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Des activistes cubains lancent leur “Agenda pour les droits LGBTIQ”

mercredi 23 mai 2018 à 20:21

“Le drapeau LGBT cubain”. Licence internationale Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0

Le 11 mai 2018, une vingtaine d'intellectuels et activistes cubains lançaient un agenda conséquent [es, comme les liens suivants] pour les droits des lesbiennes, gays, bisexuel·le·s, trans, intersexes et queers à Cuba. Leur présentation indique :

Basados en los principios de Yogyakarta sobre la aplicación de la legislación internacional de derechos humanos en relación con la orientación sexual y la identidad de género, en la Declaración de derechos sexuales de la Asociación Mundial para la Salud Sexual (WAS) y en virtud de las próximas reformas constitucionales y jurídicas en Cuba, integrantes de la comunidad LGBTIQ cubana nos hemos reunido para promover esta agenda.

Basés sur les principes de Yogyakarta [fr] sur l'application de la législation internationale des droits humains en relation avec l'orientation sexuelle et l'identité de genre, sur la Déclaration des droits sexuels de l’Association Mondiale pour la Santé Sexuelle (WAS) [fr], et en vertu des prochaines réformes constitutionnelles et législatives à Cuba, nous, composantes de la communauté LGBTIQ cubaine, nous sommes réunis pour défendre cet agenda.

Ce document part du principe que l'orientation sexuelle comme l'identité de genre sont consubstantielles de la dignité humaine. Il ne s'agit pas uniquement de chercher à ce que le texte fonctionne comme un communiqué collectif, mais aussi comme une proposition qui puisse continuer à être alimentée d'idées et de suggestions. Le texte cherche également à aller au-delà de la transmission d'information pour proposer des axes d'action concrets qui puissent être pris comme points de départ pour la recherche et l'élaboration de politiques publiques, comme l'explique Isbel Díaz Torres dans Havana Times. 

L'agenda pourrait être considéré comme le premier document de ce type publié à Cuba. Il a été entièrement construit par des membres de la société civile et se centre sur les droits des personnes LGBTIQ. De plus, il inclut 63 demandes spécifiques et se divise en deux grandes sections : mesures législatives et politiques, plans et stratégies.

Les demandes rassemblées par la réalisatrice cubaine Yaíma Pardo dans son documentaire Causas y Azaresainsi que le texte de l'activiste et blogueur Alberto Roque constituent quelques antécédents de ce travail. Dans le documentaire, de nombreuses réflexions sont présentées au sujet des droits actuels de la communauté LGBTIQ à Cuba et des changements idéologiques et institutionnels nécessaires pour assurer leur plein exercice.

Deux des activistes ayant participé au documentaire ont mis en lumière des points importants pour la compréhension du contexte en relation avec la reconnaissance et la protection de ces personnes à Cuba.  Au départ, elles expliquent comment le système sur lequel s'appuie le gouvernement ne prend pas en compte la complexité des compositions de genre, ni la diversité de la sexualité humaine. L'une d'elles évalue les carences du projet à cet égard :
Lamentablemente el proyecto social socialista heredó esa discriminación, esos falsos conceptos, esa ignorancia sobre la sexualidad humana; y en el caso Cuba se ha demorado, para mi gusto, demasiado en enfrentar esa realidad y transformarla

Malheureusement, le projet social socialiste est l'héritier de cette discrimination, de ces faux concepts, et de cette ignorance sur la sexualité humaine ; et dans le cas de Cuba on a trop tardé, à mon goût, à prendre en compte cette réalité et à la transformer.

Une autre personne interrogée développe ce point et souligne comment les antécédents historiques et culturels de l'idéologie politique gouvernementale imposent de distinguer les nombreux éléments de la vie des citoyen·ne·s :
El Marxismo surgió como una filosofía en occidente de un hombre blanco. No reconoce la diversidad de las sexualidades ni de las identidades que las personas cargan como parte de su cultura. No todo es la lucha de clases. Cada clase social está está atravesada por un montón de identidades culturales y sexuales… y laborales… y artísticas. Reconocer eso es lo que permite que las políticas [creadas] para emancipar a las personas atiendan verdaderamente a las personas y no a los ideales [que el Estado tiene] de las personas… [es ahí] donde ha fallado hasta ahora el socialismo.

