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Le combat de Máxima Acuña, la paysanne péruvienne récompensée pour s'être opposée à une grande entreprise minière

mercredi 4 mai 2016 à 10:47
maxima acuña

Máxima Acuña sur les rives d'une lagune dans la zone de Tragadero Grande, dans la région de Cajamarca. Photo de Jorge Chávez Ortíz reproduite avec son accord. Tirée de cet article.

Le 18 avril dernier, la paysanne péruvienne Máxima Acuña de Chaupe a reçu le Prix Goldman pour l'environnement [fr] pour l'Amérique centrale et du Sud, pour sa défense du droit à vivre sur sa propre terre. Le conflit impliquait les entreprises minières associées Newmont et Buenaventura dans le cadre des projets miniers Yanacocha – Conga, qui ont pour objectif d'étendre les activités de la mine d'or Conga à une lagune connue sous le nom de Laguna Azul et à des zones humides situées dans le district de Huasmín, province de Celendín, à Cajamarca dans le nord du Pérou.

Parmi les raisons évoquées par la Goldman Environmental Foundation pour attribuer le prix à Máxima Acuña sont détaillés les faits qui lui ont valu de mériter le prix. D'après la fondation, elle est une héroïne de l'environnement qui a dû faire face à des combats judiciaires et qui a résisté aux menaces et mauvais traitements liés aux intérêts des multinationales.

En 1994, Máxima Acuña y su esposo compraron un terreno en un rincón apartado de las tierras altas en el norte del Perú conocido como Tragadero Grande. […] Un día en el 2011, la empresa minera llegó al hogar de los Acuña y exigió que dejaran su terreno. Cuando Acuña se negó, fue sometida a la brutalidad de la minera […]  Acuña sigue enfrentándose a las amenazas y al hostigamiento por parte la minera y sus fuerzas de seguridad privada y militarizada.

En 1994, Máxima Acuña et son mari ont acheté un bout de terre dans un coin reculé des hautes terres du nord du Pérou connu sous le nom de Tragadero Grande. […] Un jour de 2011, l'entreprise minière est venue à la porte des Acuña et a exigé qu'ils abandonnent leur terre. Quand [Máxima] Acuña a refusé, la réponse a été brutale […] Acuña est toujours confrontée aux menaces et au harcèlement de l'entreprise minière et de ses forces de sécurité privées et militarisées.

Sur le portail de blogs La Mula, on a recueilli les paroles prononcées par Máxima Acuña lors de la réception du prix. La paysanne péruvienne y fait référence aux manifestants qui sont morts [fr] dans les protestations pour la défense du droit à l'eau à Celendín:

Yo defiendo la tierra, defiendo el agua, porque eso es vida. Yo no tengo miedo al poder de las empresas. Seguiré luchando por los compañeros que murieron en Celendín y Bambamarca y por todos los que luchan en Cajamarca.

Je défends la terre, je défends l'eau, parce que ceci est la vie. Je ne crains pas le pouvoir des entreprises. Je continuerai à lutter pour les camarades qui sont morts à Celendín et à Bambamarca et pour tous ceux qui luttent à Cajamarca.

L'écrivaine militante Rocío Silva-Santisteban note dans son blog Kolumna Okupa ce que signifie le fait que Máxima Acuña ait reçu le prix:

El caso de Máxima es un ejemplo de coraje, resistencia, resiliencia y optimismo frente a la aplanadora que puede ser una empresa con grandes capitales y poder como lo es minera Yanacocha. […] Al otro lado está Máxima, su familia nuclear (cuatro hijos y Jaime, el esposo) y su abogada, Mirtha Vásquez, directora de GRUFIDES, una pequeña ONG que ha sido espiada, estigmatizada y vapuleada por SECURITAS (seguridad de Yanacocha-Conga).

Le cas de Máxima est un exemple de courage, de résistance, de résilience et d'optimisme face au rouleau compresseur que peut être une entreprise dotée d'un immense capital et puissante comme l'est la société minière Yanacocha. […] A l'autre extrémité se trouve Máxima, sa famille (quatre fils et Jaime, le mari) et son avocate, Mirtha Vásquez, directrice de GRUFIDES, une petite ONG qui a été espionnée, stigmatisée et dénigrée par SECURITAS (société privée de sécurité de Yanacocha – Conga).

Sigifredo Orbegozo, docteur en droit constitutionnel, insiste quant à lui sur les dangers qui guettent Máxima:

En esa lucha desigual con grandes empresas transnacionales coludidas con gobernantes y políticos venales, muchos campesinos han perdido la vida. Incluso sus dirigentes y luchadoras individuales, como la lideresa hondureña [Berta Cáceres], asesinada [seis] meses después de recibir el mismo premio. Cuidemos a Máxima, indefensa mujer, ante tanto poder que la acosa y que lo único que falta es que la vinculen a conexiones “terroristas”, para atentar contra ella. No estamos exagerando: lo hemos constatado en este proceso electoral nada menos.

Dans ce combat inégal contre de grandes entreprises transnationales de mèche avec des dirigeants et responsables politiques vénaux, de nombreux paysans ont perdu la vie. Y compris leurs dirigeants et des femmes luttant seules comme la figure emblématique hondurienne [Berta Cáceres], assassinée [six] mois après avoir reçu le même prix. Veillons sur Máxima, femme sans défense face à cette puissance énorme qui l'assaille et dont il suffirait qu'on trouve des liens avec des «terroristes» pour s'en prendre à elle. Nous n'exagérons pas: nous l'avons constaté dans les faits lors de ce processus électoral.

