PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

Un regard d'artiste sur le mal du pays des exilés iraniens

jeudi 15 mai 2014 à 20:48
ImNotThere_550px

 ”I'm Not There” de Saman Aghvami  est une exposition photographique au programme du festival Contact à Toronto.

De nombreux Iraniens de la diaspora se retrouvent confrontés à la nostalgie d'un pays natal où ils ne peuvent pas retourner, de peur d'être persécutés. Dans une récente allocution, le Président modéré Hassan Rouhani a sous-entendu que les Iraniens exilés devraient pouvoir venir dans leur pays d'origine sans avoir à craindre d'éventuelles sanctions. Cependant, un retour en Iran demeure risqué pour beaucoup. La seule option pour les personnes dans ce cas? Se remémorer leur pays natal depuis l'étranger.

Le photographe irano-canadien Saman Aghvami a tenté de retranscrire ce sentiment dans une exposition photo intitulée “I'm Not There” (“Je n'y suis pas”) et présentée dans le cadre du festival photographique Contact à Toronto.

“J'ai demandé aux participants: ‘Où iriez-vous si vous pouviez passer deux heures n'importe où en Iran ?'. Ces photos sont leurs réponses”, a déclaré Aghvami dans une interview accordée à Global Voices.

Aghvami, avant d'émigrer au Canada, était photographe pour l'Agence de presse des étudiants iraniens (Iranian Student News Agency ou ISNA), et a photographié des compatriotes dans leur résidence actuelle, puis a superposé à ces clichés des images d'endroits qui suscitent de la nostalgie chez eux. Les participants sont des activistes, des artistes, des membres de minorités, des journalistes ou des dissidents. Le sujet de l'exil et de la nostalgie semblait important à Aghvami de par sa propre expérience d'Iranien vivant au Canada.

Hand written notes by each of the subjects were included to explain the places in Iran they were nostalgic for. Photo by Semco Salehi.

Les notes manuscrites où les participants expliquent pourquoi ils ont la nostalgie de certains endroits en Iran. Photo de Semco Salehi. Utilisée avec permission.

Un des clichés, intitulé “Rouzbeh: réalisateur”, saisit son protagoniste en train de se rappeler le Bazar de Téhéran. “Il m'a dit que pour lui le Bazar avait toujours été une métaphore du monde et de la vie”, raconte Aghvami, qui inclut dans l'exposition des notes manuscrites où les participants expliquent leur choix.

La question du droit de retour des Iraniens en exil est au centre des discussions depuis que le Président Rouhani a demandé aux Ministères des Renseignements et des Affaires Étrangères d'autoriser les expatriés à entrer sur le territoire. En guise de réponse, Hassan Qashqavi, l'adjoint au Ministre des Affaires Étrangères chargé des Affaires Consulaires, Parlementaires et relatives aux Expatriés Iraniens, a encouragé les citoyens résidant en dehors du pays à envoyer un email à l'adresse iranianaffairs@mfa.gov.ir, afin de se renseigner sur leur statut actuel auprès du Ministère des Affaires Étrangères.

Cependant, le Procureur Général Gholamhossein Mohseni Ejehi a fait des déclarations qui n'inspirent que peu de confiance aux Iraniens vivant à l'étranger. Lors d'une conférence de presse en juillet 2013, il a en effet affirmé que tout le monde était autorisé à entrer sur le territoire iranien, mais pas forcément à en sortir. En outre, le journal Shargh a révélé le 12 mai dernier que beaucoup des requêtes envoyées au Ministère des Affaires Étrangères n'avaient pas encore été traitées:

@ShargDaily: 40% des personnes qui ont envoyé une requête sur leur retour en Iran n'ont pas eu de réponse du Ministère des Renseignements.

De plus, l'incarcération de l'ancien Marine américain Amir Hekmati et d'autres histoires similaires ont contribué au manque d'optimisme de ceux qui espèrent rentrer au pays en toute sécurité.

C'est à cause d'histoires comme celle-ci que les Iraniens ont peur de rentrer : on peut être instrumentalisé contre son gré.