Le Marxisme est apparu comme une philosophie occidentale de l'homme blanc. Il ne reconnaît pas la diversité des sexualités ni des identités que les personnes portent en elles comme une part de leur culture. La lutte des classes n'explique pas tout. Chaque classe sociale est traversée par une quantité d'identités cultures et sexuelles… professionnelles… et artistiques. Reconnaître cela, c'est ce qui permet que les politiques [conçues] pour émanciper les personnes répondent véritablement aux besoins des personnes et non à l'idée [que l'État se fait] des personnes… [c'est là] que le socialisme a échoué jusqu'à présent.

L’Agenda pour les droits LGBTIQ à Cuba cherche à promouvoir le débat large et inclusif sur cette partie des droits humains et appelle l'Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire, le Conseil des Ministres et les décideurs des politiques, plans et stratégies, à prendre en considération ses demandes.

Les Monténégrins exigent la fin de l'impunité après l'agression d'une journaliste

mercredi 23 mai 2018 à 15:53

Manifestation « Stop à la violence » à Podgorica, le 9 mai 2018. Photographie de Damira Kalač.

La journaliste monténégrine Olivera Lakić a été blessée à la jambe le 8 mai 2018 lors d'une attaque semble-t-il ciblée.

Le lendemain à Podgorica [fr], la capitale du Monténégro, plusieurs centaines de personnes sont descendues dans la rue pour exiger la fin de l'impunité pour les crimes violents et une vie sans peur.

Des inconnus ont tiré sur Mme Lakić, journaliste au quotidien d'information Vijesti [« Informations », en monténégrin], devant chez elle, dans le centre de la capitale monténégrine. Une fois au sol, elle a vu s'enfuir deux hommes. Vijesti précise [cnr] qu'elle est hospitalisée, mais que sa blessure à la jambe droite ne met pas ses jours en danger.

Avec une population d'environ 643.000 habitants, le Monténégro [fr] est l'un des plus petits pays d'Europe. Depuis 1991, cet État des Balkans est gouverné par une même élite politique dont l'actuel président élu, Milo Đukanović, est le principal représentant. Les journalistes qui travaillent sur la criminalité, la corruption, les affaires et la politique disent que l'intimidation et les menaces directes ne sont pas rares.

Balkan Insight [en] note que ce n'est pas la première fois que Mme Lakić est victime d'une agression. En 2012, un homme l'a agressée au pied de son immeuble après un reportage qu'elle a effectué sur les activités de la Montenegro Tobacco Company.

Comme d'autres journalistes qui enquêtent sur la corruption dans la région, elle reçoit des menaces depuis des années.

La police locale a déclaré avoir « bloqué la ville », mais à la date de rédaction de ce billet, personne n'avait été interpellé dans le cadre de cette affaire.

Hier matin, la journaliste monténégrine Olivera Lakić a été blessée par balle à la jambe devant son appartement de Podgorica.

Il faut rappeler que depuis 2014, dans les pays des Balkans occidentaux, ont eu lieu trois tentatives de meurtre et 103 agressions physiques contre des journalistes et que 257 menaces ont été enregistrées.

Le journaliste Sloba Georguiev compare cette situation à celle de la Slovaquie où, après l'assassinat du journaliste slovaque Ján Kuciak [fr], des manifestations de masse ont abouti à la démission de Robert Fico, le Premier ministre du pays [fr].

La campagne de diffamation menée par le gouvernement monténégrin contre tous ceux qui ne pensent pas comme lui a créé un terreau fertile pour qu'un meurtrier puisse sortir de l'ombre et tirer sur notre collègue de Vijesti.

Les citoyens du Monténégro devraient réagir eux aussi, en prenant exemple sur les Slovaques.

L'association des journalistes professionnels du Monténégro (DPNCG) a appelé à une manifestation devant les bâtiments du gouvernement le 9 mai, en soulignant que [cnr] :

Bezbroj nerazjašnjenih napada, od kojih neki I ubrzo zastarjevaju, kao posljedicu imaju atmosferu gdje sačekuša novinaki ispred zgrade nije ništa neobično iako je već viđeno. Zabrinutost je tim veća jer se ovaj put koristi oružje, što je do sada bio slučaj samo prilikom ubistva Duška Jovanovića…

La quantité innombrable d'attaques non résolues, dont, pour certaines, le délai de prescription va bientôt expirer (ce qui veut dire que les autorités n'auront plus l'obligation légale d'enquêter dessus) crée une atmosphère où l'agression brutale d'une journaliste juste devant chez elle cesse d'être quelque chose d'inhabituel pour devenir une banalité. Le fait qu'une arme à feu ait été utilisée nous inquiète encore plus. C'était arrivé une seule fois, lors de l'assassinat de Duško Jovanović…

Pour tweeter sur l'agression et les manifestations, les utilisateurs des réseaux sociaux du Monténégro utilisent le hashtag #BezStraha [#SansPeur].

