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L'activiste vietnamienne Trần Thị Nga condamnée à 9 ans de prison pour « propagande »

mercredi 9 août 2017 à 20:08

Trần Thị Nga lors de son interpellation par la police à son domicile en janvier 2017. (Photo: Ba Sam)

Cet article de Don Le a initialement été publié sur Loa, un site d'informations et une radio en ligne mis en place par le Viet Tan afin de diffuser des nouvelles sur le Vietnam. Il est reproduit sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu. 

Les autorités vietnamiennes ont à nouveau prononcé un lourd verdict à l'encontre d'une activiste des droits humains, dernier exemple en date de l'intensification de la répression des voix dissidentes au Vietnam. Lors d'un procès expédié en une journée le 25 juillet 2017, le Tribunal populaire de la province de Hà Nam a condamné Trần Thị Nga à neuf ans de prison et cinq ans d'assignation à résidence pour « propagande contre l’État ».

Trần Thị Nga, âgée de 40 ans, est aussi connue sous le nom de plume « Thúy Nga ». Grande défenseure des droits des migrants et du droit à la terre, elle a également documenté et fait campagne contre les violences policières sur sa page Facebook et sa chaîne YouTube. Trần Thị Nga a elle-même souvent été victime d'intimidations et d'attaques physiques perpétrées par la police à cause de son activisme.

« Il s'agit d'un verdict injuste. Nga n'est pas coupable comme le dit la cour » a déclaré son avocat Hà Huy Sơn à Reuters.

De nombreuses organisations internationales de défense des droits humains ont condamné les autorités vietnamiennes pour l'arrestation de Nga. Peu de temps avant la condamnation de la blogueuse, Phil Robertson, vice-directeur du bureau Asie de Human Rights Watch, avait déclaré :

The Vietnamese government consistently goes to extremes to silence its critics, targeting activists like Trần Thị Nga with bogus charges that carry a long prison sentence, and subjecting their families to harassment and abuse.

Le gouvernement vietnamien continue de prendre des mesures extrêmes afin de réduire au silence ses détracteurs, en ciblant des activistes tels que Trần Thị Nga avec de fausses accusations qui encourent de longues peines de prison, et en soumettant leurs familles à du harcèlement et des mauvais traitements.

Selon des témoins, des centaines de policiers ont bouclé les alentours du tribunal afin d'empêcher les soutiens de Nga de se rassembler devant la Cour. Une vidéo tournée grâce à un drone montre les rues attenantes au tribunal désertes suite au blocage des forces de police.

Le mari de Nga ainsi que ses deux plus jeunes fils ont été empêchés d'entrer au tribunal et forcés d’attendre à l'extérieur.

Son mari, Phan Văn Phong, a partagé sur Facebook :

The court did not receive us, so we wandered around the streets. We were tired out so the two boys looked for some shade to sit down and rest momentarily.

Le tribunal ne nous ayant pas reçus, nous avons donc erré dans les rues. Comme nous étions fatigués, les garçons ont cherché un peu d'ombre où s'asseoir et se reposer un moment.

Le mari de Trần Thị Nga et ses deux fils n'ont pas été autorisés à accéder au tribunal afin d'assister à son procès. (Photo: Facebook/Trương Minh Hưởng)

Bien qu'ils n'aient pas été autorisés à assister à ce qui devait être un procès public, des dizaines d'activistes ont organisé un sit-in devant le tribunal afin de protester contre ces procédés abusifs et demander la libération de Trần Thị Nga. « Thuý Nga est innocente », pouvait-on lire sur certaines signes.

Des vidéos tournées sur place montrent des policiers en civil s'attaquer aux manifestants non-violents, arracher et déchirer les pancartes des défenseurs de Nga.

Sa condamnation s'inscrit dans une tendance inquiétante pour les défenseurs de la liberté d'expression. En juin 2017, la blogueuse Nguyễn Ngọc Như Quỳnh, qui écrivait sous le nom de « Mother Mushroom », a été condamnée à dix ans de prison sous les mêmes charges. Les autorités de la province de Nghệ An ont par ailleurs arrêté un activiste la veille du procès de Nga et l'ont accusé de « tentative de renverser l’État ».