Une héroïne montée de toutes pièces?

Des conflits autour de la possession de terres (les détracteurs de Máxima pointent du doigt le fait qu'elle possède neuf propriétés) et d'autres critiques ont conduit les personnes qui décrient la paysanne à l'accuser d'être un faux symbole de la défense de l'environnement. Avant même que le post de blog d'Orbegozo n'alerte sur de possibles attaques visant Máxima Acuña, le portail El Montonero avait publié l'article Máxima [Acuña de] Chaupe et le récit anti-mines [es] qui avait pour sous-titre « La véritable histoire derrière le Prix Goldman pour l'environnement 2016 ». Les auteurs y affirment que le récit qui a fait de Máxima Acuña le symbole de la lutte contre l'entreprise minière Yanacocha et le projet minier Conga a été imposé par ce qu'ils appellent la « gauche radicale écologiste », et qu'il n'est pas authentique :

En su defensa Máxima [Acuña de] Chaupe presenta como pruebas un certificado de posesión otorgado por la comunidad de Sorochuco y su supuesta residencia en ese lugar desde enero de 1994, asegurando además que es su única propiedad. Sin embargo, está probado que el único título de propiedad de esas tierras le perteneció a la comunidad de Sorochuco, que las vendió a Yanacocha —incluso Tragadero Grande— por acuerdo de sus miembros; entre ellos Samuel Chaupe, suegro de Máxima. Además, fotografías satelitales de 1994 demuestran que el lote que ocupan hoy los Chaupe estaba vacío entonces. Recién lo invadieron el 2011, cuando estalló el conflicto de Conga.

Pour sa défense, Máxima [Acuña de] Chaupe présente comme preuves un acte de propriété délivré par la communauté de Sorochuco et ce qui serait son lieu de résidence sur ce terrain depuis janvier 1994, assurant par ailleurs qu'il s'agit de son unique propriété. Toutefois, il s'avère que le seul titre de propriété sur ces terres appartenait à la communauté de Sorochuco, qui les a vendues à Yanacocha —y compris Tragadero Grande— avec l'accord de ses membres ; parmi eux Samuel Chaupe, beau-père de Máxima. De surcroît, des photographies satellites de 1994 mettent en évidence le fait que la parcelle occupée aujourd'hui par les Chaupe était alors vide. Ils s'en sont emparés récemment lorsqu’en 2011 a éclaté le conflit de Conga.

Est également critiqué le film La fille de la lagune [es], dont le scénario se concentre sur la lutte de Máxima Acuña contre l'entreprise minière et qui, selon les auteurs de l'article, présente la Péruvienne comme une paysanne indigente, ce dont ils se permettent de douter. Les critiques et argumentaires contre Máxima Chaupe se poursuivent dans deux autres articles: Máxima Chaupe et le mensonge du radicalisme et Grufides et Marco Arana derrière Máxima Acuña de Chaupe?.

Il faut souligner qu'une bonne partie des arguments proviennent de ce qu'a écrit le journaliste Ricardo Uceda dans un article intitulé L'épineux cas Chaupe, qui pour sa part, est basé sur les révélations du journaliste de Cajamarca Luis Mego qui portent sur les neuf autres propriétés de Máxima Acuña de Chaupe.

Défense et clarifications

L'association civile Cooperacción s'est chargée d'apporter des réponses aux interrogations et aux doutes soulevés par l'article de Ricardo Uceda. Plusieurs questions se posent. En ce qui concerne la plus polémique d'entre elles, celle des neuf propriétés qui appartiendraient à Máxima Acuña, l'association déclare:

Los Chaupe han sostenido que efectivamente tienen [nueve] terrenos que en conjunto suman 8,6 hectáreas y que los han adquirido, en gran parte por herencia. [Ricardo] Uceda, para desmentirlos, señala que en realidad los han adquirido vía un programa de formalización de la propiedad rural sobre la base de acreditar con testigos la posesión continua durante cinco años. Lo cierto es que es muy usual en la zona rural, donde el Estado no tiene formalizada la propiedad de tierras, que quienes tienen títulos de propiedad no saneados recurran a los programas de formalización para regularizar su situación.

Les Chaupe ont admis qu'ils avaient effectivement [neuf] terrains qui représentent en tout 8,6 hectares, et qu'ils ont acquis en grande partie par héritage. [Ricardo] Uceda, pour réfuter leurs dires, indique qu'en réalité ils les ont acquis via un programme de régularisation de la propriété rurale sous réserve d'attester en présence de témoins d'une possession consécutive de cinq ans. C'est en tout cas très répandu en zone rurale, où l'Etat n'a pas de politique [globale] en matière de régularisation foncière, d'où le fait que les gens qui ne possèdent pas de titres de propriété en règle aient recours aux programmes de régularisation pour normaliser leur situation.