Le 9 mai, des centaines de personnes, parmi lesquelles des journalistes, des membres des partis d'opposition et des militants de la société civile, se sont rassemblées pour protester [cnr] devant le bâtiment du gouvernement. Le directeur de Vijesti, Željko Ivanović, a déclaré que de tels crimes n'étaient pas étonnants dans une société où tous ceux qui critiquent le gouvernement de Milo Đukanović [fr] sont considérés comme des traîtres.

Tweet : Photoreportage sur la manifestation qui a suivi l'agression d'Olivera Lakić, journaliste de Vijesti. #БезСтраха [#SansPeur]
Pancartes : « La situation est extraordinaire/urgente » [jeu de mots] ; « Stop à la violence » ; « Pour une vie sans peur »; « Une bombe pour chaque habitant, ce n'est pas la norme »

Lors de la manifestation [cnr], M. Ivanović a déclaré que cette agression n'aurait pas eu lieu si les autorités avaient mené une enquête sérieuse sur celle dont Mme Lakić avait été victime en 2012. Selon ses termes, les autorités ont donné l'impression qu'elles avaient résolu cette affaire en arrêtant une quelconque « racaille de banlieue », mais n'ont pas identifié le commanditaire de l'attaque.

« On a tiré sur Olivera Lakić : quelqu'un devra répondre de cela ». Capture d'écran d'une page du site web de Vijesti.

Nikola Marković, le chef de la Commission d'enquête sur les attaques contre des journalistes, a déclaré avoir prévenu que toutes ces affaires non élucidées menaient à l'impunité. « Aucune des affaires d'agression contre Vijesti n'a été réellement résolue », a-t-il dit pendant la manifestation.

#SafeJournalists [#JournalistesEnSécurité] Le #SMCG [Syndicat des journalistes] condamne la violente agression de notre collègue Olivera Lakić, journaliste de @Vijestime, et demande aux organes responsables : combien de temps les journalistes du 🇲🇪 devront-ils avoir peur simplement parce qu'ils veulent faire leur travail le mieux possible ?

Plusieurs centaines de citoyens se sont rassemblés devant le Gouvernement du Monténégro pour exprimer leur colère après la récente agression de notre collègue Olivera Lakić, journaliste de Vijesti ! #ViolenceContreLesJournalistes #LibertéDesMédias #Monténégro

Les organisations non gouvernementales (ONG) et les citoyens ont eux aussi partagé leurs réactions :

L'attaque de la journaliste de Vijesti, Olivera Lakić, est une attaque contre la liberté d'expression et le journalisme d'investigation, a dit la directrice exécutive de l'ONG Prima, Aida Perović Ivanović.

D'autres citoyens ont largement critiqué le manque d'empathie d'une déclaration officielle qui mettait l'accent sur le sexe de la victime et non sur les faits eux-mêmes.

Effrayantes déclarations du ministre Nuhodžić et son équipe sur l'« agression d'une Femme ! ».

C'est un être humain qui a été agressé, Monsieur le Ministre, un être humain. C'est une attaque contre un être humain. Contre une profession. Contre la vérité. Pas contre un sexe ou un genre.

D'autres ont critiqué le nombre des manifestants, qui leur a semblé trop faible.

À la manifestation, on l'a bien vu : il n'y a pas de citoyens au #Monténégro.

Le Népalais Kami Rita bat un record en escaladant l’Everest pour la 22e fois

mercredi 23 mai 2018 à 10:58

Kami Rita Sherpa, 48 ans, est la personne au monde qui a escaladé le plus de fois le mont Everest. Photographie utilisée avec autorisation.

Sauf mention contraire, les liens de cet articles renvoient vers des pages en anglais.

Le guide de montagne Kami Rita Sherpa a atteint le sommet de l’Everest, le plus haut sommet terrestre, pour la 22e fois, battant le record d'Apa Sherpa et de Furba Tashi Sherpa, qui l’ont escaladé 21 fois chacun. C’est un record mondial.

Kami Rita, guide vétéran, a commencé son ascension avec neuf autres alpinistes chinois dans la nuit du mardi 15 mai 2018, et a atteint le sommet le mercredi 16 au matin.

L’agence d’exploration de l’Everest Seven Summit Treks, où il travaille en tant que guide de montagne, a annoncé son nouveau record mondial :

This morning 8:30 AM Kami Rita Sherpa made 22 successful ascents of Mt. Everest as a part of Seven Summit Treks Everest Expedition!

