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La légèreté des peines pour “la meute” scandalise les Espagnols

dimanche 29 avril 2018 à 21:59

La meute, aux fêtes de San Fermín en 2016. Photo Cuarto Poder, licence CC BY-NC 3.0

[Les liens de cet article renvoient à des pages en espagnol, sauf mention contraire] L'Audience provinciale de Navarre vient de faire connaître, par un acte public, le verdict du procès de la “meute”, un groupe de cinq jeunes hommes qui ont violé en réunion une jeune fille en juillet 2016, pendant les fêtes de Saint Firmin à Pampelune. Les membres de la meute étaient aussi accusés de vol avec violences et de délit contre la vie privée, puisqu'ils avaient dérobé son téléphone à la victime, et enregistré l'agression qu'ils avaient publiée sur un réseau social.

Les peines infligées ont été de neuf ans de prison plus cinq ans de liberté surveillée. De plus, chacun des cinq accusés devra participer à un dédommagement conjoint de la victime de 50 000 euros. Ils ont été condamnés pour agression sexuelle et non pour viol. Deux notions juridiques distinctes, l'agression sexuelle étant considérée comme un délit plus bénin, car les peines imposées ne sont pas aussi sévères qu'attendu. Le procureur demandait 22 années de prison pour chacun des accusés, parmi lesquels se trouve un membre des forces armées et un agent de la Guardia Civil, tandis que les accusations particulières ─exercées par la mairie de Pampelune et le gouvernement de la communauté autonome de Navarre─ plaidaient pour 26 années d'incarcération.

Le jugement a provoqué une forte mobilisation dans le pays, avec des manifestations qui ont rassemblé des milliers de personnes sous le slogan “Hermana, yo sí te creo” (Sœur, moi je te crois), et la lecture du verdict en a aussi fait converger des centaines devant l'Audience provinciale de Navarre, qui ont éclaté en manifestations une fois connue les condamnations.

La sentence de la “Meute” traverse les frontières : la presse internationale se fait l'écho de l'indignation

15 artistes espagnoles réagissent avec leurs dessins au verdict de la Meute

Chères amies, lisez bien ceci et rejoignez la manifestation. Ceci concerne toutes les femmes et on ne touche pas ainsi aux femmes. Ça suffit. Je considère le verdict tout aussi machiste que l'attitude même de la meute. Immoral, inacceptable, honteux. Tolérance zéro.

Le tollé s'est aussi fait sentir sur les réseaux sociaux :

Le verdict de la Meute nous fait mal dans le monde entier #Je te crois.
On a appris hier en Espagne le verdict pour l'affaire criminelle “La Meute”. Un groupe de cinq hommes a coincé et violé une femme, et ensuite filmé et diffusé. Pourtant la justice a affirmé que ce n'était pas un viol.

Sur sa page Facebook “No es nada personal” (Ça n'a rien de personnel), la blogueuse Carlota M. a publié un texte devenu viral :

Que cinco tíos te la metan simultáneamente por la boca, por el ano y por la vagina, de madrugada en un portal, mientras se animan entre ellos y repiten “¡me toca, me toca!”, eyaculando dentro de ti, sin articular tú ni una sola palabra y acabando sola en el hospital – sin mi móvil porque te lo han robado para que no puedas avisar a nadie – siendo atendida por policías, médicos y psicólogos, en España no se considera una violación.

El porno como educación sexual.
Cultura de la violación.
Justicia patriarcal.

Cinq types te la mettent simultanément dans la bouche, l'anus et le vagin, au petit matin dans une entrée d'immeuble, tout en s'excitant mutuellement et en répétant “c'est mon tour, c'est mon tour !”, éjaculent en toi, sans que articules un seul mot pour seulement finir à l'hôpital – sans [ton] téléphone parce qu'ils te l'ont volé pour que tu ne puisses appeler personne – et être prise en charge par des policiers, des médecins et des psychologues, en Espagne ça n'est pas considéré comme un viol.