Le journal satirique en ligne El Panfleto a publié un éditorial dans lequel l'auteur précise que ces terrains de trois hectares maximum ne trouvent en général pas preneur à 5000 sols (environ 1311 euros) et finissent par être adjugés pour 2000 sols (environ 524 euros) de sorte qu'il ne s'agit pas de terrains très coûteux, et il explique plus en détail comment sont utilisées les terres dans la région andine péruvienne:

Al ser tierras pobres, sin carreteras o con baja producción agrícola, muchas veces solo de pastoreo, las familias siempre están atentas al aviso de un familiar en otra comunidad, quien les informa que un propietario está vendiendo un sector o la totalidad de su chacra, generalmente entre solo unos metros y raras veces una o cinco Ha.

Ces terres étant pauvres, sans routes [pour y accéder] ou peu productives sur le plan agricole, et servant souvent uniquement de pâturage, les familles sont toujours attentives aux suggestions d'un proche d'une autre communauté, qui les informe qu'un propriétaire vend une partie ou la totalité de sa ferme, le plus souvent de quelques mètres carrés seulement et à de rares occasions un ou cinq hectares.

Et concernant la logique sous-tendue par les critiques autour du nombre de terrains:

El ataque por sus posesiones es tan absurdo como que mañana te invadan tu casa, y al ir al Poder Judicial a defenderte, este te responda que no te puedes quejar de nada porque tienes dos casas más a tu nombre.

L'attaque portant sur ses propriétés est aussi absurde que si on envahissait demain ta maison, et qu'en allant défendre ton cas auprès des autorités judiciaires, celles-ci te répondaient que tu ne peux te plaindre de rien étant donné que tu as deux maisons de plus à ton nom.

Ceci n'atténue cependant pas les menaces. De retour au Pérou, Máxima Acuña a dénoncé le fait que, quelques heures plus tôt, sa maison ait été prise pour cible par des inconnus. Peut-être le tweet ci-dessous ne reflète-t-il qu'un désir charitable qui doit faire face à la triste réalité du harcèlement de la part du pouvoir des grandes entreprises contre les gens humbles. L'idée rappelle néanmoins le besoin de protection issu de la lutte pour les droits des plus vulnérables:

Ceci est une version éditée de l'article original paru sur le blog Globalizado de Juan Arellano.

Guinée: Les nouvelles technologies, une chance pour les langues nationales

mardi 3 mai 2016 à 23:13
Tasfir Baldé -avec sa permission

Tasfir Baldé -avec sa permission

Sur le continent africain, 2015 et 2016 sont des années cruciales en termes électoraux. Au cours de ces deux années, il y a eu jusqu’à présent 14 élections.

Pour permettre à la population de jouir pleinement de ses droits de citoyen, les internautes ont multiplié les initiatives. En Guinée, où 65 % de la population est analphabète, l’Association des blogueurs de Guinée (ABLOGUI) avait lancé avec le financement d’OSIWA (Open Society Initiative for West Africa), une campagne d’information et de lutte contre l’usage des différences ethniques comme programme politique, pour éviter les affrontements au sein de la population.

Global Voices a demandé à M. Tafsir Baldé, responsable de la commission Promotion des langues nationales au sein de l'association des blogueurs de Guinée, de donner ses sentiments sur cette expérience.

Global Voices GV: M. Tafsir Baldé, pourriez-vous vous présenter de nouveau à nos lecteurs?

Tafsir Baldé TB: Je suis Tafsir Baldé, chercheur en langues et cultures africaines et blogueur en #Pulaar sur www.misiide.net, membre fondateur de l’Association des blogueurs de Guinée (ABLOGUI), et responsable de la commission promotion des langues nationales au sein de la dite association.

GV: Qu’est-ce que c’est que le hashtag #GuineeVote? Et quelle relation avec les langues nationales: le #Pulaar et le #Nko?

Ci-dessous une vidéo qui explique le projet #GuineeVote:

TB: #GuineeVote est une plate-forme web participative autour des élections en Guinée. Un projet citoyen porté par l’Association des Blogueurs de Guinée (ABLOGUI). Sur cette plate-forme, une rubrique des langues nationales a été créée pour traduire l’essentiel de l’actualité électorale en langues nationales #Pulaar et #Malinké.

Depuis sa création, notre association s’est fixé comme objectif fondamental de s'impliquer sur la façon dont les leaders des partis font la politique. Pour atteindre ce but au-delà de toute position partisane, nous avons pensé qu’il était nécessaire de réformer le discours politique en poussant les candidats à parler de leurs programmes et non des sujets à caractère ethnique. Nous avons donc établi un système pour comparer leurs programmes et pour que ceux-ci soient compris par la majorité d’une population qui ne maîtrise pas dans son ensemble la langue française nous avons introduit cette partie des langues nationales.

Notre commission de langues nationales a donc traduit et publié sur www.guineevote.com dans ces deux langues expliquant le code électoral, l'importance de voter, les fonctions d’un élu, la comparaison des programmes des différents candidats, etc.

GV: Quels ont été les résultats?

TB: Nos résultats ont été remarquables. D’abord nos lecteurs se sont satisfaits parce qu’avec les publications dans ces deux langues, ils pouvaient mieux comprendre le processus électoral et son importance dans la vie de chaque Guinéen. Un lecteur nous a écrit dans un commentaire en Pulaar: “A weltaanama seydi Balde! Golle maa ɗen no labaa fota”  (traduction: Nous sommes très fiers de tes travaux remarquables, Monsieur Baldé). Sans oublier que nous avons amélioré la visibilité de nos langues nationales par le biais de ce projet.

