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Les smartphones bon marché et les politiques laxistes nous laissent vulnérables aux intrusions informatiques

lundi 10 avril 2017 à 19:43

Les personnes n'ayant pas les moyens de se protéger sont les plus vulnérables aux fraudes et au cyberharcèlement lorsque leur intimité numérique est violée.

Magasin de téléphonie mobile à Lusaka, Zambie. Photo prise par Curious Lee via Flickr (CC BY-NC-SA 2.0)

Rédigé par Nathalie Maréchal. Nathalie est un membre senior de Ranking Digital Rights.

Lorsqu'il s'agit de smartphones, tous les utilisateurs ne sont pas créés égaux. les personnes à faible ou à moyen revenu à travers le monde ont recours à des appareils Android abordables afin de communiquer et de partager les informations. Cependant, les téléphones bon marché laissent souvent leurs utilisateurs vulnérables à des attaques et des menaces en ligne.

Les appareils fonctionnant sous le système d'exploitation Android représentent 88% du marché mondial tandis que les iPhones constituent les 12% restants. Néanmoins, les appareils Android diffèrent les uns des autres: les modèles qui sont directement fabriqués et contrôlés par Google, tels que les smartphones Nexus et Pixel, sont considérablement plus sécurisés contre les attaques pirates que ceux produits par des compagnies telles que Samsung, Huawei, Sony et Xiaomi.

Résultat, les utilisateurs plus fortunés, ceux pouvant se permettre d'acheter des appareils haut de gamme de manière régulière, sont protégés contre plusieurs menaces auxquelles la majorité des utilisateurs — qui ont recours à des appareils moins chers, et n'ont pas l'occasion de les remplacer souvent — sont vulnérables.

Cela veut dire que ceux qui n'ont pas les moyens de se protéger sont les plus vulnérables aux fraudes, usurpation d'identité, intimidation et cyber-harcèlement, ainsi que tout autre mal qu'une personne peut subir quand son intimité numérique est violée.

Un problème sérieux et méconnu d'inégalité globale

Ranking Digital Rights, une initiative de recherche à but non lucratif, évalue les entreprises les plus influentes du secteur internet, mobile et de la télécommunication, au niveau international concernant leurs pratiques à l'égard des droits des utilisateurs. publié une nouvelle recherche montrant que les entreprises échouaient à fournir des informations basiques qui pourraient expliquer aux utilisateurs comment leurs smartphones (ainsi que les logiciels les faisant tourner) affectent leur sécurité.

Tout ce qu'on fait sur un appareil mobile crée une trace numérique qui peut révéler qui nous sommes, ce que nous faisons, ce que nous achetons et ce que nous pensons. Ces données sont vulnérables tant face à des marketeurs qu'à des gouvernements, criminels, et toute personne qui voudrait nous nuire.

Un véhicule de la cie MTN en Ouganda, 28 novembre 2005, CC 2.0.

Les chercheurs trouvent constamment des failles dans les logiciels mobiles que les assaillants (incluant des acteurs parrainés par des États) peuvent exploiter, leurs permettant d'installer des logiciels espions ou même de contrôler des appareils à distance, par le simple biais d'un SMS. Global Voices a couvert certains de ces cas où l'on vise des activistes Iraniens, des internautes tutilisateurs internet Tibétains ainsi que d'autres victimes.

Bien que certains utilisateurs reçoivent de la part les fabricants de logiciels des “patchs” de sécurité ou des mises à jour pouvant corriger le problème, d'autres ne le font pas. Les fabricants négligent d'expliquer aux utilisateurs l'importance de ces mises à jour.

Plusieurs entreprises adoptent des politiques de “divulgation responsable” invitant les personnes qui repèrent des failles ou des bugs à les prévenir afin qu'elles puissent développer des solutions et éliminer ces problèmes des appareils utilisant leur logiciel, généralement par la voie d'une mise à jour.

Cela fonctionne plutôt bien d'après Apple et Google — les deux compagnies produisant les logiciels faisant fonctionner 99.6% des smartphones à travers le monde. L'été dernier, lorsqu'un groupe de chercheurs en matière de sécurité dirigé par Bill Macczak, à l'époque étudiant diplômé à Berkeley, ont découvert que le gouvernement des Émirats arabes unis utilisait une méthode jusque-là inconnue et très sophistiquée pour attaquer des défenseurs des droits de l'homme, dans le but de transformer leurs iPhones en mouchards afin d'enregistrer tout ce qui se passe autour d'eux. Heureusement, Ahmed Mansoor, un activiste émirati, ne s'est pas fait avoir, et a plutôt alerté Macczak et ses collègues qui, en retour, ont avertit Apple. Les ingénieurs d'Apple ont fait des heures supplémentaires pour en moins d'un mois sortir un patch pour les utilisateurs. L'équipe de sécurité Android est tout aussi diligente.

Le problème se pose lorsqu'on a affaire à d'autres fabricants utilisant Android tels que Samsung, HTC et Xiaomi.

Pour diverses raisons, les façons dont ces fabricants modifient le système d'exploitation open source d'Android rendent difficile la tâche de livrer des mises à jour aux logiciels. Le code que Google délivre doit être modifié pour correspondre aux changements effectués sur le système d'exploitation. De plus, les sociétés de téléphonie mobile effectuent elles aussi des modifications, ajoutant une étape de plus au processus et retardant encore plus la distribution des mises à jour. Apple n'autorise pas de telles modifications à iOS, tandis que Google contrôle le processus de mise à jour des appareils mobiles Nexus et Pixel achetés depuis le Google Store.