Des activistes ont organisé un sit-in de protestation devant le Tribunal populaire de Hà Nam. (Photo: Facebook/Nguyễn Thuý Hạnh

PHOTOS : Le Wikipédia bulgare annonce les candidatures nationales pour le concours “Wiki aime la Terre”

mercredi 9 août 2017 à 19:22

Guêpier d'Europe (Merops apiaster) dans le parc naturel de Persina, Bulgarie. Photo Borilei via Wikimedia Commons, CC BY-SA 4.0.

Le Wikipédia bulgare a annoncé les dix meilleurs photos qui vont représenter le pays dans le concours international de photos de zones naturelles protégées “Wiki aime la Terre”.

Les photos étaient présentées le 2 aout 2017 par un post Facebook spécial largement partagé qui a présenté les 10 meilleurs photos avec les liens vers leurs versions originelles. Le post incluait aussi des remerciements aux membres du jury, dont faisaient partie des universitaires connus des domaines de la botanique, de la zoologie, de la géographie, de l’écologie et de l’astrophysique, ainsi que des personnes ayant de l’expérience en photographie de la nature.

La rivière Strumeshnitsa, dans la zone protégée Natura 2000 de Rupite-Strumeshnitsa. Photo Georgy Palpurin, ShareBulgaria team via Wikimedia Commons CC BY-SA 4.0.

Cet année, neuf pays d'Europe centrale et orientale organisent les étapes nationales du concours de photographie “Wiki aime la Terre”. Ce concours de photographie complète le concours régional d’écriture d'articles “Printemps d'Europe centrale et orientale”, qui vise à soutenir la création de contenus sur la région et qui inclut une catégorie dédiée à la nature et à la géographie.

En Bulgarie, le concours “Wiki aime la Terre” étaient organisé pour la troisième fois de suite, du 1er au 30 juin.

“Le but fondamental du concours est de recueillir des photos de sites du patrimoine naturel – tels que réserves naturelles, zones de conservation du paysage, parcs nationaux, régions pittoresques ou de paysage, jardins remarquables, etc. – pour illustrer des articles de l’encyclopédie mondiale Wikipédia et d’autres projets de la fondation Wikimedia, déclare l'annonce officielle du concours global.

L’édition du concours “Wiki aime la Terre” 2017 inclut des participants d’un total de 37 pays sur 5 continents différents. Des organisateurs et des contributeurs utilisent le hashtag #WikiaimelaTerre pour publier des photos et pour promouvoir un esprit de partager.

Plus de 137.000 photos ont été recueillies à l’échelle mondiale jusqu’à ce jour, avec l’Inde, l’Allemagne, l’Ukraine, le Brésil et le Pakistan comme meilleurs contributeurs.

Les pays participant au concours Wiki Loves Earth 2017. Image par Saqib, CC BY-SA 4.0.

Avocette élégante (Recurvirostra avosetta). Photo Borilei via Wikimedia Commons, CC BY-SA 4.0.

Les gagnants de la phase internationale du concours “Wiki Aime la Terre” seront annoncés le 15 septembre.

Les débats au Parlement de l'Ouganda révèlent l'étendue du sexisme et de la misogynie

mercredi 9 août 2017 à 12:38

L'humiliation des victimes ne résoudra pas le problème de la violence à l'égard des femmes et des enfants

Mme Itungu Zonnet, du district de Kasese, dans l'ouest de l'Ouganda, une mère de trois enfants à l'âge de 19 ans. Photo d'Edward Echwalu. Utilisé avec la permission.

Mme Itungu Zonnet, du district de Kasese, dans l'ouest de l'Ouganda, une mère de trois enfants à l'âge de 19 ans. Photo d'Edward Echwalu. Utilisé avec la permission.

Le 18 juillet, le parlement ougandais s'est réuni à Kampala, la capitale, pour discuter d'une motion demandant au gouvernement de donner la priorité à la promotion et à la protection des enfants contre la violence. Le débat a été mis à l'ordre du jour après un rapport de police de mars 2017 indiquant qu'entre 2010 et 2016, il y a eu une augmentation constante des crimes contre les femmes et les enfants en Ouganda.

Au cours de son intervention dans le débat, Mme Florence Nakiwala Kiyingi, ministre de d’État pour les affaires de la jeunesse et de l'enfance, a fait une déclaration étonnante en ce qui concerne l'augmentation de la violence à l'égard des enfants dans le pays. “Si vous voulez protéger un enfant”, a déclaré Mme Kiyingi, “vous devez aimer et respecter le père de l'enfant”.