Le 11 mai, la journaliste irano-américaine Negar Mortazavi a posté un tweet sur le droit de retour des Iraniens, et l'a adressé au cabinet du Président Rouhani. Le post a créé l'événement lorsque le compte de Rouhani l'a retweeté. De nombreux internautes y sont allés de leur commentaire, disant que Rouhani était d'accord sur le droit de retour des expatriés sans crainte de persécution, mais qu'il lui restait encore à faire appliquer ce principe dans son pays.

The right to return to our homeland without the fear of arrest. CC: @HassanRouhani — Negar Mortazavi نگار (@NegarMortazavi) May 11, 2014

Le droit de rentrer chez soi sans craindre une arrestation. CC: @HassanRouhani

L'équipe média d'Hassan Rouhani viendrait-elle de retweeter @NegarMortazavi? Espérons qu'ils agiront en conséquence.

L'exposition “Im Not There” se déroule du 1er au 24 mai à la I.M.A Gallery de Toronto.

 

Prix Best of the Blogs : Les lauréats !

jeudi 15 mai 2014 à 19:47

Le concours annuel de la Deutsche Welle pour les meilleurs blogs mondiaux a annoncé les lauréats de cette année. Félicitations à tous !

Meilleur Blog – Lauréat du Jury: le photo-blog de Mosa'ab Elshamy's sur les évènements actuels au Caire. Ces photos sont des représentations puissantes de la vie quotidienne et des conflits qui ont récemment secoué le pays. Sa capacité à dépasser les barrières culturelles ou linguistiques et à representer les divisions et les désaccords a été remarquée par les membres du jury.

Meilleur Blog – Lauréat du Public: Euromaydan - un groupe Facebook de 300 000 membres, le plus grand en Ukraine, a aidé à mobiliser la population et à coordonner le soulèvement.

Prix de la créativité et de l'originalité – Lauréat du Jury - weicombo est un artiste qui n'utilise qu'un seul caractère chinois par post, en l'altérant légèrement afin de créer l'ironie ou la satire, laissant les lecteurs deviner où il veut en venir, et contournant la censure.

Plus Créatif & Original – Lauréat du Public - Вавилон13 (Babylon 13), créé par un groupe de réalisateurs de documentaires, relate les premiers pas de la société civile en Ukraine.

Prix Global Media Forum – Lauréat du Jury - Khabar Lahariya, un journal hebdomadaire en langue locale écrit par des femmes issues du milieu rural à travers l'Inde, travaillant sur des sujets peu médiatisés.

Prix Global Media Forum – Lauréat du Public - Women Chapter, une plateforme media alternative pour les habitantes du Bangladesh avec un centre de support pour les femmes journalistes.

Meilleure Innovation – Lauréat du Jury et du Public: le projet BanglaBraille, qui permet d'imprimer des manuels scolaires en braille et d'en créer des versions audio pour des étudiants malvoyants au Bangladesh, au travers d'un réseau de volontaires qui numérisent des manuels et réalisent des levées de fonds.

Meilleur Activisme Social – Lauréats du Jury: Visualizing Palestine crée des infographies illustrant la vie quotidienne de Palestiniens et réfugiés, travaillant non seulement sur les relations avec Israel  mais également sur les questions sociales et environnementales. 

Meilleur Activisme Social – Lauréat du Public: 新公民运动 (Le Nouveau Mouvement Citoyen) encourage la population a réaliser des actions civiques et espère transformer la Chine en une société “civile”.

Prix Reporters Sans Frontières – Lauréat du Jury et du Public: YanukovychLeaks, une présentation du travail collectif d'un groupe de journalistes ukrainiens, travaillant sur l'ancien Président ukrainien Viktor Yanukovych et ses partisans à partir de documents récupérés… dans une piscine.

02-Bobs-2014_Congrats_posting_600x240px-2

Lauréats du Public par langue:

Anglais: the Cartoon Movement - Une plateforme de caricatures politiques et un espace pour en discuter. 

Ukrainien: Блог Сергія Лещенка - Le blog de Serhiy Leshchenko, un journaliste d'investigation travaillant sur la mise en lumière du luxueux train de vie du précédent gouvernement.

Indonésien: Change.org Indonesian - Aide à initier des campagnes anti-corruptions. 

