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La PDG de BlaBlaCar-Russie est désinvitée d'une interview par une télévision russe parce qu'elle est une femme

dimanche 28 avril 2019 à 14:21

La chaîne a justifié que ses téléspectateurs avaient “certains stéréotypes”

La silhoutte en carton d'Irina Reyder, la PDG de la filiale russe de BlaBlaCar dans les locaux de l'entreprise. Photo de la Page Facebook  d'Irina Reyder

Irina Reyder, la PDG de la filiale russe du service de covoiturage BlaBlaCar, dit qu'elle a été désinvitée d'un entretien avec Perviy Kanal, la Première Chaîne de télévision, qui est étatique, quand le responsable du programme s'est aperçu qu'elle était une femme.

Reyder a raconté l'incident sa page Facebook.  Elle dit qu'elle écoutait les échanges entre le réalisateur de la Première chaîne et un attaché de presse de BlaBlaCar et qu'elle a enregistré leur conversation :

Р (редактор передачи “Доброе утро”): Формат будет такой: корреспондент едет за рулем и берет интервью у вашего эксперта.

PR (PR – менеджер BBC): Да, отлично.

Р : А кто будет спикером?

PR: Наш генеральный директор Ирина Рейдер.

Р : Ой….у вас же был замечательный парень ..

С: Да, у нас был генеральный директор Алексей Лазоренко, а сейчас Ирина Рейдер.

PR : Да, я знаю, что в прошлом году у вас сменился генеральный директор. Но Ирина как спикер не подходит. Понимаете, у зрителя есть стереотипы… Ну, там, хороший юрист – это мужчина. Или автомобильный эксперт – мужчина, но не женщина. Может быть вы, Сергей, сможете дать нам интервью?

E (un rédacteur de la Matinale Dobre Outro) : Voici le format : notre journaliste conduit une voiture tout en interviewant votre expert.
PR (attaché de relations publiques pour BlaBlaCar) : Oui, parfait.
E : Et qui sera l'interviewé ?
PR : Notre PDG Irina Reyder.
E : Oh…. vous aviez un mec génial avant, non ?
PR : Oui, nous avions Alexeï Lazorenko comme PDG, maintenant c'est Irina Reyder.
E : Oui, je suis au courant du changement de dirigeants que vous avez eu l'année dernière. Mais Irina ne passera pas en tant qu'interviewée. Vous voyez, notre public a certains stéréotypes… Vous savez, un bon juriste, c'est un homme. Ou un spécialiste automobile, c'est homme, mais pas une femme. Peut-être que toi, Sergueï, tu peux nous donner une interview ?

Quand Sergueï, le chargé de communication de Reyder, a dit au rédacteur qu'il n'y avait pas de spécialiste masculin dans l'entreprise, raconte-t-elle, il a promis de revenir plus tard après avoir consulté leur réalisateur. Ultérieurement, on a dit au représentant de BlaBlaCar que le format de ce reportage avait changé et qu'on allait plutôt interviewer les utilisateurs du service.

“Qu'en pensesz-vous ? Les nouveaux spécialistes seront-ils assez qualifiés ?” a demandé Reyder, sarcastique, à ses lecteurs.

Dans une réponse à TJournal, un média spécialisé dans la technologie et les médias sociaux, le service de presse de la Première chaîne n'a pas nié la véracité de l'échange, tout en insistant que son approche était non sexiste par essence. Cependant, leur explication n'offrait pas de justification suffisante à cette affirmation :

Два корреспондента — молодой человек и девушка – планируют продемонстрировать мужской и женский подход к экономии. При этом девушка советуется с мужчинами-экспертами, а молодой человек — с экспертами-женщинами. Поскольку девушка планирует экономить на поездках, ей предстоит разговаривать с представителем сервиса поиска попутчиков (да, по задумке этого сюжета, а не из-за гендерного неравенства, он должен быть мужчиной).