Il en résulte qu'à tout moment, les appareils de millions d'utilisateurs Android sont vulnérables à des exploits connus — des attaques connues par la communauté globale de sécurité des systèmes d'information. C'est comme si vous verrouillez votre porte d'entrée avec une clé dont des centaines de personnes ont une copie. Puisque ces appareils coûtent nettement moins cher que le Nexus, Pixel ou iPhone, les gens pauvres,  socialement défavorisés et pas vraiment technophiles — les mêmes personnes qui se connectent à internet exclusivement depuis leurs smartphones — sont ceux qui sont les plus exposés en moins d'un mois à subir une attaque.

Ranking Digital Rights: Indice de Responsabilisation des Entreprises de 2017

L'indice de 2017 classe 22 entreprises suivant 35 critères répartis en trois catégories. Ces critères mesurent à quel degré les entreprises publient les politiques affectant le respect de la vie privée ainsi que la liberté d'expression des utilisateurs. L'indice évalue les politiques de la société-mère, des entreprises exploitantes ainsi que certains services (selon la structure de l'entreprise).

Vous pouvez consulter la méthodologie, le processus de recherche et comment RDR note chaque entreprise sur leur site web. Ranking Digital Rights a été fondé par la cofondatrice de Global Voices Rebecca MacKinnon.

D'après de nouvelles données publiées par Google, seule la moitié des appareils Android a reçu un patch de sécurité en 2016. À l'échelle mondiale, seulement 3% des appareils fonctionnent sous “Nougat”, la dernière version de leur système d'exploitation. Aux États-Unis, La Federal Trade Commission ainsi que la Federal Communications Commission estiment qu'il s'agit d'un problème majeur, c'est pour cela qu'elles ont décidé d'ouvrir une enquête commune afin  d'investiguer de manière spécifique la distribution des patchs de sécurités mobiles. Plus d'un plus tard, aucune de ces agences n'a publié les réponses des entreprises.

L'indice de Responsabilisation des Entreprises de 2017, publié par Ranking Digital Rights, compare les déclarations et engagements publics effectués par 22 compagnies mondiales d'internet et de télécommunication à l'égard des droits de l'homme, de la liberté d'expression et du respect de la vie privée des utilisateurs. Cet indice inclut Samsung, qui représente la part la plus importante au monde des appareils fonctionnant sous Android, ainsi que 10 fournisseurs de services de télécommunications internationaux. Hormis Google, aucune des 11 entreprises impliquées dans la distribution des mises à jour de logiciels d'Android ne divulgue d'informations concernant la façon dont elles modifient la version basique d'Android, ni comment ces changements affectent la distribution des mises à jour de sécurité.

En outre, des trois sociétés de smartphones examinées, seul Google spécifie la date à laquelle chaque modèle de ses appareils est garanti de recevoir une mise à jour. Les appareils Nexus et Pixel sont garantis de recevoir une mise à jour pour une durée d'au moins deux ans dès leur disponibilité sur Google Store, on assure aussi que dès qu'il est disponible, l'appareil recevra des patchs de sécurité pour une durée d'au moins 3 ans, ou pour une durée d'au moins 18 mois depuis que l'appareil a été dernièrement vendu sur Google Store, la période la plus longue étant celle retenue.

L'idéal serait que Google prolonge cette période, mais il ne faut pas oublier qu'eux au moins communiquent clairement leur engagement aux utilisateurs. (Apple et Samsung n'assurent pas de dates “limites d'utilisation”). Nous dépendons énormément de nos smartphones — les personnes à revenu faible qui n'ont pas accès à un ordinateur ni au haut débit dépendent le plus de ces appareils. Riche ou pauvre, nous méritons tous de savoir combien de temps nous pourrons utiliser nos appareils de manière sécurisée ainsi que les mesures que les sociétés adoptent pour nous protéger.

Nathalie Maréchal est un membre senior de Ranking Digital Rights, elle est aussi doctorante à l'école Annenberg de Communication et de Journalisme à l'Université de Californie du Sud. Vous pouvez la suivre sur @marechalUSC.

Une écologiste kurde veille sur le léopard perse en Irak (vidéo)

lundi 10 avril 2017 à 10:49

Tous les liens de ce billet renvoient vers des sites Internet en anglais.

Cet article de Todd Reubold a été publié dans Ensia.com, revue présentant des solutions environnementales de portée internationale. Il est reproduit ici dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Dans les hauteurs des montagnes du Kurdistan, au nord-est de l'Iraq, Hana Ahmed Raza, une écologiste spécialisée dans la protection de la faune sauvage et une équipe de chercheurs de l'organisation non gouvernementale Nature Iraq protègent l'insaisissable léopard perse.

Le léopard perse (Panthera pardus saxicolor) est une sous-espèce de la famille des léopards vivant en Afrique et en Asie et qui compte entre huit cent et mille individus, selon l'Union internationale pour la protection de la nature (IUCN). Cet animal est menacé par le braconnage, la fragmentation et la perte de son habitat et l'épuisement du nombre de ses proies.