Persan:  منصفانه - Un recueil d'expériences de vie

Chinois: 艾晓明工作室博客 (Ai Xiaoming) – Le blog d'un réalisateur de documentaires travaillant actuellement sur le projet du New Citizen's Mouvement

Portugais: Migra Mundo - Documente les problèmes des migrants au Brésil

Turc:  Yüksekova Haber - Une source de news kurdes pour les citoyens et les journalistes professionnels

Hindi:  बतंगड़ - Une analyse des problèmes contemporains en Inde

Français: Les Chroniques de Yamma - Écrit par une auto-proclamée ”femme non conventionnelle” du Maroc sur la culture contemporaine

Russe: Стопфейк (StopFake) - Un site web de vérification des faits pour vérifier les informations sur la Crimée

Espanol: Yo Soy Red - Un recueil d'informations pertinentes et alternatives sur le Mexique 

Arabe:  قل (Qoll) - Une agrégation de posts d'opinions en Égypte

Allemand: Melancholia Modeste - Décrit comme “Les histoires qui finissent par écrire votre vie” 

Bengali: Zero to Infinity - Un blog de science en format questions et réponses

Célébration de deux évènements liés à l'abolition de l'esclavage à Haiti et en France

jeudi 15 mai 2014 à 16:31

En France, suite à la loi Taubira votée en 2001, on célèbre la journée nationale des mémoires de la traite de l'esclavage et de leurs abolitions, le 10 mai, depuis 2006. Cette année, la commémoration s'est faite autour de deux évènements. Le premier est la première abolition de l'esclavage en 1794. Le deuxième célèbre le 210ème anniversaire du soulèvement des esclaves de Saint-Domingue. 

La première abolition de l'escalavage s'est déroulé au cours des débats de la séance du 4 février 1794 de la Convention auxquels avaient participé trois représentants d'Haïti, au terme d'un voyage compliqué :

L'île de Saint-Domingue envoie à Paris, à la Convention, un député blanc, Louis-Pierre Dufay, un mulâtre libre, Jean-Baptiste Mills et un ancien esclave noir, Jean-Baptiste Belley. Les trois députés se présentent à la Convention le 15 pluviôse an II (3 février 1794) au terme d'un long parcours semé d'embûches : embarqués pour Philadelphie, ils sont pris à bord à New York à bord d'un navire qui les amène à Lorient. Mais ils sont écroués sous l'instigation de colons et inculpés d'intelligence avec les Girondins. Libérés ils sont admis à siéger à la Convention le 3 février 1793. Représentant aux yeux de l'assemblée l'association de trois couleurs, le blanc, le rouge et le noir, ils reçoivent l'accolade du Président, Vadier.

Après avoir entendu ces représentants décrire les conditions de vie sub-humaines des noirs, le député Jean-François de Lacroix, représentant de l'Eure-et-Loir avait reconnu que:

En travaillant à la constitution du peuple français nous n'avons pas porté nos regards sur les malheureux hommes de couleur. La postérité aura un grand reproche à nous faire de ce côté ; mais nous devons réparer ce tort. Inutilement avons-nous décrété que nul droit féodal ne serait perçu dans la république française. Vous venez d'entendre un de nos collègues dire qu'il y a encore des esclaves dans nos colonies. Il est temps de nous élever à la hauteur des principes de la liberté et de l'égalité. On aurait beau dire que nous ne reconnaissons pas d'esclaves en France, n'est-il pas vrai que les hommes de couleur sont esclaves dans nos colonies ? Proclamons la liberté des hommes de couleur. En faisant cet acte de justice, vous donnez un grand exemple aux hommes de couleur esclaves dans les colonies anglaises et espagnoles. Les hommes de couleur ont, comme nous, voulu briser leurs fers ; nous avons brisé les nôtres ; nous n'avons voulu nous soumettre au joug d'aucun maître ; accordons-leur le même bienfait.

L'abolition acquise juridiquement ne fut que partiellement appliquée causant une succession de conflits dans lesquels allait s'illustrer Toussaint Louverture. Sous la pression des colons, l'esclavage fut rétabli en 1802 par Napoléon. Il faudra attendre le 27 avril 1848 pour qu'il soit définitivement aboli. 