Le manque de respect de la part des femmes pour leurs maris oblige les hommes à abandonner leurs enfants, déclare la ministre de la jeunesse

Mme Nakiwala Kiyingi dit que les principales causes de négligence et de violence contre les enfants sont le manque de respect des femmes pour les hommes

Lorsque le vice-président M. Jacob Oulanyah lui a demandé la preuve justifiant son argumentation, Mme Kiyingi a déclaré: “J'ai eu une longue expérience de dirigeante dans le royaume de Buganda dans les mouvements des jeunes filles et des jeunes mères … quand on discute avec les femmes des conditions de la santé mentale, on trouve que les pères aussi peuvent aimer leurs enfants et s'en occuper”.

Nombre de cas : De gauche à droite, en haut : enlèvements de petites filles ; atteintes à la pudeur ; viols. En bas : Tortures d'enfants ; Manque de soins ; Abandons

Près de 60 % des 37 millions d'Ougandais ont moins de 18 ans. Environ 55 % des enfants de moins de cinq ans et 38% de ceux de 6 à 17 ans vivent dans la pauvreté. Une étude menée en 2014 par le ministère du Travail et du Développement social de l'Ouganda, où se trouve Kiyingi, a révélé que 55 % des enfants de moins de cinq ans sont privés de deux ou plusieurs des droits énoncés dans la Convention relative aux droits de l'enfant [fr]. L'Ouganda a ratifié la Convention des Nations Unies en 1990 et les droits de l'enfant sont clairement définis dans sa Constitution et dans la Loi sur les droits de l'enfant.

Une étude de l'UNICEF en 2015, Situational Analysis of Children in Uganda (Analyse de la situation des enfants en Ouganda), a également souligné que la protection des droits de l'enfant continue à constituer un défi majeur dans ce pays de l'Afrique de l'Est. Une autre étude menée conjointement par l'UNICEF et le gouvernement ougandais a révélé que près de 40% des enfants ougandais ont subi une violence physique qui les a affectés négativement. Cette situation préoccupante est confirmée par le rapport annuel 2015 de la Commission ougandaise des droits de l'homme, qui a réaffirmé que les parents, en particulier les pères, négligeaient de plus en plus leurs enfants, en particulier ceux nés hors des relations “formelles”. Notant que les dépenses du gouvernement en matière de protection de l'enfance sont marginales, l'UNICEF a appelé à investir davantage dans l'évolution des normes sociales et le soutien à la protection de l'enfance.

En mars 2017, la police ougandaise a publié des données montrant que la violence à l'égard des femmes et des enfants avait augmenté sur une période de sept ans. M. Martin Okoth Ochola, inspecteur général adjoint de la police, a attribué l'augmentation de la violence à l'égard des femmes et des enfants à la drogue et l'alcoolisme, la pauvreté et les conflits liés à la terre, ainsi qu'à des facteurs tels que les normes culturelles et la dégradation des valeurs familiales. Il y a également eu plus de 185 000 cas de violences à l'égard des femmes enregistrées sur une période de sept ans et 31 041 cas ont été signalés à la police en 2016,

Photo d'Edward Echwalu. Utilisée avec permission

Photo d'Edward Echwalu. Utilisée avec permission

Malgré toutes les preuves de l'ampleur et de la complexité du problème, la ministre responsable de la lutte contre la violence à l'égard des enfants semble croire que la solution est une simple: que les femmes maîtrisent les techniques pour caresser l'ego masculin. Mais les idées de Mme Kiyingi ne sortent pas du néant. Son prédécesseur, Ronald Kibule, a abasourdi le pays en 2013 avec ses allégations de culpabilité des victimes de viol. “La plupart des femmes s'habillent actuellement de manière succincte, surtout les jeunes”, a déclaré le ministre. “Si [une femme] est mal vêtue et est violée, personne ne devrait être arrêté”.

Culpabiliser les femmes pour la violence contre elles et leurs enfants témoigne d'une ignorance frappante des réalités de nombreuses familles ougandaises. La suggestion selon laquelle ce sont les victimes de crimes qui les “provoquent” est également dangereusement injuste, car elle nie la responsabilité des auteurs. Encore plus inquiétant est le fait que plusieurs députés, hommes et femmes, dont un médecin, ont soutenu la rhétorique misogyne de Mme Kiyingi.