Deux journalistes, un jeune homme et une jeune femme, ont voulu démontrer la différence entre l'approche masculine et féminine de l'économie. La jeune journaliste interviewera des experts masculins, tandis que le jeune homme interviewera des femmes. Comme l'objectif de la journaliste est d'économiser sur les déplacements en voiture, elle s'adressera à un représentant du service de covoiturage (oui, à cause de la nature du sujet, et non à cause de l'inégalité hommes-femmes, ce devra obligatoirement être un homme).

La Première chaîne n'a pas expliqué en quoi l'approche d'une femme pour faire des économies est différente de celle d'un homme. Mais le public n'était pas convaincu en tout cas, et l'approche de la chaîne de télévision a suscité des critiques.

Irina Reyder, la PDG de BlaBlaCar, a déclaré qu'elle avait été désinvitée par le rédacteur en chef de l'émission “Bonjour” sur la Première chaîne quand ils ont appris qu'elle était une femme. C'est assez surprenant qu'il y ait encore ce genre d'insanité que nous ignorions encore de la part de la Première chaîne.

Malgré la vive colère soulevée en ligne contre la Première chaîne, la Russie est encore loin d'avoir fait entrer dans la réalité l'égalité des sexes. La Russie se positionne au 75e rang parmi les 149 pays étudiés dans le rapport de 2018 du Forum économique mondial sur les disparités mondiales de genre, marquant un bon score sur l'égalité d'accès aux soins de santé et à l'enseignement chez les femmes, mais manquant de dispositions légales pour la défense de leurs droits. Les féministes et militantes russes utilisent souvent les réseaux sociaux et la satire pour dévoiler les coutumes et les pratiques sexistes. 

Ce projet argentin documente les arts de la rue des quatre coins de l'Amérique latine

samedi 27 avril 2019 à 20:28

Un soutien à “l'art et au vandalisme” en Amérique latine

Capture d'écran du compte Instagram de ACL.

Arte Callejero Latinoamérica (arts de la rue Amérique latine, ou ACL) est un projet situé en Argentine qui utilise les réseaux sociaux pour défendre et documenter les arts de la rue issus de toute l'Amérique latine.

D'après son site, le projet est né sur fond de grave crise économique en Argentine [fr] entre 1998 et 2002, lorsque le chômage atteignait les 20% et que les émeutes comme les pillages étaient monnaie courante. La débâcle a conduit quatre présidents à la démission en l'espace de juste dix jours en 2001, et le gouvernement au plus important défaut de paiement de l'histoire. De 1999 à 2003, le taux de pauvreté est passé de 26,7% à 51,7%.

Arte Callejero a commencé à prêter attention aux réponses visuelles et artistiques à la crise dans les rues de Buenos Aires et à les documenter sur un site web. Au fil des ans, le groupe a entrepris d'organiser des expositions tout en œuvrant à leur diffusion sur les réseaux sociaux.

C'est Ivan Andrada, un artiste et producteur culturel argentin, qui est à l'origine du projet. Il a expliqué à Global Voices via messages directs Instagram avoir organisé des expositions d'arts de la rue au Chili et au Mexique, et voyager souvent dans la région pour promouvoir ACL.

ACL fête cette année ses 15 ans d'existence avec un festival d'arts de la rue à Buenos Aires du 24 avril au 25 mai. Le festival accueillera des expositions, des débats et des projections de documentaires en présence d'artistes de rue et de collectifs latino-américains.

La page Facebook du projet, Youtube et les archives d'Instagram sont une mine d'or sur les arts de la rue sous toutes leurs formes dans la région. C'est sur Instagram que la présence du groupe est la plus forte, avec près de 10.000 abonnés. Son compte republie également des photos de peintures murales partagées par d'autres utilisateurs d'Instagram.

La banderole ci-dessous, photographiée à Buenos Aires et repostée par ACL, donne à voir une image du poète chilien Pablo Neruda. La légende renvoie aux supputations récentes des lecteurs concernant le passé misogyne et même violent du prix Nobel de littérature.

