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Tunisie : Un an de prison avec sursis pour avoir critiqué l'armée

samedi 5 janvier 2013 à 19:59

Un tribunal militaire de Tunis a alourdi hier [4 janvier] la peine de prison avec sursis infligée à Ayoub Massoudi, un ancien conseiller du Président tunisien Moncef Marzouki, de quatre mois à une année. En septembre dernier, Massoudi avait été condamné en première instance à quatre mois avec sursis sur des charges de “diffamation” de l'armée et de “discrédit du haut commandement de l'armée”, après ses déclarations télévisées au sujet de l'extradition en Libye de l'ex-premier ministre de Muammar Kadhafi, Baghdadi Mahmoudi. En appel, cette condamnation vient d'être triplée.

Ayoub Massoudi, photo via Nawaat

En juillet dernier, Massoudi avait qualifié l'extradition de Baghdadi Mahmoudi de “forfaiture” et reproché à Rachid Ammar [Chef d'état-major des forces armées tunisiennes] et Abdelkrim Zbidi [Ministre de la Défense] de n'avoir pas informé le Président Marzouki de la procédure d'extradition exécutée le 4 juin. Craignant qu'il n'aurait pas un procès équitable en Libye, M. Marzouki s'était opposé à l'extradition de M. Mahmoudi.

Rached Cherif rapporte :

Dans cette affaire, où l’armée est donc juge et partie, le verdict est tombé comme un couperet dans la journée du 4 janvier. Incapable de se désavouer, la justice militaire a alourdi la peine pour la porter à 1 an de prison avec sursis, assortie comme en première instance d’une interdiction de port d’arme et d’une privation de toute distinction honorifique et d’embauche dans la fonction publique.

L'avocat de Massoudi a indiqué [en arabe] au blog Nawaat que l'interdiction de voyager imposée à Massoudi en août 2012 n'a toujours pas été levée :

أشار الأستاذ القلّيل أنّ إجراء تحجير السفر إدانة مُسبقة لأيوب المسعودي من طرف القضاء العسكري، و أكّد أنّ تواصل المنع من السفر رغم صدور حكم إبتدائي جُناحي يقضي برفع تحجير السفر

Me Kelli (l'avocat d'Ayoub Massoudi) a dit que l'interdiction de voyager est une peine antérieure de la justice militaire envers Ayoub Massoudi. Il a précisé que l'interdiction reste en vigueur malgré un verdict en première instance ordonnant sa levée

Par conséquent, Massoudi reste dans l'impossibilité de rejoindre sa femme et ses enfants, qui vivent en France. Le 1er janvier, il a publié sur son blog personnel une lettre adressée à ses deux enfants :

أدري وأنا أكتب هذه الأسطر متى سنلتقي من جديد لأضمكم إلى صدري وأنفض عن قلوبكم غبار أيام الغياب والوحشة؟ لا أدري متى، ولكن… مصير الأحباء أن يلتقوا، طال الزمن أو قصرلا!

En écrivant ces mots, j'ignore quand nous nous reverrons, pour vous embrasser et effacer [la douleur causée] par les jours de séparation et d'absence de vos cœurs. Je ne sais pas quand… mais quel que soit le temps que cela prend, les proches sont voués à se retrouver

Sur Twitter, Malek Khadhraoui s'en prend à la justice militaire :

Le jugement dans l'affaire de Ayoub Massoudi est scandaleux et confirme que la justice militaire est une mascarade #freeayoub

@HamdySdiri pose la question [en arabe]:

الكلام في الجيش ما يجيش؟ #FreeAyoub

L'armée est-elle au-dessus des critiques ?

L'opposant Michel Kilo : « Il reste un léger espoir pour une solution en Syrie »

samedi 5 janvier 2013 à 17:02

Dans le cadre de notre collaboration avec le média en ligne Syria Deeply nous publions une série de leurs articles qui donnent voix à des civils pris entre deux feux, ainsi que des opinions d'auteurs du monde entier sur le conflit. 

Opposant politique au président Bachar Al Assad, Michel Kilo fait partie des dissidents syriens les plus connus. Il s'était notamment fait remarquer lors du Printemps de Damas [en anglais comme les quelques liens du billet], qui vit durant quelques mois seulement de l'année 2000 s'épanouir la liberté politique et d'expression.