Le porno comme éducation sexuelle.
Culture du viol.
Justice patriarcale.

Les mouvements féministes avaient annoncé de nouvelles mobilisations au cas où les membres de la meute seraient acquittés ou que les peines infligées seraient légères. Avant que le verdict soit connu, la députée PSOE Zaida Cantera, et elle-même victime de harcèlement sexuel au sein de l'armée, déclarait à propos du verdict possible :

Se estaría lanzando la consigna de la cultura de la violación permitida y las consecuencias de impunidad ante las violaciones serían devastadoras.

Ce serait lancer la consigne de la culture du viol autorisé et les conséquences de l'impunité devant les viols seraient dévastatrices

Les accusés ont été déclarés coupables dans un verdict qui a mis cinq mois à être rendu public. Le tribunal qui a jugé l'affaire est généralement lent dans ses décisions, en raison du nombre excessif d'affaires qui lui reviennent et de la méticulosité des magistrats, qui ont coutume d'argumenter leurs décisions de façon extensive et détaillée. Dans cette affaire, le désaccord entre les juges a pu retarder encore plus la décision. Un des juges avait, de fait, émis un vote particulier demandant l'acquittement des accusés.

Tant la défense des accusés, qui demandait leur acquittement, que l'accusation ont annoncé leur intention de faire appel. En attendant, les marches de protestation continuent :

Nouvelles manifestations contre le verdict qui absout de viol la “Meute”

Un combat pour la dignité : les droits des femmes en Afghanistan

dimanche 29 avril 2018 à 19:53

Photo sur Flickr. Cours de photojournalisme pour les femmes dans la ville de Farâh en Afghanistan. Une fillette de Farâh fixe l'objectif dans un village local pour les personnes sur le chemin du retour et les réfugiés, le 9 février.

[Billet d'origine publié en anglais le 8 mars 2018] Tandis que le mouvement #MeToo soulevait des débats houleux sur le harcèlement sexuel dans le monde, les féministes en Afghanistan en étaient largement réduites à observer son impact de l'extérieur. Ces dernières années,les gains en matière de droits des femmes dans le pays ont été progressifs et ont été accompagnés par de fréquents revers.

Ainsi, un mouvement local de type #MeToo paraît bien improbable dans une république où le conservatisme social profondément enraciné et le pouvoir politique servent à se renforcer l'un l'autre.

Vers la fin de l'année dernière, trois femmes avaient pour la première fois obtenu un siège au Conseil provincial Maidan Wardak , ce qui avait été proclamé comme un gain important pour les femmes aux élections locales. Au début de l'année, la législature nationale avait ravi de nombreux militants des droits civiques en votant une loi contre le harcèlement. Mais en décembre, quand le président Ashraf Ghani proposa les nominations à 12 postes de ministre, le même organisme rejeta la seule candidate et accepta les 11 autres de sexe masculin.

L'année dernière, une des affaires les plus tragiques de souffrances infligées aux femmes a eu lieu un mois plus tôt, en novembre, lorsqu'une jeune étudiante à l'Université de Kaboul, Zahra Khawari, s'est suicidée après que son directeur de thèse eut rejeté sa thèse de recherche a plusieurs reprises sans raisons apparentes. D'autres étudiants dans le dortoir ont confirmé qu'elle avait été l'objet de discrimination à la fois raciale et sexuelle durant ses études.

C'est difficile pour les pop stars mais pour les femmes dans l'armée, c'est pire

La guerre des sexes se manifeste parfois par des disputes sur la culture populaire, qui bénéficient d'une résonance supplémentaire.

Le 20 août 2017, des religieux ont organisé un rassemblement afin d'empêcher la chanteuse pop Aryana Sayeed de donner un concert dans la capitale et l'ont accusée de corrompre la jeunesse afghane. Leur tentative, qui au final échoua, avait pour cause l'apparence et la tenue de Sayeed, qu'ils estimaient contraire à la culture nationale et religieuse.

