PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

El Remolino, ou le récit initiatique d'une documentariste sur les rives du fleuve Usumacinta

mercredi 29 juin 2016 à 20:24

Le documentaire sur le village de El Remolino rassemble des histoires individuelles et collectives face à la caméra et derrière. On aperçoit sur l'image Dana, la fille d'Esther, une habitante du village, alors qu'elle contemple son reflet dans un étang. Image du documentaire issue de la page Facebook de la réalisatrice et publiée avec son autorisation.

La réalisatrice espagnole de documentaires Laura Herrero est arrivée à El Remolino [Le Tourbillon] dans le cadre du tournage d'un documentaire sur la lutte contre les discriminations de trois jeunes filles du sud du Mexique et elle y est restée pour suivre le combat d'Esther et Pedro, des membres d'une communauté locale qui vivent dans ce village mexicain. Les témoignages de ces derniers relatent leur lutte pour et contre la nature, leurs voyages intérieurs et leur identité sexuelle. Les premières histoires sont racontées dans le documentaire Son duros los días sin nada [Les jours de rien sont durs] et les secondes dans celui qui porte le nom de la communauté : El Remolino.

Sorti en 2012,  le premier documentaire, Son duros los días sin nada, évoque les discriminations et les luttes sociales. De son côté, El Remolino, qui a fait partie de la sélection de documentaires du festival nomade Ambulante 2016 au Mexique, est le résultat de deux ans et demi de travail et 11 visites dans la communauté. El Remolino se situe sur les rives du fleuve Usumacinta dans l'Etat du Chiapas et ses habitants vivent selon Laura Herrero « entourés par une nature luxuriante mais fragile [… au cœur de laquelle] ils affrontent le fleuve qui leur amène à la fois moyens de subsistance et inondations. »

Pour Laura Herrero, l'expérience du documentaire ne s'est pas limitée à sa réalisation. Les apprentissages en commun se sont faits simultanément. Dans un entretien avec Crash, la documentariste décrit ces moments où les différents regards portés sur un même élément modifient la perception que l'on a de la capacité d'adaptation. Ainsi, là où une personne étrangère à la communauté voit dans une inondation une catastrophe naturelle, celles et ceux qui habitent la communauté y voient un temps de réflexion et d'introspection.

Images du quotidien : du personnel à l'universel

Le film suit aussi la vie de Pedro et Esther, deux membres de la communauté qui sont au cœur du documentaire et avec qui la réalisatrice a entretenu les liens les plus forts. Dans l'entretien, Laura Herrero les présente comme les piliers de son apprentissage par l'expérience :

Esther [es] una mujer llena de fortaleza que saca adelante a su familia y nos comparte su mundo a través de una pequeña cámara […] Su hermano Pedro [es] un campesino travesti que defiende su identidad y sus sueños.

Esther [est] une femme douée d'une grande force qui fait vivre sa famille et nous fait partager sa vision du monde à travers une petite caméra […] Son frère Pedro [est] un paysan transgenre qui défend son identité et ses rêves.

Interrogée par Ambulante, Laura Herrero a également évoqué l'échange de savoirs avec Esther, qui a découvert à l'occasion du séjour de l'équipe de tournage la fascination de produire des images liées à sa vie quotidienne :

Nos veía a nosotras llegar y grabar con la cámara. Ella hizo una gran reflexión sobre el inmortalizar, el grabar.. Ella consiguió su cámara de video y empezó a grabar. Durante el rodaje, puso una tienda, empezó a estudiar, se compró la cámara… hubo un fortalecimiento muy grande en ella. Empezó a grabar la inundación, a Dana [su hija], a grabar a su papá, las fiestas familiares y poco a poco empezó a hacer imágenes más subjetivas.

Elle nous voyait arriver et filmer avec la caméra. Elle a fait part de ses nombreuses réflexions sur les processus d'immortalisation, d'enregistrement … Elle a pu se procurer une caméra vidéo et a commencé à filmer. Au cours du tournage, elle a monté un commerce, s'est mise à étudier, a acheté la caméra … elle s'est vraiment affirmée. Elle a commencé à filmer l'inondation, Dana [sa fille], elle a filmé son père, les fêtes de famille et elle s'est peu à peu lancée dans la réalisation d'images plus subjectives.