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Repost de @stickerartec – Visto en #Belgrano #BuenosAires Autor: @quehacesmapache . . #PabloNeruda #Neruda #DaddyYankee #StreetArt #ArteCallejero #artecallejerolatinoamerica #Pegatina #Calco #Urban #UrbanArt #ArteUrbano #Street #Sticker #StickerCulture #CulturaSticker

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On peut lire sur l'image : “Ce soir, je peux écrire les vers les plus misogynes. Pablo Neruda avec [le chanteur de reggae] Daddy Yankee.” Vu à Belgrano, un quartier de Buenos Aires.

De nombreux posts d'ACL mettent en lumière des œuvres picturales dotées de messages politiques forts. Cette fresque murale à São Paulo, au Brésil, qui arbore l'image du cofondateur de Facebook Mark Zuckerberg, en est un exemple :

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Repost de @buenocaos – Nem via Twitter. Tio Zuck mandando a real nas ruas de São Paulo. Revolucionários de cartolina ✊ Zuckerberg is sending some messages in the streets of São Paulo: "Revolution will not be through Facebook, Instagram nor WhatsApp". Paperboard revolutionaries 👊 #streetart #urbanart #wheatpaste #pasteup #lambelambe #lambe #arteurbana #zuck #facebook #instagram #whatsapp #revolucionáriosdecartolina

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On peut lire sur la fresque : “La révolution n'arrivera pas via Facebook.”
La légende dit : “Ni via Twitter.”

Toujours au Brésil, cette peinture murale représente le président du pays Jair Bolsonaro :

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repost de @ricardogelli – Não ao racismo, a misoginia, ao sexismo, a homofobia, a xenofobia… não ao fascismo. Não ao terror. Viva a democracia! ♥ #elenão #elenunca #elejamais

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La légende dit : “Non au racisme, à la misogynie, au sexisme, à l'homophobie, à la xénophobie… Non au fascisme. Non à la terreur. Longue vie à la démocratie !”

Le post qui suit évoque l'époque de la dictature militaire argentine (1976-1983) lorsque l’État et ses collaborateurs firent brutalement disparaître près de 30.000 personnes.

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repost de @dexpierte_colectivo – 43 años del golpe de Estado que inició la dictadura militar y con ella, una represión sistemática, inédita en la historia Argentina. No olvidamos #Odiosuguerra #pasteup #sinolvido D.E.X.P.I.E.R.T.E

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On peut lire sur la fresque murale : “76-16, 40 ans , plus jamais” et “Le même passé, le même ennemi, la même possibilité : libération”

La légende dit : “43 ans depuis le coup d’État qui a marqué le début de la dictature militaire et avec elle, une répression systématique, sans précédent dans l'histoire de l'Argentine. Nous n'avons pas oublié.”

La banderole ci-dessus a été réalisée par le collectif artistique argentin Agra. Elle a été mise librement en ligne afin que d'autres collectifs artistiques de la région puissent l'imprimer également. Celle qui figure ci-dessus a été imprimée par le collectif artistique colombien Dexpierte Colectivo et collée sur un mur dans la capitale du pays Bogotá.

Un autre exemple de post de ACL vient de la ville de Mexico avec une image qui rappelle aux passants les événements de 1968 [fr], lorsque la police et des groupes para-policiers tuèrent des centaines de personnes au cours de manifestations étudiantes :

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repost de @emm_g.g – #Memories #tlatelolco #tlatelolco68 #mexico

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Au Brésil, la thématique migratoire s'invite sur les plateaux d'un feuilleton télé

vendredi 26 avril 2019 à 23:30

 

Ces tentes, utilisées par l'ACNUR pour abriter des réfugiés vénézuéliens à Boa Vista (RR), ont servi pour créer un camp fictif de réfugiés pour le feuilleton “Orphelins de terre”  (Globo). Photo : Victor Moriyama/ACNUR, utilisée avec son autorisation.

Ce texte, rédigé par Rodrigo Borges Delfim et initialement publié sur le site MigraMundo, est reproduit sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu. 

Les thématiques migratoires, et plus particulièrement celle de l'asile, devraient trouver, dans les mois à venir, un bon espace d'expression à la télévision brésilienne grâce au feuilleton “Orphelins de terre” qui aura comme toile de fond le conflit en Syrie. Un feuilleton proposé par TV Globo [fr] [le principal réseau de télévision au Brésil].

