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Maasaï de science-fiction et Star Wars version africaine

mardi 17 mai 2016 à 23:22
Jepchumba, the creator of African Digital Art. Image from her Twitter account (@digitalafrican).

Jepchumba, créatrice de African Digital Art. Photographie de son compte Twitter (@digitalafrican).

[Tous les liens renvoient vers des pages en anglais.]

African Digital Art est un site internet qui célèbre l'art, le design et la technologie africains :

Created and developed by Jepchumba, the platform covers a wide range of artistic production from audio/visual production, animation, interactive projects, web, film, graphic art and design. Our focus is on artistic work or practices that utilize digital technology as an essential part of the creative, presentation or distribution process.

Créée et développée par Jepchumba, la plate-forme couvre un large éventail de création artistique : production audio et vidéo, animation, projets interactifs, internet, films, graphisme et design. Nous nous concentrons sur des oeuvres et des pratiques artistiques qui utilisent la technologie numérique comme un élément essentiel du processus de création, de présentation ou de diffusion.

Jepchumba est une artiste qui combine ainsi ses deux passions, l'art numérique et l'Afrique.

Originally from Kenya, she has lived around the world developing her interest in philosophy, art and technology. An African digital artist, Jepchumba loves experimenting with motion, sound and various digital effects and techniques and has an extensive background in digital art, web design and development, audio/visual production and social media strategies.

Originaire du Kénya, elle a vécu partout dans le monde et a développé son intérêt pour la philosophie, l'art et la technologie. En tant qu'artiste numérique africaine, Jepchumba aime expérimenter avec le mouvement, le son et autres effets et techniques numériques, et a une expérience considérable dans l'art et le design numériques, la production audio et vidéo et les stratégies de médias sociaux.

Quelques oeuvres d'art numérique africaines sont présentées dans cet article.

Le guerrier maasaï de science-fiction

Cette oeuvre a été conçue par Rodrigo Galdino, concepteur automobile pour le VW Design Center en Californie.

Il décrit sa pensée derrière cette création :

What if after an human annihilation by a lethal virus brought by aliens, the only survivors were the beautiful and strong Maasai people? What if they learned the technology left behind by [the aliens] after their evacuation, and merged into their culture, without loosing their identity and beliefs? How would it look like? All of it inside the Star Wars universe/ design language.

Et si, après l'annihilation des êtres humains par un virus apporté par des extra-terrestres, les seuls survivants étaient le peuple, beau et fort, des Maasaï ? Et s'ils avaient appris la technologie laissée derrière eux [par les extra-terrestres] après leur évacuation, l'avaient intégrée dans leur culture sans perdre leur identité et leurs croyances ? À quoi ressembleraient-ils ? Tout cela, dans l'univers et le language visuel de Star Wars.

Beyond Reach [Hors de portée]

Kendario La’Pierre expérimente avec les techniques numériques, du collage numérique à la photographie et l'animation. L'oeuvre ci-dessous est intitulée Beyond Reach [Hors de portée, NdT] :

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Star Wars version africaine

L'artiste 3D Evgueni Rusolovski tire son inspiration de l'Afrique pour ré-imaginer Star Wars en personnages africains en 3D :

Nobody knows, was he born from sand melted with sunrays, or made an appearance where the sun have the other name. When he appeared, he gave people the chance to understand the language of birds and animals, to hear the whisper of wind and the song of the water. He brought the knowledge.
Nowadays he is God, statuesque idol from wood, bone and iron. He rests, tranquil and quiescent. Awaits when you will strain ears.

Personne ne sait s'il est né du sable fondu par les rayons du soleil, ou s'il est apparu là où le soleil porte un autre nom. Quand il est apparu, il a donné aux hommes l'occasion de comprendre le langage des oiseaux et les animaux, d'entendre le murmure du vent et la chanson de l'eau. Il a apporté la connaissance.
Aujourd'hui il est Dieu, idole statuesque de bois, d'os et de fer. Il se repose, calme. Il attend que vous tendiez l'oreille.

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Peindre l'invisible

Daniela Yohannes est une artiste érythréenne et éthiopienne basée à Paris et qui combine les techniques de peinture, collage et d'illustration pour explorer l'invisible :

My work explores themes of new myth, the dream world, the supernatural and the cosmos. I’m inquiring into the unknown, making the characters in my paintings confront the void, and enter it. I rely on my intuition and dreams as a direct source of storytelling.

My paintings allow me to explore fictional narratives, enabling me to remove all concrete limitation and boundaries. I paint characters that are facets of myself, but not earthbound. In this way I truly liberate myself from social constructs. I am drawn to the threshold between life and death and my paintings often project this great duality.