Congratulations to Kami Rita Sherpa!

8:30AM on 16th May 2018(Nepal time), Kami Rita summited the highest peak Everest (8,848m) for 22 times and broke the world record titled “Most ascents of Everest – Male.”

Ce matin à 8h30 Kami Rita Sherpa a accompli 22 ascensions réussies du mont Everest au sein d'une expédition de Seven Summit Treks !

Félicitations, Kami Rita Sherpa !

8h30 le 16 mai 2018 (heure du Népal), Kami Rita a atteint le sommet du mont Everest (8.848 m) pour la 22e fois et a battu le record du monde du « plus grand nombre d'ascensions de l'Everest – homme ».

Les Sherpa [fr] sont une ethnie tibétaine d’alpinistes très qualifiés et expérimentés, originaire des régions les plus montagneuses du Népal. Cependant, le terme est généralement utilisé par les non-Népalais pour désigner les guides et porteurs travaillant dans la région de l’Everest.

Le travail d’un guide sherpa inclut de préparer la route que les grimpeurs vont suivre, fixer les cordes, et porter le matériel d’alpinisme durant l’ascension. C’est un travail dangereux, mais qui peut rapporter jusqu’à 5.000 euros par saison, bien plus que le revenu moyen au Népal. Le gouvernement a rendu l’embauche de guides de montagne obligatoire pour les alpinistes étrangers.

Kami Rita est un sherpa du village de Thame, dans le district du Solukhumbu. Il a fait l'ascension de l’Everest pour la première fois en 1994. Alors qu’escalader le plus haut sommet du monde [fr] est habituellement une aventure unique pour les varappeurs et fans d’adrénaline, c’est devenu pour lui un rituel annuel.

Il a travaillé pendant longtemps en tant que guide professionnel pour alpinistes, pour Alpine Accents International, une agence de guides de Seattle. Il a récemment rejoint Seven Summits Treks, une des quelques d’entreprises népalaises qui opère régulièrement sur l’Everest.

Il a gravi la plupart des sommets de plus de 8.000 mètres de la chaîne himalayenne, dont le K2, le Cho Oyu, le Lhotse et l’Annapuma.

Avant d'atteindre son record sur l’Everest, il m'a dit :

Summiting Everest? It's just like another daily chore. These days we've technology and weather forecasting service which has made climbing Everest much easier.

Grimper l’Everest ? Ce n'est qu'une autre corvée quotidienne. Aujourd’hui on a de la technologie et des services de prévision météorologique qui ont rendu l’escalade de l’Everest bien plus facile.

"Summiting Everest? It's just like another daily chore," says Kami Rita Sherpa, 21 times Everest summiteer. "These days we've technology and weather forecasting service which has made climbing Everest much easier." These days only those die who don't listen to their Sherpa guides. Otherwise, if you have will power and commitment, you too can do it! And Kami Rita is going to do it for the 22nd time. All the best Kami Rita, you're a legend! ——————– #everestsummit #everestsummiteer #kamiritasherpa #guinnessbookofrecords #willpower #courage #youcandoit #nepal #worldrecord #inspiration #meetingthelegend #instablogger #travelblogger #traveldiary #instalike #instapic #picoftheday

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Kami Rita n'était pas le seul Népalais à faire la une des journaux. Sa compatriote Lhakpa Sherpa a également escaladé le sommet pour la neuvième fois, battant son propre record : c'est le plus grand nombre d'ascensions par une femme au monde

Pour le moment, les deux autres alpinistes de premier plan de 2018 sont l'australien Steve Plain, qui a achevé l'escalade des sept sommets en un record de 117 jours, et le double amputé chinois Xia Boyu.

Pourtant, les tragédies de ces dernières années font que Kami Rita ne veut pas que ses enfants suivent son exemple et deviennent guides. De nombreux guides et porteurs locaux, dont des Sherpas, ont disparu dans les avalanches de l'Everest de 2014 et 2015.

Plus de 4.000 personnes ont escaladé le mont Everest plus de 7.000 fois. Et chaque année, la montagne majestueuse attire des centaines de candidats et les pousse à tester leurs limites.

Le parlement cubain a maintenant trois vice-président.e.s noir.e.s. Pourquoi on n'en parle pas ?

mardi 22 mai 2018 à 21:30

(De gauche à droite) Inés María Chapman Waugh, Beatriz Jhonson Urrutia et Salvador Valdés Mesa. Montage par l'auteur à partir de photos sur EcuRed.