Mais c'est encore un autre incident qui illustre peut-être mieux le sort des femmes dans le pays. En novembre 2017, une vidéo montrant un lieutenant de l'Armée nationale d'Afghanistan en train d'exploiter sexuellement une jeune femme présumée sa subordonnée est entrée dans le domaine public.

En réponse, des pans entiers des médias sociaux afghans ont rejeté la faute sur la victime, qualifiant la jeune femme d'immorale et l'accusant d'essayer d'obtenir une promotion en échange de faveurs sexuelles. Une théorie plus à gauche qui a pris de l'ampleur sur les médias sociaux a même postulé qu'elle travaillait pour un des adversaires politiques du lieutenant.

              قرار ویدیو های منتشر شده از دگروال لغمانی و دیگر دگروالها در فضای مجازی، احتمالاً مفعول یک نفر است و اگر چنین باشد دختر به دستور کسی یا به رضایت خود با هرکی دلش خواسته است رابطه ایجاد کرده است نه بخاطر وظیفه و مجبوریت.

Posté par Hussain Warasi  mardi 31 octobre 2017

Si l'on se base sur les vidéos du lieutenant Laghmani et d'autres lieutenants diffusées sur les médias sociaux, l'objet (la bénéficiaire) est un sacré numéro. Si c'est le cas, il semble que la fille a été recrutée par quelqu'un d'autre ou qu'elle a choisi d'avoir ces relations de son plein gré, non parce qu'elle y a été forcée ou en échange d'une promotion.

Des droits et protections déjoués

On estime communément que le régime des talibans de 1996 à 2001 a représenté un gigantesque pas en arrière pour les droits des femmes, et leur renversement un gigantesque pas en avant.

Mais tandis que le gouvernement post-taliban en Afghanistan a beaucoup œuvré pour satisfaire ses partisans occidentaux — par exemple 25% des sièges au parlement ont été octroyés aux femmes dans la constitution du pays — les institutions publiques et particulièrement les celles chargées de la sécurité, restent systématiquement hostiles aux femmes.

En septembre dernier, par exemple, l'Inspecteur général spécial pour la reconstruction de l’ Afghanistan (SIGAR) aux États-Unis a rapporté que des veuves de soldats de l'Armée nationale afghane tués au combat ont été forcées d’accorder des faveurs sexuelles à des fonctionnaires afin de pouvoir obtenir la pension officielle prévue pour les familles en deuil. Le rapport met en contexte la vidéo de Laghmani et de la jeune femme.

On attendait du Président Ghani qu'il insiste davantage sur les droits des femmes, en partie à cause de l'influence espérée de Rulha Ghani,son épouse éduquée à l'étranger, qui s'exprime régulièrement sur ce sujet.

Cependant, lors d'un discours l'année dernière ayant pour objectif de faire honte à ses adversaires politiques, Ghani a déclaré de façon controversée que «quiconque prétend qu'il y a des gens au gouvernement qui coopèrent avec l'EI, devrait se présenter et le prouver, sans quoi il ferait mieux de porter un tchador [voile féminin].»

…اشرف غنی واضح به این نوع پوشش اهانت کرد. او به زنان سراسر مملکت توهین نمود. به نفع اوست و به نفع حکومت اوست که از گفته ی خود معذرت بخواهد. این حد اقل کاری است که می تواند.

Ashraf Ghani a clairement  insulté le voile des femmes. Il a insulté toutes les femmes à travers le pays. Présenter ses excuses aux femmes lui bénéficie ainsi qu'à son gouvernement. C'est la moindre des choses.
Posté par ‎جعفر رسولی Jafar Rasouly‎ samedi 2 décembre 2017.

Son porte-parole s'est aussitôt à moitié excusé pour le commentaire sur sa page Facebook, prétendant que la remarque, qui a suscité une réaction violente chez les progressistes, a été mal interprétée.