Mon travail explore les thèmes du nouveau mythe, du monde onirique, du surnaturel et du cosmos. J'enquête sur l'inconnu, créant des personages dans mes peintures qui se confrontent au vide et y pénètrent. Je me fie à mon intuition et à mes rêves comme source directe de narration.

Mes peintures me permettent d'explorer les récits de fiction, et de supprimer toutes les limites et frontières concrètes. Je peins des personnages qui sont des facettes de moi-même, mais pas terrestres. De cette façon, je me libère véritablement des constructions sociales. Je suis attirée par le seuil entre la vie et la mort, et mes peintures projettent souvent cette fantastique dualité.

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Black Sage

BlackSage: The Rising [le Sage noir : l'Éveil, NdT] est une bande dessinée créée par Sola Adebayo et écrite par Bill Bidiaque sur le thème de la corruption au Nigéria :

Black Sage hunts down corrupt citizens of Nigeria and offers them the opportunity to make things right. When they don’t, he delivers judgement-day to them on earth. The world of Black Sage is one of justice and immediate judgement. There are no second chances with him.

Finally, Justice has arrived
He’s been long awaited
and he’s got a plan to liberate Nigeria.
Support Black Sage as he tackles
the electric power situation in our nation

Le Sage noir traque les citoyens nigériens corrompus et leur offre une chance de réparer leurs erreurs. S'ils ne s'y plient pas, il délivre alors un jugement façon “jugement dernier”. Le monde du Sage noir est un monde de justice et de jugement immédiat. Il n'y a pas de seconde chance avec lui.

Enfin, le Juge est arrivé
Il a été longtemps attendu
Et il a un plan pour libérer le Nigéria.
Encouragez le Sage noir alors qu'il s'attaque
À la situation de l'électricité dans notre nation.

Illustrations de Terence Maluleke

Terence ‘Tako’ Maluleke est un illustrateur, créateur d'animations et artiste numérique d'Afrique du Sud :

I absolutely love digital art, it allows you to do things that would be impossible in traditional work. Programs like Photoshop and Autodesk Sketchbook have a layering system that make drawing super convenient, not to mention the ‘undo’ button – I’d be nothing without (Crtl Z). Digital art is big part of my life. My mood is most determined by the last thing I drew, if my last drawing was good I will be happy for the rest of the day and if it was a bad drawing, well, then talk to me at you own risk.

J'adore l'art numérique, ça vous permet de faire des choses qui seraient impossibles traditionnellement. Des logiciels comme Photoshop et Autodesk Sketchbook ont un système de couches qui rendent le dessin super facile, sans même parler du bouton “Annuler” – je ne pourrais rien faire sans (Ctrl-Z). L'art numérique a une place importante dans ma vie. Le plus souvent mon humeur est décidée par la dernière chose que j'ai dessinée. Si mon dernier dessin est bon ,je serai content pour le reste de la journéee, mais s'il était mauvais, hé bien, vous m'adressez la parole à vos risques et périls.

african digital

Visitez le site internet de l’African Digital Art pour voir encore plus d'oeuvres.

Cinq choses à savoir sur les millions de poissons morts échoués sur les côtes vietnamiennes

mardi 17 mai 2016 à 21:52
Screenshot of dead fish in Ha Tinh in central Vietnam. Source: Người Việt Online / Youtube

Capture d'écran de poissons morts à Hà Tĩnh dans le centre du Vietnam. Source: Người Việt Online / Youtube

Ce post est une version remaniée de l’article de Quyên Ngô paru sur Loa, un site web d'information indépendant qui diffuse des reportages sur le Vietnam en podcast, et il est reproduit sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Au Vietnam, des millions de poissons morts ont envahi les informations. Toutes les révélations, les spéculations et l'indignation autour des événements actuels sur la côte centrale peuvent devenir écrasantes, et nous allons donc les organiser en cinq points-clé.

1. Les raisons ne sont pas connues, mais les soupçons nombreux

Début avril, des pêcheurs locaux ont peu à peu vu des masses de poissons morts recouvrir les plages de la province de Hà Tĩnh. Puis, ces observations se sont multipliées et les médias estiment maintenant que plus de 70 tonnes de poissons morts ont été rejetées sur les côtes de quatre provinces du centre du pays. Des restes de vie marine comme des coquilles de palourdes et même, à l'occasion, des carcasses de baleine, sont dispersés sur 200 km de plages.

Les autorités n'ont à ce jour pas fourni d'explications sur le sujet, mais cela n'a pas mis fin aux spéculations. Journalistes citoyens, scientifiques et ceux qui sont les plus touchés — les pêcheurs et leur famille — se sont unis dans de nombreuses démarches afin de découvrir la vérité. Même les médias d'Etat interpellent sévèrement le gouvernement.