Le 19 avril 2018, la République de Cuba a investi à sa présidence l'ex-professeur d'université Miguel Díaz-Canel Bermúdez, et le 9ème Congrès de l'Assemblée nationale du Pouvoir populaire – l'organe suprême de la direction – a élu un nouveau Conseil d’État. Mais l'euphorie et l'incertitude entourant un supposé “Cuba sans les Castro” et d'autres sujets connexes ont éclipsé un autre développement majeur: la présence de quatre dirigeants noirs dans le nouveau gouvernement jusqu'en 2023.

Les Cubains noirs représentent 10% de la population mais leur représentation dans les cercles du pouvoir est très limitée, en dépit des idéaux d'égalité après la révolution.

Avant Bermúdez, le précédent Congrès avait deux hommes noirs à des postes de responsabilité : le premier vice-président Juan Esteban Lazo Hernández et Salvador Valdés Mesa, président de l'Assemblée nationale. Avec la sélection d'Inés María Chapman Waugh et de Beatriz Jhonson Urrutia comme vice-présidentes, Cuba a, pour ainsi dire, “ajouté plus de couleur” au gouvernement.

Avant de parler de ces deux femmes, je veux consacrer une minute à Valdés Mesa et Lazo Hernández.

Valdés, qui a occupé auparavant les postes de secrétaire de l'Union centrale des travailleurs de Cuba, de ministre du Travail et de la Sécurité sociale, et secrétaire des travailleurs agricoles, ne fait pas partie de la génération de “los históricos”, ceux qui ont dirigé la Révolution cubaine de 1959 et qui ont généralement cédé le pouvoir qu'une fois évincés ou morts. Il est issu de la génération qui a suivi, tout comme Lazo, qui a été élu président de l'Assemblée nationale en 2013 et conservera son poste jusqu'en 2023, quand il aura 79 ans.

Lazo a eu une trajectoire longue et variée dans la politique cubaine. Il a été secrétaire du Parti communiste cubain pour les provinces de Matanzas, Santiago de Cuba et La Havane, membre du parlement cubain depuis 1981 et vice-président du Conseil d'État depuis 1992. Lazo a également représenté les affaires étrangères de Cuba pour les pays des Caraïbes, d'Afrique et d'Asie. Il a été élu président de l'Assemblée nationale du pouvoir populaire le 25 février 2013.

Nouvelle phase de test

Les deux nouvelles vice-présidentes sont relativement jeunes selon les normes parlementaires, si l'on considère l'âge moyen à l'Assemblée législative – où seulement 13% des députés ont moins de 35 ans.

Ines María Chapman Waugh, originaire de Holguín, est ingénieure, actuellement présidente de l'Institut national des ressources hydrauliques. Pour les Cubains, son nom est familier. Depuis longtemps, elle est le visage de l'agence qu'elle dirige, offrant au public des informations importantes pendant la saison des ouragans. Elle a été députée de l'Assemblée nationale pour le Congrès précédent et du Conseil d’État depuis 2008. En 2011, elle a été élue au Comité central du Parti communiste cubain.

Beatriz Jhonson Urrutia est également ingénieure. En 2011, elle a été élue vice-présidente de l'Assemblée provinciale du pouvoir populaire dans sa province natale, Santiago de Cuba. Elle est Présidente de cette instance depuis 2016. Lors du 7ème Congrès il y a une dizaine d'années, elle a été élue au Comité Central. Elle est devenue députée en 2013.

Toutes les deux viennent de la base et ont développé des carrières professionnelles avant ou à côté de leur trajectoires politiques. En tant que femmes noires, elles ont dû travailler dur pour obtenir leurs diplômes et construire leur carrière. Et ces dernières nominations ne signifient pas qu'elles sont arrivées. Elles entrent à présent dans une nouvelle épreuve, où elles seront “évaluées” en raison de leur couleur et soumises à un examen raciste et à l'attente que, tôt ou tard, elles vont sans doute tout faire foirer.

Le silence est aussi du racisme

Pourquoi la presse cubaine et internationale, et les gens en général, n'ont-ils pas accueilli et salué ces développements avec enthousiasme ? Je trouve cela suspect, considérant que dans le scénario politique actuel c'est une plus grande surprise que la nomination Díaz-Canel, qui était attendue. Les médias ont préféré porter l'attention sur la première dame et d'autres futilités tout en continuant à ignorer cette information essentielle.

Invisibiliser est l'un des moyens utilisés par le racisme. Parfois, le silence en dit plus que les mots ne le pourraient jamais. Ce que je pense être à l'œuvre ici c'est une combinaison de peur de la Négritude et du néo-racisme désinvolte au quotidien. Avec la notion officielle, à Cuba, que parler de Négritude, de racisme et de discrimination raciale divise la nation.