Mais si l'on considère que Ghani est loin d'être le pire machiste parmi les grandes pointures de la politique afghane, cet apparent lapsus semble tristement symbolique du combat de longue haleine que les femmes doivent mener dans le pays. Le chemin pour obtenir leurs droits et leur dignité sera long.

Le meurtre de trois étudiants en cinéma suscite l'indignation au Mexique

samedi 28 avril 2018 à 20:14
Estudiantes disueltos en ácido

Photographie prise durant la marche du 24 avril 2018 dans la ville de Mexico et partagée sur le profil public Twitter de l'activiste Emilio Álvarez Icaza.

Au Mexique, les utilisateurs des réseaux sociaux (notamment ceux qui s'expriment par le biais de Twitter) ont exprimé leur peine, leur dégoût et leur indignation à la suite de l'annonce faite le 23 avril 2018 concernant trois étudiants en cinéma portés disparus depuis le mois de mars. La version donnée par les autorités locales est que les jeunes ont été assassinés par des membres d'une bande criminelle organisée qui ont ensuite dissous leurs corps dans de l'acide pour tenter de faire disparaître les preuves.

Aussitôt la nouvelle communiquée, la journaliste et universitaire Gabriela Warkentin s'est exprimée en ces mots :

Assassinés et dissous dans de l'acide : voilà comment on a retrouvé les trois étudiants en cinéma séquestrés dans l’État de Jalisco. C'est de ce Mexique-là dont il nous faut parler tous les jours. TOUS. LES. JOURS. Bordel !

Les faits

Le 20 mars 2018, des membres de la communauté de l'Université de Médias Audiovisuels (CAAV), dont l'un des sièges est situé à Guadalajara (État de Jalisco) dans l'ouest du Mexique, signalèrent publiquement la disparition de Salomón Aceves, Marco Ávalos et Daniel Díaz, cinéastes en formation, qui étudiaient à ladite université. La journaliste Zorayda Gallegos, qui travaille pour plusieurs médias, dont le journal espagnol El País, a fait un compte-rendu des faits :

Salomón Aceves Gastélum, de 25 años y originario de Mexicali (Baja California); Daniel Díaz, de 20 años y de Los Cabos (Baja California Sur), y Marco Ávalos de 20 años y de Tepic (Nayarit), vivían en la zona metropolitana de Guadalajara, donde estudiaban cine. Los tres desaparecieron el pasado lunes después de realizar una grabación en un domicilio de Tonalá, una localidad colindante con Guadalajara, donde realizaban una tarea escolar.

Salomón Aceves Gastélum, vingt-cinq ans, originaire de la ville de Mexicali (Basse-Californie) ; Daniel Díaz, vingt ans, de Los Cabos (Basse-Californie du Sud) et Marco Ávalos, vingt ans, de Tepic (Nayarit) vivaient dans la zone métropolitaine de Guadalajara, où ils étudiaient le cinéma. Les trois étudiants ont disparu lundi dernier après avoir réalisé un enregistrement dans une maison située à Tonala (ville limitrophe de Guadalajara) dans le cadre d'un travail universitaire.

Selon la chronologie publiée par le journal mexicain Milenio, un groupe d'« hommes lourdement armés » abordèrent les étudiants et d'autres de leurs camarades à proximité du quartier Colinas de Tonalá (où les étudiants furent séquestrés) en se présentant comme des membres d'un organisme policier. D'après d'autres sources, c'est parce lesdits hommes les prirent pour des membres de l'une des autres organisations criminelles se disputant le contrôle de la zone que cela s'est produit.

Par la suite (selon la chronique de Milenio), les jeunes furent emmenés dans une maison. C'est là que l'un d'entre eux, Salomón Aceves, est mort sous la torture. Ensuite, ses camarades furent également tués, puis amenés dans un autre endroit où, d'après les autorités, leurs corps furent dissous dans de l'acide sulfurique.

L'indignation

La twitteuse Montserrat a partagé des photos des étudiants exécutés :

Les voici. Trois d'entre nous. Des étudiants en cinéma. Dissous dans de l'acide. De l’ A C I D E.