Pedro, le frère d'Esther, est un paysan de 47 ans qui  se définit lui-même comme une femme. Il assume son identité de genre depuis sa jeunesse et, malgré l'incompréhension, les discriminations et l'exclusion auxquelles il a dû faire face, il reçoit maintenant le soutien de sa famille. Laura Herrero confie que que Pedro s'est beaucoup employé à échanger des informations et informer sur sa transition.

Lorsque Crash a demandé à la réalisatrice son avis sur l'état de pauvreté, l'abandon de la part des autorités et le machisme que l'on trouve dans des villages comme El Remolino, celle-ci a répondu :

Es alucinante cómo en estos pueblos tan anclados y pobres […] hay gente como Esther y Pedro, que tengan una lucha política y de identidad sexual. Esther es una mujer que trabaja en el campo y que tiene más ingresos que su marido. Por otra parte, Pedro quiere transformarse al otro sexo y sigue intentándolo. Le da igual, porque [con respecto a su identidad sexual] sabe que no puede tapar el sol con un dedo.”

C'est hallucinant qu'il y ait dans ces villages aussi pauvres et enclavés […] des gens comme Esther et Pedro, des gens qui mènent un combat politique et pour leur identité sexuelle. Esther est une femme qui travaille aux champs et dont les revenus sont supérieurs à ceux de son mari. Pedro veut de son côté changer de sexe et il s'efforce toujours de le faire. Ça lui est égal [de se battre] parce que [pour ce qui est de son identité sexuelle] il sait qu'il ne doit pas se voiler la face.

Enfin, Laura Herrero a aussi souligné l'importance que revêt le fait de raconter des histoires et de les conserver à l'aide de sons et d'images :

Creo que lo primero que hace el cine es embalsamar un momento de la historia, y lo guarda para siempre de una forma. Es importante considerar el cine documental como una manera de mantener esta historia viva y que pueda ser recordada.

Je crois que ce que fait le cinéma est avant tout d'« embaumer » un moment de l'histoire, et de le garder pour toujours, en un sens. Il faut considérer le cinéma documentaire comme un moyen de continuer à faire vivre cette histoire afin d'en conserver la mémoire.

Les travailleurs du Timor oriental au Royaume-Uni inquiets de leur avenir au lendemain du Brexit

mercredi 29 juin 2016 à 20:07
Through a referendum, the UK has voted to leave the European Union. Photo from the Flickr page of portal gda, CC License

Le Royaume-Uni a voté par référendum la sortie de l'Union européenne. Photo du compte Flickr de portal gda, CC BY-NC-SA 2.0

Le 23 juin 2016, une majorité d'électeurs britanniques s'est prononcée pour la sortie de l'Union européenne. Connu sous le nom de Brexit, le résultat de ce référendum aura d'importantes conséquences non seulement en Europe mais aussi dans de nombreuses régions du monde.

Pour les citoyens européens qui vivent au Royaume-Uni, l'inquiétude porte surtout sur la résidence et le droit au travail. Le gouvernement va-t-il les obliger à quitter le pays ?

Parmi eux se trouve une proportion significative de ressortissants du Timor oriental. Ce pays est une ancienne colonie portugaise dont les habitants possèdent la double nationalité timoraise/portugaise et sont donc considérés comme des membres de l'Union européenne.

Depuis 2002, date où le Timor oriental a obtenu son indépendance de l'Indonésie, de nombreux Timorais sont venus au Royaume-Uni chercher du travail dans le secteur des services semi-qualifiés et les usines. Au Timor oriental, ce genre de travail n'est pas bien rémunéré mais au Royaume-Uni, il permet de toucher au moins 200 livres par semaine (environ 240 euros). Si l'on gère bien son budget, c'est assez pour vivre tout en envoyant une partie du salaire à la famille restée au pays.

