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Le blogueur algérien Merzoug Touati encourt 25 ans de prison pour une entrevue sur Youtube avec un responsable israélien

jeudi 2 février 2017 à 22:38

La police face aux manifestants lors des émeutes de 2011. Photo: Magharebia, partagée sur Flickr sous une licence Creative Commons.

Les autorités algériennes ont accusé le blogueur Merzoug Touati d'avoir échangé des renseignements avec une puissance étrangère après l'apparition d'une vidéo publique dans laquelle il s'entretenait avec un porte-parole du Ministère israélien des Affaires Étrangères.

Selon la Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l'Homme (LADDH), la police a procédé à l'arrestation de Touati le 18 janvier et lui a confisqué son ordinateur ainsi que sa caméra. Les avocats de l'organisation sont actuellement en train de se mobiliser pour défendre Merzoug Touati lors de son futur procès.

Ikken Sofiane, une avocate de la LADDH, a rapporté au site d'information algérien El-Watan que M.Touati a été inculpé en vertu de l'article 71 du Code Pénal prévoyant une condamnation pouvant aller jusqu'à 20 ans d'emprisonnement pour quiconque accusé “d'échange de renseignements avec des agents d'une puissance étrangère pouvant porter atteinte au statut diplomatique et militaire de l'Algérie ou de ses intérêts économiques vitaux”.

Merzoug Touati pourrait encourir une peine supplémentaire de 1 à 5 années d'emprisonnement pour “incitation de la population au port d’arme contre l’Etat et incitation à l’attroupement armé contre l’Etat”. La date de son procès n'est cependant pas encore fixée.

Merzoug Touati. Photo partagée sur la page Facebook de son blog Alhogra.

Le 9 janvier, Touati avait publié, sur Youtube et sur son blog Alhogra, un entretien vidéo avec Hassan Kaabia, le porte-parole du Ministère israélien des Affaires Étrangères pour les médias arabophones. L'entretien était consacré aux réactions publiques suite à l'adoption de de la loi de finances de 2017 prévoyant des hausses de la TVA, de l'impôt sur le revenu et de l'impôt foncier, ainsi qu'une réduction des subventions pétrolières. Lors de la ratification de la loi le 1er janvier, des mouvements de grèves et des émeutes éclatèrent dans la province de Bejaia au nord du pays ainsi qu'ailleurs.

Un ministre du gouvernement algérien a récemment accusé certaines puissances étrangères d'ingérence dans les affaires intérieures du pays et d'avoir également participé à l'orchestration des manifestations. Durant l'entretien Touati demanda à Kaabia de clarifier les allégations proférées par le gouvernement algérien à l'encontre d'Israël et ce dernier dénia toute implication de son gouvernement dans cette affaire.

Kaabia déclara également qu'avant les années 2000, des “communications” eurent lieu entre ces gouvernements respectifs mais qu'il ne pouvait cependant pas confirmer si l'Algérie avait précédemment accueilli une délégation diplomatique israélienne. L'Algérie et d'autres pays membres de la Ligue Arabe, à l'exception de l'Égypte et de la Jordanie, ne reconnaissent pas officiellement l'Etat d'Israël et n'entretiennent que de piètres relations diplomatiques avec ce dernier en raison de son occupation des territoires palestiniens. En dépit de ces tensions, certains gouvernements s'efforcent de maintenir des contacts directs avec Israël ou bien au travers de délégations représentatives. De telles relations sont souvent tenues secrètes par les gouvernements arabes en raison du soutien populaire à la cause palestinienne dans cette région du monde.

Sur son blog Alhogra, M.Touati traite régulièrement des manifestations contre les mesures d'austérité, des mouvements de grève et des atteintes aux droits de l'homme perpétrées par les autorités algériennes. Le 22 novembre 2016, il avait publié un entretien avec Tilelli Bouhafs dont le père, Slimane Bouhafs, purge actuellement une peine de 3 ans d'emprisonnement pour insulte à l'Islam dans l'une ses publications en ligne.