Sur ce dernier point, je voudrais ajouter que même parmi les militants sociaux et politiques les plus engagés et les non-initiés, l'idée persiste que considérer les questions raciales de quelconque façon dilue un “but suprême” vaguement défini. C'est à partir de cette position que sont contestées les notions allant du terme “afro-cubain” à l'existence d'un racisme structurel dans le pays.

Si on peut supposer à juste raison qu'il n'y aura pas de changement dans les politiques liées à la race, il convient de souligner que l'arrivée de ces trois législateurs noirs, en particulier les deux femmes, augure favorablement de la tendance vers l'inclusion. Ou, à tout le moins, cela indique qu'elle a été prise en compte dans les sphères les plus élevées du pouvoir de l'île.

Nous pouvons supposer que nul parmi ceux qui siègent à l'Assemblée nationale n'a de programme politique antiraciste explicite. En tant que membres du Parlement cubain, comment le pourraient-ils ? Et je vois cela comme une preuve de racisme, avec les particularités du système électoral cubain et les complexités de l'entrée en “politique” à Cuba. C'est un pays où l'activisme indépendant se situe en dehors des espaces de pouvoir légitimés – ce qui crée une situation anormale où des personnes complètement dépourvues d'intérêt pour la politique ou de reconnaissance publique peuvent siéger, pendant cinq ans, dans l'organe suprême du gouvernement.

Pour changer cela, il faudrait convaincre ceux qui sont dans les couloirs du pouvoir que le racisme est actuellement le problème le plus urgent de Cuba. Il est connecté à beaucoup d'autres, comme la pauvreté. Il limite la jouissance des droits fondamentaux et universels tels que l'accès à l'université.

La crainte de s'attaquer au problème est évidente dans l'impact minimal que tant de publications, de recherches et de thèses liées à la race ont eu sur les décideurs de Cuba. Je me demande ce qui est nécessaire pour susciter une reconnaissance ouverte de cette question et de tout ce qu'elle comporte – ainsi que les propositions de politique publique qui en découlent pour lutter contre le racisme.

Les questions raciales ne sont répertoriées comme sujet / objectif dans aucun des dix groupes de travail permanents de l'Assemblée nationale du pouvoir populaire. Je pense à au moins trois de ces groupes qui sont importantes pour la question de la race : la Commission pour l'attention à l'enfance, à la jeunesse et à l'égalité des droits pour les femmes ; la Commission des questions économiques ; et la Commission de l'éducation, de la culture, de la science, de la technologie et de l'environnement.

Il n'y a pas de racisme à Cuba, ¿de verdad?

S'il y a un sujet sur lequel les Cubains situés aux extrémités opposées du spectre politique sont d'accord, c'est la discrimination raciale. Les partisans et adversaires du gouvernement cubain affirment la main sur le cœur qu'”à Cuba, noirs et blancs, c'est pareil”. Pour les partisans du gouvernement sur et hors de l'île, la situation semble assez bonne, y compris sur cette question. Pour les opposants du monde entier, les choses à Cuba sont si terribles et tout le monde est tellement opprimé que la discrimination raciale ne mérite pas une attention particulière. Ces dynamiques détournent la discussion et nous empêchent d'aller de l'avant. Parmi certains membres de la communauté en exil, le racisme à la cubaine a même supplanté l'animosité antigouvernementale.

Une capture d'écran de Facebook: “Diaz Canel n'est pas le pire de tout. C'est le “N ***** -erie” laissé par [euphémisme cubain homophobe, raciste et xénophobe] se référant à] Raúl Castro à quelques centimètres du pouvoir. Le prochain gouvernement cubain, formé à partir de l'exil, doit exclure les candidats noirs … aucun lien avec le régime, la sorcellerie, la paresse, le vol et les médiocrités “

À l'heure actuelle, nous aurions dû mettre en œuvre des solutions, par exemple, au problème de la surreprésentation des Cubains noirs et métis dans la population carcérale. Il devrait déjà y avoir des progrès vers une discrimination positive dans les projets communautaires d'auto-entreprenariat.

Néanmoins, le fait qu'il y ait maintenant plus de politiciens de haut niveau représentant les Cubains noirs, même imparfaitement, me remplit d'optimisme. Je ne demande rien à nos trois vice-président.e.s noir.e.s que je ne demanderais pas aussi aux autres législateurs, mais lutter contre le racisme et la discrimination à Cuba exige la participation de tous les membres de la société, dans les espaces de pouvoir et de privilège que chacun d'eux occupent.