Au lendemain du référendum sur le Brexit, certains Timorais résidant au Royaume-Uni se montrent préoccupés par leur situation. Va-t-on leur demander de renoncer à leur statut d'immigrés ? C'est l‘inquiétude soulevée sur le blog Forum Haksesuk de Celso Oliveira, un ressortissant du Timor oriental qui vit au Royaume-Uni :

Relasiona ho referendum 23/6, mosu preokupasaun hosi governu Timor Leste konaba oinsa futuro ema Timor iha UK post-referendum. Ema Timor tama iha Reino Unido desde Timor Leste hetan liberdadi iha Agostu 1999. To'o ohin loron, Timoroan kontinua sai hosi Timor hodi buka moris iha Reino Unido. Razaun tamba: primieru: ekonomikamente nivel moris iha Timor ema ida sei moris ho dollar ida loron ida.Segundo: Tamba razaun servisu laiha. Populasaun Timor aumenta, numeru dezempregados mos aumenta. Ida ne'e factor principal. Terseiru, ema buka mudansa iha sira ninia moris

Concernant le référendum du 23/06, il existe des incertitudes que le gouvernement du Timor oriental doit apaiser par rapport à ce qui va se passer pour ses ressortissants qui résident au Royaume-Uni. De nombreux Timorais sont partis s'installer dans ce pays depuis que leur pays est devenu indépendant en août 1999 [quand l'immense majorité des Timorais ont voté en faveur de l'indépendance lors d'un référendum populaire]. Aujourd'hui encore, des Timorais quittent leur pays pour aller vivre au Royaume-Uni. Ils sont d'abord motivés par le besoin de survivre sur le plan économique étant donné que de nombreux travailleurs gagnent à peine 1 dollar par jour. Par ailleurs, le chômage est en hausse alors que la croissance démographique demeure élevée. Enfin, beaucoup de gens veulent changer de vie.

Les traités européens qui reconnaissent le droit à la libre circulation des travailleurs de l'UE sont toujours en vigueur aujourd'hui, mais que va-t-il se passer après le Brexit ? Le sort des immigrants portugais du Timor oriental demeure incertain.

En réponse aux inquiétudes de ses ressortissants installés au Royaume-Uni, le gouvernement du Timor oriental les a encouragés à ne pas céder à la panique car des négociations sont prévues entre l'UE et les autorités britanniques concernant les conditions de travail des citoyens de l'UE déjà présents au Royaume-Uni.

Govgerno Assegura Timor oan iha Inglaterra

Le vice-ministre des Affaires étrangères et de la Coopération du Timor oriental Roberto Sarmento de Oliveira Soares a cherché à dissiper les craintes des travailleurs timorais au Royaume-Uni. Capture d'écran du journal Timor Post.

Le gouvernement portugais a pour sa part conseillé à ses ressortissants qui vivent au Royaume-Uni de déposer une demande de permis de séjour permanent tout en effectuant les démarches pour obtenir la double nationalité afin de protéger leurs droits.

Dans le même temps, l'ancien président du Timor oriental et prix Nobel de la paix José Ramos-Horta a exhorté les pays de l'UE à ne pas paniquer et à transformer au contraire la situation en opportunité pour « réinventer » l'alliance régionale :

From afar, my best advice to European leaders is…there is no reason to panic; the EU still has Germany, France, Italy, Italy, Poland and Spain whose combined GDP dwarf that of little UK.

European leaders must display serenity and begin to re-imagine a Union that is more peoples-based, reconnecting with the real people, less focused on the stifling Brussels-based bureaucrats, real culprits and cause of disdain and repudiation; instead of overspending on a wasteful Brussels bureaucracy the new EU should double investments on youth and employment for all, education and innovation.

De là où je me trouve, je ne peux que recommander aux dirigeants européens … de ne pas paniquer ; l'UE a encore l'Allemagne, la France, l'Italie, la Pologne et l'Espagne dont les PNB combinés éclipsent totalement celui du Royaume-Uni.

Les dirigeants de l'UE doivent rester sereins et commencer à imaginer une nouvelle Union davantage tournée vers les peuples, qui renoue des liens avec les vrais gens, moins focalisée sur les bureaucrates étouffants de Bruxelles, vrais coupables et objets de mépris et de rejet ; plutôt que de dilapider de l'argent dans une bureaucratie bruxelloise inefficace, la nouvelle UE devrait doubler les investissements pour la jeunesse et l'emploi pour tous, dans l'éducation et l'innovation.

Les Biélorusses travaillent nus (ordre de leur président)

mercredi 29 juin 2016 à 17:50
Belarusian Internet users stripped in their workplaces to respond to the President's call to put more effort into their work. Image from Instagram.