Pourquoi cette espèce de léopard est si importante ? Comme le souligne Raza dans la vidéo ci-dessous, « le léopard perse est le seul prédateur ayant survécu dans l'écosystème [du Kurdistan] » et la viabilité de cet écosystème dépend de la présence de grands prédateurs.

Je n'aurais jamais imaginé rencontrer le léopard et pourtant nous avons pu…

Les chances de voir de ses propres yeux un léopard dans la nature sont quasiment nulles, alors lorsque l'équipe s'est rendue compte qu'elle avait réussit à filmer un des grands félins, Raza a éclaté de joie.

Raza est une biologiste diplômée et qui souhaite passionnément montrer une autre facette de son pays que celle de la « guerre et des conflits ». Elle participe depuis six ans à la reconnaissance d'espaces naturels et de programmes d'informations avec Nature Iraq. Elle est aussi membre de la Commission de surveillance des espèces de l'IUCN spécialisée dans les félins depuis 2013 et a participé à la creation de zones protégées pour la faune sauvage au Kurdistan.

Sebastian Meyer est un photographe de renom et un cinéaste qui a tourné cette vidéo pour Ensia. Ses travaux ont été publiés dans de nombreuses publications internationales telles que TIME, Sunday Times Magazine, FT Magazine, Washington Post et The New York Times. Meyer a réalisé des longs métrages pour National Geographic, PBS, CNN et HBO. De 2009 à 2014, il a vécu le nord de l'Irak, où il a cofondé Metrography, la première agence de photographie irakienne. 
Todd Reubold est éditeur, directeur et co-fondateur de la revue Ensia.

Au Venezuela, les activistes documentent les manifestations et expliquent comment se protéger

dimanche 9 avril 2017 à 15:36

“Je finis la journée de ce 6 avril en mettant en lignes photos et vidéos. [Ce jour] marquera nos vies” Photo: Luis Carlos Díaz. Utilisée avec autorisation.

Les appels à manifester se sont intensifiés dans de nombreuses villes vénézuéliennes à la suite de l'éphémère décision du Tribunal Suprême de Justice du Venezuela de marginaliser le parlement en s'arrogeant ses pouvoirs législatifs aux côtés du Président Nicolás Maduro.

La décision a déclenché des manifestations et un tollé international, contraignant la Cour à un rapide rétropédalage, ce qui n'a cependant pas empêché les mouvements de l'opposition et d'autres organisations qui ont accusé le gouvernement de dictature — longtemps déjà avant la décision de la cour — de continuer a mobiliser.

Les manifestations de rue de ces derniers jours au Venezuela ont été ponctuées par des arrestations et de violents affrontements entre manifestations et forces de sécurité. Citoyens, médias alternatifs et groupes de défense des droits ont aussi rapporté les abus policiers. PROVEA, une ONG dédiée à la défense des droits humains dans le pays, a publié un état des lieux de la contestation le 4 avril :

Además de detener, las fuerzas de seguridad del Estado también dedicaron su jornada a reprimir la protesta con bombas lacrimógenas, gas pimienta y perdigones, violando el derecho a la manifestación pacífica, la libertad y la integridad personal y poniendo en peligro el derecho a la vida.

A pesar de la grave situación en la que se encuentra el derecho a la información, debido a la hegemonía comunicacional del gobierno, la sociedad civil levantó su voz mediante las redes sociales en conjunto con los medios de comunicación alternativos,

Outre les arrestations, les forces de sécurité de l'Etat ont aussi consacré leur journée à réprimer la contestation avec grenades lacrymogènes, sprays au poivre et balles en caoutchouc, violant le droit à manifester pacifiquement ainsi que la liberté et l'intégrité des personnes, et mettant en danger le droit à la vie.

Malgré la situation grave où se trouve le droit à l'information du fait de l'hégémonie du gouvernement dans la communication, la société civile a élevé la voix à travers les médias sociaux conjointement avec les médias alternatifs de communication.

Les manifestations se poursuivent et sont documentées en ligne, en particulier dans la capitale, Caracas, où partisans du gouvernement et de l'opposition utilisent les médias sociaux sous les hashtags rivaux #VzlaTrancaContraElGolpe, (“le Venezuela barre le putsch”, de l'opposition),  #NoSeasCarnedeCañon (“Ne soyez pas de la chair à canon”, des pro-gouvernement) et #6Abril (6 avril) :

Ils répriment la marchent pacifique […] à hauteur de [l'avenue] Francisco Fajardo. Photo prise par l'équipe de PROVEA.

La dictature de quelques-uns ne pourra rien contre la volonté des millions qui réclament le changement

Se protéger et documenter les manifestations : conseils d'experts

Au Venezuela, où censure et restrictions à la libre expression et à l'accès internet sont de plus en plus fréquentes, l'utilisation des médias sociaux est central pour organiser, dénoncer et partager une information exacte sur les manifestations.

Photo: Luis Carlos Díaz. Utilisée avec autorisation.

Acceso Libre, un groupe de défense des droits numériques, collecte données et plaintes sur les problèmes d'accès internet :

Si vous tweetez cette semaine sur des pannes d'internet, utilisez le hashtag #internetVE en précisant fournisseur + ville + détails de la panne

Il rappelle aussi à ses abonnés jusqu'où peuvent aller les autorités :

Une fois dans la manifestations, rappelez-vous que les autorités peuvent surveiller les communications dans la zone.

