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Ce que les commentaires sur YouTube révèlent sur les langues irlandaise et same

samedi 24 juin 2017 à 15:07

Capture d'écran de la vidéo Avicii Vs Lurgan – “Wake Me Up” en irlandais.

La version originale de cet article fut publiée sur r12n sur Medium.

YouTube compte d'innombrables reprises de chansons populaires par des amateurs, depuis les adolescents grattant des guitares dans leurs chambres aux petits groupes se produisant dans des bars. Cependant, peu de reprises attirent des millions de vues et des éloges des artistes originaux.

Il y a quelques années, les étudiants d'une université d'été irlandaise ont posté une reprise du hit du DJ suédois Avicii Wake me up“, qui avait fait sensation. Chantée en gaélique irlandais (gaeilge), elle est rapidement devenue la vidéo la plus regardée dans cette langue.

En tant que sociolinguiste intéressée par les langues minoritaires, j'ai exploré la façon dont cette pratique émergente qu'est la publication de vidéos de reprises musicales dans ces langues sur YouTube influence (et est influencée par) les questions d'identité nationale, d'attitude vis-à-vis des langues et de pratiques de revitalisation. L'accès à de nouveaux médias et genres peut contribuer à changer les attitudes et les émotions liées aux langues minoritaires, souvent considérées démodées et peu séduisantes. À travers son caractère interactif, en offrant la possibilité de commenter les vidéos, YouTube ouvre également une fenêtre sur le paysage émotionnel changeant autour des langues.

Une analyse de la conversation autour de cette version irlandaise de “Wake Me Up” et d'une autre reprise, celle-là en same, montre comment ces interprétations suscitent enthousiasme, admiration, amour, solidarité et fierté. En même temps, un examen approfondi de ces commentaires révèlent la façon dont cet espace apparemment “heureux” est divisé en, et au sein de, groupes ethnolinguistiques empreints de mépris, de colère et de honte, souvent engendrés par des actes de “nationalisme quotidien” liés aux histoires coloniales de l'Irlande et de la Finlande.

L'irlandais et le same

La Laponie, région traditionnellement habitée par les Samis. (Image CC BY-SA 3.0, originale de Wikimedia Commons)

Ces deux langues sont des langues minoritaires situées à la périphérie de l'Europe.

Bien que l'irlandais soit la première langue officielle de la République d'Irlande, il joue un rôle marginal dans de nombreux aspects de la vie quotidienne comme les affaires et les médias, pour lesquels la langue dominante est l'anglais.

La Laponie, où vivent les Samis, s'étend au nord de la Norvège, de la Suède et de la Finlande et jusqu'au nord-ouest de la Russie. Parmi les neuf langues sames, trois ont un statut officiel dans la zone de la Laponie située en Finlande. La Finlande possède deux autres langues nationales, le finnois et le suédois. La langue same la plus dynamique, le same du Nord, possède environ 30.000 locuteurs. Les autres langues sames n'en comptent que quelques centaines, et les neuf langues ont toutes un statut de langue en danger.

Les trajectoires historiques du same et de l'irlandais ressemblent à celles de nombreuses autres langues minorisées, incluant la marginalisation et la stigmatisation délibérées de la part des états-nations dominants et, dans les dernières décennies, des tentatives de revitalisation, surtout parmi les plus jeunes.

Avicii vs Lurgan  :  “Wake Me Up” en irlandais

La vidéo irlandaise est intitulée « Avicii vs Lurgan – “Wake Me Up” as Gaeilge » et est une reprise du hit mondial “Wake Me Up” du DJ et producteur suédois Avicii. La version irlandaise est une coproduction des enseignants et des étudiants de Coláiste Lurgan, une école d'été irlandaise à but non lucratif mais financièrement indépendante dans le Gaeltacht, la région irlandophone sur la côte ouest de l'Irlande.

La production de versions irlandaises de chansons populaires fait partie du cursus de Coláiste Lurgan depuis des années. La vidéo Avicii vs Lurgan n'est donc pas un cas unique. En revanche, l'attention qu'elle a attirée des médias et l'incroyable popularité qu'elle a atteinte la rend spéciale : la représentation fut complimentée par des journaux et des magazines en ligne, des stations de radio l'ont ajoutée à leurs listes de titres non seulement en Irlande, mais aussi en Australie et au Canada. Enfin, une partie du groupe fut même invitée à se produire sur le Late Late Show, une émission de la chaîne nationale RTÉ1.

Avicii lui-même apprécia la prestation et en publia un lien sur sa page Facebook avec le commentaire « Celle-ci est trop cool !  Je n'en comprends pas un mot mais j'adore. » Sur YouTube, la vidéo a été vue deux millions de fois en deux mois. Trois ans plus tard, elle dépasse cinq millions de vues et 5.500 commentaires. Bien que la plupart de ceux-ci soient en anglais, environ un millier sont en irlandais ou incluent de l'irlandais, et quelques autres sont dans d'autres langues comme l'espagnol, le russe et l'allemand.