Les internautes biélorusses se sont déshabillés pour obéir à l'ordre du président de faire plus d'efforts dans leur travail. Image sur Instagram.

Les citoyens biélorusses ne sont pas d'ordinaire connus pour accepter de bon gré les ordres de leur président depuis une éternité, Alyaksandr Lukashenka. Son régime autoritaire ferait plutôt froncer les sourcils. Mais comme pour chaque règle, il y a des exceptions.

Le  22 juin, le président Lukashenka a fait un discours lors de la rencontre pan-biélorusse, et l'a conclu par un appel aux Biélorusses qui espèrent une vie meilleure.

Наша жизнь в простом. Надо раздеваться и работать. До седьмого пота. Не будет этого – погибнем.

Our life is about simple things. We must get undressed and get to work. Work till we sweat. If we don't, we'll perish.

Notre existence dépend de choses simples. Nous devons nous déshabiller et nous mettre au travail. Travailler jusqu'à en transpirer. Si nous ne le faisons pas, nous périrons.

La vidéo du discours a fait le tour des réseaux sociaux : incrédules, les internautes ont essayé d'avoir confirmation que le mot utilisé était bien “se déshabiller” (раздеваться) et non “se développer” (развиваться), de prononciation proche.

Mais la retranscription du discours publiée sur le site de la présidence a bien confirmé la chose. Et les Biélorusses se sont mis à la tache avec enthousiasme.

Très vite, les réseaux sociaux ont été inondés de photos et de vidéos de (jeunes pour la plupart) Biélorusses dans leur bureau ou sur leur lieu de travail, tout à fait nus, les endroits stratégique dissimulés par des dossiers, des tables de bureau, des ordinateurs, et absorbés par leur travail quotidien. Le site d'information biélorusse CityDog a compilé  les meilleures photos de ce flashmob en ligne.

#раздеватьсяиработать #ялюблюсвоюработу #чутьчтомыодеты #четкаяконспирация #minsk

A photo posted by Маргарита Воропаева (@margo_voropaeva) on

<script async defer src="//platform.instagram.com/en_US/embeds.js">

Батька сказал раздеться и работать, мы разделись и работаем)
#раздеватьсяиработать
#корпоративныйстиль
#irmcreative

A photo posted by @ssnnooppooyy on

<script async defer src="//platform.instagram.com/en_US/embeds.js">

Batka (Lukashenko's nickname) said we should get naked and work, so we got naked and are working.

Batka (surnom de Lukashenko) a dit que nous devions nous déshabiller et nous mettre au travail, alors nous nous sommes déshabillés et nous travaillons.

#раздеватьсяиработать и мы последуем совету!)) #Fistashki #коллегидрузья

A photo posted by @budenis on

<script async defer src="//platform.instagram.com/en_US/embeds.js">

We'll follow the advice as well))

Nous aussi avons suivi le conseil:)))

Все только для того, чтобы поднять экономику страны. #раздеватьсяиработать #lukashenko #belby #belbeznalby #computer #shop #work #ignat #жилистый #флешмоб

A photo posted by Alexandr Ignatovich (@fun_bayern) on

<script async defer src="//platform.instagram.com/en_US/embeds.js">

Anything to prop up the country's economy.

Tout pour soutenir l'économie du pays

Au final, des milliers de Biélorusses ont posté des photos sur Instagram, Facebook, et Twitter avec le hashtag #раздеватьсяиработать (#déshabillezvousettravaillez).

#раздеватьсяиработать #музейбровки #ниднябезбровки #музей

A photo posted by Музей Петруся Броўкі (@museum_brovka) on

<script async defer src="//platform.instagram.com/en_US/embeds.js">

Сегодня я прополола клубникуА как ты исполнил государственное поручение #раздеватьсяиработать? Не коси, #раздевайсяиработай

A photo posted by Viktoriya Akvinskaya (@akvinskaya) on

<script async defer src="//platform.instagram.com/en_US/embeds.js">

I weeded the strawberries today. And how have you fulfilled the state's command?

J'ai désherbé les fraisiers, aujourd'hui. Et vous, comment avez-vous obéi à l'ordre de l'Etat?