Une femme transportant en bicyclette ses produits au marché près de Lira, dans le nord. Photo de Rachel Mabala. Utilisé avec la permission.

Une femme transportant en bicyclette ses produits au marché près de Lira, dans le nord. Photo de Rachel Mabala. Utiliséeavec la permission.

Le Dr Chris Baryomunsi, spécialiste de la santé publique et ministre, a cité: “Des études réalisées montrent clairement que le comportement des femmes fait fuir leurs conjoints et cela peut causer des perturbations dans la famille”.

En plus de ressusciter des préjugés de longue date contre les femmes, les participants à ce débat creux et axé sur l'ego n'ont offert aucune solution. Leur traitement des personnes qui ont déjà été maltraitées dit beaucoup sur les législateurs ougandais, et par extension, la société ougandaise. Le parlement qui était autrefois plein des législateurs socialement progressistes, qui a donné à l'Ouganda une constitution relativement progressiste, est maintenant un cirque où l'on peut se référer à des études imaginaires afin de nier les voix et les expériences de millions de victimes de la violence en rencontrant peu de contradiction.

Mais alors que les parlementaires sont incapables de réagir, les citoyens ougandais ne sont pas prêts à être réduits au silence. Les déclarations de Mme Kiyingi ont irrité de nombreux citoyens et d'autres ont demandé si elle comprenait son rôle de dirigeante, comme Mme Winnie Byanyima, défenseure renommée des droits des femmes et directrice exécutive d’Oxfam International.

C'est stupide ! Où est la preuve? La ministre a besoin d'un cadrage sur son rôle et la façon de faire des déclarations publiques.

J'ai vraiment honte pour Mme Nakiwala Kiyingi !! Un tel commentaire au 21ème siècle?

Répugnant. Je ne suis pas sûr qu'elle s'est entendue dire ces mots ignorants, de haine de soi et misogynes

Vraiment!! Aujourd'hui et à notre époque ??? … nous avons besoin de beaucoup de travail avec les femmes ministres.

Bien qu'il y ait 34 % de représentation féminine dans le parlement ougandais et un bon nombre de femmes participant à la gouvernance, ces déclarations misogynes des ministres et des parlementaires nous rappellent que la représentation des genres ne garantit pas la justice pour les femmes et les enfants et le dur travail à faire pour que les normes et les traditions culturelles soient modifiées dans le sens du progrès.

‘Ils ne peuvent nous arrêter’ — Le monde en deuil après l'exécution du cyberactiviste syrien-palestinien Bassel Khartabil Safadi par le régime Assad

mercredi 9 août 2017 à 11:58

Photo de Bassel utilisée dans les réseaux sociaux en son honneur, à partir d'un tweet qu'il envoya le 17 décembre 2011. Utilisation autorisée.

Le 1 août 2017, Noura Ghazi Safadi a révélé que son mari, le célèbre défenseur d'un internet ouvert, le syrien-palestinien Bassel Khartabil (alias Bassel Safadi), a été exécuté par le régime dAssad quelques jours après avoir été extrait de la geôle syrienne où il était détenu depuis octobre 2015.

Bassel était l'ami proche de plusieurs membres de la communauté Global Voices et il a participé à la Rencontre des blogueurs arabes de 2009. Nous n'avons cessé de lancer des appels à sa libération depuis sa disparition en 2015.

Bassel retraçait ses origines à Safed, une ville Palestinienne de la région de Galilée de la Palestine historique, et une des nombreuses zones dans lesquelles les Palestiniens ont subi un nettoyage ethnique des milices sionistes dans le contexte de la création de l'Etat d'Israël, un fait que les Palestiniens dénomment la ‘Nakba’, ou ‘la Catastrophe’ en anglais.

Il s'était rendu célèbre par ses plaidoyers pour l'accès à internet, le partage des connaissances avec le public syrien et la distribution des logiciels libres en Syrie.

