PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

Bénin : Les complexités de l'adaption au changement climatique

vendredi 18 décembre 2015 à 12:41
Ouando Market, in Porto-Novo, Benin via Babylas CC-BY-SA 30

Le Marché d'Ouando Market, à Porto-Novo, Bénin Photo Babylas CC-BY-SA 30

Quelques jours avant les négociations sur le changement climatique récemment conclues à Paris, la COP 21, c'est une autre conférence sur les inquiétudes environnementales qui s'est tenue au Bénin. Le 2 décembre, des spécialistes se sont réunis dans la plus grande ville du pays, Cotonou, pour discuter des rapports entre développement et changement climatique, lors d'une table-ronde organisée par l'Agence Française pour le Développement.

La même ville avait connu, le 29 novembre, la Marche béninoise pour le Climat, organisée par des mouvements de défense de l'environnement, l'ONG internationale de la société civile Avaaz et le Consulat de Belgique au Bénin.

Les problèmes d'environnement sont plus présents que jamais dans ce pays d'Afrique niché sur le golfe de Guinée, considéré comme un pays non pollueur selon les critères de la COP 21 aux dires de Raphaël Edou, ancien ministre béninois du changement  climatique et actuel conseiller spécial pour l'environnement, présent à la conférence de Cotonou. Alors que le Bénin a émis de faibles niveaux de CO2 au total pendant les dix dernières années, ses émissions n'ont cessé d'augmenter dans les années récentes, selon les Indicateurs mondiaux de développement, et le pays ressent les effets du changement climatique.

Mais s'adapter à un environnement qui change et s'efforcer de stopper ces changements sont plus faciles à dire qu'à faire.

‘Le climat, quelle opportunité pour le développement ?

Le thème de la conférence de Cotonou, tenue à l'Institut Français du Bénin, était : “Le changement climatique peut-il représenter une véritable opportunité pour le développement ? Et au bénéfice de qui ?”

Les débats étaient centrés sur la possibilité ou non pour l'humanité de s'adapter à la réalité nouvelle du changement climatique et d'en tirer avantage. Au Bénin, cette adaptation — que d'autres diraient une contrainte — se voit dans les tentatives de certains Béninois de rendre productifs au moyen de pesticides des sols abîmés. Le Bénin n'est en fait pas capable de satisfaire ses besoins alimentaires par ses propres moyens, comme le montrent les chiffres collectés par la FAO. Les agriculteurs préfèrent utiliser des pesticides pour maximiser leurs récoltes, au détriment de l'environnement et de la santé publique. Un usage massif de pesticides qui ignore la mobilisation des mouvements agro-écologiques pour sensibiliser aux dangers de leur utilisation.

Conference on Climate Change in Cotonou, Benin - via the author with her permission

Conférence sur le chagement climatique à Cotonou, Bénin. Photo Chiara Ronca, avec sa permission.

Lors de la conférence, Raphaël Edou a argumenté que l'un des plus gros problèmes au Bénin est la mise en oeuvre de stratégies et projets environnementaux de qualité. Mais sans préciser quel serait l'engagement concret des acteurs politiques et des diverses institutions dans la définition de ces stratégies, ni dire si l'impulsion serait donnée par les administrations, le secteur privé ou la société civile.

Comment amener les Béninois à surveiller leur pollution individuelle si leur première priorité est d'essayer de s'extraire de la pauvreté ? Telle était la question mise en avant par la représentante de l'Unicef au Bénin, Anne Vincent.

Le Bénin est l'un des pays les plus pauvres du monde : en 2013, l'ONU classait le Bénin 165ème sur 187 de l’Index de Développement Humain. D'où l'extrême difficulté de pousser les gens à modifier leur comportement. L'ONG Pro-environnement au Bénin est un exemple d'organisation qui travaille à la sensibilisation et au plaidoyer sur l'environnement.

Les effets du changement climatique au Bénin

Le Bénin, qui s'étire de l'Océan Atlantique jusqu'au parc de Pendjari à la frontière avec le Burkina Faso au nord, affronte plusieurs défis climatiques. Les orages violents de plus en plus fréquents ont accru le volume annuel des précipitations. Des averses diluviennes pendant des heures inondent les rues dans la plupart des zones urbaines. La situation empire dans les campagnes : pendant la saison des pluies, la production agricole baisse, car la pluie intense détruit souvent les récoltes, tandis que les voies de communications sont coupées et que les paysans ont du mal à se rendre aux marchés pour vendre leurs produits.