Des voix s'élèvent contre la Corporation sidérurgique Formosa de Hà Tĩnh, qui est accusée de rejets d'eaux usées polluées dans l'océan.

La crise fait surgir au premier plan les inquiétudes concernant la dégradation de l'environnement, la sécurité alimentaire et la législation commerciale complaisante ou inappliquée. Ceux qui dépendent de la mer et des poissons pour gagner leur vie sont les premiers touchés par cette catastrophe écologique.

2. Formosa n'est pas étrangère à la pollution de l'environnement

Même si le lien n'est pas définitivement établi entre les eaux usées de Formosa et les poissons morts, les habitants mettent en évidence de nombreuses preuves indirectes.

D'après le journal Lao Động, le 4 avril un plongeur local a constaté que le conduit d'évacuation des eaux usées de l’aciérie crachait une eau jaune foncée. Deux jours plus tard, les premières vagues de poissons morts ont commencé à s'échouer sur le rivage, et les habitants ont remarqué la présence d'une substance jaune dans l'océan. Dans le courant du mois, le journal Đất Việt a indiqué que des plongeurs qui travaillaient sous contrat avec Formosa avaient fini à l'hôpital après avoir effectué des plongées dans les eaux qui bordent l'aciérie. L'un d'eux est décédé.

Le porte-parole de Formosa Chu Xuân Phàm a dévoilé son jeu lors d'un entretien avec VTC14, lorsque le journaliste lui a fait part du constat dressé par de nombreux pêcheurs locaux : les eaux auparavant poissonneuses s'étaient vidées de toute vie marine depuis l'arrivée du système de traitement des eaux usées. La réponse du porte-parole en a révolté plus d'un.

Many times in life, people have to make a choice: either to catch and sell fish, or to develop the steel industry. We cannot have both.

Très souvent au cours de leur vie, les gens doivent faire un choix : soit attraper et vendre du poisson, soit développer l'industrie sidérurgique. Les deux ne sont pas possibles.

Phàm a été renvoyé quelques jour après cet entretien, alors que, dans l'ensemble du Vietnam, des gens déclaraient : « Tôi chọn cá », ce qui signifie « Je choisis le poisson. »

En 2009, Formosa avait été fustigée par l'association de défense de l'environnement Ethecon pour ses antécédents médiocres en la matière, qui comprenaient le rejet de dangereux produits chimiques dans le fleuve Mississippi, et l'abandon de déchets contenant du mercure dans son port maritime situé au Cambodge.

3. Des citoyens en colère s'organisent sur Internet et en-dehors

Dans cette crise, les réactions des citoyens vont de la frustration face au déficit de responsabilité à une réelle crainte pour leur survie.

Un pêcheur local a descendu en flammes les autorités, déclarant au Saigon Broadcasting Television Network [NdT première chaîne en langue vietnamienne diffusant 24 heures sur 24 et dont le siège se trouve en Californie] que le gouvernement n'accordait aucune valeur à la vie de son propre peuple.

People have died, fish have died. And those of us who are alive are being told to ‘go swim in the water, go eat the fish, it’s fine’. Clearly they don’t look at us as people, but animals. They want us to die with the fish. They look at Formosa as gods. The foreign investment benefits them as a whole and as individuals.

Des gens sont morts, des poissons sont morts. Et l'on dit à ceux d'entre nous qui sont vivants d’ « aller nager dans l'eau, de pêcher du poisson, tout va bien. » Il est évident qu'ils ne nous considèrent pas comme des personnes, mais comme des animaux. Ils veulent que nous mourrions avec les poissons. Ils regardent [les gens de] Formosa comme des dieux. Ils tirent profit des investissements étrangers dans leur ensemble et en tant qu'individus.

Les médias sociaux se sont envolés avec la crise. Une pétition intitulée « Nous le peuple », qui en appelle à une enquête indépendante, a rassemblé plus de 100 000 signatures en 48 heures, juste avant la visite du président états-unien Barack Obama dans le pays. Alors que les initiatives en ligne s'emballaient, les protestations se sont aussi multipliées sur le terrain.

Cela a débuté fin avril dans la région centrale, d'abord à Quảng Bình, puis à Huế. Depuis la semaine dernière, des milliers de personnes manifestent à Sài Gòn et à Hà Nội pour exiger des réponses, de la transparence et une prise de responsabilité.

Deux célèbres anciens prisonniers de conscience, Trương Minh Tam et Chu Mạnh Sơn, ont été arrêtés alors qu'ils tentaient de rendre compte de la crise. Tous deux ont été relâchés.