Dans deux déclarations distinctes, une en arabe et une en anglais, Noura écrivit:

Les mots me viennent difficilement pour ce que je m'apprête à annoncer au nom de la famille de Bassel et de la mienne, la confirmation de la mort et de l'exécution de mon mari Bassel Khartabil Safadi. Il a été exécuté quelques jours seulement après avoir été extrait de la prison d'Adra en octobre 2015.
Ceci est une fin qui convient à un héros comme lui.
Merci pour avoir tué mon amour.
J'ai été la mariée de la révolution grâce à vous.
Et à cause de vous je suis devenue une veuve.
C'est une perte pour la Syrie.
C'est une perte pour la Palestine.
C'est une perte pour moi…

La nouvelle de l'exécution de Bassel a mobilisé de nombreuses personnes en Syrie et dans les mouvements de défense de l'internet libre et de l'accès libre à l'information.

Le blogueur palestinien et contributeur de Global Voices Budour Hassan écrit :

Nous ne pouvons suivre ton cortège, notre bien aimé. Nous ne pouvons célébrer ton martyre. Ô Martyre, nous ne pouvons déposer des roses sur ta tombe, Ô Bassel

O Bassel et Noura,vous nous avez brisés. Nous sommes abattus et sans défense.

Hassan a écrit un article en fin 2016 intitulé ‘les disparus de Syrie‘, dans lequel elle évoque Bassel comme symbole de la “troisième alternative” en Syrie :

Beaucoup de choses ont été dites sur le manque de “troisième alternative” en Syrie, à laquelle les médias occidentaux ont attribué le qualificatif de conflit binaire entre la dictature militaire et les islamistes.
Bassel et Noura se sont opposés aux deux en rejetant l'ingérence étrangère, comme le font des milliers de Syriens languissant dans les prisons du régime syrien. Entourés de quelques terroristes en costume et d'autres à longues barbes, trahis par une opposition fragmentée et manipulée par des Etats donateurs et dirigée par des arrières-pensées étrangères, il y a des Syriens qui veulent reprendre un pays qu'ils pourraient appeler chez eux ; un pays où ils n'auraient pas à choisir entre des démons variés ; où ils n'ont pas à choisir entre une mort par décapitation, pilonnage ou famine.

La plateforme de la communauté en ligne de la Nouvelle Palmyre, que Bassel a fondée, a publié ce communiqué :

Déclaration sur la mort de notre fondateur Bassel Khartabil

Murhaf Fares, du Centre Syrien d'Action pour la paix établi à Oslo, en exil, évoque le décès de Bassel en mentionnant deux camarades de classe de l'Université de Damas qui sont toujours absents à ce jour :

Waseem Abu Zenah une personne unique dans tous les sens du terme. Il a succombé à la torture en avril 2014; voici son histoire

[Humam Hawasly, comme Bassel, est un passionné de l'open-source. Il était la référence dans tout ce qui était Linux pendant notre temps à l'Université de Damas.] Humam a été arrété par les forces de l'ordre de sécurité d'Assad en septembre 2012. Presque cinq années maintenant et rien sur Humam.

Plus de 60 organisations syriennes ont honoré Bassel et requis la libération de tous les prisonniers d'opinion en Syrie. Leurs demandes ont été traduites par le contributeur de Global Voices et co-fondateur de Social Media Exchange, Mohammad Najem, qui était un bon ami de Bassel :

60 organisations syriennes soutiennent Bassel dans un communiqué de presse et ont 7 revendications
[- L'arrêt de l'exécution de toutes les condamnations à mort en Syrie, en particulier celles prononcées par les cours militaires et le tribunal anti-terrorisme ;
– La divulgation immédiate des circonstances de la mort de Bassel et et l'ouverture d'une enquête, avec l'accent mis sur le fait que que le tribunal ne remplissait pas les critères d'un procès équitable ou lde a remise de son corps à sa famille ;
– La divulgation des noms de toutes les personnes exécutées sous l'ordre des tribunaux militaires et la remise de leurs corps à leurs familles ;
– La garantie de procès équitables, publics et impartiaux pour tous les détenus en Syrie ;
– La reddition de comptes par tous les responsables de mise en oeuvre d'exécutions extra-judiciaires basées sur des simulacres de procès ;
– La remise en liberté immédiate et inconditionnelle de tous les prisonniers de conscience en Syrie ;
– La permission aux organisations internationales compétentes de visiter les prisons et lieux de détention en Syrie.]