Benin 1

Ordures au Bénin. Photo Chiara Ronca, avec sa permission.

Outre la fréquence des événements météorologiques extrêmes, de nombreux spécialistes — parmi lesquels Yves Du Penhoat, chercheur à l'Institut [français] de Recherche pour le Développement, présent à la conférence de Cotonou — font état de la remontée constante depuis quelques années du niveau des mers. Pour un pays dont les principales villes, Porto Novo et Cotonou, sont situées près de la lagune ou sur la côte, le potentiel de scénarions-catastrophe n'est pas négligeable.

S'ajoute à cela l'accumulation des ordures dans le pays. A peine croit-on y être habitué que le regard ne peut manquer d'être impressionné par l'omniprésence d'une multitude de sacs plastiques, même le long des bords de mer les plus magnifiques, et en particulier, sur la panoramique et de toute beauté Route de Pêche .

‘Penser mondial, agir local

Le Bénin a envoyé une délégation de 100 personnes participer à la COP 21 de Paris. “Penser mondial, agir local”, tel était son message essentiel. L'idée est que la société civile ne peut seule agir localement sans l'implication de l'ensemble des acteurs nationaux, en particulier des institutions politiques.

L'amélioration des conditions de vie de la population facilitera la prise à bras-le-corps des problèmes environnementaux et sanitaires à venir. C'est un processus de longue haleine qui requiert un peu plus que de seules bonnes intentions et des slogans. Il y faut un engagement politique sur le long terme.

L'Indonésie en deuil de Benedict Anderson, l'historien qui a révélé les purges anti communistes de 1965

vendredi 18 décembre 2015 à 07:12
Benedict Anderson delivering a lecture in Indonesia. Photo from ‏@BSL_Forum

Benedict Anderson donnant une conférence en  Indonésie. Photo  ‏@BSL_Forum.

Le professeur Benedict Anderson, auteur de “L'imaginaire national : réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme” et professeur expert de l'Asie du sud-est auprès de l'université Cornell, est décédé le 12 décembre 2015, dans la ville de Malang à Java-Est.

Benedict Anderson  est surtout connu pour son livre, “L'imaginaire national”, sur la naissance du nationalisme et son influence sur l'histoire du monde. Moins connues, mais très respectées, sont ses recherches sur la culture indonésienne et son histoire.

En Indonésie, Anderson est célèbre en tant que co-auteur d'un essai qui contestait la version du gouvernement indonésien sur les massacres de 1965. Cette étude datant de 1971, publiée par l'université Cornell, était titrée “Une analyse préliminaire du coup d'Etat du 1 octobre  1965 en Indonésie”. Elle contredisait les raisons données par le président Suharto et son régime du “Nouvel ordre” pour expliquer la purge anti-communiste massive qui a eu lieu entre 1965 et 1966. Suharto accusait les communistes d'avoir organisé un coup d'Etat qui avait échoué, ce qui avait obligé l'armée, selon ses dires, à agir en représailles. La purge a couté la vie à au moins un demi million de personnes, la majorité était soupçonnée de sympathie pour le communisme.

Cet article de 1971 a empêché Anderson de revenir en Indonésie pendant  26 ans. Il y est revenu en 1998, à la chute du régime Suharto.

Dans un interview récent donné au magazine “Loka Magazine” (Magazine du monde), Anderson parlait de son autobiographie à paraitre, de ses observations sur les jeunes Indonésiens et sur la recherche sur l'Indonésie.

L'écrivain indonésien Goenawan Mohamad a écrit une nécrologie, “Mas Ben” (Frère Ben), qui rend hommage à la passion, à l'engagement et l'empathie de l'historien pour l'Indonésie et ses luttes en tant que nation.

Grâce à ses travaux abondants et fouillés sur l'Indonésie, Anderson a inspiré plusieurs générations de chercheurs qui le révèrent et le surnomment “Pak Ben” (Monsieur, ou père). Certains de ses anciens collègues partagént de longs hommages passionnés sur Facebook.

