M. Anwarul Haque, plus connu sous le nom de Zunar, a déposé plainte contre la police pour l'avoir arrêté et avoir saisi ses livres de caricatures et ses t-shirts le 17 décembre 2016.

Zunar a accusé la police d'avoir effectué une arrestation illicite et d'avoir confisqué un total de 1.187 livres et 103 t-shirts pendant un événement qu'il avait organisé dans le but de rencontrer ses fans et de lever des fonds. Il explique la raison de son action judiciaire :

Mes livres ne sont pas interdits, j'étais juste en train de les vendre à mes fans lors d'une collecte de fonds. Qu'est ce qu'il y a de mal à cela ?

Ces dernières années, Zunar a été arrêté plusieurs fois et accusé de sédition pour avoir produit des dessins critiquant les politiques du gouvernement, la restriction des libertés civiles et l'abus de pouvoir par la coalition dirigeante, qui domine la vie politique de la Malaisie depuis les années 1950. La plupart des livres de caricatures de Zunar ont aussi été confisqués, car soit-disant ils menaçaient la sécurité nationale. Zunar a acquis une notoriété en Malaisie mais aussi dans le reste du monde comme défenseur de la liberté de la presse. Il a reçu les honneurs de la part de l'ONG  Human Rights Watch, du Comité de Protection des Journalistes et du Cartoonist Rights Network International.

Son arrestation du mois de décembre était liée à une enquête policière selon l'article 124C du Code Pénal pour “activités néfastes à la démocratie parlementaire.”

Il a été interrogé pendant six heures et libéré après que les policiers lui ont dit qu'ils “appliqueront une loi afin de faire interdire ses livres.”

Peu après sa libération, il a déclaré :

Je voudrais attirer l'attention sur mon combat : le talent n'est pas un don, mais une responsabilité. Il est de ma responsabilité en tant que caricaturiste de réveler la corruption et les injustices. Ai-je peur de la prison ? Oui, mais la responsabilité est plus grande que la peur. Vous pouvez  interdire mes livres, vous pouvez  interdire mes dessins mais vous ne pouvez pas interdire mon esprit. Je continuerai de dessiner jusqu’à ma dernière goutte d'encre.

Zunar fait sans doute référence à l'affaire de corruption concernant le premier ministre et 1MDB, une entreprise d'investissement appartenant à l'Etat. Le premier ministre est accusé d'avoir empoché 680 millions de dollars américains par le biais de transactions anormales présumées faites par 1MDB.

N. Surendran, l'avocat de Zunar a expliqué que le dépôt de la plainte contre la police était destiné à alerter les autorités sur une autre arrestation illégale :

Il n'y aura plus de tolérance pour ce genre de comportement illicite contre une personne dont le seul délit et de critiquer les autorités. Ceci est un droit démocratique pour chaque Malaisien.

Zunar réclame la restitution par la police de ses livres et ses t-shirts.