Le sujet prend toute son importance dans le paysage politique du Brésil en raison de l'exode des Vénézuéliens. Et le feuilleton fait son apparition à un moment où les mouvements migratoires internationaux sont en général la cible d'actions de rejet et même de politiques de criminalisation dans certains pays. Le Brésil a rejoint cette catégorie en se retirant du Pacte mondial pour les migrations, en janvier 2019.

Le feuilleton, écrit par Duca Rachid et Telma Guedes, est sorti le 2 avril [2019] et raconte l'histoire d'amour d'une réfugiée syrienne Laila et d'un Libanais Jamil, qui se rencontrent dans un camp de réfugiés au Liban et se retrouvent au Brésil. Au-delà de l'intrigue principale, d'autres points de la problématique migratoire sont abordés comme la cohabitation entre différentes cultures et la reconnaissance des diplômes pour continuer à exercer une même profession dans un autre pays — une demande récurrente des migrants et des réfugiés au Brésil.

Scène du feuilleton Orphelins de terre (Globo), qui va aborder la question de l'asile. Diffusion/TV Globo

“Orphelins de terre” se passe à São Paulo, une ville dont la population de migrants est estimée à au moins 387 000 personnes, en incluant les réfugiés et les demandeurs d'asile. Pour les premières scènes, la production a monté la réplique d'un camp de réfugiés avec l'aide du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCNUR), en utilisant des tentes qui avaient servi d'abri aux  réfugiés vénézuéliens à Boa Vista au Roraima, un État au nord du Brésil.

D'après l'ONU, il y aurait plus de 258 millions de migrants dans le monde, et ce chiffre devrait encore augmenter dans les années à venir. En ce qui concerne l'asile, les données du HCNUR estiment qu'il existe au moins 25,4 millions de personnes qui auraient demandé l'assistance d'un pays qui n'est pas leur. Environ 5,6 millions d'entre eux sont originaires de Syrie, le pays qui génère le plus de réfugiés au monde.

Au niveau national, le Brésil accueille approximativement 750 000 immigrants, qui représentent 0,4% de la population nationale, et il a déjà accordé le statut de réfugiés à 10 000 migrants. Près de 5 000 personnes vivent encore sous ce statut, et  94 800 personnes attendent toujours que leurs demandes d'asile soient examinées. Pour la plupart, ce sont des Vénézuéliens.

Pour l'écriture du scénario, des ateliers et des recherches ont été entrepris auprès de plusieurs institutions d'aide et d'accueil de migrants et de réfugiés, et les producteurs ont aussi cherché conseil auprès de réfugiés vivant au Brésil.

L'un d'eux, Abdulbaset Jarour, un syrien de 29 ans, qui fait partie de l'ONG África do Coração (l'Afrique du coeur), a été engagé pour ce rôle de conseiller après un entretien avec les producteurs du feuilleton.

Acredito que essa novela vai mudar mais o olhar das pessoas, deixá-lo mais solidário, tolerante e gerar empatia. Espero que isso realmente aconteça, porque refugiado e migrante sofre muito com preconceito aqui no Brasil.

Je pense que ce feuilleton va changer le regard des gens, les rendre plus solidaires, plus tolérants et générer de l'empathie. J'espère sincèrement que cela se produise, parce que les réfugiés et les migrants sont confrontés à de nombreux préjugés, ici, au Brésil.

Abdulbaset Jarour, qui a collaboré au scénario du feuilleton. Photo : archives personnelles, avec autorisation.

Le ressenti d'Abdul par rapport à ce feuilleton est un mélange de joie et de tristesse. Il croit au potentiel de la série, mais elle évoque aussi toutes les difficultés qu'il a traversées au Brésil.

Sofri aqui no Brasil de uma parte da população que tem um olhar preconceituoso e xenofóbico. Esse olhar deixa a gente desanimado, irritado. Atravessamos o mundo e aí encontramos pessoas que não aceitam nossa chegada, que nos veem como diferentes. Esse olhar quebra um pouco da nossa dignidade.