Et diffuse des infographies créées par Article19 Mexico, qui conseillent les manifestants sur la façon de se protéger pendant les confrontations avec les policiers :

Tweet : conseils de conduite face aux mauvaises pratiques policières.

Image:  Ne pas provoquer, documenter. Modérer son langage verbal et corporel. Encerclé par les policiers ? rester calme et appeler son contact en cas d'urgence, s'identifier, dialoguer. Se couvrir la tête et la poitrine, essayer de s'en aller.

Quant aux manières efficaces de documenter les abus:

Tweet : Conseils basiques pour documenter une manifestation sociale.

Image : Garder la distance. (presse) S'identifier. Porter des vêtements et chaussures confortables, casque, masque à gaz, mouchoir. [Prévoir] batteries de rechange, chargeur, crédit téléphone. Inscrire un numéro d'urgence.

Le Red Venezolana de Periodismo Ciudadano (Réseau vébézuélien de journalisme citoyen) a aussi donné ses conseils :

Tweet : Voici les recommandations des étudiants pour participer à une marche.

Image : La manifestation est pacifique.
Mettre des vêtements épais : tâcher de se couvrir la plus grande partie du corps. Cela facilite la protection contre de possibles coups et balles en caoutchouc. Emporter aussi un masque facial, utile en cas de gaz. Avoir toujours un itinéraire de fuite : avant de manifester, toujours localiser une rue par où fuir rapidement en cas d'affrontements. Il est aussi utile de localiser les endroits où se mettre à l'abri. L'eau seule ne suffit pas. Contre les gaz lacrymogènes, utiliser des anti-acides dilués (Maalox ou lait de magnésie). Le vinaigre est lui-même un acide. Si vous portez des lentilles, mettez des lunettes. Les lentilles de contact ont tendance à retenir les irritants chimiques et à faire durer leur effet.
Si vous êtes blessé, quittez le site.

Parmi toutes ces recommandations, certaines des plus partagées étaient celles du journaliste et auteur pour Global Voices Luis Carlos Díaz, qui a synthétisé les meilleures pratiques pour documenter les manifestations et les abus de la police, comme accompagner les images des lieu, date, heure et descriptions de ce qui est capté.

Recommandations pour couvrir les manifestations.

Il a souligné l'importance de porter plainte et d'en garder trace :

Les violations des droits humains ne se prescrivent pas et les responsabilités sont individuelles. Enregistrez pour le futur, quand il y aura la démocratie.

‘Je me demande depuis quand la peur s'est faite si forte, si handicapante. Insupportable.’

Des internautes vénézuéliens s'interrogent sur les conflits qui ont conduit le pays à la crise, et comment le discours des dirigeants politiques et de leurs partisans ont porté la tension à de nouveaux sommets.

Citation d’Aristóbulo Istúriz : Nous défendrons notre indépendance avec le sang s'il le faut. Nous les vaincrons.

Citation de Diosdado Cabello : Chaque fois qu'ils disent qu'ils vont aller dans la rue, nous aussi irons dans la rue défendre la révolution.

Des musiciens et des personnes âgées ont aussi été arrêtés et frappés. Pour certains, comme Willy McKey du site internet d'informations Prodavinci, cela prouve que la situation atteint un point de non-retour :

Han arrestado y golpeado a un músico. Han golpeado en la cara a un arquitecto de ochenta años […] Algo ha cambiado […] Algo grande […] Nos han traspuesto.

Ils ont arrêté et battu un musicien. Ils ont giflé un architecte de 80 ans. […] Quelque chose a changé …] Quelque chose d'essentiel […] Ils nous ont transposés.

Pendant ce temps, Aglaia Berlutti a relaté sur la plate-forme de publication Medium comment une rencontre presque fortuite avec des militaires patrouillant les rues lui a montré que la peur est devenue la norme :

El miedo. El miedo. El miedo en todas partes. Levanto la cabeza. Uno de los militares me mira con los ojos entrecerrados a la distancia. El arma apoyada en el muslo. El escudo de plexiglás bien visible.

Sigo caminando. Lo hago sin volverme a mirar. Preguntándome cuándo el miedo se hizo tan fuerte, invalidante. Insoportable. Cuando el miedo se volvió el único elemento reconocible en medio de esta cotidianidad absurda, lenta y turbia. Cuándo el miedo se hizo una forma de comprender al país.

La peur. La peur. La peur partout. Je lève la tête. Un des militaires me regarde à distance, les yeux mi-clos. L'arme appuyée contre la cuisse. Le bouclier de plexiglas bien visible.

Je continue à marcher. Sans me retourner pour voir. Je me demande depuis quand la peur s'est faite si forte, si handicapante. Insupportable. Depuis quand la peur est devenue le seul élément reconnaissable de ce quotidien absurde, lent et trouble. Depuis quand la peur s'est faite une façon de comprendre le pays.

Travail de mémoire et médias numériques pour paver le chemin vers la paix en Colombie

samedi 8 avril 2017 à 20:21
Red de Gestores Virtuales de Memoria. Fotografía usada con permiso.