Avec l'arrestation de Touati, l'Algérie démontre une fois de plus qu'elle continue de sévir contre les opposants au régime et ceux qui cherchent à exercer leur droit à la libre expression sur internet. En décembre 2016, cette campagne a ainsi coûté la vie au blogueur Mohammad Talmat, précédemment tombé dans un coma suite à une grève de la faim d'une durée de deux mois en protestation contre sa détention pour avoir publié un poème critique à l'encontre du Président algérien Abdelaziz Bouteflika.

L'opération “Restaurer la démocratie” suscite espoirs et questions dans toute l'Afrique

jeudi 2 février 2017 à 22:25
L'ancien Président gambien Yahya Jammeh, a été contraint de quitter le pouvoir par la CEDEAO. Public Domain photo par la Maison Blanche téléchargée en ligne par l'utilisateur de Wikipedia Alifazal.

L'ancien Président gambien Yahya Jammeh a été contraint de quitter le pouvoir par la CEDEAO. Photo Domaine public de la Maison Blanche mise en ligne par l'utilisateur de Wikipedia Alifazal.

Les internautes se sont félicités de la décision de la Commission économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) d'intervenir en Gambie, pressant le président gambien Yahya Jammeh de s'exiler [fr] après avoir perdu les élections du mois dernier. Encouragés par cette décisions, les Africains critiquent maintenant sur les médias sociaux les autres Commissions régionales pour avoir omis d'écarter du pouvoir d'autres “dictateurs” qui ont longtemps gouverné en Afrique.

Les internautes ont posé des questions embarrassantes à la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), à la Communauté de l'Afrique de l'Est (CAE) et à l'organe continental de l'Union africaine (UA), entre autres.

Avec “l’Opération restaurer la démocratie” [fr], la CEDEAO a menacé de chasser par la force Yahya Jammeh, l'ancien Président gambien, le forçant à s'exiler [fr]. M. Jammeh, qui a gouverné la Gambie pendant 22 ans, a perdu les élections [fr] le mois dernier [décembre 2016] face à Adama Barrow. Après avoir initialement accepté sa défaite, Jammeh a refusé [fr] plus tard de démissionner, prétextant des irrégularités dans le processus électoral.

M. Jammeh a rencontré plusieurs dirigeants [fr] de l'Afrique de l'Ouest, dans une tentative de médiation pacifique [fr] de dernière minute, après une première expiration de l'ultimatum de la CEDEAO. Ils lui ont donné ensuite une dernière chance avant que la CEDEAO dise qu'elle déploierait des troupes de surveillance armées stationnées juste à l'extérieur de la capitale, Banjul, qui le forceraient à renoncer. Enfin, les présidents de Guinée et de Mauritanie ont convaincu M. Jammeh de quitter le pays.

Le nouveau président Adama Barrow est rentré en Gambie le 26 janvier [fr] après avoir prêté serment à l'ambassade de son pays à Dakar, au Sénégal. C'était la première fois qu'un président africain prêtait serment sur un sol étranger.

Suite au succès de la CEDEAO, les Africains ont critiqué les commissions régionales comme la SADC et l'UA pour avoir laissé les présidents burundais Pierre Nkurunziza et Robert Mugabe au Zimbabwe rester au pouvoir. M. Nkurunziza a changé la constitution en 2015 pour lui permettre de rester en fonction pour un troisième mandat, et M. Mugabe, qui est supposé avoir perdu une élection face à Morgan Tsvivangarai, a également conservé le pouvoir.

Sur Twitter, “Sure Kamhunga” a écrit :

La SADC doit utiliser la solution CEDEAO face aux dirigeants refusant la volonté du peuple. Assez caressé dans le sens du poil les egos despotiques au nom de la fraternité

Castro Ngobese a demandé à la SADC de prendre des mesures contre le Président Joseph Kabila en République démocratique du Congo :

La SADC doit passer des paroles aux actes, Kabila de la RDC doit PARTIR. Nous devons applaudir les dirigeants de la CEDEAO pour leur pression intransigeante sur Jammeh pour le forcer à quitter le pouvoir.