Cet article est paru sur le blog Negra cubana tenía que ser.

Philippines : Laissés sans travail ni logis, les habitants s'organisent contre la fermeture de l'île touristique de Boracay

mardi 22 mai 2018 à 19:43

Boracay et sa plage de sable blanc. Crédit photo : Alexey Komarov. CC BY 3.0

(Article initialement publié le 7 mai 2018) Sur l'île de Boracay aux Philippines, habitants et employés dénoncent la décision du gouvernement de fermer l'accès à cette destination balnéaire de renommée mondiale afin de mener des travaux de rénovation y compris la modernisation du système d'évacuation des eaux de l'île, devenu obsolète.

Par la signature du décret présidentiel 475 le 26 avril 2018, le président du pays, Rodrigo Duterte, a placé Boracay dans un état de calamité. Cette décision officialise la fermeture temporaire de l'île aux touristes et plusieurs groupes ont ainsi adressé une pétition au tribunal pour la faire révoquer.

Devant la Cour suprême, les appelants ont questionné la valeur constitutionnelle de ce qu'ils considèrent comme une décision arbitraire de la part du président. Ils ont également demandé une ordonnance restrictive temporaire afin de suspendre la fermeture de l'île et l'expulsion des entreprises qui y sont implantées.

Les autorités ont justifié la fermeture dans le cadre d'une opération pour prétendument “réhabiliter” l'île face à une situation environnementale désastreuse. Mais quand on a appris que le gouvernement avait initialement approuvé la construction de deux casinos géants sur Boracay, de nombreuses personnes ont cependant commencé à remettre en question cette logique.

Quoi qu'il en soit, la fermeture a été mise en oeuvre sans qu'aucun plan directeur de réhabilitation n'ait été établi au préalable, ou qu'aucune stratégie n'ait été réfléchie afin de minimiser les effets sur les moyens de subsistance de ceux qui vivent et travaillent sur Boracay, dont beaucoup seront forcés de déménager. Une importante vague de licenciements a déjà touché des milliers d'employés.

La page Facebook Les amis de Boracay (Friends of Boracay) met en évidence les effets négatifs de la fermeture sur la vie des gens et leurs moyens de subsistance. Ces témoignages sur internet s'ajoutent aux déclarations recueillies par les organisations de la société civile au cours d'une mission d'enquête et de solidarité, menée à Boracay et dans la province d'Aklan du 16 au 19 avril 2018.

Parmi ces organisations, il y a Bayan-Aklan, Les amis de Boracay (Friends of Boracay), le Centre d'action de Tabang Aklan, Gabriela Panay-Guimaras, Le Centre pour les questions environnementales (The Center for Environmental Concerns), l'équipe d‘Iloilo Pride et L'Union nationale des avocats du peuple (National Union of People’s Lawyers).

Un guide touristique a expliqué en quoi la fermeture de l'île affectera sa famille :

Crédits photo : Les amis de Boracay (Friends of Boracay). Utilisée avec autorisation.

Boracay Tour Guide ako. 11 years na ako sa Boracay. Masakit ang nangyayari sa amin; 2000 kaming mga tour guides. Wala kaming regular na sahod dahil commission basis lang kami. Pumunta ako sa DOLE dahil may closure. May SSS ako at 6 years na akong may contribution. Nagtanong ako kung pwedeng mag apply ng calamity loan, para lang may pangkain, budget. Sa Wetland ako nakikitira sa barong- barong. Ang tanong namin, may ipapalit bang trabaho? Nakatenga kami, araw araw kaming kumakain may tatlo akong anak at pinapadalhan ko sila sa Bacolod. Kailangan namin ng financial assistance.

Je suis un guide touristique à Boracay et je suis sur l'île depuis 11ans. Ce qui nous arrive est vraiment douloureux, il y a 2.000 guides comme moi ici. Nous n'avons pas de revenus fixes parce que nous travaillons à la commission uniquement. Je suis allé voir le ministère du Travail à cause de la fermeture. J'ai la sécurité sociale, j'y contribue depuis 6 ans. J'ai demandé si je pouvais faire une demande pour un prêt lié aux catastrophes naturelles), afin d'avoir de quoi nous nourrir. Je vis dans une maison en carton dans la zone humide. Notre question est la suivante : est-ce qu'il y aura un autre emploi ? Nous sommes à l'arrêt mais il nous faut manger tous les jours. J'ai trois enfants et j'envoie de l'argent à Bacolod. Nous avons besoin d'un soutien financier.