Le Réseau de Gestionnaires virtuels de Mémoire. Image utilisée avec autorisation.

L'élaboration d'une mémoire historique qui soit à la fois diverse et inclusive est devenue ces dernières années une des principales stratégies pour mettre fin au long conflit armé en Colombie. Les efforts pour la paix tentent aujourd'hui de promouvoir un nouveau discours sur le conflit, donner la parole aux victimes de la guerre, faire connaître leurs histoires, redonner de la dignité à ces personnes au-delà du débat sur leurs droits.

Une de ces actions a été entreprise à l'initiative de Alphabétisations numériques du Centre national de la mémoire historique, soutenu par les organisations populaires dans tout le pays utilisant les outils des médias numériques pour faire connaître et publier des récits sur Internet.

Des exemples de textes créés et publiés sur Internet pour les victimes du conflit armé comportent des rencontres avec les “alabaoras” (chanteurs afro-colombiens) de Pogue, dans la région colombienne de Chocó, qui expliquent la signification des “alabaos” ou chants funèbres ; de courts textes écrits par des femmes de la région de Caquetá qui racontent leurs histoires d'exclusion ; des photographies d'un musée communautaire animé par les survivantes d'un massacre à Granada ; et des clips de musiques hip-hop par des jeunes qui soutiennent et défendent la participation et les droits des enfants à Buenaventura.

Lors d'un entretien avec Global Voices, Lucely Rivas, une femme afro-colombienne réfugiée et partie prenante du projet Mémoires du Rio Atrato, dit :

Je pense que ce que nous publions sur Internet crée une mémoire. Nous avons élaboré cette mémoire avec nos vidéos et les histoires de nos vies.

La guerre civile colombienne qui dure depuis plus de 50 ans est un des conflits les plus anciens de la planète, une estimation souvent citée comptabilise près de 250 000 morts. Des millions de personnes ont été obligées d'abandonner leur foyer du fait du conflit, permettant au gouvernement et aux forces paramilitaires de droite d'unir leurs forces contre les FARC. Un accord de paix a été obtenu par le Congrès en décembre dernier apportant l'espoir d'un nouveau futur pour le pays, malgré cela bien des personnes craignent des difficultés pour sa mise en place.

Écouter les victimes de guerre

Depuis une dizaine d'années, parallèlement aux négociations avec la guérilla et les forces paramilitaires, le gouvernement colombien a fait la promotion d'une forme active de construction d'une mémoire historique, donnant la parole aux victimes de la guerre. Tout cela fait partie d'un effort intense pour mettre en œuvre une justice, encourager la réconciliation et créer un dialogue national sur le droit à la vérité.

Dans ce contexte spécifique, le travail des organisations populaires régionales gagne du terrain, venant en aide aux victimes au travers d'activités culturelles et communautaires. Ces organisations aident depuis des années les minorités et les populations marginalisées touchées par la violence pour qu'elles puissent se renforcer, structurer leurs communautés et exprimer leur voix.

Un exemple : pour Mariana Posada Moreno, le projet Salón del Nunca Más (Salon du “Jamais plus”) mis en place depuis 2008 par l'association des victimes unies de Granada (ASOVIDA), est venu en aide à cette communauté de la région d'Antioquia, pour retrouver l'espérance et l'union.

Notre projet est de faire prendre conscience et montrer à tous ceux qui viennent ici, par le biais de récits, de photographies, d'histoires diverses et personnelles, que les victimes ne sont pas seulement dans ce pays une histoire de chiffres pour l’État !

L'adoption de la loi colombienne Justice et Paix 2015 et de la loi des Victimes et de Restitution de terre en 2011 concernent directement la nécessité de replacer les droits de victimes au centre du processus de construction de la paix, beaucoup plus que d'insister sur le devoir de l'État de se souvenir des violences commises pendant le conflit armé

Cette loi a créé également le Centre national de la mémoire historique, une institution indépendante responsable de l'élaboration d'un récit historique du conflit.

Le centre national de la mémoire historique est devenu un élément essentiel de promotion d'une construction de cette mémoire en Colombie au travers de recherches et d'activités diverses dans le but d'une reconstruction de la vaste et complexe histoire du conflit armé dans le pays.

Le centre a produit plusieurs publications relatant des milliers de témoignage et des analyses de victimes sur les causes de la guerre. On trouve par exemple : “¡Basta ya! Colombia: Memorias de guerra y dignidad (2013)” ( ça suffit! Colombie, mémoires de guerre et dignité) , le récit le plus complet à ce jour.

En soutenant activement la participation des victimes de la guerre au processus de paix et à la construction d'une mémoire historique diversifiée et inclusive, le Centre national de la mémoire historique à redonné de la dignité et de la visibilité aux vécus des victimes de cette guerre, un droit à la vérité, à la justice à la sécurité. Alfabetizaciones Digitales est une des initiatives de ce centre qui date de 2013.

L'initiative alphabétisation numérique

Alfabetizaciones Digitales a été créée par le travail des organisations populaires qui sont déjà en activité en Colombie. Préoccupés par la nécessité de mieux faire entendre leur voix au niveau national et de participer à la construction de cette mémoire historique, les membres de ces organisations ont exprimé leur intérêt pour ces nouvelles technologies permettant de mieux se faire connaître.