Le dernier mandat du Président Kabila était censé se terminer en décembre, mais il est encore en fonction, arguant que les élections ne pouvaient pas se tenir maintenant en raison de problèmes logistiques et financiers. Un accord conclu entre le gouvernement et les partis d'opposition prévoit que les élections auront lieu à la fin de 2017 et que M. Kabila démissionnera par la suite [fr] (un an après la fin de son second mandat).

“Zimbabwean Patriot!” a partagé une caricature montrant la SADC et le président zimbabwéen Mugabe :

SADC nous ne voulons pas ce type de pression en 2018. Regardez la CEDEAO. @SADC_News. Prenez exemple sur la Gambie !

Certains Africains suggèrent même que le prochain président de l'Union Africaine devrait venir de l'Afrique de l'Ouest. Muhereza Allan a écrit :

Je suis maintenant d'accord pour dire que le prochain président de l'@UnionAfricaine devrait venir de l'Afrique de l'Ouest. Bravo CEDEAO et Gambie

L'UA élira son prochain président à la fin du mois de janvier.

La CEDEAO donne une leçon à l'CEEAC et à la SADC

Se référant aux élections contestées de 2008 au Zimbabwe, McIntosh Polela a écrit :

La CEDEAO fait en Gambie ce que l'inefficace SADC aurait dû faire quand Mugabe a perdu une élection et a tué des citoyens pour forcer l'accord de partage du pouvoir

Après les élections de 2008 au Zimbabwe, des négociations menées par la SADC ont abouti [fr] à un gouvernement d'union, dans lequel M. Mugabe est resté président et le principal candidat de l'opposition, M. Morgan Tsvangirai, a été Premier ministre.

Waiswa Batambuze voudrait que le renforcement des institutions régionales soit une priorité :

Je pense que pour parler d'une Afrique unie, nous devons d'abord créer et renforcer les réseaux d'institutions régionales comme la CEDEAO, la SADC, etc.

David Lewis a observé :

Les gens de mes réseaux en dehors de l'Afrique de l'Ouest, surtout en Afrique centrale, regardent la CEDEAO + son énergique approche du cas Jammeh en Gambie avec beaucoup d'envie

Ilunga Ntengu a souligné que les pays d'Afrique orientale et australe doivent surveiller les événements en Gambie :

La CEDEAO donne une leçon à l'EAC et à la SADC; l'Ouganda, le Burundi, la RD Congo, le Zimbabwe, le Soudan, le Congo, l'Angola doivent surveiller ce développement de près.

“La CEDEAO et la SADC sont deux organisations africaines très différentes”

Malgré le soutien énergique de la CEDEAO, le ministre zimbabwéen de l'Enseignement supérieur, Jonathan Moyo, partisan de Robert Mugabe, 92 ans, au pouvoir depuis 1980, a estimé que la prestation de serment du président gambien Adama Barrow au Sénégal était un cirque et constituait un embarras:

Absolument non. Je le répète. C'est un cirque et un embarras de voir un président prêter serment dans un pays étranger et c'est un mauvais précédent.

Chris Danga lui a rétorqué :

La CEDEAO est une organisation dynamique contrairement à notre SADC sans dent. Certains d'entre vous auraient dû partir en 2008

Tout en reconnaissant la validité de la comparaison entre les organisations régionales, le blogueur du Zimbabwe Takura Zhangazha a noté que le contexte était important :

Ce qui est néanmoins à prendre en considération, c'est que la CEDEAO et la SADC sont deux organisations inter-gouvernementales africaines très différentes. Non seulement en raison de leur évolution historique, mais aussi du fait qu'elles ont toujours eu tendance à agir différemment sur la scène continentale, surtout après leur réforme au début des années 90, la CEDEAO en 1993 et ​​la SADC en 1992 pour les rendre beaucoup plus formelles et plus préoccupées par les affaires des Etats membres. Surtout lorsqu'il s'agit de leurs économies et de leurs échanges commerciaux respectifs.