Ici au Brésil, j'ai souffert du regard plein de préjugés et de xénophobie que porte sur nous une partie de la population. Face à ce regard, on se sent déprimé, irrité. On a traversé le monde, et là, on arrive devant des gens qui n'acceptent pas notre venue, qui nous voient différents. Ce regard brise une partie de notre dignité.

Ali Jeratli a une vision un peu différente. Il travaille à la Coordination pédagogique du cours d'arabe de Abraço Cultural (Etreinte culturelle) à São Paulo, une ONG où les réfugiés travaillent comme professeurs de langues et enseignent l'anglais, l'espagnol, le français et l'arabe en fonction de leur propre expérience.

Eu acredito que é importante destacar o sofrimento que os refugiados passam em sua viagem até o destino final. Além disso, acho muito legal mostrar um pouco da vida dessas pessoas, dos refugiados, que muita gente não conhece e nem havia previamente se interessado.

Je pense qu'il est important d'insister sur la souffrance endurée par les réfugiés pendant leur voyage vers la destination finale. En plus, je trouve que c'est très sympa de montrer quelques aspects de la vie de ces personnes, de ces réfugiés, que peu de gens connaissent ou qu'ils traitaient avec indifférence auparavant.

Des réfugiés et des migrants d'autres pays se sont montrés curieux de l'intrigue et espèrent qu'elle sera édifiante et qu'elle ne va pas conforter les stéréotypes et la victimisation de ces communautés. C'est ce qui compte pour Yilmary de Perdomo, une Vénézuélienne de 35 ans, ergothérapeute, et qui est réputée pour sa gastronomie.

Gostaria que essa novela representasse a força e a valentia do imigrante e do refugiado, que consegue superar obstáculos que se representasse na vida. Não gostaria de ver uma novela na qual o refugiado seja visto como vítima.

J'aimerais que ce feuilleton symbolise la force et le courage du migrant et du réfugié qui parviennent à surmonter des obstacles qu'il n'auraient même jamais imaginé. Je n'aimerais pas que ce feuilleton fasse du réfugié une victime.

Le feuilleton compte au moins deux réfugiés à son générique : le Syrien Kaysar Dadour, arrivé second d'une télé-réalité, Big Brother Brasil [fr], en 2018, et le Congolais Blaise Musipere. D'autres migrants et réfugiés ont été embauchés pour faire de la figuration.

Il a connu deux guerres, il a perdu un grand amour, mais il a trouvé au Brésil un endroit où reconstruire sa vie. Voici l'histoire de @KaysarDadour, qui fait ses débuts dans le feuilleton Orphelins de terre de la @RedeGlobo. Dans la vraie vie ou dans la fiction, nous sommes #CommeLesRéfugiés. – ONU Brésil (@ONUBrasil) 4 avril 2019

Avant celui-ci, plus d'une dizaine de feuilletons ou séries brésiliens avaient abordé le problème migratoire. Ce feuilleton, cependant, est le premier à envisager la blessure de l'asile. Jusqu'ici, la perception du public sur les réseaux sociaux est plutôt positive.

Montrer ainsi la réalité, c'est trop émouvant!!!

On ne peut pas imaginer combien cela doit être douloureux de devoir abandonner l'endroit où l'on a vécu tant d'années, voir tout ce que l'on avait acquis être complètement détruit. Tout ça à cause de la cupidité de l'être humain ! Lamentable

“Vous pouvez toujours choisir comment vous habiller, avec qui sortir … Nous, non. On n'a pas le choix. Du jour au lendemain, tout est perdu. Pour ma mère, sentir cette nourriture, c'est comme être de retour chez elle. Mais vous ne savez pas ce que c'est. Vous n'avez pas de sentiments.”

Le problème des stéréotypes

Pour Roberta Brandalise, professeure en théorie de la communication et coordinatrice de l'enseignement de la culture à l'Université Cásper Líbero, les éventuelles appropriations et utilisations qui pourraient être faites de l'intrigue pourraient aussi altérer la thématique.