« Leivänmuruseni »

La vidéo same est une parodie de la chanson « Missä muruseni on » (« Où est celle que j'aime ») interprétée par la chanteuse pop finnoise Jenni Vartiainen. Le clip « Leivänmuruseni » (« Ma miette de pain ») se réfère de façon humoristique aux difficultés associées au mode de vie traditionnel sami.

La vidéo fut téléchargée sur YouTube à l'automne 2011 en tant que bande-annonce de la série télévisée comique Märät säpikkäät/Njuoska bittut conçue, écrite et présentée par deux jeunes femmes samies, Suvi West et Kirste Aikio. Cette série fut la première “comédie samie” diffusée aux heures de grande écoute à la télévision nationale finnoise et fut largement remarquée et promue par les journaux et magazines. Cette vidéo apparaît dans le premier épisode et démarre une série de parodies musicales similaires.

En quatre ans, elle fut regardée environ 320.000 fois et collecta 230 commentaires. La plupart sont en finnois, certains autres, courts, en same et en anglais, et un en espagnol.

Perceptions du sentiment d'identité irlandaise et samie dans les commentaires

Comme on peut s'y attendre, le principal thème des commentaires concerne la qualité des prestations elles-mêmes. La grande majorité des commentaires des deux vidéos est positive.

Une seconde catégorie de commentaires aborde la perception de leurs auteurs de leur propre identité irlandaise ou samie.

Bien que les Irlandais s'identifient généralement comme tels de façon positive, les commentaires montrent bien plus que cela : c'est de la fierté devenue virale. Ce qui semble se passer se résume dans cette recommandation : « Continuez à l'écouter et parlez-en autour de vous, elle fait ressortir l'identité irlandaise en nous :) ».

On trouve pourtant aussi des tentatives de délimiter le « droit à la fierté » : s'attribuer de la légitimité en excluant ceux qu'on ne considère pas assez irlandais :

Makes me proud to be irish🍀🙋 And yes I was born, raised and still live in Belfast, Ireland🍀✌Im not an american who thinks they are half irish because their aunties cousins goldfish nextdoor neighbour was a quater irish :/”

Ça me rend fier d'être irlandais 🍀🙋 Et oui, je suis né, ai grandi et vit toujours a Belfast, en Irlande 🍀✌ Je ne suis pas un Américain qui se croit à moitié irlandais parce que sa tante cousine poisson rouge ou voisin est un quart irlandais :/

D'autres échanges réunissent les caractéristiques du discours haineux et opposent les Irlandais aux Anglais et aux “West Brits” (irlandais anglophiles).

L'ethnicité est bien moins prononcée dans le contexte sami/finnois. Ici, un commentateur appartenant probablement à la majorité finnoise souhaite que « les Samis puissent enfin être fiers de leur patrimoine culturel ».

Fierté, solidarité et exclusion liées au niveau de maîtrise de la langue

Dans les deux cas, les interprétations ont généré de nombreux commentaires positifs sur les deux langues.

Dans le contexte finnois, plusieurs commentaires louant et défendant la langue same ne sont pas venus des Samis eux-mêmes, mais de la majorité finnoise qui s'oppose à la position du suédois en Finlande. Dans cette discussion, l'amour du same est inspiré par la haine du suédois et, plutôt que d'unir, il crée des divisions “au nom de l'amour”.

Dans le contexte irlandais, la capacité à parler irlandais est un thème d'engagement émotionnel en lui-même. Alors que les expressions de fierté, de joie et de solidarité qui forge des liens entre ceux (qui se considèrent) capables de parler irlandais, ces mêmes expressions excluent ceux qui ne connaissent pas la langue ou ne la parle pas aussi bien.

I am Irish but am ashamed to say I don’t understand a word of this but i still love it….

Je suis irlandais mais à ma honte je ne comprends pas un mot de [cette vidéo] mais je l'aime quand même…

Pris ensemble, ces deux cas montrent comment des reprises musicales peuvent influencer positivement les attitudes et les émotions liées aux langues minoritaires, à leurs locuteurs et à leurs origines ethniques ou nationales. En même temps, ils démontrent la façon dont ces prestations, publiées sur des plate-formes de médias sociaux, peuvent également propulser la reproduction du nationalisme ordinaire et des divisions sociales.

Chroniques d'une Vénézuélienne inquiète : pour vous aider (à essayer) de comprendre le Venezuela

vendredi 23 juin 2017 à 09:32
"Water and Gas". Photo by Flickr User Sin.Fronteras. Used under CC 2.0 license.

« L'eau et le gaz ». Photo par l'utilisateur de Sin.Fronteras. Utilisée sous la licence CC 2.0.

Cette publication est la troisième d'une série publiée originellement par l'auteur sur Medium. Cliquez sur les liens pour lire les premier et deuxième épisodes [en anglais].

Je me réveille, je regarde dans l'obscurité avec les yeux bien ouverts. Je ne sais pas ce qui m'a réveillée, et la sensation qui en résulte est une confusion paralysante. La deuxième explosion a lieu et je sors du lit, toujours sans comprendre ce qui se passe. Il me faut quelques minutes pour réaliser : la cacophonie des coups sur les poêles et casseroles, les cris des voisins, la clameur et le bruit dans la rue. À ce moment, des gaz lacrymogènes ont commencé à s'infiltrer dans mon appartement, le remplissent, m'enveloppant dans un nuage dense et étouffant. Mon cœur bat et la peur frappe ma poitrine. Je ne vais pas pleurer, voilà ce que je me répète, épuisée mais prête à relever le défi. Je ne vais pas pleurer.