Michel Kilo a quitté la Syrie huit mois après le début de la révolution et vit aujourd'hui à Paris avec sa famille. Il a répondu aux questions de Syria Deeply sur Skype. Pour en savoir plus sur son parcours, vous pouvez visionner l'interview vidéo au cours de laquelle il évoque son expérience de la prison, où il fut jeté en raison de ses activités politiques et dissidentes.

Syria Deeply : Supportez-vous officiellement la Coalition nationale syrienne ? Quelles sont, selon vous, ses forces et faiblesses ?

Michel Kilo : Je ne suis pas membre de la Coalition nationale syrienne, car je considère que le mouvement islamiste y est représenté de manière excessive et que cela l'affaiblit. Elle ne représente pas l'ensemble des diverses tendances des forces d'opposition, démocratiques et laïques notamment.

 

S. D. : Comment analysez-vous la situation sur le terrain de la guerre en Syrie ?

Michel Kilo

M. K. : Je perçois un lent changement en termes de relations de pouvoir entre l'opposition et le régime qui pourrait ouvrir sur de nombreuses possibilités de rebondissements inattendus. Cela inclut des gestes désespérés (de la part du régime d'Assad), comme par exemple l'utilisation d'armes interdites par la communauté internationale pour contrer sa perte de contrôle croissante du territoire syrien. Les combats ont par ailleurs progressé jusqu'à Damas où plusieurs organes du pouvoir sont assiégés.

 

S. D. : Gardez-vous un quelconque espoir d'une solution négociée ? Quel le meilleur scénario envisageable ?

M. K. : En effet, je conserve un léger espoir d'une solution négociée. Plusieurs membres du régime se sont démarqués d'Assad pour se rapprocher de l'opposition en acceptant l'idée d'une transition vers un système démocratique.

 

S. D. : Comment peut-on empêcher les sunnites et les alaouites de s'affronter ? Y-a-t-il seulement un moyen ? Un espoir ?

M. K. : Je ne vois pas comment on peut empêcher les heurts confessionnels sans un programme national impliquant l'ensemble des parties. Ce plan d'action multipartite n'existe pas pour le moment, l'opposition n'ayant pas su saisir l'opportunité de le mettre en place précédemment. Aujourd'hui, nous avons besoin d'un programme qui encourage tout un chacun à participer à un projet national commun, ce dans le but de couper l'herbe sous le pied aux conflits confessionnels sectaires ou, tout du moins, de tenter d'en réduire le risque.

 

S. D. : Pensez-vous que certains membres du régime actuel pourraient, ou devraient, conserver un rôle en Syrie dans le futur ?

M. K. : Oui, certains parmi ceux qui sont au pouvoir pourraient jouer un rôle dans la Syrie du futur… notamment ceux qui font défection et se détournent de la famille Assad pour rejoindre le peuple.

 

S. D. : Comment le régime d'Assad fait-il pour tenir aujourd'hui ?

M. K. : La résistance et la force dont fait preuve l'armée d'Assad sont liées au support de la Russie, de la Chine et de l'Iran, qui profitent du manque de fermeté des critiques énoncées à leur encontre par les Occidentaux. Rien ne s'opposent donc vraiment à leur implication qui est comme un feu vert à Assad pour opprimer son peuple et détruire la Syrie.

 

S. D. : Pensez-vous que le régime d'Assad serait vraiment capable d'utiliser des armes chimiques pour assurer sa survie ?

M. K. : Absolument. Il ne respecte ni les vies, ni les droits des êtres humains – sinon, il n'aurait pas entrepris de détruire son pays – et il ne fait aucun doute qu'il pourrait avoir recours à n'importe quelle sorte d'armement, y compris les armes chimiques.

 

S. D. : Comment Assad peut-il s'en sortir selon vous ?

M. K. : J'ai peur que la crise destinée à renverser le régime change de nature pour se transformer en guerre civile et chaos politique et meurtrier. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que la Syrie est un champ de ruines et que beaucoup de gens sont sans domicile, souffrent de la faim ou bien ont été déplacés. Tout cela ne peut qu'encourager le chaos.

 

S. D. : Quelle est votre plus grande crainte en ce qui concerne l'avenir proche de la Syrie ?

M. K. : Assad veut remporter une victoire irrévocable sur son peuple, c'est le but de la guerre engagée il y a bientôt deux ans. Toutes les formes de solution politique proposées par l'opposition sont dans ce cadre exclues ; il s'imagine qu'il peut encore gagner la guerre.