Interdit dans le royaume de France, par l'Édit du 3 juillet 1315 de Louis X le Hutin, l'esclavage a connu de beaux jours pour les colons français jusqu'en 1848. Source wikipedia – domaine public

 

Le deuxième évènement commémoré met à l'honneur Haïti qui fête le 210e anniversaire du soulèvement des esclaves de Saint-Domingue qui aboutit à l'indépendance du deuxième état américain, après les États-Unis. Cependant, contrairement à la pratique, Haïti, après avoir subi l'esclavage et le colonialisme de 1492 à 1803, a du payer un tribut à la France pour être reconnue comme état indépendant. Le site algerie-focus.com rappelle:

Il est indispensable de revenir sur la lutte d’émancipation menée par le peuple haïtien, car en représailles à cette double révolution, à la fois anti-esclavagiste et anti-coloniale, le pays a hérité de « la rançon française de l’Indépendance » correspondant à 150 millions de francs or (soit le budget annuel de la France de l’époque). En 1825, la France décide que « Les habitants actuels de la partie française de Saint-Domingue verseront à la caisse fédérale des dépôts et consignations de France, en cinq termes égaux, d’année en année, le premier échéant au 31 décembre 1825, la somme de cent cinquante millions de francs, destinée à dédommager les anciens colons qui réclameront une indemnité. » 
Cela équivaut à environ 21 milliards de dollars d’aujourd’hui. Dès le départ, Haïti doit payer le prix fort, la dette sera l’instrument néo-colonial pour entretenir l’accès aux multiples ressources naturelles de ce pays.

Cette rançon devait servir de compensation pour les biens perdus par les colons suite à l'indépendance du pays. Une estimation avantageuse de ces biens pour les colons, si l'on en croit au discours prononcé à l'occasion de la séance du 4 février 1794, par M. Louis-Pierre DUFAY, le député blanc de Saint-Domingue, qui a parlé ainsi des colons que Haïti a dû rembourser pendant tant d'années, selon le site assemblee-nationale.fr:

Galbaud a voulu servir l'orgueil des blancs, propriétaires comme lui, la plupart perdus de dettes avec l'air de l'opulence, ou dont les engagements égalaient les capitaux. Il a rallié à son parti tous ces fastueux indigents qui, trop connus des commerçants de France, et ne pouvant plus abuser de leur crédulité, voulaient depuis si longtemps amener leur indépendance de la France, ou au moins être indépendants de leurs créanciers.

Toussaint Louverture

Toussaint Louverture, à l'origine Toussaint Breda, chef de la Révolution haïtienne (1791-1802) une des grandes figures des mouvements anticolonialiste, abolitionniste et d'émancipation des Noirs. Source: wikipedia.org 

 

Haïti, autrefois appelé “Perle des Antilles”, a rencontré d'énormes difficultés pour rembourser cette somme. Dans un billet publié sur le site du Comité pour l'annulation de la dette du Tiers Monde, il y a quelques années, on peut lire:

En 1804, ils ont hérité d’une terre dévastée par les plantations de canne à sucre et d’un pays ravagé par une guerre féroce. Et ils ont hérité de “la dette française”. La France a fait payer chère l’humiliation infligée à Napoléon Bonaparte. A peine née, Haïti a dû s’engager à payer une indemnisation gigantesque, pour les dommages faits en se libérant. Cette expiation du péché de la liberté lui a coûté 150 millions de francs or. Le nouveau pays est né étranglé par cette corde attachée au cou : une fortune qui équivaudrait actuellement à 21.700 millions de dollars ou à 44 budgets totaux de Haïti de nos jours.

Des pétitions ont été adressées aux Présidents Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, pour demander le remboursement de cette rançon, dont le paiement a constitué une lourde hypothèque sur le développement de Haïti. Dans une de ces pétitions, de 2010, à l'occasion de la visite du Président français, Nicolas Sarkozy, après le séisme qui avait dévasté Port-au-Prince et ses environs, publiée sur indigenes-republique.fr, on pouvait lire:

Aujourd’hui, plutôt que de miser sur les hypothétiques investissements de capitaux étrangers ou sur les prêts du FMI ou de la Banque Mondiale et sur la raison mercantile capables de redynamiser l’économie haïtienne et de favoriser la reconstruction du pays, il nous semble nécessaire d’exiger de la France qu’elle rembourse à Haïti la rançon équivalent à 21 milliards (estimation en USD, 2004) qu’elle a reçue de 1825 à 1946.