Je trébuche dans l'appartement sombre. Une autre explosion a lieu. Il est presque 23 heures, la fin d'une journée particulièrement tendue et difficile. J'étais allée au lit moins d'une heure plus tôt, accablée par les nouvelles de la répression brutale et des civils horriblement frappés par la police. Fatiguée par la colère impuissante d'être prise en otage dans ce pays. Maintenant, j'avance précautionneusement, les mains tendues, en écoutant le bruit métallique des coups sur les casseroles, le claquement rythmique des pistolets à gaz lacrymogènes qui se déchargent. Au Venezuela, les jours ne semblent jamais se finir tout à fait. La violence demeure, se poursuit, se propage. La normalité, c'est une collection de douleurs et de terreurs. De portes closes et d'une suspicion généralisée. Nous survivons ainsi depuis plus d'une décennie.

Quand je regarde par la fenêtre, je vois la fumée toxique monter en volutes dans la rue. Elle ne peut pas atteindre assez loin pour me nuire sérieusement parce que j'habite au dixième étage, mais l'odeur m'atteint, piquante et rance, qui me fait éternuer et me coupe le souffle. Un groupe de gardes nationaux se déplace de façon subreptice dans l'obscurité, les fusils à bout de bras, tirant en l'air. Je ne peux presque pas distinguer leurs silhouettes des lampadaires. Ils forment une ligne au centre de la place. Ils portent des casques et des plastrons. Et ils tirent. Ils tirent sur les bâtiments, dans la rue désertée. Une, deux, trois fois. Figée, je les regarde, désorientée par l'incrédulité et le surréalisme de la scène. Une des explosions percute un écho retentissant et je me jette au sol, les mains sur la tête, tremblant de la tête aux pieds. Je ne vais pas pleurer, je me répète, furieuse maintenant. Je ne vais pas pleurer.

Plusieurs de mes voisins se penchent aux fenêtres, gesticulent et crient de toute la force de leurs poumons. Un de mes voisins sort une grande casserole qui clignote sous la lumière laiteuse de la lampe de poche qu'il brandit. Il la frappe de son poing serré, euphorique de colère et d'angoisse. Je le vois se pencher dans le vide de la nuit, criant de toutes ses forces. La cacophonie du métal et de la voix se fondent en un seul son.

Il crie : « Maudits soldats ! Qu'ils aillent tous au diable ! ». Sa voix est rauque et fatiguée. « Qu'ils aillent au diable ! Il y a des familles ici ! »

Quelqu'un se joint. Il crie aussi, lance des slogans, des injures, des grossièretés. Les voix surgissent de partout dans un tumulte discordant. Les seules réponses en bas sont les explosions. Encore une, et encore. Le gaz lacrymogène épaissit et étouffe. Un mur blanc brillant qui parcourt la longueur de la rue obscurcit complètement la vue. L'image est teintée de quelque chose de spectral, de brutal. Des images impensables des rues, le paysage quotidien d'un endroit que je vois chaque jour depuis plus de vingt ans.

Respirer est douloureux. Je me frotte les yeux et tousse. Ma voisine me fait signe par sa fenêtre. « Venez à la porte », crie-t-elle. J'entends à peine ses paroles par-dessus le cliquetis des avec le fracas des casseroles et les hurlements autour de nous. Il y a une nouvelle explosion. « Assassins ! » Le cri se multiplie, monte, balance, tremble et s'écoule vers l'extérieur. Dans la rue, les gardes nationaux avancent et se répandent. Je vois leurs silhouettes apparaître et disparaître dans l'obscurité nacrée. Une rapide étincelle de lumière. Et le son d'une autre explosion encercle le monde, l'accélère. Ma gorge se serre et se contracte de peur.

Quand j'ouvre la porte, ma voisine passe son bras autour de mes épaules et me met un chiffon humide dans les mains. « Lavez votre visage avec cela », murmure-t-elle, « pour vous débarrasser du gaz, et ne pas être intoxiquée ». Elle incline sa tête vers la mienne. « Cela va empirer », ajoute-t-elle. Elle tremble de peur, comme moi. Je presse sa main entre les miennes, aussi fermement que possible. Je ne sais pas si cela donne cette impression.

« Ils jettent des bombes sur les bâtiments », me dit-elle dans un murmure tendu. « On dit qu'au coin de la rue, ils essayent d'en faire pénétrer à l'intérieur. »

Elle me pousse fermement dans l'entrée. Un groupe de voisins y sont pelotonnés, à moitié cachés dans l'obscurité. Une femme d'un appartement voisin, que je connais de vue, pleure dans un coin. Ses sanglots ont l'air petits, fragiles, douloureux. Ma voisine hausse les épaules et regarde autour d'elle. Je ressens son impuissance. Comme la mienne. Comme celle de tout le monde, je suppose.