 

S. D. : Que doit faire la communauté internationale pour aider la Syrie ?

M. K. : La communauté internationale devrait faire des propositions claires, concrètes et applicables en vue de mettre un terme à la tuerie en cours en Syrie et chercher sans plus attendre une solution politique à la crise. Les grandes puissances ont fait preuve de leur incapacité à faire quoique ce soit, elles ont abandonné leurs responsabilités en prenant pour prétextes la faiblesse de l'opposition et les divisions de la société syrienne.

 

S. D. : Si vous pouviez demander au président américain Obama d'opérer un changement dans la politique menée à l'égard de la Syrie, quel serait-il ?

M. K. : Je lui demanderais de veiller à ce que je ne cesse de répéter : à savoir que la politique américaine doit s'appuyer sur le respect des droits de l'homme, partout dans le monde.

 

S. D. : La communauté internationale devrait-elle mettre en place une zone d'exclusion aérienne au-dessus du nord de la Syrie ? Doit-elle intervenir pour empêcher les forces d'Assad d'utiliser les voies aériennes ?

M. K. : Je ne pense pas que cela soit nécessaire. Les Syriens ont prouvé, tout au long de ces deux années, qu'ils étaient capables de défendre leurs foyers sans intervention extérieure et grâce au minimum d'armement requis pour la victoire. Leur liberté ne dépend plus des pays étrangers. Ils pensent d'ailleurs que les nations occidentales ne souhaitent pas le départ d'Assad et que celui-ci restera en place jusqu'à la destruction totale de ce qui fait la société syrienne.

Mexique : un Tribunal Fédéral ordonne l'arrêt de la construction controversée d'un parc éolien

samedi 5 janvier 2013 à 15:26

Tous les liens, sauf mention contraire, sont en espagnol.

L’opposition aux éoliennes dans l’Isthme de Tehuantepec, dans l’État d'Oaxaca dans le sud du Mexique, provenant pour une large part des peuples autochtones, a remporté une victoire importante le 7 décembre 2012 lorsqu’un juge du Tribunal Fédéral du Septième District a accordé une injonction (amparo) mettant temporairement fin à la construction d’un parc éolien controversé à San Dioniosio del Mar. Le juge basé à Salina Cruz a décidé que “selon l’article 233 de la Ley de Amparo [protection juridictionnelle], la présente [injonction] ordonne explicitement la suspension des actes contestés qui violent les droits fonciers de la communauté”.

Alors que les Indiens Ikojts (Huave) de l’Isthme de Tehuantepec ont fêté cette décision et ont appelé l'administration et l’industrie du secteur à la respecter, leur lutte continue sur le terrain.

Le lendemain de cette décision de justice, Marena Renovables – le consortium international chargé de la construction du parc – a annoncé qu’il ne  “céderait pas au chantage” et qu’il poursuivrait le dialogue avec les communautés. Sa porte-parole chargée des relations avec l'administration, Edith Ávila, a indiqué que le projet représente un investissement d’un milliard de dollars ; elle affirme qu’il apporterait d’immense bénéfices à la communauté. Le but est de poursuivre la construction comme prévu.

Le gouverneur d'Oaxaca, Gabino Cué Monteagudo, a déclaré que l’amparo était “un signal négatif envoyé aux investisseurs privés dans l’État”. Il aurait également exprimé son espoir que ce jugement ne serve pas de précédent pour le développement du reste de la région.

Wind Farm, Isthmus of Tehuantepec

Une éolienne dans l'Isthme de Tehuantepec, Oaxaca. Photo de Rachael Petersen, Janvier 2011.

Des acteurs internationaux se sont immiscés dans le conflit. Noticias Net rapporte que le jour de l’arrivée au pouvoir du nouveau président du Mexique, Enrique Peña Nieto, l’ambassadrice australienne Katrina Cooper a présenté au Ministre des Affaires Étrangères mexicain Jose Antonio Meade une demande en faveur de “[la résolution] du conflit dans l’Isthme de Tehuantepec, qui empêche de lancer la construction du plus grand parc éolien d’Amérique latine”. La compagnie australienne Macquarie Infrastructure Fund est un des partenaires du consortium de Mareña Renovables, aux côtés de Mitsubishi Corporation, un conglomérat japonais, et de PGGM, un fonds de pension hollandais.