Zhangazha a poursuivi :

Mais heureusement, la CEDEAO et la SADC sont issues de la même matrice panafricaine. Elles ont cependant tendance à agir différemment et ont une histoire différente dans l'interaction avec les puissances mondiales. La SADC, ayant son origine dans l'ère de la lutte de libération des pays de la ligne de front, a une histoire de solidarité entre les mouvements de libération et n'a jamais voulu l'abandonner face au mastodonte régional qu'était l'apartheid en Afrique du Sud.

La CEDEAO étant constituée de pays membres qui ont connu de plus longues périodes d'indépendance nationale et qui ont été impliqués dans la Guerre froide, pour le contrôle des ressources naturelles comme le pétrole, ont toujours été plus nuancés et conflictuels dans leurs relations internationales. Les choses ne sont donc pas si simples. Elles ne sont pas non plus aisément excusables ni ne constituent une question de confrontation entre une région africaine et l'autre.

En examinant les leçons que les pays d'Afrique australe peuvent tirer de l'action de la CEDEAO, (professeur à l'université de Cape Town) et Henning Melber (professeur au Département des sciences politiques de l'Université de Pretoria) soulignent que la SADC n'a pas de force militaire. Ils ont également rappelé un peu l'histoire sur les interventions de la SADC :

Le seul cas qui ressemblerait un peu aux événements de Gambie a été l'intervention [fr] de l'Afrique du Sud au Lesotho en septembre 1998. Formellement sous l'égide de la SADC, l'objectif de cette intervention était d'assurer que le dirigeant en place ne soit pas évincé par des forces de l'opposition.

Trois États membres de la SADC sont effectivement intervenus militairement en RDC en août 1998. Des troupes d'Angola, de Namibie et du Zimbabwe ont été déployées, sous l'égide de la SADC. Le but était d'aider le président de l'époque, Laurent Desiré Kabila, contre les rebelles qui avaient envahi l'est du Congo. M. Kabila n'aurait pas pu se maintenir au pouvoir sans le soutien militaire [fr] des trois pays de la SADC.

Les deux interventions étaient controversées au sein de la SADC, puisqu'elles n'étaient pas fondées sur une décision commune des Etats membres. C'était une époque marquée par la rivalité entre le Zimbabwe de Robert Mugabe et l'Afrique du Sud de Nelson Mandela. Cela peut expliquer pourquoi il n'y a pas eu d'intervention militaire similaire depuis.

Un enjeu non-négligeable des élections présidentielles: la lutte contre les fausses informations

jeudi 2 février 2017 à 17:20

“Fake News” via pixabay – Domaine public

La propagation de fausses informations a eu un impact certain sur les élections présidentielles américaines de 2016.  La probabilité que les ‘fakes news’ influencent aussi les élections présidentielles 2017 est prise très aux sérieux dans les médias et les bureaux de campagne des candidats.

Pour se faire, de nombreuses initiatives ont vu le jour pour aider le grand public à faire la part des choses entre les nouvelles vérifiées et les instruments de propagande ayant pour but de nuire.

Decodex est un outil numérique créé par l'équipe des décodeurs du journal Le Monde et qui a pour but de permettre aux internautes de classer les sites selon leur degré de fiabilité. L'outil se présente à la fois comme un moteur de recherche ou une extension sur les navigateurs tels que Chrome ou Firefox. Decodex est disponible au grand public depuis le 1er février 2017:

Samuel Laurent qui dirige l'équipe des décodeurs explique la méthodologie derrière l'outil:

Nous avons recensés 600 sites, majoritairement français mais aussi anglais et américains et quelques allemands, avec 5 niveaux de fiabilité, repérés par cinq couleurs. Nous distinguons en gris les sites collectifs, donc non classés, comme Wikipedia, en bleu les sites parodiques, comme Le Gorafi ou NordPresse, en rouge les sites pas du tout fiables, complotistes ou trompeurs, comme le portail IVG.net qui, sous couvert d’informations, veut manipuler les femmes pour les décourager d’avorter, en orange les sites peu fiables ou très orientés, type FdeSouche, ou les attrape-clics qui republient des informations non recoupées, et enfin en vert les sites très fiables.