Le flashmob est devenu si populaire que même des internautes d'autres pays russophones s'y sont joints.

Поддерживаю флешмоб сябров #раздеватьсяиработать ! Ибо пятница! #живебеларусь #лукашенко #пятница #работа

A photo posted by Hanna Hrabarska (@anya_grabarskaya) on

<script async defer src="//platform.instagram.com/en_US/embeds.js">

Supporting the Belarusian flashmob!

Je soutiens le flashmob biélorusse !

Certains internautes sont allés encore plus loin et ont posté des vidéos de chansons composées spécialement pour l'occasion. Dans ces vidéos, bien entendu, les chanteurs sont à peu près nus. Ce qui prouve bien que les dirigeants de pays doivent être très prudents avec les voeux qu'ils expriment.

Netizen Report: Des chercheurs mettent en lumière les origines des maliciels

mardi 28 juin 2016 à 11:08
Graphique créé par Hugh D'Andrade d'Electronic Frontier Foundation (eff.org)

Image créée par Hugh D'Andrade d'Electronic Frontier Foundation (eff.org)

Le Netizen Report de Global Voices Advocacy offre un aperçu des défis, des victoires et des tendances émergentes en matière de droits de l'Internet dans le monde entier.

[Article publié en anglais le 9 juin 2016] Les militants et les journalistes du monde entier signalent de plus en plus des infections de maliciels qui semblent provenir d'attaquants parrainés par les Etats, utilisant souvent des technologies achetées par des sociétés de surveillance comme Hacking Team et Gamma International [fr].

Même si ces attaques semblent dans l'absolu de mauvaises nouvelles, l'apparition de logiciels malveillants – et le nombre croissant de personnes qui déclarent les recevoir- ont permis aux chercheurs de développer une plus grande capacité de retracer les éléments constitutifs et les origines de ces logiciels, jetant ainsi la lumière sur ce qui souvent ressemble à une technologie mystérieuse.

Un nouveau rapport de Citizen Lab jette la lumière sur une campagne de quatre ans d'attaques malveillantes ciblées contre les courriels et les comptes Twitter de journalistes, de militants et de dissidents aux EAU (Emirats arabes unis). Les attaques que Citizen Lab attribue à celui qu'ils appellent “Stealth Falcon” (Faucon furtif), sont probablement liés au gouvernement des EAU. Au moins six personnes ciblées dans ces attaques ont été soit arrêtées, soit recherchées, soit condamnées par contumace aux EAU à cause de leur activité sur Twitter. Cela ne devrait pas surprendre – les Émirats arabes unis sont le deuxième plus gros client de l’ entreprise de logiciels espions Hacking Team ; et ils ont versé à la société plus de 634.500 $ pour déployer des logiciels espions contre 1.100 personnes.

Il y a de l'espoir que plus de recherches similaires paraîtront au cours des prochains mois. Un nouveau projet de logiciel collaboratif, lancé par une équipe de chercheurs en sécurité se faisant appeler Digital Freedom Alliance (l'Alliance pour la liberté numérique), vise à documenter ces cas par la collecte de données sur les infections de logiciels malveillants parrainés par un Etat depuis des endroits comme Citizen Lab et TargetedThreats.net. L'association prévoit de développer la cartographie de ces menaces, indiquant le type de malware utilisé, le type de cible, la date de l'infection et l'emplacement du serveur utilisé pour contrôler les logiciels malveillants.

Le Ghana fermera-t-il les plates – formes de médias sociaux le jour du scrutin ?

Bien que le ministre des Communications du Ghana ait promis de ne pas couper [fr] les applications mobiles servant à passer des appels téléphoniques comme WhatsApp et Skype, la police ghanéenne envisage maintenant de bloquer l'accès aux services [fr] de médias sociaux lors des élections générales en novembre. L'Inspecteur général de la police John Kudalor a déclaré aux journalistes :

… Si cela s'avère nécessaire à la veille ainsi que le jour de l'élection, nous allons bloquer tous les médias sociaux comme d'autres pays l'ont fait. Nous réfléchissons à ce sujet. Nous prenons en considération également l'autre alternative : que la police puisse elle aussi avoir ses propres [comptes de] médias sociaux [comptes] pour être en mesure de stopper les choses à temps.