Déclaration de Salomón Echavarría, coordonnateur de l'initiative lors d'une rencontre avec Global Voices :

Notre action répond au souci des membres de la communauté de toucher un public plus large et de mieux faire connaître leur histoire. Nous proposons une formation et un support technique pour le développement du langage numérique, nous organisons des ateliers adapté aux nécessités et ressources des organisations et communautés locales.

Au total, 16 projets auront été créés en Colombie avec l'aide de “Alphabétisation numérique”” depuis 2013. Ils sont dirigés par des membres d'organisations populaires qui réalisent un travail de mémoire comme celui du Salão do Nunca Mais à Granada, ou de l’ Asociación de Trabajadores Campesinos del Carare -ATCC- Vida y Paz (Association des travailleurs de la terre du Carare , Vie et Paix) , ou de la Fundación Espacios de Convivencia y Desarrollo Social (FUNDESCODES) à Buenaventura. (fondation espace convivial et développement social)

D'autres sont créés grâce à la collaboration entre des organisations populaires de régions particulières comme Memorias del Rio Atrato (mémoires du Rio Atrato) animée par huit conseillers communautaires et une organisation, le Consejo Comunitario Mayor de la Asociación Campesina Integral del Atrato (COCOMACIA), (Grand conseil communautaire de l'association paysanne intégrée de l'Atrato) à Chocó et Antioquia.

Dans la même veine, Alphabétisation Numérique a permis la construction d'un réseau de producteurs de médias numérique locaux distribués en différentes régions du pays. Les jeunes et les adultes qui participent aux ateliers deviennent partie prenante d'un réseau d'administrateurs virtuels de la mémoire où se réalise un partage des connaissances dans une ambiance de soutien mutuel.

Ces gestionnaires virtuels prennent en charge des projets variés et la coordination de la production de contenus multimédia ainsi que la maintenance des sites. Ils ont également accès à une plate-forme collaborative virtuelle où ils partagent des tutoriels et des conseils.

Un exemple à suivre, ce montage créé par des jeunes Afro-Colombiens de la FUNDESCODES de Buenaventura. La vidéo a pour titre: “Soy Capaz” (J'en suis capable) et raconte comment plus de 200 jeunes se sont réapproprié un parc public dans leur communauté, partageant des messages positifs de paix et d'espérance.

Construire une nation visible et pacifique.

Dans une publication récente des gestionnaires virtuels du site du Centre national de mémoire historique, ils se présentent comme “un réseau de voix, un groupe qui a des yeux et des oreilles et des micros dans tout le pays. Des voix de la mémoire en faveur de la construction d'une nation nouvelle qui sera visible et pacifique”.

En même temps que ces gestionnaires virtuels produisent des histoires en ligne, ils construisent des identités, donnent voix et visibilité à leur territoire et leur population. Ces systèmes de communication permettent aux communautés marginalisées et aux victimes de la guerre de décrire leur monde avec leur propres mots.

Le contenu multimédia produit et publié en ligne par les gestionnaires virtuels montre l'intérêt potentiel d'utiliser les outils numériques pour gérer la mémoire en Colombie.

L'initiative Alfabetizaciones Digitales est une opportunité de connexion avec les voix et les points de vue des citoyens colombiens qui alors qu'ils étaient assiégés au milieu d'une guerre entre des groupes armés, résistèrent à la violence. Leurs histoires permettent un regard sur le quotidien de ces personnes, leur voisinage, leurs drames et leurs commémorations . Leurs récits aident à la création d'une conscience culturelle du passé de la Colombie et contribue à la création de la paix aujourd'hui et demain.

Un jour ils m'ont enlevée : des dessins animés dénoncent le fléau des enlèvements de femmes au Kirghizistan

vendredi 7 avril 2017 à 12:50

Capture d'écran de l'un des cinq dessins animés ‘Un jour ils m'ont enlevée’ réalisés par l'artiste kirghize Tatiana Zelenskaïa et le producteur Egor Tankov.

Il est difficile d'obtenir des statistiques précises, mais une étude souvent citée montre qu'environ un tiers des mariages contractés au Kirghizistan sont le résultat d'enlèvements non consentis.

L'enlèvement pour le mariage, ou ‘Ala Kachuu’, est devenu monnaie courante dans le pays après la chute de l'Union Soviétique en 1991 ; l'organisme de défense des droits du Kirghizistan considère que 8 000 enlèvements de la sorte ont lieu chaque année.

La recrudescence des ‘enlèvements de future mariée’ — dont les chercheurs ont souligné qu'il ne s'agit pas d'une ancienne tradition mais plutôt d'un crime moderne ancré dans les conditions socio-économiques propres à ce pays d'Asie Centrale — ne semble pas être sur le point de se calmer.

Toutefois, ces dernières années, la société civile et certains membres du gouvernement ont redoublé d'efforts pour combattre un phénomène qui, souvent, implique un viol de la victime et l'impunité pour ses ravisseurs.

Capture d'écran de l'un des cinq dessins animés ‘Un jour ils m'ont enlevée’ réalisés par l'artiste kirghize Tatiana Zelenskaïa et le producteur Egor Tankov.

Il y a cinq ans, Global Voices a mis en ligne une série de vidéos produites par une organisation locale de droits des femmes promouvant l'application d'une loi sur l'enlèvement. Le message de ces vidéos était simple : l'enlèvement de future mariée est illégal et, à ce titre, il devrait être dénoncé et puni.