GV: Connaissez-vous d’autres exemples d’initiatives d’utilisation des langues nationales pour l’engagement des blogueurs, en Afrique de l’ouest?

TB: En ce qui concerne la participation des blogueurs, à part  notre initiative, je ne connais pas d’autres initiatives de ce genre dans la sous-région! Toutefois, de nombreuses télévisions, mais surtout de radios diffusant en langues nationales sont disponibles online.

Il faut signaler aussi que dans le cadre d'une participation démocratique plus large, le Burkina Fasso vient de traduire son code électoral dans ses principales langues nationales.D'autre part, en 2014, l’assemblée nationale sénégalaise a introduit la possibilité pour les parlementaires d'intervenir à l’hémicycle dans six langues nationales.

Voilà des exemples à suivre pour permettre aux gens de mieux s’intéresser et exprimer leurs opinions.

GV: À vos yeux quels sont les obstacles à une plus grande utilisation des nouvelles technologies de l'information et de communication (NTIC) dans les processus électoraux en Guinée et dans la sous-région?

TB: Il faut mettre en évidence que les NTIC peuvent être efficaces pour l’expansion de nos langues nationales. On a réalisé des avancées significatives dans ce sens pour le pular et le n’ko. Je pense que limiter ces actions citoyennes en langue française ne sert pas grand-chose! Car selon les statistiques, environ 65 % de la population guinéenne ne comprend rien de la langue officielle de l'Etat et de toutes les institutions. Il va falloir donc que cela soit pris en compte dans le système d’information que nous blogueur mettons en place; qu’ils ne se sentent pas marginalisés parce que ne comprenant le français que peu ou prou.

Nous n’avons rien contre l'usage du français, mais il nous revient la lourde tâche d’informer ces milliers de lecteurs dans leurs langues respectives.

GV: Comment voyez-vous l’avenir de l’utilisation des langues nationales dans les réseaux sociaux?

TB: Une étude réalisée par Gilles Maurice de Schryver et Anneleen Van der Veken, nous affirmait que ces langues apparaissent sur la Toile beaucoup plus comme des objets d’étude.

Les langues africaines sont présentes sur les réseaux sociaux de deux manières distinctes. La première manière est caractérisée par des hashtags sur des sujets d'actualité nationale ou qui font référence à des éléments linguistiques régionaux. C’est le cas par exemple de #lwili (en langue mooré, l’une des principales langues du Burkina Faso), qui fait allusion à un pagne national, le lwili-peendé; porté depuis le temps colonial.

Ce hashtag évoque naturellement toute la symbolique de l’oiseau, emblème de Twitter. Aussi, dans la culture ivoirienne du réseau social, l’expression « #Kpakpatoya » (en nouchi) indique le fait de relayer l’actualité nationale ou internationale pouvant intéresser les suiveurs du fil. Nous bloggeurs de Guinée, sommes en train de chercher un hastag à l’instar des ces pays de la sous-région.

La deuxième manière se distingue par l’introduction des langues africaines sur les réseaux sociaux comme langue pour les utilisateurs. De plus en plus, les principaux acteurs des réseaux sociaux et des sources de référence offrent de la place aux langues africaines.

GV: De quels principaux acteurs parlez-vous? Pouvez-vous nous illustrer ce qu'ils font?

TB: Wikipédia, par exemple, propose des contenus dans quelques langues africaines, dont le peul et le bambara, une langue très proche du malinké. En outre, cette source de contenus a créé Afripedia en partenariat avec l'Institut français et l'Agence universitaire de la Francophonie depuis juin 2012.

Même si ce n'est pas son objectif premier, le projet Afripédia visant à favoriser l'accès aux contenus sur les réseaux en ligne au plus grand nombre d'utilisateurs ne disposant pas facilement de connexion Internet, peut aussi contribuer à une plus grande utilisation des langues africaines dans les NTIC.

Après le tamazight en 2013, Facebook a tout récemment adopté dix (10) autres langues africaines sur son réseau social comme langues d’utilisation. Personnellement, j’ai intégré le groupe des traducteurs de facebook en pular. D'après l'équipe en charge de veille sur nos travaux dénommée “Facebook Translations Team”, nous avons traduit le réseau en pular à 85%.

A noter que depuis 2014, des jeunes africains se sont mis à concevoir des réseaux sociaux  purement africains. C’est le cas par exemple de « #Ilemba » (la marque en gabonais) basé à Libreville.

Tous ces facteurs améliorent la visibilité des langues africaines sur les réseaux sociaux.

GV: Quel suivi envisagez-vous après les occasions liées aux élections pour  la promotion de l’utilisation de ces deux langues parmi les internautes guinéens?

TB: Dans l’agenda de nos principaux des activités de l’année 2016, nous comptons organiser une conférence débat sur la place des langues nationales dans les TIC. La rencontre vise à valoriser l’usage des langues nationales dans les technologies nouvelles. Au cours de cette conférence débat, nous allons mettre l'accent sur les innovations technologiques dans les langues locales afin d'inciter les citoyens et l'Etat à se servir des ces outils du web pour lutter contre l’analphabétisme dans notre pays.

GV: Votre dernier mot?

TB: J’invite mes amis bloggeurs, à prendre en compte les langues africaines dans leurs activités de blogging. Cela en vue d’une seule finalité, promouvoir la diffusion des langues africaines par les outils du web 2.0.