Cette proposition a été fortement contestée par les avocats, les journalistes et net – citoyens, qui ont exprimé la crainte que l'une des démocraties les plus fortes du continent suive les précédents établis par des autocraties comme en Ouganda.

La police de Singapour enquête sur des militants politiques et saisit leurs équipements électroniques

La police de Singapour a ouvert des enquêtes concernant le blogueur politique Roy Ngerng et l'avocat des droits humains Teo Soh Lung, alléguant qu'ils avaient enfreint les règles relatives à la publicité électorale en publiant des messages sur Facebook la veille et le jour du scrutin. Après des interrogatoires de deux heures le 31 mai, la police a perquisitionné leurs domiciles respectifs, saisissant des appareils électroniques, y compris des ordinateurs de bureau, des ordinateurs portables, des disques durs, et des téléphones mobiles, sans présenter de mandat de perquisition, en dépit des demandes de l'avocat de Me Soh Lung. Après la fouille, M. Ngerng a été contraint de révéler les mots de passe de son ordinateur portable, de son téléphone ainsi que de son compte Facebook.

M. Ngerng et Me Soh Lung ont fait face à des accusations de la part des autorités dans le passé. Me Soh Lung, un avocat et ancien candidat du Parti démocratique de Singapour, a été détenu sans procès à la fin des années 1980 sous la loi sur la sécurité intérieure, l’Internal Security Act de Singapour.

Un militant syndical algérien emprisonné pour avoir critiqué une décision judiciaire sur Facebook

Le tribunal de première instance de la ville de Laghouat, en Algérie, a condamné un militant des droits du travail [fr] à six mois de prison pour une vidéo qu'il a postée sur Facebook. Dans la vidéo, Belkacem Khencha, coordinateur national de la Ligue algérienne pour la défense des droits des travailleurs, a critiqué une décision du tribunal de condamner un ami et un autre militant à 18 mois de prison pour avoir protesté contre la politique gouvernementale du logement. Le tribunal a jugé que M. Khencha avait violé un article du code pénal algérien, qui interdit “de critiquer les décisions de la justice”.

Les pénuries d'électricité coupent les connexions en ligne aux Vénézuéliens et les contraint à vivre dans l'obscurité (littéralement)

Les qualités des connexions aux télécommunications et à Internet se détériorent régulièrement alors que la crise économique et politique du Venezuela s'aggrave. Dans leur volonté de rationner l'électricité, les autorités ont programmé des coupures à l'échelle du pays qui durent généralement trois ou quatre heures par jour, mettant hors d'usage de nombreux services publics et professionnels. Ces pannes provoquent des dégâts aux appareils ainsi qu'aux réseaux de téléphonie mobile et posent des problèmes de connectivité pendant des heures après le rétablissement de l'électricité. Le Venezuela dispose également, désormais, de l'une des connexions Internet les plus lentes d'Amérique latine – selon Akamai et le groupe vénézuélien de recherche sur Internet Acceso Libre – les Vénézuéliens avaient une vitesse d'Internet moyenne de 1,5 Mbps en 2015.

Des données importantes pour la localisation de sites de rencontres gay publiées, exposant leurs utilisateurs à des risques

Des applications pour des sites de rencontres gays comme Grindr, Hornet et Jack'd peuvent révéler des données détaillées sur la localisation d'un utilisateur avec une marge d'erreur de seulement un mètre, selon un document publié récemment par un chercheur en sécurité basé à Kyoto. Les informations sur sa localisation peuvent être obtenues même si l'utilisateur a choisi de masquer son emplacement dans les paramètres de l'application. Cela est particulièrement inquiétant pour les utilisateurs de ces sites dans des régions où l'homophobie est répandue ou les actes homosexuels illégaux.

Nouveautés de la recherche

Safer, Smarter Journalism: Survey on Digital Security in South Asia’s Media – International Federation of Journalists and South Asia Media Solidarity Network  (Un journalisme plus astucieux et plus sûr: Enquête sur la sécurité numérique dans les médias de l’ Asie du Sud – Fédération Internationale des Journalistes et Réseau de solidarité des médias en Asie du Sud)

Abonnez – vous au rapport Netizen par email

 

Ellery Roberts Biddle, Marianne Diaz, Weiping Li, Sarah Myers West, et Kofi Yeboah ont contribué à  écrire ce billet.