Uma telenovela com a proposta de “Órfãos da Terra” pode tanto sensibilizar e esclarecer a opinião pública sobre o tema quanto aprofundar estereótipos e preconceitos sobre imigrantes e refugiados. Afinal, as disputas de sentido sobre a problemática do imigrante e do refugiado se dá dentro e fora de qualquer narrativa.

Une télénovela comme “Orphelins de terre” peut tout aussi bien sensibiliser et éclairer l'opinion publique sur le thème qu'elle propose, qu'enraciner les stéréotypes et les préjugés sur les immigrants et les réfugiés. En fin de compte, les discussions de sens sur la problématique de l'immigrant et du réfugié ont lieu aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de la narration.

Cependant, elle souligne que la visibilité apportée par le feuilleton peut, en fait, être positive pour la thématique de l'asile au Brésil.

A visibilidade midiática e o agendamento do tema no cotidiano brasileiro pode ser uma vantagem se contribuir para o desenvolvimento de políticas públicas, e demais ações que viabilizem a diminuição das condições desigualitárias em que se encontram os imigrantes e os refugiados. É importante que as vozes dos imigrantes e refugiados sejam ouvidas. Melhor ainda, se tivermos a participação deles na produção.

La visibilité médiatique et l'ordonnancement du thème dans le quotidien brésilien peuvent être un avantage s'ils contribuent au développement de politiques publiques et autres actions qui rendraient possible la réduction des conditions inégalitaires dans lesquelles se trouvent les immigrants et les réfugiés. Il est important que les voix des immigrants et des réfugiés soient entendues. Ou mieux encore : qu'ils participent à l'écriture du scénario.

Le pape François attendu au Mozambique en septembre, en pleine campagne électorale

vendredi 26 avril 2019 à 17:18
Papa Francisco | Attribution-ShareAlike 2.0 Generic (CC BY-SA 2.0)

Le pape François | Gabriel Trujillo – Attribution-ShareAlike 2.0 Generic (CC BY-SA 2.0)

Le pape François se rendra au Mozambique en septembre 2019, seulement quelques semaines avant le scrutin qui élira le nouveau président, les membres de l’Assemblée de la République, ainsi que les gouverneurs de provinces.

Le pape avait été invité en septembre 2018 par Filipe Nyusi, le président du Mozambique. Cette visite a été confirmée le 26 mars lors d’une cérémonie solennelle associant différentes instances de l’Eglise catholique du pays.

Le président Nyusi a déclaré que la visite du pape contribuerait à renforcer les pourparlers de paix avec la RENAMO, le parti de l’opposition qui a cessé les hostilités armées contre le gouvernement en 2017 dans le cadre d’un processus qui demeure tendu. Il a ajouté que cette visite constituerait également une occasion de réfléchir au conflit avec les groupes armés sévissant dans le nord du pays, notamment dans la province du Cabo Delgado.

Jean-Paul II avait été le dernier pape à se rendre au Mozambique, en septembre 1988.

La confirmation de la visite du pape était anticipée depuis la mi-février. Le Mozambique tiendra des élections ce mois d'octobre, et doit encore se remettre des ravages du cyclone Idai, qui a fait plus de 500 morts et plus d’un million de sans-abri. Le pape a fait part de sa solidarité envers les victimes :

J’exprime ma douleur et ma solidarité aux chères populations du Mozambique, du Zimbabwe et du Malawi touchées par le cyclone Idai. Je confie les nombreuses victimes et leurs familles à la miséricorde de Dieu.I

La catastrophe provoquée par le cyclone, d’ores et déjà considéré comme l’un des plus violents enregistrés dans l’hémisphère sud, a touché la ville de Beira dans le centre du Mozambique le 14 mars, avant d’atteindre le Zimbabwe et le Malawi voisins où il a fait plus de 300 morts.

Depuis, le pays est toujours en état d’urgence, ce qui a amené le gouvernement à revoir le calendrier électoral et décaler la période d’inscription.