Sandra Hamid, par exemple, rappelle l'une des récentes conférences d'Anderson sur l'Indonésie :

RIP Ben Anderson. L'un de ses derniers messages de la conférence à l'université de l'Indonésie qu'il avait donnée juste jeudi dernier : vous pouvez être nationalistes ET avoir honte pour votre pays.

Merci, Pak Ben.

Indonésie, écoute ! USA, écoute ! Australie, écoute !

Senyap  Jagal écrit sur l'héritage laissé par Anderson en rappelant les controverses sur  une page de l'histoire récente de l'Indonésie :

Dari Ben Anderson kita belajar untuk meragukan kebenaran sejarah versi Orde Baru. Dari makalah lain yang berjudul “How Did The Generals Die”, dengan menelaah dokumen otopsi, kita diajak mengenali adanya propaganda hitam mengenai penyiksaan para perwira tinggi Angkatan Darat di Lubang Buaya dan mengenali bahwa penyiksaan itu sesungguhnya tidak pernah terjadi. Terima kasih dan selamat jalan, Ben.

Grâce à  Ben Anderson, nous avons appris à remettre en question la version de l'Histoire donnée par le ‘Nouvel ordre’ du président Suharto. Grâce à Ben, nous avons appris que des haut gradés de l'armée n'avaient jamais été torturés par les communistes. Merci, et au revoir, Ben.

Sur Twitter, ceux qui en porte le deuil utilisent le hashtag #RIPBenAnderson:

Mes condoléances pour la disparition de l'expert de l'Indonésie Ben Anderson. ‘Imagined Communities’ est un livre incontournable pour la nouvelle génération.

Nous pouvons être d'accord ou non sur ses conclusions, mais ses  recherches et ses arguments ont toujours réussi à toucher notre coeur et nos esprits. Merci !

Sa dernière conférence à l'université d'Indonésie le 10 décembre 2015.

RIP Ben Anderson, puissiez vous reposer dans votre patrie bien aimée, merci de votre travail.

La ville de Sibérie qui voudrait élire un chat à la mairie

mercredi 16 décembre 2015 à 12:36
Image edited by Kevin Rothrock.

Montage photographique de Kevin Rothrock.

Barnaoul, une ville ancienne de Sibérie Occidentale située à 2.900 kilomètres à l'est de Moscou, compte près de 700.000 habitants. Cela fait cinq ans que ces derniers n'ont plus élu leur maire. A mesure que la politique municipale leur échappe, les citoyens ordinaires commencent à donner des signes de mécontentement. C'est ainsi qu'une communauté Internet soutient la candidature d'un chat domestique au poste de maire.

Pendant la plus grande partie des cinq années passées, le “directeur municipal” de Barnaoul s'appelait Igor Savintsev. Il a rendu son tablier en août, lorsque des enquêteurs locaux l’ont mis en examen pour abus de pouvoir. (Savintsev est accusé d'avoir bradé des terrains municipaux à des entreprises appartenant à sa famille, causant un préjudice à son administration évalué à 155.000 dollars.) Savintsev était le premier maire post-soviétique nommé de Barnaoul et non pas élu par la population.

Le fils de Savintsev, Maxim, est tout aussi peu recommandable. L'an dernier, il a été inscrit sur la liste internationale des personnes recherchées lorsqu'il a fui le pays sous le coup d'accusations d'escroquerie et de malversations. Après avoir échappé à la police pendant six mois, Maxim a été finalement appréhendé en Thaïlande. Il passe maintenant ses jours dans une prison russe, dans l'attente de son procès.

Le fauteuil d'Igor Savintsev (provisoirement occupé par un directeur municipal suppléant) est disputé par une poignée de foncationnaire et hommes d'affaires locaux. Le 22 décembre, une commission, contrôlée par le conseil municipal et le gouverneur de l'Altaï Alexander Karline, choisira le prochain maire de Barnaoul, qui occupera ses fonctions jusqu'en 2017.