Le 6 et le 7 mai, des citoyens sont descendus de nouveau dans la rue pour protester. Le 8 mai, des manifestations à Hà Nội et Sài Gòn ont été dispersées en l'espace d'une heure. Un grand nombre de manifestants pacifiques ont été embarqués dans des fourgons de police et envoyés dans des centres de détention. D'autres ont été séparés de force, aspergés de gaz lacrymogène et battus.

4. Le gouvernement vietnamien n'apporte aucune réponse

Le ministre de l'Environnement Trần Hồng Hà a déclaré que le conduit d'évacuation des eaux usées ne respectait pas la réglementation en vigueur après que des représentants de l'Etat ont analysé des échantillons d'eau autour du site, mais rien n'a encore été annoncé au niveau national pour en déterminer les causes ou commanditer une enquête indépendante. Hà a aussi présenté ses excuses au nom du ministère de l'Environnement pour sa passivité, mais ses supérieurs comme ses adjoints n'étaient pas sur la même longueur d'onde.

Le secrétaire général Nguyễn Phú Trọng a été la cible de critiques après s'être rendu auprès du conseil d'administration de Formosa à Hà Tĩnh pour faire le point sur les projets en cours sans rencontrer les victimes et sans évoquer publiquement les poissons morts.

Dans le même temps, le sous-ministre de l'Environnement Võ Tuấn Nhân a éludé les questions des médias publics.

5. Les Vietnamiens ont maintenant peur de consommer de la sauce de poisson

Suite au tollé général provoqué par le manque de réponses, le gouvernement a interdit de consommer des poissons morts ou d'en nourrir les animaux dans les provinces centrales, mais de nombreux habitants craignent qu'en l'absence de tout contrôle, les restes ne continuent d'être incorporés dans la sauce de poisson.

Certaines personnes font des stocks, par peur que les futurs lots ne contiennent des traces de substances toxiques. Le diffuseur national VTV rapporte qu'un supermarché Coopmart de Đà Nẵng a écoulé tout son stock de sauce de poisson, de sel, et de poisson en conserve pendant plusieurs jours d’affilée. Le directeur adjoint du supermarché a raconté aux médias d'Etat que les achats de poisson avaient chuté et que les gens achetaient maintenant davantage de volaille.

Pour les citoyens ordinaires, la demande pour ces produits entre en résonance avec leurs inquiétudes concernant la sécurité alimentaire, la santé et le bien-être.

Alors que les tensions dans le pays et l'attention de la communauté internationale s’accroissent, le gouvernement vietnamien fait l'objet d'un examen approfondi quant à la manière dont il a répondu à la population qui lui demandait des comptes, mais aussi dont il a réagi face au tollé général. Et les protestations ne semblent pas devoir s'essouffler.

La mort des poissons est devenue l'affaire de tous au Vietnam.

Ecoutez ce podcast sur la crise des poissons morts [en anglais] :

Colombie : les “graffitours” révèlent l'autre visage de la nouvelle Medellín

lundi 16 mai 2016 à 09:37
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Vue de Medellín et, en premier plan, les fresques de la Comuna 13. Photo de Yoav Litvin, initialement publiée sur Brooklin Street Art et utilisée avec son accord.

Après des décennies de projets menés en vue de réconcilier et transformer la ville, Medellín semble avoir laissé derrière elle son histoire sombre, et être désormais tournée vers la création d'une ville dynamique, entreprenante, unie. De grands projets d’intégration sociale, comme des systèmes de transports [anglais] et des parcs-bibliothèques [des bibliothèques construites dans des espaces verts, lien en anglais], ont changé l'image que renvoie la ville à l'extérieur. Pourtant, bien que ces innovations soient remarquées et primées [espagnol] tant en Colombie qu'ailleurs, elles n'ont aucun impact sur de nombreuses parties de la ville, isolées par frontières invisibles [espagnol], au sein desquelles règnent la peur, l'insécurité et la violence.

Située à l'extrême ouest de la ville, la Comuna 13 [“Commune 13″], les communes étant le nom donné aux divisions administratives de la ville de Medellín] est l'une des communes les plus éloignées du centre-ville, où les problèmes de pauvreté, de marginalisation, de discrimination et d'insécurité sont flagrants et entrainent des violences quotidiennes, visibles ou invisibles, directes ou indirectes. Le “miracle Medellín”, la Comuna 13 en est exclue, et cette situation génère un grand ressentiment.