La colère des manifestants monte en Macédoine après les arrestations

mardi 3 mai 2016 à 16:29
Banner "Freedom for the Activists!" at April 25 protest in Skopje. Photo by Vančo Džambaski, CC BY-NC-SA.

Bannière “Liberté pour les Activistes!” durant la manifestation du 25 avril à Skopje. Photo par Vančo Džambaski, CC BY-NC-SA.

(Article d'origine publié le 27 avril 2016) Pendant que des manifestations de masse contre l’impunité face à la corruption continuent dans plusieurs villes en Macédoine, les forces policières ont placé cinq protestataires sous assignation à résidence et prévoient de déposer des accusations de participation à un rassemblement ou émeute contre plusieurs autres.

Les autorités ont d’abord convoqué les protestataires pour un interrogatoire, pour ensuite les arrêter le 25 avril. Le professeur Zdravko Saveski et Vladimir Kunovski font partie de ces individus et sont tous les deux des membres fondateurs du nouveau parti politique Levica (La Gauche). Le duo est accusé d’avoir participé à des rassemblements et ont été assignés huit jours à résidence.

Selon le Ministère de l’Intérieur, Saveski aurait brûlé une photographie du président pour ensuite lancer des objets contre le Bureau des Affaires Publiques du président, lequel fut saccagé durant la deuxième journée des protestations. Durant cela, Kunovski se serait emparé de chaises, de deux tiroirs et d’un carton de jus de fruit que le professeur aurait ensuite partagéavec d’autres personnes présentes à l’extérieur, selon le ministère.

Le Comité d’Helsinki pour les Droits de la Personne accuse les autorités de cibler sélectivement les protestataires importants comme eux dans une tentative flagrante pour intimider les manifestants et étouffer l’agitation populaire. L’assignation à résidence pour les manifestants est évidemment utilisée ici dans le but d’empêcher leur participation aux rassemblements.

Le 12 avril, quand le Président Gjorge Ivanov a accordé l'amnistie à plus de 50 membres de l'élite politique et du monde des affaires, les Macédoniens ont afflué dans les rues de Skopje et d’autres villes. Les individus en question faisaient l’objet d’enquêtes par le Bureau Spécial du Procureur pour des cas de corruption, de fraude électorale et d’abus de pouvoir. Ces crimes présumés été mis au jour suite à des conversations qui auraient été mises sur écoute sous l’ordre de l’ex-premier ministre Nikola Gruevski. Ces enregistrements ont ensuite étés rendus publics par l’opposition politique.

L'amnistie a aussi été condamnée par l’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Co-opération en Europe), les États-Unis et l’Union européene, entre autres. Les négociations prévues pour la semaine dernière à Vienne, dont l’objectif était de mettre un terme à la crise politique, ont étés annulées. Pour l’instant, le gouvernement de la Macédoine ne montre toujours pas de signes d’une intention de prendre un autre cours.

Le média progouvernement Kurir.mk a publié une liste de 13 protestataires, contenant entre autres leurs âges et leur ville de résidence. Il est aussi mentionné que ces derniers étaient liés au saccage du Bureau des Affaires Publiques du président et qu’ils seront déférés à la justice. Cependant, certains individus identifiés sur cette liste nient avoir participé à quelconque dommage causé au bureau. Une femme affirme qu’elle a même été arrêtée pour s’être plainte de la police qui avait traîné son ami sur le sol, car il filmait les policiers.

« La LIBERTÉ n’est pas facile à obtenir ! »

Zdravko Saveski et Vladimir Kunovski sont aussi apparus dans cet article de Kurir.mk. L’ONG Solidarity Movement a repris un statut Facebook publié précédemment par Saveski avant qu’il ne se rende au poste de police, accompagné d'un commentaire indiquant qu’ils ne se laisseront pas intimider.

Соборци и соборки за слобода, БЛИСКУ Е ПОБЕДАТА! Го раздрмавме режимот! Но, не смееме да потклекнеме! Борбата не е завршена! Мора да излегуваме масовно на протести. Да се види колкаво е незадоволството од режимот. А не само да се претпоставува.

СЛОБОДАТА е скапа. И мора да ја заслужиме! Секој ден во 6!

Chers combattants de la liberté, LA VICTOIRE APPROCHE ! Nous avons ébranlé le régime ! Mais nous ne devons pas céder ou nous rendre ! La bataille n’est pas terminée ! Nous devons aller protester en très grands nombres. Pour que le grave mécontentement face au régime se voie, qu’il ne soit pas seulement supposé.

La LIBERTÉ n’est pas facile à obtenir ! Et pour la mériter, nous devons nous battre pour elle ! Tous les jours, à 18 h !

Zdravko Saveski. Photo by Vančo Džambaski, CC BY-NC-SA.

Zdravko Saveski, PhD. Photo par Vančo Džambaski, CC BY-NC-SA.

En réponse à l’arrestation des deux hommes, le 25 avril après-midi, Levica a organisé une conférence de presse devant le tribunal et des douzaines d’autres protestataires sont venus exprimer leur solidarité. Durant la conférence de presse d’urgence devant la Cour Pénale, Levica a condamné les actions des autorités. Selon le membre Dimitar Apasiev : « Il est question ici d’une persécution politique ouverte contre des adversaires politiques, directement à la suite d’annonces faites par un certain mouvement civil qui revendique que certains partis devraient être bannis, retirées du système légal — quelque chose qui commence déjà à se recouvrir ».