En pleine catastrophe, alors que le gouvernement cherche toujours comment secourir et abriter des milliers de personnes après le cyclone Idai, le président Nyusi annonce en direct à la télé que le pape se rendra au Mozambique en septembre. Mauvais timing, c’est le moins qu’on puisse dire.

Certains citoyens s’interrogent sur le fait que les élections se dérouleront peu après la visite papale, s’inquiétant d'éventuelles répercussions sur la campagne :T

It is clear that Pope Francis’ visit in September plays in favour of #Frelimo and Filipe #Nyusi. Directly or indirectly the visit will be politically profited from. It would be good if it was postponed to November, that is, after the confusion of the general elections scheduled for 15 October.

Il est clair que la visite du pape François en septembre joue en faveur du Frelimo et de Filipe Nyusi. De manière directe ou indirecte, cette visite ne sera pas neutre politiquement. Il serait bon de la repousser à novembre, après la confusion des élections générales prévues pour le 15 octobre.

En Turquie, vague de protestations sur les campus universitaires suite à des cas d'abus sexuels et de harcèlement

jeudi 25 avril 2019 à 21:16

Les étudiantes veulent la sécurité, les autorités universitaires minimisent

Manifestation à l'université d'Ankara le 8 avril. Photo du Collectif des femmes à l'université. Utilisation autorisée.

Au début du mois, une femme de 23 ans a prétendu avoir été battue et violée par un professeur de 54 ans en poste à l'université d'Ankara, alors qu'elle était de service en tant que vétérinaire à la clinique vétérinaire privée que le professeur copossède.

Dans son témoignage, la jeune femme, désignée sous le nom de C.B. par les médias locaux, a affirmé que le professeur Hasan Bilgili l'avait invitée à dîner et lui avait demandé de boire avec lui.

Elle a alors expliqué ce qui s'était passé lorsqu'elle a refusé la proposition :

He forced himself on me and kissed me. He hit my head three or four times on the floor. I passed out. When I opened my eyes, it was 1.30 AM.

Il s'est jeté sur moi et m'a embrassée. Il a frappé ma tête trois ou quatre fois sur le sol. Je me suis évanouie. Quand j'ai ouvert les yeux, il était 1h30 du matin.

‘Ne te plains pas’

La première personne que la jeune femme a vue lorsqu'elle est revenue à elle a été l'associé de Hasan Bilgili, un chirurgien vétérinaire du nom de Serkan Durmaz. Il lui a dit :

Something happened between you and him. Do not complain. These things will get you into trouble.

Quelque chose s'est produit entre toi et lui. Ne te plains pas. Ça va t'attirer des ennuis.

Le gynécologue que Hasan Bilgili et Serkan Durmaz l'ont emmenée voir, Huseyin Senyurt, lui a tenu le même genre de discours :

Even if you complain, nothing will happen. Just take this medicine.

Même si vous vous plaignez, cela ne changera rien. Prenez ce médicament, c'est tout.

Hasan Bilgili a été arrêté suite à la plainte que C.B. a déposée contre lui. Debout près du banc des prévenus lors d'une audience préliminaire, il a qualifié les accusations de conspiration à son encontre et cité son statut d'homme marié pour sa défense.

L'université d'Ankara a publié une déclaration via Twitter :

L'information faisant état d'une agression sexuelle dans une clinique privée en dehors de l'université nous est parvenue et une enquête portant sur l'agresseur présumé a été ouverte. La personne susmentionnée a été suspendue.

Pas la première fois

Hasan Bilgili a déjà été accusé de mauvais traitements contre des femmes par le passé.

D'après un article du journal Hürriyet, Hasan Bilgili ainsi que son frère Ali Bilgili, professeur de pharmacologie dans la même université, ont été accusés de harcèlement envers des étudiantes en 2007 et se sont ainsi retrouvés devant les tribunaux. Le juge a ordonné qu'Ali Bilgili soit suspendu de ses fonctions à l'université suite aux accusations de harcèlement tandis que le salaire de Hasan Bilgili a été retenu. Tous deux ont finalement récupéré leur poste.