Malheureusement, jusqu'à présent la France a toujours opposé des fins de non-recevoir à cette requête.

La Russie mène sa Guerre des Etoiles, au sol

jeudi 15 mai 2014 à 12:24
Dmitry Rogozin is orbiting the Earth in lieu of a GPS satellite. An artist's depiction. Images remixed by Andrey Tselikov.

Dmitri Rogozine en orbite, en guise de satellite GPS. Image d'artiste, remixée par Andrey Tselikov.

Dmitri Rogozine, le méchant au visage poupin responsable du complexe militaro-industriel russe, a fait des vagues cette semaines quand il a annoncé [russe] qu'à partir du 1er juin 2014, la Russie fermerait les “stations GPS” sur son territoire, à moins que les USA accordent la réciprocité en hébergeant les stations équivalentes du GLOSNASS (le GPS russe) en Amérique. L'information a atteint Twitter, où l'affaire a pris une vie autonome, surtout parce que les informations en une phrase diffusées sur le réseau de micro-blogging ne sont pas propices à une analyse en profondeur. 

Les stations évoquées par M. Rogozine ont beau servir apparemment à “calibrer” le signal, et n'amèneront en fait nullement à un arrêt des services GPS en Russie, cela n'a pas empêché les microblogueurs de supposer précisément le contraire. Le scepticisme de l'opinion a atteint un degré qui a contraint M. Rogozine à clarifier [russe] sur Twitter que la fermeture “n'affecterait pas la qualité” du signal GPS.

Rogozine est connu pour se servir de Twitter comme d'une rampe de lancement à déclarations outrageuses ; le 2 mai il avait pompeusement tweeté [russe] qu'il échangerait toutes ses fonctions publiques officielles contre le privilège d'être “dans les tranchées” avec les séparatistes de Slaviansk en Ukraine. Ce qui lui a valu une des meilleures blagues du scandale du GPS :

Dmitri Rogozine a déclaré que le GPS ne sert à rien – chaque fois qu'il a essayé d'arriver à une tranchée à Slaviansk, le GPS l'a amené à une villa en Toscane.

La qualité du signal changera sans doute peu, mais elle pourrait être légèrement dégradée avec la fermeture annoncée. Des blogueurs se sont souvenus d'autres occasions où la Russie a pu se tirer une balle dans le pied en protestant contre des actes de l'Occident. Max Katz (un personnage clivant à sa manière) a fait un parallèle avec la “Loi Orphelins”, qui a interdit aux Américains l'adoption d'orphelins russes en riposte à la Loi Magnitsky de sanctions contre des bureaucrates russes :

En réponse aux sanctions le gouvernement a décidé de couper le GPS aux Russes ? Bon, ça n'est pas l'option la pire. Au moins cette fois on n'a pas touché aux orphelins

Le compte Twitter d'Alexeï Navalny, théoriquement administré par sa femme pendant ses arrêts domiciliaires, a résumé le sentiment :

Eh bien, en bref, la blague “si vous faites ça, nous bombarderons Voronej” est très proche de la vérité. Nous nous couperons nous-mêmes le GPS.

Le GPS fonctionne toujours, mais l'incident illustre cette absence résignée de confiance qu'ont certains Russes en leur gouvernement.

Issa Kelei, symbole du calvaire des étudiants tchadiens en Algérie

jeudi 15 mai 2014 à 10:05
Le 1er mai 2014, le site du blogueur et journaliste tchadien Makaila Nguebla annonce la nouvelle de l'arrestation d’ Issa Kelei, le leader du Mouvement des Revendications Estudiantines ; le groupe défend les intérêts des étudiants tchadiens installés en Algérie. L'annonce de l'arrestation de Issa Kelei soulève l'indignation sur les réseaux sociaux. En effet, les amis et proches de Issa craignaient qu'il ne soit extradé vers son pays d'origine, le Tchad, où selon eux sa vie serait en danger. Quelle ne fut pas leur soulagement quand, quelques heures plus tard, la liberation d'Issa est annoncée sur Facebook.
Hisham Almiraat, directeur de Global Voices Advocacy, est entré en contact avec le blogueur et journaliste Tchadien Makaila NGUEBLA pour en savoir plus sur la situation des étudiants. Entretien : 

 

Global Voices (GV): Pouvez-vous dire pourquoi les étudiants tchadiens en Algérie observent un mouvement de contestation ?