Najem envoyait des livres à Bassel, qui q été particulièrement heureux de recevoir un livre du poète persan Roumi. Najem a partagé la lettre sur les réseaux sociaux :

Aujourd'hui, nous avons officiellement perdu un homme brillant, et un ami. RIP

Najem a aussi révélé qu'il faisait fonctionner le compte Twitter @MeInSyrianJail (‘Moi dans une prison syrienne’) au nom de Bassel :

Un projet que j'ai mis en oeuvre avec Bassel, depuis la prison il partageait un tweet, et je le diffusais. Nous nous mettions d'accord sur le nom d'utilisateur, hashtags.. Il écrivait aussi des articles de blog.

Liz Sly du Washington Post révèle que Bassel était une de ses sources anonymes dans les premiers mois de la révolution, estimant qu'elle peut donner cette information maintenant :

Bassel Safadi était cité de manière anonyme dans plusieurs de mes premiers écrits sur les manifestations en Syrie. Il est tragique de le nommer parce qu'il a été éxécuté

Anna Neistat, Directrice générale de la recherche à Amnesty International, a dit que “Bassel Khartabil restera dans nos mémoires comme un exemple de courage, lui qui a pacifiquement combattu pour la liberté jusqu'à la fin.”, ajoutant que sa mort était une sinistre illustration des horreurs qui se déroulent dans les prisons syriennes tous les jours :

Les dizaines de milliers de personnes actuellement enfermées dans les centres de détention du gouvernement syrien sont soumises à la torture, à des mauvais traitements et à des exécutions extrajudiciaires. Ces agissements constituent indubitablement des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité.

On se souviendra toujours de Bassel Khartabil comme d'un symbole de courage, qui aura pacifiquement combattu jusqu'au bout pour la liberté

L'activiste palestinienne Mariam Barghouti a qualifié la mort de Bassel de “perte terrible”:

Une perte terrible. Des centaines d'autres ont aussi été executés entre les mains de ce régime atroce.

Salim Salamah, un activiste syrien-palestinien, aujourd'hui réfugié en Suède, nous rappelle qu'on estime à plus de 3.000 les Syriens-Palestiniens assassinés par le régime Assad :

au moins 3.000 Palestiniens ont été assassinés aux mains du régime de Assad

La communauté de l'internet libre a aussi pleuré Bassel avec plusieurs déclarations. La fondation Jimmy Wales a annoncé:

Jimmy Wales et la fondation Jimmy Wales condamnent fermement l'exécution criminelle de Bassel, un militant innocent, et présentent leurs sincères condoléances à l'épouse et à la famille de Bassel.

Ryan Merkley, Directeur général de Creative Commons, a réagi avec émotion :

C'est avec tristesse et indignation que nous avons appris aujourd'hui que notre collégue Bassel Khartabil a été assassiné par le régime syrien.

Access Now a utilisé le hashtag #WhereIsBassel (‘Où est Bassel), qui est celui qu'il utilisa dès la première disparition de Bassel :

Nous adressons sotre profonde sympathie à la famille et aux amis du technologue et militant Bassel Khartabil

Le Media Lab du MIT, qui avait fait à Bassel une offre de poste de chercheur scientifique au Media Lab pour les Médias Civiques, a aussi reconnu cette grande perte. Il se trouve qu'ils avaient fait l'offre à peu près au moment où Bassel aurait été exécuté :

Le Media Lab du Mit en deuil après avoir appris l'exécution du militant Syrien

Bassel ayant aussi été un Wikimédien, la Fondation Wikimédia le pleure aussi :

“Nous ne pouvons pas combattre la prison sans mémoire et imagination”. Wikimedia en deuil de la perte de Bassel Khartabil

La Fondation Electronic Frontique (EFF) a publié quelques lettres que Bassel leur avait envoyées. Dans l'une d'elles, datée du 15 mars 2015, de la Prison Centrale de Damas, il écrivait :

Tant que vous autres faites ce que vous faites, mon âme est libre. La prison est seulement une limitation physique temporaire.

EFF est honoré de partager les lettres reçues en 2015 de l'activiste Bassel Khartabil, dont la mort en Syrie a été confirmée cette semaine.