En apprenant la nouvelle, Camilo Saavedra a déclaré :

Aujourd'hui, c'est l'indignation totale dans le Jalisco et au Mexique. Aujourd'hui, on nous confirme l'atroce nouvelle qui se profilait à l'horizon après toute cette angoisse : trois étudiants innocents, tués de la main du crime. Aujourd'hui, nous les Mexicains en avons plus qu'assez de toute cette violence ! #NoSonTresSomosTodxs

Vianey a exprimé sa tristesse dans le message suivant :

Quelle tristesse que de voir que dans ce pays, le fait d'être étudiant conduit à la mort. Quelle douleur et quelle impuissance que de savoir que n'importe lequel d'entre nous pourrait finir dissous dans de l'acide pour avoir été au mauvais endroit au mauvais moment #NoSonTresSomosTodxs J'envoie plein de bondes ondes aux familles.

Il est plus facile de comprendre le tweet de Vianey si l'on se remémore l'affaire des quarante-trois étudiants victimes d'enlèvement à Iguala (État de Guerrero) en septembre 2014 (Affaire d'Ayotzinapa).

Luis Antonio García, quant à lui, a fait le commentaire suivant, dans lequel il se réfère à l'amnistie suggérée par le candidat à la présidence du pays en tête des sondages afin d'endiguer la violence généralisée :

Quelle tristesse d'apprendre que les étudiants ont bel et bien été assassinés dans le Jalisco. En tant que pays, il est de notre devoir de réclamer justice. Rien ne justifie pareils crimes qui ne peuvent être expliqués par le contexte social. Jamais d'impunité, jamais d'amnistie pour leurs assassins. Justice !

Une technique ancienne

L'utilisation d'acides et d'autres puissants agents chimiques corrosifs en vue de dissoudre des cadavres n'est pas un phénomène nouveau au Mexique. Santiago Meza López, plus connu sous le nom de El Pozolero, est sans doute le criminel le plus célèbre ayant été condamné pour avoir commis ce genre d'atrocité. D'après les calculs des journaux, El Pozolero a dissous les corps de plus de trois cents personnes identifiées, tuées dans le contexte de la guerre civile [liée à la lutte contre le narco-trafic] dans laquelle le Mexique est plongé.

Manifestations dans la capitale mexicaine…et sur le net

Dans l'après-midi du 24 avril, des milliers de jeunes sont descendus dans les rues de la ville de Mexico pour manifester contre la violence généralisée qui atteint le pays. Sur Twitter, le hashtag #NoSomosTresSomosTodxs s'est retrouvé dans les tendances du fait de son utilisation par les citoyens mexicains pour réclamer justice et sécurité à l’État.

De nouvelles mobilisations citoyennes sont attendues pour dénoncer la passivité complice des autorités, celle-là même qui a favorisé l'insécurité et la violence dont les Mexicains souffrent dans plusieurs villes à travers le pays.

Pourquoi les pèlerins affluent du Népal et d'Inde pour voir fleurir une orchidée en avril

samedi 28 avril 2018 à 19:55

Un sanctuaire dédié aux sœurs que rencontrait Salahesh au Salahesh fulbari, district de Siraha, dans l'est du Népal. Photo : Sanjib Chaudhary.

Une orchidée qui fleurit vers la mi-avril dans un jardin d'intérêt historique et culturel à Siraha, dans le Népal oriental attire des foules de pèlerins d'Inde comme du Népal chaque année.

Les habitants des environs du jardin, appelé Salahesh Fulbari, croient que la fleur éclot le premier jour de l'année, le 1er Baishakh (premier mois du calendrier népalais). Selon la légende, cette orchidée symbolise la guirlande offerte au héros populaire Salahesh par sa malin (le mot en langue maïthili pour “jardinière”).