C'est ce que raconte Kábala, qui est originaire et travaille dans la Comuna 13. Également artiste du graffiti, il organise des interventions artistiques participatives avec les habitants de la commune. Interviewé par les auteurs du blog Bitácora, Urbanismo y Derecho [Urbanisme et droit, en espagnol], Kábala s'exprime sur ce qu'il appelle le “droit à la ville”:

El derecho a la ciudad en la 13 no se da. No tener derecho de ciudad genera una sensación de abandono y condiciones propicias para la represión. Las consecuencias de esto, son miles de protestas, desorden público y social, muertes, atropellos y corrupción.

Dans la 13, [la Comuna 13], le droit à la ville n'existe pas. Ne pas avoir le droit à la ville génère un sentiment d'abandon et des conditions propices à la répression. Les conséquences sont des milliers de protestations, du désordre public et social, des morts, des agressions et de la corruption.

La Comuna 13 a été l'une des communes les plus affectées par la violence entre les guérilleros, les groupes paramilitaires et l'Armée nationale colombienne, qui se sont opposés au cours du conflit armé interne [espagnol] qui a marqué l'histoire du pays durant les cinquante dernières années. Pendant des décennies, l'état a affronté les guérilleros d'extrême gauche, puis des groupes paramilitaires d'extrême droite, les cartels du narcotrafic et des bandes criminelles. Ce conflit est passé par plusieurs étapes, chacune plus intense que la précédente. Une des périodes les plus critiques fut celle des années 80, où différentes parties du conflit finançaient leur lutte par des fonds issus du narcotrafic.

Ainsi, la Comuna 13 a été marquée par de nombreuses opérations militaires. L'une d'elles fut l'Opération Orión, au cours de laquelle les forces armées et paramilitaires travaillèrent ensemble pour attaquer les guérilleros qui se cachaient dans la commune. D'après le magazine Las 2 Orillas [les deux bords] :

Al final de los registros, que se llevaron a cabo sin órdenes judiciales, se contaron 355 detenciones arbitrarias a las que se añadieron, según el balance oficial, 39 civiles heridos, siete desaparecidos y tres policías muertos. 

A la fin des perquisitions, effectuées sans ordonnance judiciaire, on dénombrait 355 personnes détenues de manière arbitraire. A ce bilan il faut ajouter le bilan officiel, qui mentionne 39 civils blessés, sept disparus et trois policiers morts.

Beaucoup furent victimes de disparitions forcées et de violences. La Comuna 13 fut maintenue sous le contrôle des paramilitaires pendant les six années suivantes, entre 1998 et 2004. D'après des dépouilles retrouvées, près de 300 jeunes auraient disparu pendant la période de l'occupation paramilitaire [anglais]. Des témoins disent que les corps des jeunes disparus étaient jetés dans la décharge de Medellín, un terrain qui donne sur la Comuna 13. Néanmoins, jamais aucune enquête officielle n'a été ouverte. 

Des Graffitoures qui racontent l'histoire de la communauté et la violence, pour amorcer une guérison collective

En réaction à la sensation d'invisibilité et d'exclusion de l’État qu'ont les habitants de la Comuna 13, des collectifs comme la Casa Kolacho se mettent en place, se servant des réseaux pour rendre visible la commune et la développer. En embarquant jeunes et femmes de leur communauté, ces initiatives favorisent un esprit convivial et collectif, dans l'espoir de construire un futur plus joyeux et plus sûr. C'est entre autres à travers le graffiti et les fresques que ces initiatives cherchent à raconter les histoires de la communauté. Ils proposent des Graffitoures aux habitants de Medellín et aux étrangers, dans lesquels ils racontent les histoires de la Comuna 13 à travers l'appropriation artistique des espaces. Ces graffitis et fresques sont aujourd'hui des symboles historiques et politiques des violences passées. Quelques uns des murs que l'on voit durant ces tours sont visibles sur cette vidéo :

Le compte Twitter de la Casa Kolacho permet aussi de suivre les expériences des participants :

Construire #CiudadaniaParaLaPaz [Citoyens pour la paix] en partant de la mémoire, de l'art et de la résistance

Pour Kábala, le graffiti permet de mieux connaitre les épisodes de violence du passé et de protéger la mémoire. Dans cette vidéo partagée par Catherine Vieira, Kábala et son collègue El Perro donnent leur version de l'Opération Orión et des violences d'hier et d'aujourd'hui. Ils soulignent le rôle de l'art pour retrouver l'histoire collective, et les différentes manières dont on peut guérir collectivement du passé.

El grafiti en la Comuna 13 está haciendo memoria, está contando una historia; y cuenta que no queremos que esos dirigentes que juegan a la guerra estén otra vez, que tienen la guerra como un negocio, que no podemos caer en esa misma historia. Este graffiti es para eso, para hacer memoria y reconocer lo que paso durante esa época entre el 98 y 2004.