Ces derniers mots se réfèrent aux propos d'un contre-manifestant du mouvement GDOM (lequel appuie le parti au pouvoir VMRO-DPMNE), qui appelle à des amendements constitutionnels « bannissant le travail des organisations civiles et des partis politiques qui détruisent la Macédoine ».

Levica a demandé au ministre et au vice-ministre de l'Intérieur d’enregistrer les rapports d’actes criminels, mais qu’ils ne devraient pas les traiter avant que la crise politique soit résolue. Les membres du parti ont aussi appelé les procureurs à ne pas exiger l’arrestation des individus en question. Ils ont aussi demandé aux juges qui surveillent ces derniers de ne pas déposer d’accusations criminelles.

Des vétérans de la Seconde Guerre mondiale se joignent aux manifestations

L’indignation suite aux arrestations était palpable sur les médias sociaux. Cela semble avoir alimenté la détermination de plusieurs protestataires à se rassembler à 18 h, malgré le froid et la pluie, comme ils le font tous les jours depuis le 12 avril. Le sentiment a été décrit par l’activiste Mariglen Demiri, qui a écrit « Nous avons plus de personnes que vous avez de prisons ».

À Skopje, un nouveau groupe a annoncé sa présence avec une grande bannière — Les vétérans de la seconde guerre mondiale luttent contre le fascisme. Des hommes et des femmes nonagénaires ont marché à la tête de la colonne qui circulait du Bureau Spécial du Procureur jusqu’au Parlement.

Banner of Union of World War II Veterans at the April 25 protest in Skopje. Photo by Vančo Džambaski, CC BY-NC-SA.

Bannière de l’Union des Vétérans de la Seconde Guerre mondiale à la manifestation du 25 avril à Skopje. Photo par Vančo Džambaski, CC BY-NC-SA.

Après une série de discours d’activistes et d’artistes, des milliers de participants ont emprunté un nouvel itinéraire pour la marche de protestation journalière, sous la pluie battante. Ils ont défilé le long du nouveau bâtiment du Ministère des Affaires étrangères, y lançant de la peinture sur le plâtre et les façades de marbre, pour y terminer comme à l’habitude leur défilé devant les bureaux du gouvernement.

Protesters marching through an underpass in Skopje on April 25. Photo by Vančo Džambaski, CC BY-NC-SA.

Des manifestants empruntent un passage souterrain à Skopje, le 25 avril. Photo par Vančo Džambaski, CC BY-NC-SA.

A part Skopje, d’autres manifestations ont eu lieu à Bitola, Strumica et Kumanovo. Le 26 avril, davantage de villes se sont jointes au mouvement surnommé la Révolution Colorée, avec des manifestations prévues à Tetovo, Ohrid, Radoviš, Kičevo, Bitola, Prilep, et Veles.

Soutenez Alep en feu en recouvrant de rouge vos profiles sur les réseaux sociaux

mardi 3 mai 2016 à 14:39
Aleppo is burning. Make your social media profile photograph red to show you care. Photo credit: @egyfree4 (Twitter)

Soutenez Alep en feu en recouvrant de rouge vos profiles sur les réseaux sociaux. Image virale

Alors que vous lisez ces lignes, Alep, la deuxième ville de Syrie après Damas la capitale, est entrain d'être rayée de la carte. Des centaines de civils ont été tués au cours des 11 derniers jours alors que les activistes et les habitants ne cessent d'appeler le monde à l'aide.

Une campagne est en cours pour demander aux sympathisants du monde entier de remplacer leurs photos de profiles par du rouge sur les réseaux sociaux, en signe de soutien et pour demander que cessent les massacres commis contre les civils, alors que les forces gouvernementales syriennes poursuivent leurs bombardements aériens sur les zones détenues par les rebelles, où habitent jusqu'à 350000 personnes.

Les forces aériennes syriennes et leurs alliés russes sont les seuls à pouvoir bombarder Alep d'en haut – et tous deux nient anéantir Alep.

Kerry dit que les russes ne bombardent pas Alep

Hadi Al Abdallah, photojournaliste qui se trouve à Alep, donne quotidiennement des nouvelles épouvantables de la ville:

Des avons de guerre bombardent les quartiers civils d’ #Aleppo pour le 8ème jour consécutif! 29-4-2016

Il vient de partager aujourd'hui ces photos d'une ambulance frappée par une attaque aérienne:

PHOTO: une attaque aérienne du régime vise une ambulance et ses occupants en route pour sauver des blessés dans le quartier d’ al-Hulik, à Alep.

Le 30 avril, il a partagé cette vidée de l'armée d'Assad qui bombarde l'hôpital d'Al Quds à Alep:

VIDEO: images de vidéo-surveillance prises au moment où l'hôpital d'al-Quds d'Alep est bombardé par les avions de guerre d'Assad

Des tweets comme celui qui suit, pour rapporter des bombardements contre des cibles civiles, sont habituels:

DERNIERE NOUVELLE: des avions militaires survolent actuellement #Aleppo et bombardent des habitations civiles et tirent sur les voitures

Sur YouTube, Alabdallah partage cette vidéo [des images peuvent choquer] qui montre l'horreur que vivent les habitants d'Alep:

Il supplie le monde de regarder cette vidéo.