Dans le lien suivant de Twitter, EFF explique le rôle joué par Bassel dans la promotion de l'internet libre en Syrie:

Bassel créa Aiki Lab, le premier hackerspace de Syrie, à Damas en 2010, et aida à ouvrir internet à la population syrienne. Il travailla avec des gens de partout, y compris des activistes d'EFF, pour faire progresser la liberté d'expression et d'accès. Il reçut un certain nombre de Prix, comme en 2013 l'Index on Censorship Digital Freedom Award pour l'utilisation de la technologie à la promotion de l'internet libre. Entre autres accomplissement, il était contributeur de Mozilla et Wikipedia, et il dirigeait Creative Commons en Syrie.

L'engagement de Bassel pour la liberté d'expression, l'internet ouvert, et l'accès aux logiciels libres est un exemple pour nous tous.

Une enseignante retraitée, petite-fille d'esclaves, raconte ce qu'est le racisme au Brésil

mardi 8 août 2017 à 20:16

Le témoignage de cette enseignante sur l'expérience du racisme au Brésil est devenu viral. | Photo: Reproduction/Facebook

[Tous les liens de cet article renvoient vers des pages web en Portugais]

Une enseignante, femme, noire, âgée de soixante-dix sept ans et retraitée, originaire de l'État du Paraná, dans le Sud du Brésil, est devenue l'icône de la Fête littéraire de Paraty – l'événement littéraire le plus important du pays, qui se tient tous les deux ans à Paraty, ville du littoral de l'État de Rio de Janeiro. Diva Guimarães était une inconnue pour les Brésiliens et Brésiliennes jusqu'au vendredi 28 juillet. Quand elle s'est levée de sa chaise pour formuler un commentaire, au cours d'une table ronde portant sur le racisme au Brésil, elle n'imaginait pas, comme elle le dira elle-même plus tard, que son témoignage aurait une telle répercussion :

Hier, je me suis libérée par moi même. Je tiens à dire que je ne me considère pas comme une victime, je ne me sens en aucun cas malheureuse, malgré tout ce que j'ai pu vivre, et à ceux qui pensaient qu'ils me portaient préjudice, ils ont en fait contribué, en me causant toute cette souffrance, à faire de moi ce que je suis aujourd'hui.

Diva est née dans la ville de Serra Morena, dans l'Est de l'État du Paraná, une municipalité qui, selon elle, compte aujourd'hui un peu plus de deux cents habitants. Petite-fille d'esclaves, elle raconte comment sa mère a dû souffrir tout un tas d'humiliations pour permettre à ses enfants d'étudier. C'est comme cela que Diva est allée, enfant, à Curitiba (capitale de l'État du Paraná), une ville où seulement 2,8% de la population se déclare noire, pour étudier afin de devenir enseignante. Dans son témoignage, largement partagé sur les réseaux sociaux, elle raconte ce qu'elle devait entendre au sein de l'école de religieuses qu'elle a intégré lorsqu'elle avait cinq ans :

Je vais parler d'un épisode qui a marqué fortement ma vie. J'ai mûri d'un coup à six ans. Les religieuses nous racontaient cette histoire : Jésus avait créé une rivière où il demandait à tout le monde de se baigner, dans l'eau bénite de cette maudite rivière. Les personnes blanches le sont parce qu'elles étaient travailleuses, intelligentes et que lorsqu'elles sont arrivées dans cette rivière, après s'être baignées, elles sont restées blanches. Nous, en tant que noir-e-s, sommes paresseux et paresseuses- ce qui est faux, puisque aujourd'hui ce pays existe parce que mes ancêtres lui ont permis de devenir ce qu'il est – mais enfin, nous, comme noir-e-s paresseux, nous arrivions à la fin, après que tout le monde se fut baigné et qu'il n'y avait plus que de la boue dans la rivière. A cause de ça, nous avons juste la paume des mains et la plante des pieds plus claires. Parce que nous avons juste réussi à mettre nos mains et nos pieds dans l'eau. Les religieuses utilisaient cette histoire pour expliquer aux blancs comment nous étions paresseux. Cela n'est pas vrai, parce que sinon, nous n'aurions jamais survécu.

Cette année, Diva est allée à Paraty pour rencontrer Conceição Evaristo, écrivaine et activiste du mouvement noir, qui est une référence au Brésil. Dans l'émission de la chaîne TV du FLIP [festival littéraire de Paraty], elle a dit qu'elle avait toujours voulu participer à l'événement, mais qu'avec trois personnes à sa charge, son salaire ne le lui permettait pas. Elle a finalement réussi à participer au festival justement l'année où l'écrivain mis à l'honneur était Lima Barreto, lui aussi petit-fils d'esclaves.