Le projet de 396 megawatts (MW) de San Dioniso del Mar, situé au niveau de Barra Santa Teresa and Santa Maria del Mar dans l’Isthme de Tehuantepec, sera le plus grand parc éolien du Mexique et un des plus grands d’Amérique Latine. Ce projet de 132 turbines, évalué à près de 985 millions de dollars, approvisionnera en électricité les plus grandes compagnies de boisson de l’Amérique Latine : Femsa et Cuauhtémoc Moctezuma, leur permettant d’économiser 10% de leur dépenses d’énergie, selon la Banque Interaméricaine de Développement (BID).

Ce projet de San Dionisio del Mar est financé par les investissements de plus de quinze banques, dont la BID, qui a prêté 72 millions de dollars [en anglais] pour sa construction.

Oaxaca, une région clé pour l’éolien mondial

Le gouvernement mexicain continue de construire des parcs éoliens à la vitesse de l’éclair, avec actuellement 521 MW installés [en anglais] pour un total prévu de 3.000 MW [en anglais] en 2014. Tout au long de 2012, le Mexique a planifié les développements éoliens d’une capacité proche des 900 MW –­ tous, à l’exception de 70 MW, étant au Oaxaca, une des meilleures régions au monde en terme de ressources éoliennes. L’Isthme de Tehuantepec au Oaxaca est concerné à lui seul par 14 projets d’énergie éolienne avec plus de 400 turbines, ainsi que cinq autres projets en cours de réalisation.

Cependant, l’essentiel du territoire de l’État d'Oaxaca est habité par des peuples autochtones ou possédé collectivement par des paysans sous forme d’ejidos. Ici la résistance au développement de l’énergie éolienne est aussi ancienne que les parcs. Les multinationales de l’énergie éolienne implantées dans la région ont été accusées d’avoir proposé des contrats abusifs, de corrompre les dirigeants locaux, d’avoir mené des consultations inadaptées et de ne pas respecter leurs promesses. L’opposition locale aux parcs éoliens ne cesse de croître alors que les alliances politiques entre les gouvernements locaux, nationaux et municipaux, les transnationales de l’énergie éolienne et les propriétaires terriens se multiplient dans un contexte de plus en plus complexe et violent.

Un vent de résistance souffle dans l’Isthme

Des manifestants anti-éolien interceptés par la police locale à Union Hidalgo, Oaxaca, 30 octobre 2012. Photo de l'Asamblea de Pueblos del Istmo, utilisée avec sa permission.

Les autochtones des principales communautés affectées sont nombreux à avoir conservé une culture traditionnelle basée sur la pêche, dépendant étroitement de l’océan pour leur subsistance et pour le commerce. Ils craignent que le parc, en partie construit sur une étroite bande de terre, ait un impact sur des ressources halieutiques vitales et sur la mangrove, un écosystème fragile. Ils soulignent également que ce projet apporte très peu à leurs communautés tout en constituant une violation de leurs droits fonciers, citant l’exemple de contrats qui bien souvent ne proposent que 100 pesos à l’hectare par an, une somme trop faible pour compenser la perte des ressources naturelles et des terrains occasionnée. Le Secrétariat des Affaires Indigènes d'Oaxaca a également reconnu les violations des droits de l’homme qui ont eu lieu à l’occasion de l’établissement des contrats visant la création de fermes éoliennes dans la région.

Différents groupes se sont mobilisés pour protester – et bloguer sur cette résistance qui s’organise dans les régions riches en vent de l'Oaxaca. Les communautés opposées au projet de San Dionisio tiennent ensemble un blog intitulé “Communautés s’opposant au méga-projet éolien de San Dionisio del Mar”, qui propose des images, des vidéos, et des déclarations concernant leurs activités. Le principal groupe anti-éolien, la Asamblea de Pueblos Indígendas del Istmo en Defensa de la Tierra y el Territorio, possède une page Facebook et un blog qui suivent les derniers développements de ces projets éoliens. UCIZONI, pour l’Unión de Comunidades Indígenas de la Zona Norte del Istmo, une organisation qui défend les droits des peuples autochtones au Mexique depuis plus de vingt-cinq ans, a réalisé une vidéo Youtube proposant des informations générales sur San Dionisio del Mar et des témoignages personnels de membres des communautés directement affectées par ces projets :