Es [también] decirle a la gente que no somos ajenos a lo que pasa acá, y en nosotros está la tarea de decirles a los jóvenes, a los nuevos líderes, que nos tenemos que pensar esta comuna de otra forma.

Les graffitis de la Commune 13 sont une mémoire, ils racontent une histoire ; ils disent que nous ne voulons plus que nos dirigeants jouent de nouveau à la guerre, qu'ils utilisent la guerre comme un moyen de faire des affaires. Nous ne pouvons pas retomber dans une histoire comme celle là. Le graffiti sert à ça, à être une mémoire, pour que l'on sache et qu'on se souvienne de ce qui s'est passé entre 1998 et 2004.

C'est aussi pour dire aux gens que nous sommes là, et nous avons la tâche de dire aux jeunes et aux nouveaux leaders que nous devons penser cette commune d'une autre manière.

Pourtant, malgré tout, les violences perdurent :

Hoy por hoy la comuna 13 es el lugar en Latinoamérica más militarizado. La violencia aquí sigue, solo se transformó el tipo de violencia. Ya no es una violencia de una guerrilla, de política. Es una violencia de [pandillas], de drogas, de plata, de peleas de territorio. La violencia continúa como continúa la violencia en El Poblado, en Castilla; contra mujeres, contra niños, donde no hay educación. Es una enfermedad social […] Contamos esta historia con mucha tristeza, pero hay que tenerla en la memoria. La memoria jamás se puede perder porque cuando voz perdés la memoria tendés a repetir lo que se hizo.

De nos jours, la Comuna 13 est l'endroit le plus militarisé d'Amérique latine. La violence est toujours de mise ici, seul le type de violence change. Aujourd'hui, ce n'est plus une violence politique, une violence de guérilla. C'est une violence de bandes, de drogue, d'argent, de guerres de territoire. La violence continue tout comme elle continue dans d'autres communes de Medellín, de Poblado à Castilla : elle est dirigée contre les femmes, contre les enfants, partout où il n'y a pas d'éducation. C'est un enfermement social […] Nous racontons cette histoire avec beaucoup de tristesse, mais nous devons nous en rappeler. La mémoire ne doit jamais disparaitre car c'est quand la mémoire se perd que l'histoire tend à se répéter.

 

Pour 300 réfugiés durement éprouvés, un répit trois-étoiles à Athènes

dimanche 15 mai 2016 à 12:30
Ali Jaffari and his wife, Wajiha, and son Shayan, 4, eat dinner in their room while their other son naps. Together they traveled from Afghanistan to Greece, hoping to make their way to Germany. Now they are stuck in Greece. Credit: Jodi Hilton/Pulitzer Center on Crisis Reporting. Used with permission.

Ali Jaffari, son épouse Wajiha et leur fils Shayan, 4 ans, dînent dans leur chambre pendant que leur cadet dort. La famille a voyagé depuis l'Afghanistan jusqu'en Grèce, espérant atteindre l'Allemagne. Ils sont aujourd'hui coincés en Grèce. Crédit photo : Jodi Hilton/Pulitzer Center on Crisis Reporting. Utilisée avec autorisation.

Cet article de Jeanne Carstensen est initialement paru sur PRI.org le 9 mai 2016, et est reproduit ici dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Ah, pouvoir s'allonger sur un bon lit d'hôtel après un long voyage !

Listen to this story on PRI.org »

Ali Jaffari a accompli le périple d'Afghanistan à Athènes. Quand les talibans l'ont enlevé et menacé de mort parce qu'il avait travaillé comme interprète pour les armées américaine et britannique, cet informaticien a fui sa ville de Kandahar avec sa femme et leurs deux petits garçons.

Avec tout l'argent de la vente de leur maison et de leurs possessions, il a payé les passeurs qui les ont emmenés successivement au Pakistan, puis en Iran, en Turquie, et finalement en Grèce. Ils ont marché pendant 16 heures dans trente centimètres de neige pour franchir la frontière montagneuse entre l'Iran et la Turquie. C'est tout juste si le canot surchargé dans lequel ils ont traversé la mer Egée depuis la Turquie vers l'ïle grecque de Samos n'a pas chaviré.

Les larmes roulent sur les joues de sa femme Wajiha quand il relate leur effrayante navigation. Le couple ne sait pas nager. Quand une vedette des garde-côtes turcs a tourné autour de leur canot, faisant de grosses vagues, ils ont cru qu'ils allaient se noyer avec leurs deux garçons de 4 et 2 ans.