Le #Brexit fait exulter les populistes des Balkans

lundi 27 juin 2016 à 20:42
To illustrate schadenfreude -- pleasure derived from misfortune of others -- Wikipedia used the painting "Taming the Donkey," by Eduardo Zamacois y Zabala (1868), in which a group of monks laughs while the lone monk struggles with the donkey. (Public Domain).

Wikipedia illustre la Schadenfreude — le plaisir inspiré par le malheur d'autrui — par le tableau “La domestication de l'âne” d'Eduardo Zamacois y Zabala (1868), montrant des moines s'esclaffant en regardant la lutte de leur frère avec l'animal. (Domaine public).

Si les réactions officielles de la plupart des gouvernements dans les Balkans ont été d'inquiétude pour l'Union Européenne (UE) après le Brexit, les représentants des partis d'extrême-droite ont exulté sur les médias sociaux.

Comme l'a écrit le site Balkan Insights, les premières réactions officielles de la région balkanique au vote négatif de la Grande-Bretagne sur l'UE ont été sombres : “Les responsables des Balkans ont exprimé vendredi leurs inquiétudes sur l'avenir incertain de l'UE après la décision des électeurs britanniques de quitter l'Union, tout en affirmant leur engagement vis-à-vis de l'intégration européenne”.

Pendant ce temps, joie et Schadenfreude [la joie maligne] — une jubilation ouverte devant le “décès” de l'UE — étaient déversées sur les réseaux sociaux par les représentants de la droite, au pouvoir comme dans l'opposition, jusques et y compris par le trans-continental Parti populaire européen. Tout en professant des valeurs européennes devant leurs mandants, ces partis distillent fréquemment l'euro-scepticisme voire l'europhobie.

Un des refrains rabâchés par les nationalistes dans les Balkans est “A quoi bon adhérer à l'UE et à l'OTAN, qui finiront tôt ou tard par se disloquer, comme l'a fait la Yougoslavie ?” Les Macédoniens ont récemment pu lire que même leur précédent Premier Ministre, Nikola Gruevski, a reçu de telles “paroles de sagesse” d'une voyante qui le conseillait :

She also advises against Macedonian joining the European Union because she is worried that the ‘EU will fall apart’ and concludes that NATO will remain a factor but will be ‘artificially maintained’.

Elle déconseille aussi à la Macédoine d'adhérer à l'Union Européenne, parce qu'elle craint que ‘l'UE se désagrège’ et conclut que l'OTAN continuera à exister mais sera ‘maintenue artificiellement’.

Le thème de la désintégration prochaine de l'UE a été repris par le président turc Erdoğan, qui a averti que d'autres pays quitteront l'UE. Le Premier Ministre adjoint Mehmet Şimşek a tweeté :

Vous ne voulez pas ouvrir la boîte de Pandore… Au fait elle l'est déjà avec le Brexit

Le président macédonien Gjorge Ivanov a quant à lui déclaré : “Nous sommes inquiets que l'UE puisse suivre le même chemin que la Yougoslavie”.

La joie des populistes

Une des explications de la joie manifestée par les nationalistes balkaniques est le sentiment que la fracture détourne l'attention de l'UE de sa périphérie, et affaiblisse sa capacité à exiger le type de réformes susceptibles d'affecter tant les souverainetés nationales que la mainmise des élites corrompues sur le pouvoir.

Une des premières réactions publiques au Brexit s'est produite le matin suivant l'annonce des résultats du référendum britannique. Vojislav Šešelj, un politicien serbe d'extrême-droite actuellement dans l'opposition, a tweeté, avec une métaphore provenant du folklore des vampires :

Quel beau matin d'été, et quelle belle nouvelle qui a rempli de joie toute la patrie serbe. Les Anglais ont transpercé d'un épieu de bois le coeur du cadavre de l'Union Européenne.