Aujourd'hui, un couple d'artistes et producteurs de dessins animés de Bichkek, la plus grande ville du pays, relancent le débat sur l'enlèvement de futures mariées avec des dessins animés qui ont secoué les réseaux sociaux du pays.

Comme le soulignent l'artiste Tatiana Zelenskaïa et son mari producteur Ego Tankov, ces dessins animés prennent tous leur origine dans des histoires vraies, bien que les noms aient été changés à la demande des participantes afin de protéger leur identité.

L'histoire de Nazik

Le premier des dessins animés, avec un texte en russe et un doublage en kirghize, aborde l'enlèvement d'une jeune fille prénomée Nazik. Il est sorti le mois dernier pour la Journée internationale des femmes.

L'histoire ne contient pas les éléments dramatiques d'un enlèvement stéréotypique dans lequel une jeune fille est traînée par ses ravisseurs dans une voiture, criant et se débattant. Elle donne plutôt à voir les divers subterfuges, trahisons et regrets dont ces incidents sont tissés et qui bouleversent les existences et la vie des familles.

Le sort de Nazik a été scellé lorsqu'une amie de sa mère est venu leur rendre visite à la maison. Elle était accompagnée de son fils Abay.

Le frère et la mère de Nazik ont “presque forcé physiquement” Nazik à quitter la maison et à aller au cinéma avec Abay, qu'elle connaissait depuis qu'elle était toute petite. Elle n'avait sur elle ni téléphone ni argent lorsqu'elle est sortie.

Une fois entrés dans une voiture qui était sensée être un taxi, le chauffeur a enlevé le signe sur le toit : il n'était pas chauffeur de taxi, mais un ami d'Abay venu l'aider à enlever Nazik.

Ils ne se sont pas dirigés vers le cinéma, mais vers la maison de famille d'Abay, où une cérémonie de mariage les attendait. Nazik demanda à parler à ses parents, mais son frère, qui arriva plus tard avec sa propre famille, s'exprima pour eux :

Nazik, our father has decided that you will stay here. Abay is a good man and will make a good husband. Getting married means happiness for any girl!

Nazik, notre père a décidé que tu devais rester ici. Abay est un homme bon et il fera un excellent mari. Se marier est synonyme de bonheur pour une jeune fille !

Ces paroles — qui confirmaient que le chef de famille avait approuvé l'union — ont eu d'importantes répercussions sur Nazik. A tel point que, lorsque sa mère a appelé et lui a demandé, en larmes, si elle souhaitait annuler le mariage et rentrer à la maison, elle refusa et décida de rester avec Abay et sa famille.

Mais le frère de Nazik avait menti. Le père de Nazik ne savait pas que sa fille allait être enlevée ce jour-là et il est entré dans une colère folle lorsqu'il appris ce qui s'était passé. Il était trop tard, puisqu'un mollah avait déjà consacré le mariage.

Le spectateur apprend plus tard que l'enlèvement avait principalement été organisé par la mère de Nazik, qui n'aimait pas le petit-ami qu'avait Nazik à l'époque. Plus tard, réalisant qu'elle avait fait une énorme erreur, elle appela la famille d'Abay pour permettre à Nazik de se sortir de cette situation. Effrayée à l'idée de la stigmatisation qui l'accablerait si elle annulait le mariage, Nazik refusa.

“Nous n'étions pas une famille heureuse”, raconte Nazik à la fin de la vidéo. “Quatre ans plus tard, [la famille d'Abay] m'a mise dehors avec mon enfant.”

L'histoire d'Elzada

L'enlèvement d'Elzada a eu lieu alors que son père était gravement malade — une période très difficile de sa vie lors de laquelle sa plus jeune soeur fut enlevée pour être mariée. Contrairement au cas de Nazik, la famille d'Elzada ne semble pas avoir joué de rôle dans l'enlèvement, mais son futur mari était un ami de son frère.

Elle refusa tout d'abord de se marier avec Talgat, un homme paresseux dont la seule activité consistait à regarder la télévision, affalé sur le canapé.

“Nous sommes restés ensemble à cause des enfants”, avoue Elzada aujourd'hui. “C'est moi qui gagne de l'argent et qui prends toutes les décisions. Non seulement je ne l'aime pas, mais en plus, je n'ai aucun respect pour lui.”

Ici aussi, c'est par peur d'être stigmatisée qu'Elzada a consenti au mariage. Au départ, sa future belle-famille l'encouragea gentiment à accepter la situation, avant de recourir à l'intimidation.

L'un des hommes de la belle-famille lui dit :

Probably, you are not a virgin and you do not want everyone to find out.

Tu n'es sans doute pas vierge et tu ne veux pas que tout le monde le sache.

Elzada comprit qu'elle pourrait être l'objet d'horribles rumeurs si elle refusait le mariage. Mais est-ce que cela serait pire qu'une vie passée avec un homme qu'elle n'aime pas ?

L'histoire d'Elzada, dans laquelle la femme reste avec son ravisseur, est la plus représentative du phénomène d'enlèvement de future mariée au Kirghizistan. Dépeinte avec intensité à travers le prisme du regret et de la résignation dans le dessin animé de Zelenskaïa et de Tankov, c'est, parmi les cinq histoires retracées, sans doute la plus déchirante.