A leur arrivée enfin à Athènes à la mi-mars, épuisés, l'accord entre l'UE et la Turquie était en cours d'adoption et la route des Balkans vers le nord se fermait. Leur chemin vers l'asile désiré en Allemagne était coupé. La famille, comme 54.000 autres réfugiés et migrants, a été bloquée en Grèce.

Aucun hôtel n'attendait les voyageurs épuisés. Au camp d'Ellinikó à l'extérieur d'Athènes, Ali et sa famille dormirent dans une fragile tente sur un sol dur. Il n'y avait que quelques toilettes pour plusieurs milliers de personnes, et la nourriture était mauvaise. Les enfants tombèrent malades.

Jusqu'à ce que la semaine dernière Ali reçoive un appel téléphonique. C'était Nikos, un Grec qu'il avait rencontré un mois avant dans un parc. Nikos dit à Ali qu'il avait une solution pour lui : un hôtel trois étoiles au centre d'Athènes. “Je craignais que ce soit une arnaque, alors j'ai laissé ma famille dans le camp et suis allé voir l'endroit”, raconte Ali.

Assis sur le sol, à la mode afghane, nous dégustions un repas de pâtes, poulet et salade dans la chambre 532 du City Plaza Hotel dans le centre d'Athènes. Le garçonnet de 2 ans somnolait paisiblement sur l'un des lits, pendant que son grand frère jouait avec des animaux en peluche.

Et non, ce n'était pas une arnaque. Enfin, après leur longue épreuve, Ali et sa famille pouvaient enfin se détendre.

City Plaza Hotel

“Nous voulons construire une autre société. Ça paraît un peu idéaliste”, m'a dit Nasim Lomani, riant avec douceur. “Nous ne pouvons peut-être pas changer le monde, mais nous pouvons changer notre quartier, nous pouvons changer nous-mêmes”.

Il y a deux semaines, Nasim et un collectif de dizaines de militants d'Athènes ont occupé le City Plaza Hotel, un immeuble moderne de sept étages avec 110 chambres dans le centre d'Athènes, fermé depuis sept ans, une des victimes de la crise économique grecque.

Le City Plaza est un squat. Les militants ont fait effraction dans le bâtiment, dont le mobilier est resté en place depuis son âge d'or pendant les Jeux Olympiques de 2004, et ont invité quelques-uns des 54.000 réfugiés actuellement bloqués en Grèce à s'y installer. Au moment de la rédaction de cet article, les autorités n'ont rien entrepris pour expulser les nouveaux occupants. Le propriétaire Aliki Papachela, de façon compréhensible, a condamné cette action.

Nous marchons à travers le hall joliment carrelé et lambrissé, jusqu'à la réception, où les clés des chambres brillent dans leurs niches individuelles. On pourrait être dans n'importe quel hôtel, si ce n'était, peut-être, la forte concentration de jeunes enfants montant et descendant en courant les escaliers, et accrochés aux murs, les immenses tableaux écrits à la main distribuant les corvées.

Room keys at the City Plaza Hotel in central Athens, which was abandoned for years starting during Greece's financial crisis, and was recently taken by activists to accommodate refugees. Credit: Jodi Hilton/Pulitzer Center on Crisis Reporting. Used with permission.

Les clés des chambres au City Plaza Hotel dans le centre d'Athènes, à l'abandon pendant des années depuis le début de la crise financière grecque, et récemment occupé par les militants pour loger des réfugiés. Crédit photo : Jodi Hilton/Pulitzer Center on Crisis Reporting. Utilisée avec autorisation.

Nasim, lui-même arrivé comme réfugié en Grèce il y a une dizaine d'années, explique que bénévoles et réfugiés collaborent pour faire le ménage et cuisiner trois repas par jour. L'établissement compte actuellement 320 résidents, des réfugiés qui, comme Ali, souffraient dans des camps dépourvus de services adéquats pour un séjour de longue durée. Une grande partie des hôtes sont des familles avec enfants ou d'autres réfugiés vulnérables : mineurs non accompagnés, femmes enceintes, handicapés.

D'après les recherches effectuées par des bénévoles de Solidarity2refugees, il existe au moins 4.000 bâtiments publics vacants à Athènes. Leur espoir est que le gouvernement grec et la population locale s'inspirent d'une manière ou d'une autre de l'opération du City Plaza Hotel.  “Le problème n'est pas seulement celui des réfugiés,” dit Nasim. “Des milliers de Grecs sont sans domicile, et ces immeubles pourraient être utilisés pour héberger des gens à la rue, qu'ils soient réfugiés, Grecs, ou qui que ce soit”.

Que l'occupation de la propriété privée soit ou non un modèle viable pour traiter de la crise complexe qui submerge en ce moment la Grèce, la réincarnation toute neuve du City Plaza Hotel prospère pour le moment.