« Nous ne savons pas quoi faire. Les gens du dessous viennent de monter, » m'explique-t-elle tranquillement. « Attendons ici jusqu'à ce que ça se passe. Mettez-vous ça sur le visage pour pouvoir respirer. »

J'obéis. Le chiffon est imbibé d'un liquide avec une curieuse odeur d'agrumes infusées avec quelque chose que je ne reconnais pas immédiatement. Je me laisse glisser au sol à côté de la porte. Mon cœur bat tellement fort que je respire à peine, ma gorge serrée me saisit dans une panique lente et aveuglante que j'ai du mal à contenir. J'entends une nouvelle explosion. Un cri énervé. Le bruit du verre cassant. Les sanglots de la femme dans le couloir grandissent et prennent un ton de frayeur d'enfant. La peur est partout, comme une puanteur insupportable qui me coupe le souffle.

Je couvre mes oreilles de mes mains et essaie de rester calme. Je ne vais pas pleurer. Je me répète, Je ne vais pas pleurer. On entend une autre explosion.

La rue est désertée maintenant, avec des ordures brûlées et des morceaux de verre brisé dispersés partout. Une scène insignifiante d'une bataille au hasard. Je marche attentivement, en essayant de ne pas trébucher. Une femme quelques mètres plus loin secoue la tête et donne un coup de pied dans ce qui semble être les restes tordus d'un récipient en plastique.

« Tu sais ce qui fait le plus mal ? » demande-t-elle quand je la rattrape. Son visage est triste. Comme le mien, je suppose. Je ne sais pas ce qui se passera ensuite avec toutes ces manifestations. Vous ressentez de la rage, de la fureur, mais vous ne savez pas ce qui se passera ensuite.

Ensemble, nous faisons encore quelques mètres. Les restes brûlés de l'une des innombrables affiches de campagne politique placardées dans toute la ville flottent dans une flaque sale. Je regarde l'affiche et suis envahie par un sentiment de profond dégoût. Je repense à toutes les années de batailles politiques, de débats polémiques. De la haine douloureuse émergeant dans toutes les directions, émanant d'un noyau tordu d'intolérance et de fanatisme. Près de deux décennies d'une lutte aveugle qui avance et recule au gré des caprices des puissants, une confrontation alimentée par le ressentiment et la malveillance fratricide. À quel point sommes-nous proches de l'abîme, je demande, et je me force à continuer de bouger. Dans quelle mesure sommes-nous proches de la confrontation finale ? Ce moment arrivera-t-il ?

Une clôture délabrée est encore debout à deux pâtés de là où j'habite, tachée et noircie par la suie là où le feu a léché le bois. Quelqu'un m'a dit que plusieurs des bombes à gaz lacrymogènes lancées cette nuit-là ont atterri près de cette fortification branlante. Au milieu des heurts entre policiers en uniforme et manifestants, ce rempart de fortune de bois et de plastique a été frappé par des pierres et des bouteilles cassées. Je regarde les empreintes de cendres laissées par le feu et j'essaie d'imaginer la scène : le groupe d'envahisseurs tapis dans le noir dans un talus d'ordures empilées, écoutant les mêmes explosions que moi, respirant le même gaz lacrymogène, incapables d'y échapper ou de se protéger. J'accélère mon rythme, nauséeuse et chancelante. Terrifiée par les effets obsédants des peurs à la fois tangibles et imaginaires.

Un survivant parmi un groupe de gens du coin qui se sont réfugiés dans un terrain vacant me regarde, protégé par un des dernières plaques de toiture en zinc en sa possession. Son visage est crispé et creusé par la tension. Comme le mien, je me rappelle. J'entends une porte en bois brisée se fermer quelque part derrière moi. Elle fait un bruit creux, petit, futile. Elle ramène mes pensées vers la violence, la mort et le nuage toxique qui a enveloppé la rue la veille. Nous, qui devions hériter de l'accomplissement des revendications sociales, fidèles croyants en la révolution de Hugo Chavez, avons été en proie à un énorme canular historique. Qui sont les victimes et les ennemis sur le front de cet antagonisme furieux ? Qui seront les survivants ?

La puanteur des gaz lacrymogènes persiste partout. Une trace invisible qui rappelle l'existence de quelque chose de misérable et de difficile à exprimer adéquatement. Je me tiens au milieu de la rue, en contemplant la normalité fragile autour de moi. Il y a quelque chose d'irréel dans cette vision du banal, de l'inertie, de la violence de l'autre côté d'une frontière imaginaire. C'est ainsi que nous avons appris à vivre au bout de vingt ans, tous les jours, d'agressions, d'abus et de peur qui font maintenant partie de notre quotidien. Quand réaliserons-nous que nous sommes prisonniers d'un système failli et violent ? Que nous faut-il de plus pour comprendre la portée réelle de cette tragédie ? Quelle calamité inimaginable sera la prochaine ?