D'autres initiatives existent aussi depuis quelques années sur le web anglophone pour répertorier les fausses informations sur internet comme Hoax Buster ou  Snoopes. Plus spécifiquement, des outils de vérifications des affirmations des personnes publiques ont déjà été mis en place:  Fact Check,  Politifact ou Africa Check pour en citer quelques-uns dans le monde anglophone.  Le web francophone propose aussi “Désintox” (sur le site de Libération)  et  “Factuel” (sur le site web de RTS mais retiré depuis 2015). Des extensions anglophones sur chrome/firefox aident aussi à faciliter la navigation des internautes: BS Detector  ou encore Kchehck.

Faire la part des choses entre vrai et fausse information n'est pas une tâche aisée. C'est pourquoi il existe de nombreux articles et guides pour aider les internautes à discerner les vraies informations des mensonges. Voici une liste non-exhaustive de ressources pour aider à y voir plus clair :

La difficulté pour toutes ses initiatives est de pouvoir apporter cette vérification en temps réel pour que les journalistes puissent confirmer/infirmer les affirmations des politiques sur le champ. C'est pour répondre à cette attente de vérification en temps réel que le projet Truth Teller (Washington Post) a été crée.  L'idée est donc de produire un outil entièrement automatisé qui dirait si oui ou non le discours prononcé est véridique. Le directeur du projet Cory Haik explique:

Le défi de ce détecteur de mensonges c'est de faire un Shazam de la vérité. Comment vérifier en temps réel les déclarations et discours des politiques? Un logiciel détecteur de mensonges, qui transcrit quasiment en temps réel les discours politiques et les compare automatiquement avec un stock de vérifications déjà effectuées par les journalistes de la rédaction.

Hélas le projet Truth Teller était sans doute trop ambitieux à ce stade et il est pour l'instant mis en standby.

Le Liban oblige les familles syriennes à choisir entre dormir à la rue ou faire travailler leurs enfants

jeudi 2 février 2017 à 17:01

Des enfants réfugiés syriens dans un immeuble inachevé près de Reyfoun au Liban, à proximité de la frontière avec la Syrie. Photo de ‘Trocaire’ sur Flickr. CC by 2.0.

D'après le Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies, la guerre en Syrie a déplacé 6,6 millions de personnes à l'intérieur du pays, et en a contraint 4,8 millions de plus à chercher refuge ailleurs dans le monde.

Voisin de la Syrie, le Liban est l'une des destinations principales de ceux qui fuient la violence. 1 million approximativement de réfugiés syriens sont officiellement enregistrés auprès du HCR au Liban, tandis que les estimations officieuses approchent plutôt les 1.500.000 personnes.

Le Guardian a relevé que les réfugiés affrontent de dures conditions d'existence. Admis uniquement aux emplois dans l'agriculture, le bâtiment ou le nettoyage, plus de 70 pour cent des réfugiés vivraient en-dessous du seuil de pauvreté.

Les études laissent voir que les deux échecs que sont la réticence de la communauté internationale à tenir ses promesses de dons et les mesures du gouvernement libanais entretiennent la pauvreté et forcent les réfugiés à vivre “au noir”.

On estime que 70 pour cent des réfugiés syriens vivent sous le seuil libanais d'extrême pauvreté, soit moins de 3,55€ par personne et par jour. Fait aggravant, les ménages réfugiés accumulent de plus en plus les dettes pour répondre à leurs besoins de base.

Aux postes de contrôle, les femmes et enfants passent largement sans vérifications, comme si c'était la population réfugiée masculine qui préoccupait le plus les agents publics. Avec tous ces enfants, main d’œuvre potentielle, qui entrent dans le pays, certains employeurs ont capitalisé sur le déséquilibre des forces et embauché des mineurs, travailleurs moins chers et plus dociles. Le BIT classe le traitement des enfants-travailleurs syriens au Liban dans l'une des pires formes d'exploitation enfantine.