Nasim souligne que la nécessité la plus pressante pour beaucoup de réfugiés, surtout les femmes, n'est pas d'obtenir l'asile, mais d'avoir un accès sécurisé à des toilettes propres, quelque chose qui manque cruellement dans les camps de réfugiés à travers la Grèce. Les hôtes actuels du City Plaza ont non seulement des chambres avec toilettes, ils ont aussi leur dignité restaurée.

Quitter la chambre

Mais comme l'Hôtel California, le City Plaza d'Athènes peut être le paradis ou l'enfer.

Aucun des 320 réfugiés qui ont la chance d'y séjourner ne veut vraiment en être les clients. La grave crise économique qui y sévit rend la Grèce indésirable pour des réfugiés espérant redémarrer de nouvelles vies pour eux et leurs familles. Le taux de chômage à 25 % et une nouvelle ardoise imminente de mesures d'austérité ne laissent guère de perspectives aux nouveaux arrivants.

Beaucoup tentent de se prévaloir de leur droit à demander l'asile. Mais tous les réfugiés à qui j'ai parlé, même si c'était pour un sondage non scientifique de peut-être six groupes que j'ai croisé au hasard dans la salle à manger, se sont plaints que le système par Skype qu'on leur a dit d'utiliser pour obtenir un rendez-vous en vue du dépôt de demande ne fonctionnait pas. Nasim a précisé que les locuteurs d'arabe, de farsi, et d'autres langues des réfugiés ne disposait que d'une étroite fenêtre hebdomadaire de quelques heures sur Skype pour entrer en contact avec les services de l'asile.

Quant à Ali, il est un père satisfait. Pour l'instant.

“Je suis si heureux de voir mes enfants reposés et dans le confort. Mais je prie pour que l'ONU nous sorte de cette situation. Qu'elle ouvre les frontières et ferme les camps et cet hôtel.”

Jeanne Carstensen suit la crise des réfugiés en Grèce avec le soutien du Pulitzer Center.

Comment les peuples indigènes peuvent reprendre le contrôle de leur image

samedi 14 mai 2016 à 18:27
Captura de pantalla del video hecho para la campaña "Por nuestros propios medios". Disponible en Vimeo.

Capture d'écran de la vidéo réalisée pour la campagne “Pour nos propres moyens de communication”. Visible sur Vimeo

[Tous les liens de cet article sont en espagnol.]

La campagne d'éducation et de sensibilisation Komunikatuz Eraldatu, los pueblos dueños de su comunicación [Komunikatuz Eraldatu, les peuples s'emparent de leur communication] est née en réaction à l'image déformée des peuples et communautés indigènes que véhiculent souvent les grands médias.

D'après l'organisation Mugarik Gabe, qui a lancé la campagne :

Con esta nueva campaña queremos mostrar cómo los pueblos indígenas de Latinoamérica han creado medios de comunicación para defender sus derechos y reforzar sus lenguas y su identidad como tales.

Y unir todo ello también con la labor que han hecho y hacen con el mismo objetivo actores del ámbito de la comunicación alternativa y los medios de comunicación locales de Euskal Herria.

Avec notre nouvelle campagne, nous voulons montrer que les peuples indigènes d'Amérique latine ont créé des moyens de communication pour défendre leurs droits, renforcer leurs langues et sauvegarder leurs identités.

Le but est de s'unir autour du travail qu'ont fourni et que fournissent encore les acteurs du secteur de la communication alternative et les moyens de communication d’Euskal Herria, qui poursuivent le même objectif.

La campagne prévoit aussi une série de journées consacrées aux peuples indigènes, aux médias populaires et à la communication, pour impulser une transformation sociale tout au long du mois de mai de cette année. Il y aura des discours, des débats et des projections de documentaires, auxquels des journalistes et des communicants de Euskal Herria, de Bolivie, du Mexique et d'Argentine participeront.

Pour en savoir plus, consultez le livret d'information de la campagne. Les informations les plus récentes peuvent être suivies sur les comptes Facebook et Twitter de Mugarik Gabe.

Al construir nuestros propios medios de comunicación los pueblos indígenas somos protagonistas de nuestra historia, vamos tejiendo nuestra propia palabra, escapamos del olvido, celebramos la vida, celebramos un mundo, donde a pesar de las injusticias, predomina la esperanza.

Nous, peuples indigènes, en créant nos propres moyens de communication, nous devenons acteurs de notre propre histoire, construisons notre propre discours, sortons de l'oubli, célébrons la vie et le monde, pour que malgré les injustices, l'espoir reprenne le dessus.