Dans cette même vidéo, Diva explique ce qui lui a donné envie de prendre le micro :

Ce qui s'est passé hier était un cri du cœur. Je me suis levée sous le coup d'une impulsion et me suis dit : je ne vais pas perdre cette opportunité de parler pour les Noir-e-s d'aujourd'hui, et surtout pour les Noir-e-s d'hier, qui ont souffert pour ce pays, et sont morts de toutes les manières imaginables. Je voudrais que les gens reconnaissent que le Brésil d'aujourd'hui existe parce que les Noir-e-s ont payé de leur vie pour fournir la qualité de vie dont disposent les gens qui vivent au Brésil aujourd'hui.

L'enseignante, devenue célèbre et avec qui tout le monde voulait prendre des selfies au festival, a appelé à ce que les jeunes Noir-e-s fassent des études et lisent, pour participer à déconstruire ce mythe péjoratif selon lequel les Noir-e-s seraient “paresseux”. Peu de temps avant son témoignage, qui comptabilise aujourd'hui plus de 8,5 millions de vues, elle a été, une fois de plus, victime de racisme. L'épisode a été relaté par le journal Folha de São Paulo et illustre le racisme voilé qui imprègne le Brésil et que le pays refuse de reconnaître. Diva se promenait parmi les étals de livres du festival, quand un vendeur en colère l'a abordée, exigeant qu'elle nettoie les crottes d'un chien qui était à côté. Non seulement ce n'était pas son chien, mais en plus, il y avait à côté beaucoup d'autres personnes à qui le vendeur aurait pu demander de nettoyer les crottes. Pourtant, c'est bien elle que l'homme a choisi parmi tous les passants. “Je sais bien pourquoi”, a dit Diva.

Alors que plus de la moitié de sa population est noire, le Brésil nie le racisme/

Une recherche de l'Institut brésilien de géographie et statistiques (IBGE) indique que les Noir-e-s représentent 53,6% de la population brésilienne actuelle. Cependant, ils ne sont plus que 17,2% parmi les 1% les plus riches de la population. En mai dernier, au sein du conseil des droits humains de l'ONU, des pays africains où la population noire est majoritaire, ont exigé que le gouvernement brésilien  prenne des mesures pour combattre le racisme. La BBC rapporte que :

Ces pays ont demandé à ce que le gouvernement brésilien prenne ses dispositions pour réduire les homicides qui visent les jeunes Noir-e-s, pour garantir la liberté religieuse, améliorer l'accès à une éducation de qualité pour la population afro-brésilienne ; également pour protéger les droits des femmes noires, permettre aux Noir-e-s d'avoir accès aux politiques sociales et aux programmes de réduction de la pauvreté.

Au cours de ce débat, peu de temps avant que Diva prenne la parole, l'acteur Lázaro Ramos a lui aussi apporté un témoignage sur l'effet ricochet du racisme pour l'ensemble de la société brésilienne. “Ce qui se passe actuellement au Brésil avec les jeunes Noir-e-s est un problème central. Ce sont des talents potentiels qui sont assassinés”, a-t-il dit avant de poursuivre en lisant un de ses textes :

Oui, nous sommes racistes. Nous croyons ne pas l'être et luttons pour cela. Oui, nous sommes classistes. Ici, ceux et celles qui font le plus d'études, ou autrement dit, qui ont eu le plus d'opportunités, ont droit à une cellule particulière [en prison]. Nous préférons valoriser ces personnes privilégiées. Les pires cellules sont destinés aux pauvres et aux Noir-e-s. On les y relègue pour les cacher de notre vue.

Le collectif de journalistes indépendants Mídia Ninja a rencontré Diva à Paraty et lui a demandé “quel message [elle] voudrait adresser aux jeunes femmes noires d'aujourd'hui”. Elle a répondu ainsi :

Qu'elles ne se valorisent pas par leur physique, mais par leur culture. Qu'elles ne soient pas des objets sexuels (…) qu'elles aient le discernement nécessaire pour reconnaître ce type d'abus. Bien sûr elles ont le droit d'utiliser leur corps comme elles le souhaitent, mais pas de cette manière qui tente de s'imposer, et qui tend à faire que les noir-e-s soient considéré-e-s par le monde hors du Brésil, comme des objets sexuels.