Selon l'ONG anti-esclavagiste Freedom Fund, quelque 70 pour cent des enfants de réfugiés au Liban sont contraints à travailler pour des salaires de misère ou inexistants, afin de subvenir aux besoins de leurs familles, sans aucun réel moyen d'échapper à cet emploi. Dans des régions libanaises comme la vallée de la Bekaa à l'est, des enfants recevraient moins d'1 euro par jour pour leur travail à plein temps de cueillette de fruits dans les exploitations agricoles locales. Selon les mots d'un fonctionnaire municipal libanais, “il y a de l'esclavage partout”.

Certaines mesures prises par le Liban n'ont fait qu’aggraver les difficultés des réfugiés. En janvier 2016, Human Rights Watch a découvert que les règlements sur la résidence adoptés un an auparavant privaient la plupart des Syriens de leur statut de résident autorisé. Seuls 2 des 40 réfugiés interrogés dans l'étude ont pu renouveler leur carte de séjour. Ceci était le résultat de la décision du gouvernement en mai 2015 d'ordonner à l'UNHCR de cesser l'enregistrement des réfugiés entrant dans le pays.

Ces règles de séjour ont des conséquences particulièrement rigoureuses sur les enfants réfugiés, dont beaucoup ne sont pas autorisés à fréquenter l'école faute de carte de résident. En juillet 2016, près de 250.000 enfants syriens au Liban n'allaient pas à l'école, soit plus de la moitié des près de 500.000 enfants d'âge scolaire dans la population de réfugiés syriens au Liban.

Depuis, le Liban a cependant fait des progrès en matière de scolarisation. Comme l'explique Human Rights Watch :

Le Liban a pris des mesures importantes pour intégrer les enfants syriens dans l'enseignement public. L'administration a autorisé les réfugiés à s'inscrire dans les écoles sans fournir de justificatif de résidence régulière, les a dispensés de droits d'inscription scolaires, et a ouvert des classes “deuxième équipe” l'après-midi dans 238 écoles publiques afin de fournir aux Syriens une éducation formelle.

En 2014, le Liban a adopté le dispositif Reaching All Children with Education (RACE, ‘Une éducation pour tous les enfants’), qui a permis d'accroître le nombre d'enfants syriens inscrits dans les écoles publiques à 158.321 en fin d'année scolaire 2015-2016. En 2016, le Liban a adopté un plan quinquennal RACE II avec l'objectif d'inscrire 440.000 enfants syriens dans l'enseignement institutionnel d'ici à l'année scolaire 2020-2021.

Pourtant les chiffres du dernier rapport de l'UNHCR, “Evaluation de la vulnérabilité des réfugiés syriens au Liban”, soulignent les failles fondamentales des politiques du gouvernement libanais, c'est-à-dire les énormes obstacles représentés par la réglementation du séjour. Seulement un ménage réfugié sur cinq a affirmé que tous les membres du foyer étaient résidents réguliers dans le pays — une baisse légère mais réelle par rapport aux 28 pour cent de l’année précédente.

Les donateurs internationaux ont aussi été défaillants, restant en-deça des objectifs fixés par le Plan de réaction à la crise au Liban de l'ONU, financé à seulement 50 pour cent en novembre 2016.

Malgré les risques, beaucoup de familles syriennes ne voient d'autre possibilité que de fuir leur patrie et mettre leurs enfants au travail dans un pays étranger. Mahmoud, un réfugié de Syrie, a dit à Human Rights Watch qu'il n'avait guère eu le choix pour envoyer travailler son fils de 12 ans. “S'il ne travaille pas, ma famille dormira dans la rue”, explique-t-il.