La Macédoine a été scandalisée par un tweet de Gordana Jankuloska, ex-ministre de l'Intérieur et dirigeate de haut rang du parti au pouvoir, le VMRO-DPMNE. Elle a moqué la décision britannique de sortir de l'UE en tweetant “Et maintenant ?” à l'ambassadeur britannique, Charles Garret :

Mme Jankuloska a bénéficié dans le passé d'une bourse d'études du gouvernement britannique. Les mots qu'elle a choisis, “Et maintenant ?” (“Sega šu prajme?”) rappellent son “Qu'est-ce qui se passe ?” (“Šu praiš?”) avec lequel elle s'adressait à son confident, alors ministre des Finances Zoran Stavrevski, dans des enregistrements ayant fuité, en rapport avec une enquête en cours des services du Procureur Spécial sur une corruption politique au plus haut niveau. Mme Jankulovska figure parmi les principaux suspects dans l'affaire.

En 2015, l'opposition avait utilisé l'expression “Šu praiš” pour parodier Jankuloska — entre autres dans des graffiti, que le parti au pouvoir avait fait recouvrir. Sa réutilisation de la phrase peut se comprendre comme une annonce de son impunité des activités mafieuses suggérées par les enregistrements. Son tweet a été re-tweeté par d'autres droitiers — y compris des ministres actuels — mais a aussi obtenu des centaines de réponses, dont beaucoup étaient : “Maintenant, tu iras en prison”.

"Šu praiš" ("What's up") graffiti in Skopje. Photo by Meta.mk News Agency, used with permission.

“Šu praiš” (“Qu'est-ce qui se passe “) en graffiti à Skopje. Photo de l'agence de presse Meta.mk, utilisée avec autorisation.

Vers de nouveaux référendums ?

Certains politiciens populistes ont saisi l'occasion des résultats du référendum britannique pour préconiser la tenue d'autres référendums dans leurs pays.

Ainsi, le Président de la Republika Srpska (la république serbe de Bosnie, RS) Mirolad Dodik, a dit son engagement au processus d'adhésion à l'UE, tout en notant que le Brexit servait à “affirmer la force accrue des référendums en tant que décision définitive sur les questions nationales, et que cela s'appliquerait à la RS dans un certain temps”. Allusion au désir de sécession d'avec la Bosnie-Herzégovine, il a ajouté que le droit au référendum était jusqu'à présent “sévèrement refusé” à la RS.

En Serbie, les europhobes du parti Démocrate de Serbie ont exigé que le président tienne sa promesse d'organiser un référendum sur l'entrée de la Serbie dans l'UE et l'OTAN. Un tel référendum est supposé saper les efforts pro-UE du Premier Ministre Vučić.

En Slovaquie, le parti d'extrême-droite Kotleba – parti populaire Notre Slovaquie a lancé une pétition pour un référendum sur l'appartenance à l'UE.

Quelle sera la suite ?

Reflétant une partie des sentiments du reste de l'Europe Centrale et Orientale, Ingo Mannteufel, directeur du département Europe de la Deutsche Welle et rédacteur en chef de DW en russe, a commenté que si les réactions officielles russes seraient diplomatiques, le Kremlin allait fêter en privé, car l'UE serait désormais occupée par ses propres maux. Le Brexit a réalisé l'objectif russe d'éloigner les Balkans de l'UE :

Ни о каком дальнейшем расширении Евросоюза сейчас не может быть и речи. Плохая новость для всех украинцев, молдаван и грузин: расширение ЕС за счет приема бывших советских республик или балканских государств отодвигается на далекое-далекое будущее. И даже скорую отмену визового режима с Украиной или Грузией сейчас трудно себе представить.

Maintenant il ne peut plus être question d'élargissement supplémentaire de l'Union Européenne. Une mauvaise nouvelle pour tous les Ukrainiens, Moldaves et Géorgiens : l'extension de l'UE par l'entrée des ex-républiques soviétiques ou des Etats balkaniques se dérobe dans un futur lointain. Et il devient difficile d'imaginer une abolition prochaine du régime des visas avec l'Ukraine ou la Géorgie.

Cependant, un des tweets les plus re-tweetés sur le Brexit avait une tonalité optimiste et guère orthodoxe, au vu de sa source. Il provenait des Affaires Etrangères d'Allemagne, à la fin de l'interminable journée suivant l'annonce des résultats du référendum.

On s'en va maintenant dans un pub irlandais pour se saouler dans les règles. Et dès demain on se remettra au travail pour une meilleure Europe ! Promis !