L'histoire d'Aliya

L'histoire d'Aliya est celle d'une tentative d'enlèvement avortée, mais elle montre qu'une destinée peut être chamboulée lors des ‘négociations’ avec un prétendant.

Aliya et sa soeur furent invitées par des hommes dans un café. L'un d'entre eux dit à Aliya qu'elle lui plaisait, qu'il avait l'intention de l'enlever et de la prendre pour épouse.

Aliya choisit de réagir de façon à dissuader son potentiel mari. Mais au lieu de se montrer solidaire, sa soeur se montra terriblement gênée, et sa retenue plut aux hommes. Après avoir été fumer une cigarette à l'extérieur, ils annoncèrent qu'ils allaient enlever la soeur “convenable” d'Aliya au lieu de la rebelle Aliya.

Réalisant soudainement que ce qui ne la dérangeait pas tant que seule sa soeur était concernée devenait maintenant son lot, la soeur d'Aliya les supplia de ne pas l'enlever, arguant du fait qu'elle était déjà promise à un autre homme. Complètement déconcertés, les hommes laissèrent finalement partir les deux soeurs, et commencèrent sans doute à organiser l'enlèvement d'une autre future mariée…

L'histoire de Begaim

L'histoire de Begaim est la seule à contenir un incident de violence sexuelle extrême. Au début de la vidéo, Begaim est une jeune femme voyageant à Londres dans le cadre de son travail pour une organisation des droits de l'homme.

Dans l'avion, elle refuse un chewing-gum à la menthe que le steward souhaite lui offrir.

On apprend alors la raison pour laquelle elle “déteste” le chewing-gum à la menthe : c'est à cause de l'odeur — mêlée à celle de la vodka — de l'haleine de l'homme qui l'a violée après l'avoir enlevée.

Begaim a fui parce que ses deux parents s'opposaient au mariage ; son père vint la récupérer et alla même jusqu'à frapper l'homme qui la violait.

For a year after that I couldn't go outside, and any [human] contact made me shake. I had nightmares and couldn't sleep. Even today, I still sometimes dream of that awful night, those dirty hands, the smell of mint chewing gum.

Pendant l'année qui a suivi, je n'arrivais pas à sortir parce que je tremblais à chaque contact [humain]. Je faisais des cauchemars et je n'arrivais pas à dormir. Aujourd'hui encore, je rêve parfois de cette nuit horrible, de ces mains sales et de l'odeur de chewing-gum à la menthe.

L'histoire de Nargiza

L'enlèvement de Nargiza fut organisé par une tante faisant office d'intermédiaire et se déroula de façon assez classique : elle fut menée dans la famille où elle allait devoir vivre. Les proches de son ravisseur la sommèrent d'accepter le mariage, ayant recours aux mêmes mots d'encouragement et d'intimidation que dans les autres histoires. Mais quand ils cherchèrent à la vêtir de force du voile blanc symbolique, elle résista.

Sa mère appris ce qui s'était passé lorsque Nargiza l'appela depuis la maison de sa future belle-famille. Elle chercha d'abord à persuader Nargiza de rester. Mais Nargiza s'obstina et menaça d'appeler la police. Au téléphone, alors que les ravisseurs épouvantés écoutaient la conversation, elle dit à sa mère qu'une loi récente punit les ravisseurs de futures mariées à des peines de cinq à dix ans de prison.

La tante et la belle-famille finirent par céder. ‘Nargiza’, qui est la seule personne décrite par Zelenskaïa à avoir révélé son identité, travaille aujourd'hui comme présentatrice pour la télévision publique kirghize.

Guljan (à droite) est la jeune fille dont s'est inspiré le dessin animé sur Nargiza (à gauche). Mixage partagé par Tatiana Zelenskaïa sur Facebook.

L'histoire de Guljan (‘Nargiza’) est la dernière d'une série de cinq. Zelenskaïa explique dans un article pour Kloop.kg pourquoi c'est le parcours qu'elle fit paraître en dernier :

Я хотела, чтобы его показали в конце, потому что это самая важная, по моему мнению, история в этом цикле.

Я хочу, чтобы девушки увидели в этом ролике инструкцию. Чтобы они знали, как можно действовать — что нужно знать и отстаивать свои права, угрожать милицией и называть реальные сроки.

Je voulais la montrer à la fin parce que je considère que c'est l'histoire la plus importante de toutes.

Je veux que les jeunes filles voient les conseils que leur donne cette vidéo. [Je veux qu'elles] sachent ce qu'il est possible de faire — qu'il faut connaître ses droits et les défendre, qu'il faut menacer [les ravisseurs] de les mener à la police et d'être poursuivis en justice.

L'immense majorité des utilisateurs des réseaux sociaux du Kirghizistan ont applaudi ces dessins animés, mais certains ont réagi par la colère et le déni.

Comme elle l'a confié à Global Voices, Zelenskaïa espère qu'une chaîne de télévision nationale kirghize acceptera de diffuser ces dessins animés afin de toucher les habitants des différentes provinces du pays et des petites villes, où les cas d'enlèvements de futures mariées sont les plus fréquents et où l'accès à internet est le moins répandu.