Et c'est ce que fait le monde: regarder l'horreur qui se déroule en Syrie.

Marcell Shehwaro, habitante d'Alep qui contribue à Global Voices, a partagé son histoire et son expérience dans un dossier spécial Dépêches de Syrie:  Marcell Shehwaro est en vie à Alep. Elle partage cette photo qui se passe de commentaires sur sa page Facebook:

"It is now time for the daily air strikes on Aleppo city. Enjoy your movie!" Photograph shared by Marcell Shehwaro on Facebook

“C'est l'heure des bombardements aériens quotidiens à Alep. Bon film!.” Photo partagée par Marcell Shehwaro sur Facebook

Alep était une ville connue pour son commerce et ses affaires et abritait les plus riches commerçants. C'était aussi un centre industriel important en Syrie, siège de grosses usines pharmaceutiques et textiles de pointe.

La ville, maintenant en ruines, était connue pour son passé historique, dont témoignait la Citadelle d'Alep qui se dressait au coeur de la ville. Elle abritait une grande mosquée omeyyade, qui datait du règne des Omeyyades vers 700 après JC, ainsi que de nombreux autres sites religieux et historiques.

Alep témoignait d'une réelle coexistence pacifique. Outre les importantes populations musulmanes et chrétiennes, arméniennes et kurdes, elle était peuplée de juifs syriens, qui ont quitté le pays dans les années qui ont suivi la création de l'Etat d'Israël en 1948.

Le régime d'Assad ne cesse de bombarder la vile presque quotidiennement depuis maintenant 4 ans. Tous ces monuments cités ci-dessus n'existent plus. Certains subsistent, mais à l'allure où se poursuivent les bombardement qui visent les zones libérées (détenues par les rebelles), ce n'est plus qu'une question de temps avant que chaque âme, chaque monument, chaque vestige de l'histoire n'ait disparu.

Cette nouvelle campagne de destruction d'Alep, qui a connu un court répit durant de cessez le feu conclu entre la Russie et les Etats Unis, a repris au nez et à la barbe du monde entier, y compris de la Russie et des Etats Unis qui font ceux qui ne voient rien.

On ne peut que s'interroger sur les raisons politiques internationales derrière ce silence. Tous les jours on filme et les vidéos circulent. Les habitants crient à l'aide. Ils ont besoin de notre action pour vivre, tout simplement, alors que la vie à Alep est tout sauf normale, sans eau, sans électricité, sans nourriture ni médicaments, entre le régime qui multiplie les bombardements aériens des civils et ISIS qui les assassine au sol. Ils ont absolument besoin que nous partagions, tweetions et que nous témoignions notre solidarité. On n'a pas hésité à le faire pour Paris ou Bruxelles, pourquoi s'arrêter là?

À Cancun, la communauté se bat pour protéger une précieuse mangrove

lundi 2 mai 2016 à 20:19
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Un couple profite du malecón de Tajamar. Photo : Danica Jorden

Dans la baie de Cancun, en face de l'éblouissante zone hôtelière, les habitants profitent souvent d'un bol d'air sur le malecón, la promenade du front de mer de la ville. Dans la soirée, on peut habituellement y croiser des gens en train de faire un footing, de jouer, de se balader, de promener leur chien ou simplement de discuter en respirant les alizés des Caraïbes. Jusqu'au 16 janvier, une épaisse forêt marécageuse bordait encore la route vers le malecón de Cancun, isolant le chemin calme de la ville bouillonnante. Mais à deux heures du matin ce dimanche-là, les bulldozers ont envahi les lieux et ont arraché les palétuviers, détruisant par là même un espace vert indispensable pour les habitants et démolissant l'habitat de milliers d'espèces.

Les habitants de Cancun ont réagi et se sont mobilisés pour protéger et restaurer ce qui restait de la mangrove. Grâce aux réseaux sociaux, en particulier les pages Facebook Salvemos Manglar Tajamar (Sauvons la Mangrove de Tajamar) et Guardianes del Manglar Cancún (Gardiens de la Mangrove de Cancun), ainsi que Twitter, les appels à l'action ont rapidement été entendus par la communauté. C'est ainsi que Greenpeace et le résau international The Terramar Project ont été contactés pour sauver les forêts de mangrove dans le monde entier.

Jour et nuit depuis le 16 janvier, les Guardianes del Manglar font le guet sous une tente bleue et blanche, près d'une banderole représentant un énorme palétuvier étreignant la terre de ses racines. La mangrove de Tajamar était le refuge de nombreux animaux, parmi lesquels les énormes crocodiles que les habitants adorent et qui figurent si souvent dans l'histoire de la cosmologie maya.

"Hand-painted" depiction of mangrove tree in front of cars parked to prevent trucks and machinery from entering Tajamar Mangrove. Photo: Danica Jorden

Un palétuvier “peint à la main” devant des voitures garées pour empêcher les camions et les machines d'entrer dans la mangrove de Tajamar. Photo : Danica Jorden

Des grillages entourent partiellement ce qui ressemble à un chantier de construction sale, plein d'arbres cassés et renversés, de flaques d'eau stagnante, de surplus de matériaux, certains étiquetés “toxiques”.