La décision de justice du 7 décembre fait suite à une série de violents affrontements dans la région entre les manifestants locaux, l’industrie du secteur, et la police de l’État. Dans une conférence de presse du 11 décembre 2012, des habitants de San Dionisio del Mar et de San Mateo del Mar ont appelé le gouvernement et les compagnies à respecter l’amparo et à suspendre indéfiniment le projet de Mareñas. Ils ont déclaré :

A partir del 2007, año en que se anunció la entrada de empresas trasnacionales de energía eólica en nuestro territorio, se inició un hostigamiento, una represión policiaca contra el pueblo, tanto de las empresas como por parte de los gobiernos estatal y federal, coludidos con los presidentes municipales de toda la región del Istmo.

Dès 2007, année où a été annoncée l’arrivée de transnationales de l’énergie éolienne sur notre territoire, un harcèlement, une répression policière ont commencé à l’encontre du peuple, de la part des entreprises comme de celle du gouvernement de l’État et du gouvernement fédéral, en collusion avec les présidents municipaux de toute la région de l’Isthme.

Le quotidien La Jornada rapporte que cette défense de leur territoire a coûté au peuple Ikojts “au moins 14 incidents violents, des intimidations et du harcèlement au cours des quatre derniers mois”. Le blog de l’organisation Servicio Internacional Para la Paz, basée au Chiapas, offre un aperçu très complet de ces conflits autour du parc éolien depuis septembre 2012.

Un manque d’information, un avenir incertain

Selon le blogueur zapotèque, journaliste et ethnohistorien Gubidxa Guerrero, même si Marena Renovables affirme que la décision d’accorder l’amparo de la cour fédérale n’affectera pas la construction, l’affaire pourrait rapidement prendre une ampleur nationale. Il souligne que le manque d’information du public est le principal coupable de la politisation de la question des éoliennes au Oaxaca :

La información es vital para tomar una decisión que afectará por treinta años el destino de sus terrenos (que es la duración promedio de los contratos). Por desgracia existe un vacío de información que provoca que unos cuantos vivales la aprovechen para dos fines: sembrar el pánico contra los proyectos, o presentar selectivamente sus “bondades”.

L’information est vitale lorsqu’il s’agit de prendre une décision qui scellera pour trente ans (durée moyenne des contrats) le destin de ces terrains. Malheureusement, le manque d’information est réel et il incite quelques individus mal intentionnés à en profiter à deux fins : semer la panique contre les projets ou au contraire, présenter de façon sélective leurs “bénéfices”.

Cette décision de la Cour Fédérale est un premier pas essentiel pour arrêter – ou tout du moins pour retarder – le développement de l’énergie éolienne dans l'Oaxaca. Ceci permettra une évaluation plus honnête de l’impact et des bénéfices de l’énergie éolienne dans l’Isthme. Cependant, il reste à voir si le gouvernement et l’industrie du secteur respecteront les demandes du peuple Huave de l’Isthme de renoncer totalement au projet de San Dionisio.

Pour plus d’information sur la situation en Oaxaca, voir :

Upside-down World: Au Mexique, des Peuples Autochtones se battent contre l’Industrie de l’Énergie Éolienne [en anglais]

AIDA: Les défis du déploiement de l’énergie éolienne au Mexique. Le cas de l’Isthme de Tehuantepec [en anglais].

Myanmar (Birmanie) : 2012, année de manifestations

samedi 5 janvier 2013 à 14:22

Sauf indication contraire, les liens dirigent vers des sites en anglais.

La victoire d'Aung San Suu Kyi aux élections, le sort du peuple Rohingya et la visite officielle du Président Barack Obama dans le pays, voilà ce que retient la communauté internationale de l'année 2012 au Myanmar. Bien sûr tout cela est incroyable et Global Voices s'en est fait l'écho et a traduit la réaction des internautes à ces évènements et ces problèmes. Mais quand on fait l'inventaire de tous les articles publiés l'année passée, on peut aussi dire que 2012 a été une année de manifestations au Myanmar.

Des manifestations publiques se sont élevées contre le développement de certains projets. Les habitants de Letpadaung, par exemple, se sont violemment opposés au projet d'une mine de cuivre financée par la Chine. Un campement de manifestants installé par des moines a été brutalement dispersé par les forces de l'ordre, dispersion qui a provoqué une condamnation générale.