C'est là qu'entre en scène la communauté Altaï Online sur Vkontakte (le réseau social le plus populaire en Russie). Le 6 décembre, quelque trois semaines après l'enregistrement officiel de tous les candidats dans la course à la mairie, Altaï Online a annoncé sa propre compétition, invitant ses membres à choisir entre sept différents concurrents : les six hommes réellement enregistrés comme candidats, plus Barsik, le chat de l'administrateur du groupe. Une semaine plus tard, Barsik obtenait quasi 4.500 votes (91,2 % des suffrages exprimés).

"Who would you like to see as Barnaul's new city manager?" Screencap: Vkontakte

“Qui voudriez-vous avoir comme nouveau directeur municipal de Barnaoul ?” Capture d'écran : Vkontakte

L'élection virtuelle d'Altaï Online a fait les grands titres des médias russes, pour qui la candidature de Barsik n'est autre qu'un substitut du vote “contre tous” [prévu par le code électoral]. Le site web d'informations Gazeta.ru a consacré un article de 1.000 mots à Barsik, avec des commentataires jubilatoires de responsables régionaux sur les partis politiques russes “systémiques” (les groupes qui obtiennent régulièrement des sièges au parlement fédéral, et, au moins en surface, jouent un rôle dans l'élaboration nationale des lois). Par exemple, une personnalité de Russie Juste a déclaré à Gazeta.ru que “Le problème n'est pas au niveau des candidats. C'est une protestation contre notre système de nomination aux postes publics. L'actuel conseil municipal n'a pas présenté les moindres excuses aux  administrés pour [méfaits] du dernier directeur municipal”. Tandis qu'un représentant du Parti Communiste, qui ne propose pas de candidat à Barnaoul, estimait que “les votes en faveur d'un chat montrent que les habitants de cette ville entendent montrer leurs griffes”.

"Who? A cat!" (In Russian, these words are spelled very similarly.) Screencap: Vkontakte.

(Image photoshoppée) “Qui ? Un chat ” (En russe, les deux mots sont presque pareils) Capture d'écran : Vkontakte.

Quant au gouverneur de l'Altaï, Alexander Karline, il s’est empressé de souhaiter une bizarre bienvenue à la mascotte de Barnaoul en déclarant aux journalistes que “à travers l'image craquante de Barsik, nos habitants expriment leurs voeux au futur dirigeant de notre ville. Chez nous, ce brave animal est associé au bien-être et au réconfort.”

L'administrateur de la communauté Altaï Online s'est donné pour pseudo “Altaïskii Seyatel” (Paysan de l'Altaï). RuNet Echo lui a demandé ce qu'il pensait de toute cette attention de l'establishment russe pour son chat, et de l'enthousiasme des partis d'opposition pour l'attaque par Barsik contre la routine. “Barsik le Chat doit son succès au fait que personne dans cette ville ne sait qui sont les autres candidats”, a expliqué Paysan de l'Altaï. “On ne connaît pas leurs programmes, leurs raisons de se présenter, leurs projets pour la ville. On se demande pourquoi l'opposition se réjouit ainsi, alors qu'elle n'a même pas été capable d'avancer un candidat connu et compris de électeurs”.

Embarrassante pour les hommes qui veulent en ce moment conquérir la mairie de Barnaoul, la candidature de Barsik ne semble pas pousser sur le même terreau que le mouvement d'opposition que connaissent la plupart des étrangers par ce qu'ils lisent sur la contestation en Russie. Paysan de l'Altaï a pris garde de ne pas critiquer directement la classe politique, et a dit à Gazeta.ru que Barsik est loin d'être un opposant. Plus révélateur encore, il a aussi dit que Barsik aime le Front populaire de Toute la Russie—un mouvement politique lancé par Vladimir Poutine en 2011, dans l'intention de se créer des réserves de soutien en-dehors de Russie Unie, le parti politique aux commandes du pays.

Paysan de l'Altaï a dit à RuNet Echo son espoir que Barsik aide à donner une notoriété à la ville, comme celle au “maire du peuple” ou à en faire une attraction touristique. “Barsik fait déjà partie de l'establishment politique régional”, déclare son maître, “et il n'entend pas renoncer à ses ambitions politiques”.