Étrange fleur !
Une fleur qui ne s'ouvre qu'au Nouvel an le 1er jour de Baishakh dans le jardin ancien et historique situé an sud de Padariya Chowk à Siraha sur l'autoroute est-ouest. L'orchidée fleurit sur l’arbre haram dans le jardin de Salahesh tôt le matin et se flétrit dans la soirée. Photo: RSS (National News Agency)

Folklore fascinant, demi-dieu culturel

Peu a été écrit sur Salahesh, aussi appelé Sailesh (le roi des montagnes) et Jayavardhan. Mais, dans les plaines méridionales du Népal de l'Est et dans l’État indien du Bihar voisin, existent de nombreux récits mettant en scène Salahesh et ses aventures. Différentes versions de contes populaires transmis de génération en génération évoquent la bravoure de Salahesh et son amour pour sa malin.

Selon une de ces légendes, Salahesh venait dans le Salahesh Fulbari cueillir les fleurs pour les rites religieux après avoir effectué ses ablutions. Il y rencontrait quatre sœurs qui en étaient les jardinières, et, comme cela devait arriver, tomba amoureux de l'une d'elles. L'orchidée qui fleurit chaque année à la mi-avril, selon les habitants, symbolise cet amour. Les jeunes couples viennent dans le jardin le Jour de l'an népalais pour faire bénir leur amour et exprimer leur espoir qu'il sera durable, tout comme celui de Salahesh et de son aimée jardinière.

Selon de nombreuses histoires avec Salahesh, il était un Dusadh, un membre de la communauté dite intouchable. Il est cependant aussi revendiqué par la communauté [indigène] Danuwar. Mais Salahesh est vénéré de tous, quelle que soit la caste et l'ethnicité. Avec le temps, il est passé pour de nombreuses communautés de héros dalit [intouchable] à demi-dieu.

Mythologie contre science

Tandis que des centaines de milliers de pèlerins affluent au Salahesh Fulbari chaque année pour apercevoir la célèbre fleur et rendre leurs dévotions à Salahesh et sa malin, la science dit tout autre chose.

Les habitants prétendent que la fleur éclot au petit matin du 1er jour de Baishakh et se flétrit le soir, mais c'est avant le commencement du Nouvel An qu'apparaissent les premières fleurs.

Cette photo de l'orchidée a été prise quatre jours avant le 1er Baishakh, premier jour de la nouvelle année. Photo :  Sanjib Chaudhary.

Le Département des ressources végétales du Népal a identifié la fleur comme étant l'orchidée Dendrobium aphyllum (Roxb.) C.E.C. Fisch, et l'arbre célèbre sur lequel s'épanouissent les fleurs comme Bischofia javanica Blume or bishopwood en anglais, appelé localement haram.

वैशाख १ मा मात्रै फुल्ने फूल । The flower that only blooms for a day in mid April. #SalaheshFulbari #Flower #Unique #Tarai

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Aussi appelée [en anglais] hooded orchid, l'espèce a été découverte par William Roxburgh dans l'Inde du sud. On la trouve en Inde, au Népal, au Bhoutan, en Birmanie, en Chine, en Thaïlande, au Laos, au Cambodge, au Vietnam et en Malaisie.

L'espèce et le temps de sa floraison puis de son flétrissement dans le Salahesh Fulbari ont été démystifiés, mais la croyance enracinée et la dévotion pour le demi-dieu Salahesh retiennent les gens de visiter le jardin avant et après le jour su Nouvel An népalais. Et ils continuent à affluer au Salahesh Fulbari pour voir cette fleur étrange et légendaire qui s'épanouit au petit matin pour se flétrir le soir, uniquement le premier jour de l'année, conformément à leur foi.