L'article du journal Hurriyet qui aborde les accusations contre les frères Bilgili en 2007.

Plus récemment, en 2016, Hasan Bilgili a une fois de plus été la cible d'accusations d'agression sexuelle, cette fois de la part d'une étudiante de programme d'échange dans son département vétérinaire.

Protestations étudiantes : nous ne nous tairons pas

Le lendemain du jour où le cas de viol est devenu viral sur Twitter, des étudiants de l'université d'Ankara ont lancé un mouvement de protestation sur le campus ciblant ce qui est vu comme de l'inaction de la part des autorités dans des cas antérieurs de plaintes pour harcèlement sexuel.

Lors de cette contestation, les étudiants ont scandé : “Nous ne voulons pas d'un professeur violeur.”

La manifestation a trouvé une résonance sur les réseaux sociaux.

Les étudiantes ont déclaré : “Ne rien dire, c'est participer au crime.”

Après qu'un professeur de la faculté de médecine vétérinaire de l'université d'Ankara, le Dr. Hasan Bilgili, a violé B.C., qui travaillait dans sa clinique vétérinaire, des étudiantes de la faculté vétérinaire de l'université d'Ankara ont organisé une manifestation et ont publié un communiqué de presse.

L'égalité de genre remise à plus tard

Le sujet des violences sexuelles est particulièrement sensible en Turquie depuis qu'en février, le Conseil de l'Enseignement supérieur (YÖK) a renié [fr] de façon controversée ses engagements pris dans la “Charte de l'attitude d'égalité de genre”, un document qui l'enjoignait à intégrer les principes de l'égalité de genre dans son travail. Le président de l'organisme de régulation de l'enseignement supérieur a cité des aspects du document “non appropriés à nos valeurs” comme motif de son retrait.

Le Collectif des femmes à l'université, un groupe fondé en 2007 par des étudiantes, a raconté à Global Voices que les campus universitaires turcs étaient des lieux de plus en plus craints par de nombreuses femmes. “Les étudiantes de la faculté se préviennent mutuellement de ne pas entrer seules dans le bureau des professeurs,” a révélé par téléphone une porte-parole du collectif à Global Voices.

Professeur violeur Les deux frères sont professeurs dans la même université. Ils sont mis en cause dans plusieurs affaires. Ils côtoient des étudiantes depuis des années sans être sanctionnés et ils continuent de commettre des crimes.

Trop c'est trop. Punissez ces criminels.

La cellule contre le harcèlement sexuel de l'université d'Ankara, créée en 2011 suite à une multiplication des cas d'abus sexuels dans les universités, s'est engagée à continuer à enquêter sur les plaintes et à tenter de porter des affaires devant les tribunaux.

Mais la coordinatrice de la cellule, Gülriz Uygur, qui est professeure de droit à l'université, affirme que les victimes d'abus sont souvent réduites au silence.

“Les étudiantes ne peuvent se plaindre auprès de nous des cas d'abus sexuels auxquels elles sont confrontées, car elles sont sous la pression des notes et elles ont peur”, explique Gülriz Uygur au journal Hurriyet.

Cette année, les accusations de prédation sexuelle dans les établissements d'enseignement supérieur turcs ne se sont pas limitées à la capitale. Une université de la plus grande ville du pays, Istanbul, l'université privée Koç, a été frappée par un scandale monstre en mars après qu'un étudiant accusé d'avoir abusé sexuellement d'une camarade s'est vu infliger comme seule sanction une suspension de trois mois.

L'université Koç dissimule la violence et les abus. Nous ne sommes pas en sécurité sur les campus.

Le même mois, des étudiants de l'université Dokuz Eylul dans la troisième plus grande ville du pays, Izmir, ont protesté contre le directeur du département de sociologie, le professeur İbrahim Kaya, qui selon eux commet de manière systématique des abus sur des étudiantes depuis 2014.

Des étudiantes ont collé des slogans parmi lesquels “Nous ne voulons pas d'un professeur-agresseur” sur les murs de l'établissement. Elles se préparent à présent à déposer une plainte au pénal contre Ibrahim Kaya.