Les Islandais délaisseront-ils un jour leur langue au profit de l'anglais?

mercredi 16 décembre 2015 à 10:28

 

A mini Icelandic language lesson on the back of Icelandair's headrest. Photo by Flickr user jayneandd. CC BY 2.0

Une mini-leçon d'islandais affichée au dos d'un siège dans un avion d'Icelandair. Photo de l'utilisateur jayneandd de Flickr. Licence Creative Commons Atribuir 2.0 [“Ast” est le nom qui désigne l'amour en islandais. Mais le verbe est différent. Attention à ne pas dire “Þú ást mig” qui signifie “Tu m'as mangé”. Il faut plutôt utiliser le verbe “elska”.]

L'article suivant et le reportage radiophonique de Patrick Cox pour The World in Words, ont été initialement publiés sur PRI.org le 3 juin 2015, et sont reproduits ici dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Jón Gnarr est mieux connu comme l'humoriste élu maire de Reykjavik.

Listen to this story on PRI.org »

C'est aussi un amoureux de la langue islandaise. Et il craint pour le futur de celle-ci.

“Je pense que l'islandais va disparaître,” dit Gnarr. “L'anglais deviendra certainement notre langue d'ici la fin du siècle. Je crois que c'est inévitable.”

Ce n'est pas une idée aberrante. Certains linguistes pensent qu'il existe une réelle possibilité que l'islandais soit supplanté par l'anglais. Parmi eux, Ari Páll Kristinsson, responsable de la politique linguistique à l'Institut Árni Magnússon, l'agence de recherche linguistique du gouvernement islandais.

“Maintenant l'anglais est partout, dès qu'on ouvre les yeux jusqu'à la tombe”, dit Kristinsson.

Et c'est littéralement ce qu'il veut dire. Les naissances sont assistées par des appareils médicaux dont les instructions sont en anglais, le personnel hospitalier doit donc savoir lire l'anglais. De la même manière, aux funérailles, dit Kristinsson, la famille et les amis se souviennent de l'être cher avec des chansons en anglais.

Pour toute communauté linguistique, il est dramatique d'assister à la marginalisation de sa propre langue maternelle. Pour les Islandais, cela est particulièrement préoccupant.

Pour preuve, l'enquête élaborée par Zuzana Stankovitsova, une Slovaque étudiant l'islandais depuis plusieurs années à Reykjavik. Selon elle, les Islandais avaient des sentiments particulièrement intenses par rapport à leur langue. Pour le démontrer, elle a demandé à des Slovaques et des Islandais ce qui faisait d'eux des slovaques ou des islandais.

La plupart des Slovaques a répondu “je suis slovaque parce que mes parents sont slovaques”, ou bien “je suis slovaque parce que je suis né en Slovaquie”.

Les Islandais ont répondu différemment. Généralement, ils disaient quelque chose comme “je suis islandais parce que je parle islandais”.

Terre, nation et langue

La majorité des adultes islandais se souvient d'avoir chanté à l'école une chanson appelée “Terre, nation et langue”. Elle est basée sur un poème de Snorri Hjartarson écrit en 1952, quand l'Islande était un pays tout neuf.

“Terre, nation et langue étaient une Trinité – non pas la Sainte Trinité mais elles s'en approchaient”, dit Kristinsson. Il raconte que cette idée patriotique lui a été inculquée alors qu'il était enfant.

“Si nous perdions la langue islandaise, il n'y aurait plus de nation islandaise”, dit Kristinsson. “Et s'il n'y avait plus de nation islandaise, nous pourrions dire adieu à la souveraineté islandaise”.

L'Islande n'est devenue complètement indépendante du Danemark que récemment, pendant la Deuxième Guerre Mondiale. La “Trinité” trouve alors sa place mais presque aussitôt, un événement vient bouleverser la langue bien qu'à cette époque, cela passe inaperçu. Cet événement, c'est l'occupation de l'Islande par 40 000 soldats américains pendant la seconde guerre mondiale. Les militaires nord-américains ne se retirent totalement qu'en 2006.

La majorité des Islandais parle alors anglais de façon fluide, en plus de sa langue maternelle.

S'en sont ensuivi l'urbanisation, les voyages en avion, la télévision par satellite et internet. Tous les pays en ont été transformés mais l'Islande encore plus et encore plus rapidement. L'isolement qui avait tant contribué à préserver la langue appartenait désormais au passé.