L'Argentine face au débat sur la légalisation de l'avortement

vendredi 27 avril 2018 à 12:23

« Aucune femme ne doit mourir de l'avortement clandestin ». Photo Emergentes (CC BY-NC 2.0)

[Article d'origine paru le 6 mars 2018]

Durant la semaine historique des femmes en Argentine, mardi dernier, le 6 mars 2018, fut présenté au Sénat national le projet de loi sur l'interruption volontaire de grossesse [es, comme les liens suivants sauf indication contraire] poussé par la Campagne nationale pour le droit à l'avortement légal et signé par 71 député-e-s de divers partis politiques [en].

Après des décennies de renvoi de la question et six tentatives infructueuses depuis 2005 [en], cette année, le gouvernement argentin a donné le feu vert [en] à la discussion du projet de loi à partir du 20 mars. Etant donné la grande diversité des positions, y compris à l'intérieur du même bloc de partis, une liberté de conscience absolue a été accordée aux législateurs eux-mêmes, en les encourageant à voter en conformité avec leurs principes et convictions.

Le 1er mars, dans son discours d'ouverture de la session ordinaire du Congrès, le Président argentin, Mauricio Macri a déclaré :

Hace 35 años que se viene postergando un debate muy sensible que como sociedad nos debemos: el aborto. Como más de una vez dije, estoy a favor de la vida. Pero también estoy a favor de los debates maduros y responsables que como argentinos tenemos que darnos. Por eso, vemos con agrado que el Congreso incluya este tema en su agenda de este año. Espero que se escuchen todas las voces y se tomen en cuenta todas las posturas.

Cela fait 35 ans qu'est repoussé un débat très sensible, que nous devons aborder en tant que société : l'avortement. Comme je l'ai exprimé à plusieurs reprises, je suis en faveur de la vie. Mais également favorable aux débats matures et responsables auxquels nous, Argentins, devons nous confronter. Pour cette raison, je suis heureux de voir que le Congrès a inclus ce thème dans son agenda de l'année. J'espère que toutes les voix seront entendues et que toutes les positions prises en compte.

Macri a également apporté deux arguments intéressant le domaine de l'égalité de genre : l'extension du congé paternité – qui aujourd'hui autorise seulement quelques jours – et la promesse de réduire l'écart de salaire entre hommes et femmes, ce qui est déjà encadré par la loi mais qui, en réalité, laisse énormément à désirer.

Il faut relever que l'initiative d'accueillir ce débat au Congrès provient d'un gouvernement connu pour être proche des positions de droite et conservatrices. Les débats ont été retardés et empêchés durant les deux mandats de l'ex -Présidente Cristina Kirchner, qui appartient au parti politique opposé. Kirchner était explicite dans son soutien à l'interdiction de l'avortement.

Le débat sur l'avortement en Argentine n'est pas nettement tranché selon les lignes du parti, mais s'articule autour des expériences personnes, des valeurs, et des croyances religieuses des individus. La grande diversité d'opinions pour et contre la dépénalisation se trouve aussi bien à l'intérieur du parti du gouvernement que de celui de l'opposition.

Le débat sur internet : un miroir de la division de la société argentine

La possibilité de dépénaliser l'avortement a polarisé l'opinion publique en Argentine, celle-ci est tiraillée entre sa trajectoire progressiste et son patrimoine conservateur et religieux.

Comme on pouvait s'y attendre, quelques jours avant la grève des femmes programmée pour la Journée Internationale des droits de la Femme, les réseaux sociaux explosaient déjà de commentaires et de mèmes reflétant la gamme d'opinions (y compris certaines extrêmes) sur la question de l'avortement.

Il ne fait aucun doute que ce sujet provoque aussi bien des débats réfléchis que des réactions émotionnelles intenses, cela explique l'abondance d'insultes, attaques personnelles et moqueries. Parmi les hashtags les plus utilisés se trouent #abortolegal (avortement légal), #AbortoLegalYA (avortement légal maintenant) #NOalAborto (Non à l'avortement) et #Sialavida (Oui à la vie).