Fake, erronée, mensongère, fabriquée : quel vocabulaire pour la vérité dans l'information ?

jeudi 2 février 2017 à 11:11

Les “fake news” sont au centre de l'attention depuis quelque temps, surtout lorsque des cas récents ont démontré leur potentiel d'effets puissants et de grande ampleur. Leur capacité à déclencher des violences n'a été que trop réelle au moment du nouvel an : voir la menace fin décembre de réactivité nucléaire que le ministre de la Défense du Pakistan, Khawaja Mohammad Asif, a envoyée à Israël sur la base d'un article de presse falsifié au sujet d'intentions israéliennes. Aux Etats-Unis, “fake news” est devenu le terme utilisé pour disqualifier les médias critiques à l'égard de Donald Trump tout en étant aussi considérées comme une possible explication à son accession à la présidence.

Les fake news ne sont pas le seul problème comme l'ont pointé des personnes comme Melissa Zimdars (une professeure dont la liste de fake news est devenue célèbre à la suite des élections américaines). Certes, les cas de propagande, fausse information, désinformation, appeaux à clics, et autres “vérités subjectives” paraissent tout aussi prévalents, voire dans certains cas plus néfastes (voir l’argumentation récente de Gilad Lotan).

En patique, savoir ce que sont au juste les “fake news” est difficile. Il ne suffit pas qu'un article contienne des faits inexacts — les journalistes se sont trompés avant — et cela n'inclut pas les cas de fraude journalistique pure et simple. Les usages antérieurs de fake news étaient plus étroitement liés à du contenu monté de toutes pièces dans l'intention de générer du chiffre d'affaires. Désormais l'expression peut se rapporter à tout un spectre de catégories d'informations discutables, y compris certains des cas problématiques mentionnés plus haut. Il y a au minimum une dispute sur le terme, au moins dans les espaces médiatiques de langue anglaise. Essayer de traduire ce terme dans d'autres langues rend encore plus évidente la difficulté : en japonais par exemple, デマ ou “dema” peut signifier “information bidon” mais aussi bien “fausses rumeurs“.

Mais ce que saisit bien la notion de “fake news“, c'est la difficulté qu'ont les lecteurs à discerner le vrai du faux dans le traitement de l'information. Une étude de l'Université Stanford l'an dernier, portant sur 7.800 élèves a montré que la plupart des lycéens américains, par exemple, acceptent simplement les photos et leurs légendes comme la “réalité”, sans avoir l'idée de les vérifier. Et la photo de test en question ?

Fleurs nucléaires de Fukushima

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Quand on leur a montré cette image de “Fleurs nucléaires de Fukushima”, les lycéens ont peiné à y voir tout sauf une preuve de catastrophe nucléaire.

Alors, comment parler de cela et des autres problèmes soulevés par CE TERME sans ajouter encore à la confusion ? D'autant que, du point de vue mondial de Global Voices, le défi posé par les fake news n'a rien de neuf. Voici pourquoi le Projet NewsFrames, parmi ses premiers travaux, cherche à introduite un peu de clarté, surtout à l'échelle mondiale.

Ce qui implique de s'atteler à la difficile tâche de trouver les mots justes pour décrire les situations et le phénomène. En décembre, nous avons débuté avec fake puis nous nous sommes orientés vers faux et frauduleux, mais dont les connotations d'intentionnalité et de délinquance nous ont mis mal à l'aise. En ce moment, nous avons convergé, avec quelque hésitation, sur le terme informations montées de toutes pièces, dont cette page vous dira plus. Nous considérons ceci comme un travail en progrès, qui prendra en compte l'action de nos bénévoles occupés à collecter des types spécifiques de ces informations problématiques dans toutes les langues.

S'appesantir sur les “fake news” peut soulever des questions sur les limitations générales au journalisme basé sur les faits, mais nous y voyons aussi une opportunité. Les problèmes soulevés par la création, la lecture et la diffusion de contenu monté de toutes pièces sont présents depuis un moment, et les rédacteurs professionnels comme non-professionnels y sont confrontés en permanence, de même qu'aux défis apparentés de mesures exactes, impartiales ou objectives. Il se pourrait qu'en réfléchissant posément à ces défis, nous découvrions, ou redécouvrions, un langage pour des normes de récit véridique et de lectorat mature sur lesquelles reposeraient des sociétés justes.