Dans l'obscurité, avant le lever du soleil du 16 janvier, des bulldozers sont entrés sur les lieux soi-disant protégés par la loi mexicaine, arrachant les palétuviers blancs rares et détruisant l'habitat de milliers d'espèces. Les jours et les semaines suivantes, on pouvait voir les cadavres démembrés de crocodiles [Attention : Images choquantes] alors que d'autres animaux, entraînés par les machines lourdes, ont été enterrés vivants.

Young people out for a stroll next to destroyed Tajamar Mangrove. Photo: Danica Jorden

Des jeunes gens se promènent près de la mangrove de Tajamar détruite. Photo : Danica Jorden

La destruction a été menée sous la supervision du Fonds National de Développement du Tourisme du Mexique, FONATUR, avec au besoin, la police fédérale pour protéger les opérations.

Fence protecting what's left of Tajamar Mangrove, with remnant of plastic sheeting.

Grillage avec des restes de plastique, protégeant la mangrove de Tajamar. Photo : Danica Jorden

Pour les habitants de Cancun, la mangrove était l'un des rares espaces verts dans cette ville de plus en plus chaude et recouverte de béton. Sa disparition s'est immédiatement fait ressentir et la réaction civile a été rapide : les jeunes ont mené une campagne urgente pour prendre des mesures juridiques afin d'arrêter les promoteurs. S'appuyant sur la loi mexicaine et la législation internationale qui interdit strictement la destruction de la mangrove, des citoyens et des groupes de jeunes sont parvenus à convaincre un juge d'interrompre la destruction.

Le 20 janvier, 4 jours à peine après le premier coup de pelleteuse, un tribunal ordonnait l'arrêt du projet, les Gardiens sont arrivés et les clôtures montées. Au début, elles ont été recouvertes de plastiques noirs mais les activistes les ont arrachées pour pouvoir mieux surveiller la zone et assurer sa protection. Depuis la décision du tribunal, la situation est au point mort, avec les membres de la communauté qui s'assurent que rien d'autre n'arrive dans la nuit.

Salsa Power Dance Workshop take their turn guarding Tajamar Mangrove and practice their steps at the same time. Photo: Danica Jorden

Les membres du Salsa Power Dance Workshop prennent leur tour de surveillance de la mangrove de Tajamar tout en répètant leurs pas. Photo : Danica Jorden

Lorsqu'on leur demande comment était la mangrove avant, les adolescents du Salsa Power Dance Workshop commencent à gesticuler avec enthousiasme et s'exclament à l’unisson :

¡Era HERMOOSA! ¡Muy grande, muy verde!

Elle était MAGNIFIQUE! Très grande, très verte!

Les mangroves protègent et élargissent le littoral. Selon Coastalcare.org, “le principal bénéfice des mangroves est leur capacité à réduire les marées de tempêtes”. Dans une zone aussi propice aux ouragans que Cancun, dévastée par les ouragans Gilbert en 1988 et Wilma en 2005, la disparition des forêts de mangrove est un sujet grave — et  pas seulement au Mexique — la destruction des mangroves affecte aussi l'ensemble du continent américain, le sud de l'Asie, l'Australie, les îles du Pacifique ; donc beaucoup de pays dans le monde. Chaque mangrove qui reste est essentielle, mais leur excellente situation sur les côtes est souvent très tentante pour les gouvernements et les promoteurs désireux d'ouvrir la voie et de récolter les bénéfices générés par les hôtels et autres constructions en front de mer.

Patricia Toscano explique durant une promenade sur le malecón un après-midi avec sa sœur Yolanda et ses amies Alejandra et Aracely :

La gente, y sobretodo los jovenes, están tratando de salvar el manglar. El gobierno nos mintió. La destrucción que dejaron es una desgracia. Día y noche, los voluntarios se mueven para salvar el medio ambiente, no sólo en Cancún sino en todo México.

Les gens, surtout les jeunes, sont en train de sauver la mangrove. Le gouvernement nous a menti. La destruction qu'ils ont laissée est une honte. Jour et nuit, les volontaires se bougent pour sauver l'environnement, pas seulement à Cancun mais dans tout le Mexique.

Patrícia Toscano (center right) with sister Yolanda and friends Alejandra and Aracely. Photo: Danica Jorden

Patricia Toscano (au centre à droite), sa sœur Yolanda et ses amies Alejandra et Aracely, ont réuni des signatures qu'elles présenteront au tribunal pour protéger la mangrove de Tajamar. Photo: Danica Jorden

“J'adore y faire du footing”, explique Kemel Farjat, un agent immobilier de la zone hôtelière. “En pleine nuit, ils ont tout détruit. Et tout ça pour quoi? Un autre centre commercial!” Farjat ajoute rapidement, “Mais ça va revenir”.

En effet, grâce  aux gardiens  et à d'autres activistes, des groupes de jeunes et d'autres citoyens, la zone est protégée et elle se remet peu à peu. Un héron a été aperçu depuis le chemin qui traversait la forêt exubérante et un oiseau au plumage jaune vif a voleté à travers le grillage juste au moment où une iguane grise et blanche, à la queue cassée, apeurée, a rapidement sauté dans une bouche d'égout.

Tropical bird returns to Tajamar Mangrove. Photo: Danica Jorden

Un oiseau tropical de retour dans la mangrove de Tajamar. Photo : Danica Jorden

Il y a de l'espoir. Suivez le rétablissement de la mangrove de Tajamar, sur Twitter:

Visitez Malecón #Tajamar et rejoignez-nous. Ensemble #SauvonsTajamar