Image : La question n'est pas quand un ovule fécondé devient-il un être humain. La question est quand une femme cesse-t-elle d'être humaine et devient une incubatrice régulée par l’État ? Nos corps. Nos territoires. #AvortementLegalMaintenant

Si on donne l'#AvortementLégal gratuit, pour pouvoir avoir des rapports sexuels non protégés, alors je veux un bypass gastrique et une liposuccion gratuite, pour pouvoir manger ce que je veux en restant mince. De fait, on meurt davantage d'obésité que d'avortement. Non ? #BonVendredi

Déshumaniser le foetus peut soulager ta conscience, mais ça ne changera pas la réalité. C'est une vie comme la tienne ! Laisse le vivre ! #OuiALaVie

La discussion ne porte par sur le fait d'être pour ou contre l'avortement, mais entre avortement légal et avortement clandestin. Tout le reste n'est qu'une question d'opinion et de décisions personnelles, toutes respectables et non discutables. #AvortementLégalMaintenant

Dans les jours suivant l'annonce du débat sur la dépénalisation de l'avortement, des personnalités politiques et artistiques ont également exprimé leur propre opinion. La députée nationale Elisa Carrió, alliée importante du parti du gouvernent Cambiemos, a clarifié sa position contre l'avortement dans sa déclaration demandant le « le respect pour les croyants parmi nous ». La vice-présidente argentine, Gabriela Michetti, suit également cette ligne, bien qu'elle soit d'accord avec la nécessité du débat.

Le ministre des Sciences et de la Technologie, Lino Barañao, s'est déclaré en faveur de la dépénalisation. Le ministre de la Culture, Pablo Avelluto, a également soutenu la dépénalisation, mais en demandant que le débat se déroule sans diaboliser ceux qui ont des positions opposées. L'actrice Mercedes Funes a partagé une lettre, dans laquelle elle souligne son soutien à un avortement sûr et légal  :

Conozco varias mujeres que han abortado. Todas ellas cuando me lo contaron, me lo contaron hablando desde la huella que a cada una les dejó. No me lo contaron con liviandad, como una anécdota más, como si hubieran ido a hacer un trámite, o a sacarse una muela.

Je connais beaucoup de femmes qui ont avorté. Toutes, quand elles me l'ont raconté, me l'ont raconté en parlant du poids que cela leur a laissé. Elles ne me l'ont pas raconté avec légèreté, comme une anecdote de plus, comme s'il s'agit d'une simple formalité, ou de se faire enlever une dent.

Polémiques et réalités diverses

« Appel global pour l'avortement légal, sûr et gratuit ». Images : Emergentes (CC BY-NC 2.0)

Au-delà des débats sur internet et des opinions personnelles, la proposition de loi ne secoue par uniquement les valeurs de la société argentine, elle contraint également à prendre en considération d’autres réalités. Selon la branche Argentine d'Amnesty International, on estime que chaque année près de 450 000 avortements illégaux sont effectués.

Et d'après des collectifs comme Varones Antipatriarcales de Rosario et Corriente La Colectiva sur Medium :

…las prácticas de abortos no solo existen en el tejido social con una cotidianeidad mayor a la que imaginamos, sino que se distribuyen [y son atravesadas] por vectores de racialización, sexo, género, clase, posiciones políticas, ideológicas, religiosas, éticas y fundamentalmente, por los intereses económicos de corporaciones médicas y farmacéuticas.

… la pratique des avortements n'existe pas seulement dans le tissu social avec une quotidienneté supérieure à celle que l'on imagine, mais elle se distribue [et est traversée] par des enjeux de race, sexe, genre, classe, positions politiques, idéologiques, religieuses et fondamentalement par les intérêts économiques des firmes médicales et pharmaceutiques.

En réponse à la présentation du projet de loi au Sénat, la Campagne nationale pour le droit à l'avortement légal, sûr et libre a organisé une manifestation le 6 mars, devant le Congrès National et dans les principales villes du pays. La manifestation a été rejointe par divers organisations et groupes de la société civile, féministes, et de défense des droits humains, certaines d'entre elles discutant du sujet en direct sur les réseaux sociaux.