Je sais très peu de choses de la guerre civile, même si parfois je pense le contraire. Je ne sais rien des génocides et des tueries, malgré tout ce que j'ai lu dans des livres, des articles et des récits personnels. La seule chose que je connais, c'est l'impuissance, ce sentiment de terreur sans nom qui infuse tout ce que je regarde, tout ce que je pense. Je regarde les passants marchant péniblement dans la rue, les femmes agrippant des enfants dans leurs bras, les hommes se précipitant pour traverser l'avenue. Combien d'entre nous comprennent ce que signifie vraiment la tragédie de la violence ? Combien d'entre nous réalisent vraiment le coût traumatique d'une confrontation qui nous transforme en ennemis irréconciliables ? Je suis debout, et je fixe la rue où j'ai grandi, ses petits détails, les lieux que je connais par cœur. Partout, des traces de violence. Quand la violence est-elle devenue partie intégrante de ma vie ? Du paysage quotidien ?

Je ne le sais pas, ou pire encore : je ne me souviens pas. Et la possibilité d'oublier, de perdre ce regard uniforme sur le passé comme sur l'avenir, fait plus de mal que que tout le reste, est plus difficile à comprendre que toute autre pensée. Otage de ma propre mémoire.

À la boulangerie, un homme commente tout haut les manifestations qui se déroulent à Caracas. Sa voix est épuisée, furieuse, agressive, affligée. Il ne fait pas de proclamation partisane, ni exprime d'opinion politique, mais plutôt une plainte sincère et soucieuse. Notre fardeau quotidien.

« Quelque chose doit arriver, pour le meilleur ou pour le pire. Quelque chose doit arriver avec tout cela », répète-t-il en haussant les épaules, en secouant la tête. « Il faut que quelque chose arrive pour que les gens comprennent combien on est tous dans la merde. Nous tous, personne n'est en sécurité. »

Silence. Les clients dans la queue détournent les yeux, secouent la tête, se raclent la gorge nerveusement. L'homme serre les poings, son visage rougit de fureur.

« Est-ce que je mens ? Est-ce qu'on n'est pas tous baisés ? »

« Le problème, c'est qu'on est tous tellement habitués à ignorer ce qui se passe, on détourne les yeux et on essaye de continuer comme avant. Personne ne se souvient qu'on devrait se lever et affronter tout cela », dit une femme à côté de la caisse. « Dans ce pays, tout le monde continue et agit comme si de rien n'était.»

Je suis irritée par le ton résigné, presque ennuyé avec lequel elle parle. Mais je ne peux m'empêcher de penser à la vérité de ses paroles. Au cours des quelques quinze dernières années de gouvernement Chavez, la plupart des Vénézuéliens ont quotidiennement lutté contre la peur, l'espoir, la terreur et l'épuisement ; un espace vide sans nom ou définition, dont le vide semble définir mieux que quoi que ce soit d'autre ce point de l'histoire dans lequel nous vivons. Ou peut-être n'existe-t-il pas de nom pour cette indifférence brisée, cet épuisement fissuré qui écrase notre conscience civique, cette perception simple de la réalité que nous endurons jour après jour. C'est une sorte de lutte sourde contre le néant, contre le désespoir et le désarroi.

Un murmure général d'approbation se fait entendre. L'homme soupire, ses épaules se voûtent. L'émotion colore ses joues, lui fait serrer les poings. Je me retrouve dans sa frustration, sa fatigue. Le silence tombe. La scène se répète mille fois, reflète le visage tordu d'un pays profondément blessé par la peur.

« Le Venezuela tombe en morceaux », dit l'homme. « Nous nous sommes en train de nous effondrer et je me demande si nous en sommes même conscients. »

Je réfléchis à ses paroles pendant que je me traîne dans la rue, au milieu des décombres d'une bataille inégale, fissurée d'une blessure ténue qui ne guérit jamais, le sentiment perpétuel de ne pas reconnaître le pays dans lequel je vis. Avec notre identité nationale brisée et s'effondrant dans une mélange de chagrin et de lente et infinie souffrance. Ce sentiment d'absence d'appartenance et d'absence d'histoire.

Chez moi, assise dans le salon, j'essaie de ne pas pleurer. Mais je n'y arrive pas, bien sûr, à cause de l'angoisse profonde que je porte partout, de l'horreur quotidienne écrasante, de ce Venezuela qui n'est pas le mien, mais que je dois supporter. Je me demande combien de temps je peux résister avant que cette réalité ne m'écrase. Que se passera-t-il ensuite ? Et, bien entendu, je n'ai pas de réponse. Je n'en ai jamais eu et je suppose que je n'en aurai jamais. Ce regard dans le vide – dans l'abîme – est difficile à supporter. Un sentiment profond de peur est devenu un mode de vie.

Les enfants “invisibles”, morts sous la protection de l'État chilien

jeudi 22 juin 2017 à 11:07

Photographie : la mère de Lissette, qui a poursuivi l'État Chilien en justice, et son avocat. Source : Univisión/Gentileza Sebastián Lafaurie, publiée avec autorisation.

[Tous les liens de ce billet renvoient vers des pages web en espagnol]

Ce reportage écrit par Daniela Mohor pour Univisión, a été publié sur le site CONNECTAS. Cette version est publiée par Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

La mort de Lissette Villa, une fillette de 11 ans, dans un foyer pour mineurs géré par l'État chilien, a dévoilé une crise dans les centres de ce pays. D'après les informations officielles, 865 enfants et adolescents sont décédés entre 2005 et 2016, alors qu'ils étaient sous la surveillance des services de protection de l'enfance.