“Quand j'étais petit, très peu de gens parlaient anglais”, raconte Gnarr. “Avec ma génération, comprendre l'anglais est devenu un besoin à cause de la télévision et la musique”.

Les enfants de Gnarr parlent beaucoup mieux anglais que lui. Ils ont des amis dans le monde entiers avec lesquels ils communiquent grâce aux réseaux sociaux.

“Mais ils ne parlent pas aussi bien islandais que moi”, dit Gnarr. “C'est un changement radical en très peu de temps”.

Les puristes de la langue – et il y en a beaucoup en Islande – croient que le mieux à faire pour protéger l'islandais serait de refuser les anglicismes et de conserver sa grammaire archaïque et compliquée. Après tout, c'est ce qui fait la particularité de cette langue (plus d'informations sur les essais de modernisation de l'islandais par la réhabilitation de mots anciens). Si elle finit par ressembler à d'autres langues, alors les gens n'auront plus envie de la valoriser. Voilà l'idée.

“Je crois que les gens, surtout les plus âgés, sont très sceptiques quant à l'utilisation de l'anglais”, dit Larissa Kyzer, une Américaine qui vit à Reykjavik et étudie l'islandais.

Kyzer a remarqué l'effort considérable mené pour que les Islandais soient fiers de leur langue. “Dans le programme d'activités extrascolaires où je travaille, les murs sont couverts d'affiches affirmant que : ‘L'islandais est notre langue maternelle'”, déclare-t-elle. “J'ai eu une professeure qui permettait à ses élèves de dire des gros mots, pourvu que ce soit en islandais”.

Quel futur pour la langue islandaise?

Il y a plusieurs possibilités quant à l'avenir de l'islandais. En voici deux :

La première s'appuie sur l'admiration que portent les Islandais à la narration, des Sagas des Islandais jusqu'à l'extraordinaire quantité d'écrivains actuels. Certains linguistes pensent que le moment charnière – celui où la langue islandaise abandonnera le cœur des Islandais – arrivera quand les poètes et les romanciers du pays arrêteront d'écrire en islandais. Sverrir Norland en sait quelque chose.

Afin d'améliorer son écriture, le jeune islandais a quitté son pays pour assister à un cours d'écriture créative à Londres.

“Pour des raisons évidentes, j'ai dû écrire en anglais”,  raconte Norland.

Au début cela sonnait faux mais ensuite c'est devenu libérateur, ce qui lui a rappelé une citation attribuée  Bjork.

“Elle a dit quelque chose comme: ‘quand j'ai chanté en anglais pour la première fois, j'avais l'impression de mentir'”, dit Norland. “D'un côté c'est terrible et de l'autre c'est libérateur. On peut être qui on veut”.

On peut même faire semblant de ne pas être islandais.

Norland n'en est pas arrivé là. D'ailleurs, il écrit actuellement de nouveau en islandais. Mais écrira-t-il encore une fiction en anglais? Ce n'est pas impossible, affirme-t-il.

C'était donc la première possibilité : que certains écrivains adoptent l'anglais, envoyant ainsi un message fort à leurs lecteurs islandais.

Voici une seconde possibilité plus prometteuse : l'immigration pourrait stimuler l'islandais.

À Fluðir, un petit village où l'on arrive de Reykjavik en traversant les montagnes, Azeb Kahssay est copropriétaire de Minilik, un restaurant éthiopien. Sa langue maternelle est l'amharique. Elle vit en Islande depuis 7 ans et elle affirme qu'elle a appris l'islandais très vite.

Les islandais admirent les immigrés qui, comme Kahssay, réussissent à dominer complètement l'islandais. Mais en même temps, les conservateurs craignent que des locuteurs non natifs puissent altérer la langue. D'autres pensent que les immigrés pourraient les sauver. “Je suis impatiente de voir le jour où les immigrés commenceront à écrire de la littérature dans leur propre version de l'islandais, créant ainsi des mots nouveaux”, dit la romancière Auður Ava Ólafsdóttir. “C'est comme ça que doit être la langue : créative, inventive, vivante, comme la langue de nos sagas”, dit Ólafsdóttir, qui parle fluidement plusieurs langues, mais elle affirme qu'elle ne pourrait écrire que dans sa langue maternelle. “Je crois que le monde a besoin d'histoires racontées en islandais”, et c'est exactement ce que fait Ólafsdóttir. Deux de ses romans on été traduits en anglais. L'un d'eux, “Butterflies in November“, [L'Embellie] est une histoire tragicomique et pas du tout sentimentale qui parodie le roman héroïque. On y retrouve l'influence des sagas.