Makaila NGUEBLA (MN): Les étudiants d’Algérie ont observé un mouvement de protestation pour dénoncer le montant des bourses d’études que les autorités tchadiennes leur envoient annuellement.
C’est à l’issue d’une réunion tenue le 17 avril dernier que l’Union des Etudiants et Stagiaires tchadiens en Algérie (UESTA) a décidé de rejeter la somme de 294 000 000 CFA, l'estimant insuffisante pour couvrir les besoins de 750 étudiants tchadiens. Ils décident donc de ne rien percevoir et donnent un délai de 10 jours à l’ambassade du Tchad et à la délégation venue les payer pour trouver une solution acceptable. Ils affirment également que ces 3 points ne sont pas négociables. Après avoir donné cet ultimatum et n'ayant reçu aucune réponse des autorités, les étudiants ont envahi l’Ambassade du Tchad à Alger sans pour autant causer des dégâts matériels ni humains. Les forces algériennes sont intervenues pour les disperser en arrêtant plusieurs d’entre eux. Ce qui irrite les étudiants tchadiens en général qu’ils soient au Tchad ou à l’étranger, les étudiants n’ont jamais obtenu régulièrement leurs bourses d’études malgré les ressources naturelles dont dispose le pays.
Au Tchad, les manifestations publiques sont systématiquement interdites depuis la prise du pouvoir d’Idriss Deby en 1990. La seule grande manifestation de l’opposition date de 1992, les autres sont organisées par le pouvoir qui manipule ses militants à des fins politiques.
Les manifestations estudiantines et syndicales sont réprimées dans le sang les plus souvent dans l’anonymat médiatique total et dans l’indifférence de la communauté internationale.

Issa Kelei via le blog de Makaila - avec permission

Issa Kelei via le blog de Makaila – avec sa permission

GV : qui est Issa Kelei ?

Makaila NGUEBLA : Issa est un étudiant tchadien qui préside l’UESTA, il fait des études de médecine à Alger et ne dispose pas de blog. Il dérange parce qu’il revendique les droits de ses collègues étudiants. Au Tchad, vous risquez des ennuis lorsque vous vous engagez dans un militantisme de cette envergure. Les autorités sont frileuses sur la question des manifestations et craignent le débordement.

GV : Pourquoi a-t-il été arrêté ?

Makaila NGUEBLA : Il a été arrêté sur ordre de l’ambassadeur du Tchad à Alger qui a demandé à la police algérienne d’arrêter Issa Kelei et son chargé de la culture qui était un étudiant aussi.

GV : Quelle est la situation de la liberté d’expression au Tchad ?

Makaila NGUEBLA : Vous savez, au Tchad, la liberté d’expression n’est qu'un leurre pour endormir les partenaires internationaux. Les journalistes tchadiens sont souvent interpellés par des militaires et les autorités en toute impunité. Si vous critiquez le Président, les membres de sa famille ou les dignitaires du régime tchadien, vous risquez une convocation de la justice et si vous vous présentez, aussitôt on vous arrête et vous êtes en garde à vue en attendant une parodie de procès pour une condamnation arbitraire. Les journalistes, les opposants, les responsables syndicaux et de la société civile, vivent la peur au ventre et n’osent pas entreprendre des initiatives qui risqueraient de les envoyer en prison pour rien. La situation est bloquée.

GV : Etes-vous toujours en contact avec Issa ?

Makaila NGUEBLA : Avant son arrestation, j’étais en contact avec lui sur Facebook à la veille de la manifestation. Mais, après son interpellation, je suis en contact avec un membre de l’association qui me relaye les informations afin de diffuser et d’alerter l’opinion sur leur mouvement.

GV : Quel est son statut à ce jour et sa situation en Algérie ?

Makaila NGUEBLA : Comme je disais précédemment, Issa a un statut d’étudiant et sa situation est celle d’un homme qui se bat pour les autres. Je précise qu’il est actuellement libre de ses mouvements et qu'il attend selon ses collègues une convocation des autorités judiciaires qui ont reçu une plainte de l’ambassade du Tchad contre Issa. Il est possible de le joindre. Je pourrai aussi vous mettre en contact avec d’autres blogueurs tchadiens