Elle aurait fêté ses 12 ans deux semaines plus tard. Mais pour Lissette, l'approche de son anniversaire n'était qu'une source d'angoisse. Elle savait qu'à cet âge-là, elle devrait quitter le foyer pour enfants où elle vivait depuis 2014 pour être placée dans celui de la commune de Pudahuel de Santiago. Ce foyer était connu par les enfants comme elle – victimes d'abus et de mauvais traitements, abandonnés par leurs familles, ou ayant enfreint la loi – comme étant l'un des centres les plus durs du réseau de protection du Service national des mineurs du Chili (Sename).

Lissette n'est jamais arrivée au foyer de Pudahuel. Le 11 avril 2016, elle est morte d'un arrêt cardiaque dans des circonstances qui font encore l'objet d'une enquête. Pourtant, un rapport de police parle d'« asphyxie causée par les actions imprudentes et le manque d'attention des personnes chargées de prendre soin d'elle », et l'autopsie signale qu'au moment de sa mort elle avait des « lésions faciales ».

Plus d'un an s'est écoulé depuis ce tragique évènement, mais la mort de Lissette Villa continue de faire l'actualité au Chili. En devenant publique, son histoire faite de pauvreté, de précarité et de violence a obligé les Chiliens à s'intéresser à ce qu'il advient des quelques 100.­000 enfants les plus vulnérables du pays, qui chaque année arrivent au Sename en quête de protection et d'aide psychiatrique.

Les informations qui sont apparues depuis sont tragiques : en octobre dernier, Solange Huerta, qui a assumé la direction du Sename en pleine crise, a révélé qu'entre 2005 et 2016, ce sont 865 enfants et adolescents pris en charge qui ont trouvé la mort. Parmi eux, 249 étaient des adolescents âgés d'au moins quatorze ans avec un casier judiciaire ; 406 autres étaient des enfants sous la garde de leurs parents ou de leurs proches, dans des programmes ambulatoires pour la protection des droits. Mais le groupe qui a provoqué le plus d'émoi est celui des 210 mineurs qui, comme Lissette, vivaient dans des foyers parce que leurs parents et leurs proches étaient incapables de s'occuper d'eux. Parmi ces enfants, plus de la moitié présentaient un handicap et près d'un tiers avaient moins de six ans. Pour 47 d'entre eux, selon le rapport du Sename, la cause de leur décès n'est pas concluante.

Les enfants invisibles

« Le cas de Lissette a ouvert la boîte de Pandore. Suite à son décès, une enquête a été menée par le ministère public sur tous les centres du pays (près de 260) et les failles et négligences du système ont pu être découvertes », déclare Sebastián Lafaurie, avocat de la mère de Lissette Villa, qui a porté plainte contre le Sename.

Hoy sabemos que hay cientos de niños que murieron, pero no se denunciaban sus muertes. Quedaban ahí en el olvido, porque son niños que no le importan a nadie.

Aujourd'hui nous savons que des centaines d'enfants sont morts, mais leurs décès ne se dénonçaient pas. Ils étaient tombés dans l'oubli, car ce sont des enfants dont personne ne soucie.

Anuar Quesille, agent de protection d’Unicef Chili, nous explique :

Se ha tomado una serie de medidas importantes para la infancia, pero pese a todo eso, el Estado, independiente del gobierno de turno, se olvidó de los niños que son los más desfavorecidos en Chile: los que han sido víctima de alguna vulneración en sus derechos y que están al cuidado del Estado. Pareciera que esa es la gran raigambre olvidada de la infancia en Chile.

Une série de mesures importantes pour les enfants ont été prises. Néanmoins l'État, qui est indépendant du gouvernement en exercice, a oublié les enfants les plus défavorisés du Chili : ceux qui ont été victimes d'une atteinte de leurs droits et qui sont pris en charge par l'État. Il semble que ce sont les grands oubliés de l'enfance au Chili.

Histoires bouleversantes

Les conséquences sont très concrètes. Au cours des derniers mois, avec la révélation de la crise institutionnelle du Sename, les médias ont publié des histoires bouleversantes : celle de Jean Alejandro, par exemple, qui a été pris à mère 39 jours après sa naissance et qui est mort à un an d'une pneumonie aiguë, conséquence de la négligence des personnes chargées d'en prendre soin. Ou celle d'un groupe d'adolescents qui s'est enfui des foyers et qui préfère vivre dans une friche insalubre du centre de la ville de Santiago plutôt que de retourner dans les foyers du Sename. Il y a des allégations de coups, d'abus sexuels, de viols et de prostitution à l'intérieur des centres. Parmi les décédés, plusieurs enfants s'étaient suicidés.

María José Ortúzar, psychologue et médiatrice familiale, diplômée dans le domaine des violences familiales, de la maltraitance des enfants et des abus sexuels, déclare :

Es terrible. Aquí hay una muerte real, que es la de estos cientos de niños, pero también hay una muerte simbólica en la invisibilización de ellos. No tienen un espacio adecuado. El mundo sigue girando y ellos siguen en el Sename atravesando situaciones complejas, que los llevan muchas veces a escapar sin tener a dónde ir.