Sverrir Norland, l'auteur qui écrivait en anglais mais qui est revenu à l'islandais, pense que l'identité islandaise va de pair avec la lecture et l'écriture de la langue.

“Si je raconte l'histoire en islandais, je pense aux lecteurs islandais et je suppose qu'ils partagent une expérience et des connaissances similaires sur ce que je leur raconte”, dit Norland. “Mais si j'écris en anglais à propos des Islandais, il faut que j'explique toutes sortes de choses et le résultat sera très différent”.

Le podcast The World in Words se trouve sur Facebook et sur iTunes.

National Endowment for the HumanitiesAvec le soutien du National Endowment for the Humanities

L'art urbain de Kiev sur une carte interactive, presqu'en temps réel

mardi 15 décembre 2015 à 18:19
This recent mural by Ukrainian street art collective Interesni Kazki can also be found on the interactive map. Image from ilgorgo.com, CC-BY 3.0.

Cette fresque récente du collectif ukrainien de street art Interesni Kazki est aussi visible sur la carte interactive. Photode ilgorgo.com, CC-BY 3.0.

Street art et fresques murales deviennent de plus en plus populaires en Ukraine : chaque semaine, dans une ville ou une autre, un nouveau mur se pare du produit de l'esprit créatif d'un artiste. Un habitant de Kiev tente de faciliter la vie des chasseurs d'art en quête de nouvelles oeuvres apparaissant dans les rues de la capitale.

Sergii Gryshkevych a créé une carte en ligne de toutes les fresques murales qui sont apparues dans la ville ces deux dernières années. La carte interactive compte déjà plus de 30 oeuvres localisées, la plupart en centre-ville.

The online mural map shows a dense concentration of art in the city center. Image from kyivmural.com.

La carte en ligne des peintures murales montre une forte concentration d'oeuvres dans le centre de la ville. Image : kyivmural.com.

Chaque point sur la carte montre la localisation assez précise de la fresque et est accompagné d'une photo qui apparaît d'un simple clic de l'utilisateur.

This striking mural with ravens is on Reytarska street—close to a semi-secret yard where a few actual ravens live in a large cage. Image from kyivmural.com

Cette fresque impressionnante aux corbeaux se trouve rue Reytarska—proche d'une cour discrète où quelques vrais corbeaux vivent dans une volière. Photo kyivmural.com

Le site web du créateur voit le caractère positif du développement des oeuvres murales pour Kiev, et note que la nouvelle tendance (et la disponibilité de murs vierges autorisés à servir de toile) a incité plusieurs artistes internationaux à ajouter leur travail au registre.

Протягом 2014–2015 художники з України, Іспанії, Аргентини, Австралії, Німеччини, Британії та Португалії прикрасили муралами більше тридцяти будинків та цей тренд продовжується. Мурали вже стали справжньою прикрасою Києва та мають всі шанси стати його новою візитною карткою.

En 2014-2015, des artistes provenant d'Ukraine, d'Espagne, d'Argentine, d'Australie, d'Allemagne, de Grande-Bretagne et du Portugal ont décoré plus de 30 maisons avec des peintures murales – et la tendance continue. Les fresques sont d'ores et déjà de véritables joyaux de Kiev et ont toutes leur chances de devenir une attraction majeure..

Gryshkevych pense ajouter de nouvelles oeuvres à la carte dans un futur proche et demande aux internautes de l'avertir de travaux en cours de réalisation ou de lui envoyer des photos d'oeuvres achevées.

This handsome gentleman was finished on a wall near Kontraktova square in historic Podil just a few weeks ago. Image from kyivmural.com

Ce bel homme a été terminé sur un mur près de la place Kontraktova dans le district historique de Podil il y a seulement quelques semaines. Photo kyivmural.com