Une habitante a témoigné du comportement agressif des autorités en charge de délivrer les avis d'expulsion aux petites entreprises et aux propriétaires de villégiatures :

Crédits photo : Les amis de Boracay (Friends of Boracay). Utilisée avec autorisation.

Sir, gusto ko ikwento ang ginagawa sa amin dito. Sinerbihan kami bg DENR ng Show Cause Order at Notice to Vacate. At sa pagpunta nila may kasama silang masobra sa 5 na pulis na naka fatigue at kargadang mahahabang baril. NAGPAPANIC NA KAMI DAHIL MAY MGA BATA. At pabalik balik sila sa mga kabahayan. Binigyan lang kami nang 15 days para umalis sa mga bahay namin.

Monsieur, nous voudrions vous raconter ce qu'ils nous ont fait ici. Nous nous sommes vu présenter une assignation à comparaître et un avis d'expulsion [par le ministère de l'Environnement]. Quand ils sont arrivés, ils étaient accompagnés par cinq policiers en treillis et des armes d'épaule. Nous étions paniqués car il y avait des enfants. Ils allaient et venaient entre les maisons et ils nous ont laissé 15 jours pour évacuer nos habitations.

Le conducteur d'un bateau à moteur relate une expérience similaire avec la police :

Crédits photo : Les amis de Boracay (Friends of Boracay). Utilisée avec autorisation.

Napapatanong kami, Kasama ba kami sa demolition? Wala nang pasahero, ikot ng ikot wala namang kita. May pasahero ako dalawang pulis, narinig kong sabi nila pag may lumaban gagawin nilang susunod na Marawi. Natatakot na kami, wala na nga kaming makain. Bubuldosin kami na parang aso at patutulugin sa lupa? Hindi naman kami lalaban kung i de demolish kami, armado sila. Wala kaming malilipatan. May damdamin kami at takot na takot dahil armado sila.

Les gens n'ont déjà pas de travail, mais il faut encore qu'ils utilisent l'intimidation. Ça nous pousse à nous demander, est-ce que nous allons être inclus dans la démolition ? Il n'y a plus de passagers. Nous tournons en rond et ne gagnons rien. Est-ce que l'on va être rasé au bulldozer comme des chiens et contraints de dormir par terre ? Bien sûr, nous ne résisterons pas si nos maisons sont démolies, ils sont fortement armés. Nous n'avons nulle part où aller. Nous ressentons des émotions et là, nous sommes effrayés parce qu'ils sont lourdement armés.

Les artistes sur sable ont insisté sur le fait que ce sont les actions du gouvernement qui sont responsables du problème en premier lieu :

Apat na taon na kaming magpipinsan na gumagawa ng sand art. Taga Boracay kami. Hindi kami ang sumisira sa Isla. Ang mga nagpatayo ng mga malalaking building na pinayagan naman ng DENR ang sumira sa Boracay.

Avec mes cousins, nous faisons de l'art avec du sable depuis quatre ans. Nous venons de Boracay. Nous ne détruisons pas l'île. Ceux qui construisent les gros bâtiments et qui ont reçu des permis par le [ministère de l'Environnement] sont ceux qui détruisent Boracay.

Un post Facebook a fait écho aux points de vue des nombreuses personnes inquiètes du sort des habitants déplacés :

As an advocate for the environment I want it rehabilitated too… BUT I BLEED MORE for the people who are affected by the closure because of lack of planning and foresight on the part of the government in ensuring that safety nets are in place prior to closedown.

En tant que défenseur de l'environnement, je veux aussi qu'il soit réhabilité…MAIS JE SOUFFRE DAVANTAGE pour les personnes qui sont touchées par la fermeture, à cause du manque de planification et de stratégie de la part du gouvernement pour s'assurer que des filets de sécurité sont en place avant la fermeture.

Selon le rapport initial de la mission d'enquête et de solidarité, 40 % de la population a reçu des injonctions pour démolir et évacuer les habitations. Ces injonctions ont été délivrées par des fonctionnaires accompagnés de policiers lourdement armés ; plus de 600 d'entre eux ont d'ailleurs été déployés sur l'île quelques jours avant la fermeture planifiée.

En réponse au tollé suscité, le Président Duterte a brandi la menace d'une fermeture permanente de l'île de Boracay, mais les employés, habitants et leurs soutiens ne reculent pas. Ils continuent de défendre leur gagne-pain en s'opposant à l'installation de grands casinos sur l'île.