C'est terrible. Ici il s'agit de mort au sens réel, qui est celle de ces centaines d'enfants, mais aussi de mort au sens symbolique car ils sont rendus invisibles. Il n'y a pas de place pour eux. La Terre continue de tourner et eux restent au Sename, traversant des situations complexes qui les conduisent souvent à s'échapper sans avoir nulle part où se réfugier.

María José Ortúzar ne perd pas espoir que des changements commencent à se produire. « Il y a toujours eu un problème de l'enfance au Chili. C'est un sujet qui est resté clandestin pendant de nombreuses années. Aujourd'hui pour la première fois, il est passé au premier plan et a été discuté sur la place publique pendant des mois. Le dossier à été ouvert. »

En Australie, dédommagement extra-judiciaire historique pour les demandeurs d'asile d'un centre offshore

jeudi 22 juin 2017 à 10:23
Manus Island asylum seeker detention centre

Le centre de détention de demandeurs d'asile de l'île de Manus. Photo reproduite avec l'aimable autorisation de Behrouz Boochani.

Une transaction en marge d'une action judiciaire éclaire le traitement appliqué par l'Australie aux réfugiés détenus depuis 2012 dans le centre de rétention insulaire de Manus en Papouasie-Nouvellle Guinée.

1.905 individus vont se partager 70 millions de dollars australiens (environ 52 millions de dollars américains) de dédommagements versés par le gouvernement fédéral et les entreprises privées de sécurité Transfield et G4S. Le recours collectif arguait qu'ils ont subi “des préjudices physiques et psychologiques” dans les centres de détention.

Leur cabinet d'avocats, Slater and Gordon, l'énonce haut et fort :

Le plaignant principal Majid Kamasaee a dit dans une déclaration : “Je suis venu en Australie chercher la paix, mais j'ai été été envoyé à Manus, et c'était l'enfer”.

“La plupart fuyaient la persécution religieuse et la violence et sont venus en Australie en quête de protection, et ils s'y sont seulement vu refuser leurs droits humains fondamentaux”.

Les défendeurs vont également débourser 20 millions (environ 15 millions de dollars US) de frais de justice. Après l'annonce de la décision, le ministre de l'Immigration Peter Dutton a démenti toute reconnaissance de responsabilité du gouvernement.

John Lord et Martin Appleby, écrivant sur le blog du Réseau des médias australiens indépendants, ont interpellé le ministre :

Honte, mon pays, honte sur toi de permettre une telle méchanceté.

[…] Plutôt que de défendre leurs actes, ce qui pendant la durée de la procédure judiciaire aurait causé un embarras considérable pour le gouvernement, ils ont choisi, au prix de 100 millions de dollars, de dissimuler leurs atrocités à la vue du public.

Professeur en droit des réfugiés, Jane McAdam a également interrogé les motivations du ministre :

Esquiver le contentieux avec les réfugiés évite au gouvernement que soient rendues publiques les preuves par plus de 70 témoignages et 200.000 documents

Le journaliste et détenu iranien Behrouz Boochani a documenté la vie sur Manus en enregistrant des vidéos avec un téléphone mobile. Résultat, “Chauka Please Tell Us The Time” (“Chauka dites-nous l'heure qu'il est s'il vous plaît”), une collaboration avec le cinéaste néerlandais d'origine iranienne Arash Kamali Sarvestani.

Le documentaire, sorti au Festival du film de Sydney le 11 juin, a reçu un accueil enthousiaste :

Une mer de poings levés pour le cinéaste Behrouz Boocjani, enfermé sur l'île de Manus #Fermer le camp #Politique australienne

Behrouz a publié ses réflexions sur l'accord d'indemnisation sur sa page Facebook :

L'indemnisation que l'Australie veut payer aux réfugiés à Manus est insuffisante. Ils veulent payer 35.000 dollars en moyenne à chaque personne, une somme qui ne pourra jamais couvrir les quatre années de souffrances que nous avons connues. La majorité des réfugiés ont été gravement abîmés physiquement et mentalement, et cet argent ne suffit même pas à courir les frais médicaux qu'ils devront payer de ce fait.

La plupart des commentaires sous son texte étaient positifs, mais il y en aussi eu de contraires. Helen Yammine a riposté :  “Pourquoi se sont-ils faufilés en Australie, ils ne devraient avoir aucun droit à indemnisation”.

Wendy Williams, journaliste pour l'association Pro Bono Australia, espère une modification de la politique actuelle à l'égard des demandeurs d'asile arrivant par bateau :

L'annonce devrait être le “dernier clou dans le cercueil” de la détention offshore, d'après les dirigeants du secteur social.

Sur Twitter, le déboursement n'a pas été du goût de tout le monde :

La loi est honteuse… Les imbéciles d'Australiens donnent 70 millions de dollars à 1900 immigrants illégaux sur l'île de Manus.

De nombreux commentaires similaires ont salué (avec quelques voix discordantes) le billet de blog du journaliste conservateur Andrew Bolt “NOUS PAYONS UNE FORTUNE A DES IMMIGRANTS ILLEGAUX QUI REFUSENT DE RENTRER CHEZ EUX“.

A l'opposé, certains sur Twitter ont attiré l'attention sur les grosses quantités d'argent dépensé dans le programme offshore. Elles se chiffreraient en dizaines de milliards :

35.000 dollars par tête quand chaque prisonnier à Manus a coûté 500.000 dollars par an pour être maintenu en détention illégale. Les immoraux s'en tirent à bon compte.

D'autres ont rapproché l'indemnisation du programme “raté” de relocalisation des détenus au Cambodge :

Etonnant que les 70 millions de dédommagement payés aux victimes de Manus aient produit des hurlements plus forts que les 50 millions qu'a coûtés le renvoi de 3 personnes au Cambodge

Tim Byrnes exprime les sentiments de nombreux internautes qui compatissent aux souffrances des détenus :

Il me semble que les demandeurs d'asile de Manus préféreraient vivre en Australie au dédommagement

Précédents articles de Global Voices sur l'île de Manus :

Emprisonné depuis cinq ans, le blogueur saoudien Raif Badawi manque cruellement à sa famille

mercredi 21 juin 2017 à 16:41

Une des affiches de la campagne d'Amnesty International pour Raif Badawi [Le blogage n'est pas un crime. #LibérezRaif]. Source : Twitter.

Les militants réclament la libération du blogueur saoudien Raif Badawi, qui a purgé cinq ans de sa sentence de dix ans d'emprisonnement.

En 2013, un tribunal pénal de Djeddah, en Arabie saoudite, avait condamné Raif Badawi à sept ans de prison et six cent coups de fouet pour avoir « insulté l'islam par voie électronique ».

Il avait été poursuivi pour avoir tenu le blogue « Libéraux saoudiens », un forum en ligne qu'il a lancé en 2008 pour débattre du rôle de la religion dans le royaume saoudien conservateur.

En 2014, sa peine a été portée à dix ans de prison et mille coups de fouet.

La plus récente campagne pour lui venir en aide a été lancée par Amnesty International. L'organisation de défense des droits de l'homme travaille à sa libération avec Ensaf Haidar, l'épouse de Raif, et leurs trois enfants qui vivent à Sherbrooke, au Canada.

Amnesty International a publié une vidéo, dans laquelle les trois enfants de Raif demandent la libération de leur père.

10 ans. 1 000 coups de fouet pour avoir tenu un blogue. Il y a 5 ans aujourd'hui que Raif Badawi a été arrêté. Ses enfants ont un message pour @KingSalman #FreeRaif

[Titre de la vidéo : 10 ans en prison]

- Ten years in prison, 100 lashes, for writing words for peace.
– It’s not fair that our father is in prison. He’s not killed anybody.
– We’ve had enough.
– He just created a blog.
– That’s not illegal.
– We’ve waited too long.
– We need to see our daddy.
– The thing I miss most about my dad…
– is his infectious smile.

- Dix ans de prison, 1 000 coups de fouets, pour avoir écrit des messages en faveur de la paix.
– C'est injuste que notre père soit en prison. Il n'a tué personne.
– Nous en avons assez.
– Il a juste créé un blogue.
– Ce n'est pas illégal.
– Nous avons attendu trop longtemps.
– Nous avons besoin de notre papa.
– Ce qui me manque le plus de mon père…
– c'est son sourire contagieux.

Sur Twitter, le compte d'Amnesty International pour la région du Golfe invite ses abonnés à écrire directement au roi Salman d'Arabie saoudite pour lui demander de libérer Raif.

@Raif_Badawi a déjà passé cinq ans en prison. Juste pour avoir tenu un blog. Dites au @KingSalman que ce sont cinq années de trop, il doit libérer Raif maintenant !

[Titre de la vidéo : Qu'est-ce qui mérite 10 ans de prison et 1 000 coups de fouet? #LibérezRaif]

Les enfants de Raif ont également partagé d'autres messages sur le site internet d'Amnesty International.

« Lorsque nous sommes partis pour le Canada, je croyais que tu nous surprendrais à l'aéroport. Mais tu n'étais pas là. J'étais en colère » écrit Najwa, 14 ans.

« Pendant longtemps, j'ai cru que tu nous avais abandonnés. J'ai cru que tu ne nous aimais plus ou que tu ne te souciais plus de nous. Pendant longtemps, je me suis terriblement inquiété pour maman. Sans toi, que nous arriverait-il? »

Myriam, aujourd'hui âgée de 10 ans, avait quatre ans la dernière fois qu'elle a vu son père. Elle écrit : « J'essaie de me souvenir de toi, de ta voix, de tes câlins, mais je n'y arrive pas. J'étais très petite et j'étais accrochée à maman au moment où nous t'avons quitté et avons fui. »

Raif Badawi, alors âgé de 32 ans, avait également écopé d'une amende d'un million de riyals (environ 240,000 euros). En janvier 2015, il a reçu ses cinquante premiers coups de fouet, mais la séance suivante fut reportée en raison de son état de santé.