Manifestations contres les coupures de courant dans les grandes villes. Photo sur une page Facebook de CJ Myanmar

Des manifestations spontanées se sont déclarées dans plusieurs grandes villes l'été dernier en réponse aux coupures de courant incessantes. Selon la population, l'incompétence du gouvernement et la décision de détourner une partie de l'énergie électrique du pays au profit de la Chine sont la cause des coupures de courant.

Un lâcher de ballons bleus, symbole de paix, à l'occasion de la Journée Internationale de la Paix. Photo - Page Facebook de CJ Myanmar

Des marches pour la paix ont été organisées pour soutenir les pourparlers de paix entre le gouvernement et les rebelles. Divers groupes se sont retrouvés pour célébrer la Journée Internationale de la Paix, mais la manifestation de la Journée de la Paix a été repoussée par la police. D'autre part, certaines initiatives ont montré que la guerre civile au Myanmar a fait des milliers de réfugiés dans le pays. Nous avons traduit un article en birman qui raconte les conditions de vie dans les camps de réfugiés.

Des manifestations de moindre importance ont même fait l'objet de débats publics, surtout sur le Net : des femmes activistes qui avaient participé à une manifestation contre l'installation d'une mine de cuivre ont été arrêtées et détenues temporairement, le gouvernement a empêché un projet de commémoration du 50ème anniversaire d'une répression militaire contre le mouvement étudiant, et des centaines de personnes ont montré leur indignation en apprenant l'existence de ‘chaussures Bouddha’ (chaussures décorées de l'image de Bouddha).

On rappelle aux internautes de ne pas diffuser de messages de haine sur les réseaux sociaux. Photo de New Mandala

La violence qui s'est déchaînée dans l'ouest du pays a provoqué d'intenses polémiques et discussions, alors que la communauté internationale condamne presque unanimement les violations des droits humains infligés aux populations Rohingya. Paradoxalement, dans le pays, les avis sont partagés sur les Rohingya qui luttent pour faire reconnaître leur groupe en tant que minorité ethnique. Et même certaines personnalités de l'opposition n'ont pas soutenu expressément la demande des Rohingya. En dehors du Myanmar, certains activistes se demandent pourquoi Aung San Suu Kyi, icône de la démocratie, ne parle que de ‘l'état de droit’ en référence au problème des Rohingya.

Pourtant, le débat sur le problème des Rohingya ne doit pas nous faire oublier que ce conflit local a provoqué le déplacement de milliers de villageois innocents, chez les Rohingya comme chez les Rakhine.

Des milliers de personnes ont salué l'arrivée du Président des Etats Unis Barack Obama au Myanmar. L'évènement montre la reconnaissance des chefs d'état étrangers pour les réformes mises en place par le gouvernement civil. Les internautes ont aussi largement commenté le maintenant célèbre baiser d'Obama à Aung San Suu Kyi.

Parmi les réformes remarquables de l'année passée, on note la libération  de plus de 500 prisonniers politiques et la tenue d'élections parlementaires libres.

Alaouite et proscrite : comment une fille de Syrie a perdu sa mère

samedi 5 janvier 2013 à 13:53

Dans le cadre de notre collaboration avec Syria Deeply nous publions une série de leurs articles qui donnent voix à des civils pris entre deux feux, ainsi que des opinions d'auteurs du monde entier sur le conflit. 

Loubna Mrie a payé au prix fort sa place dans la révolution syrienne. Alaouite qui a pris position contre le président Bachar Al Assad, elle s'est exclue de sa communauté : les Alaouites restent en grand nombre loyaux à Assad, chef de leur confession et protecteur de leurs privilèges de pouvoir.

Dès le début du soulèvement, les parents de Loubna ont pris des partis opposés : son père et ses oncles du côté d'Assad, tandis que Loubna et sa mère soutenaient la montée de la contestation.

Une position que le père de Loubna a décrété sans ambages ne pas tolérer : il a exigé sa loyauté au camp Assad. En août, Loubna a quitté sa ville de Lataquié, à l'ouest de la Syrie pour fuir en Turquie voisine. Son père a enlevé sa mère et a menacé de la tuer en représailles. Quand Loubna refusa de rentrer, son père mit sa menace à exécution : il tua sa mère et la bannit de sa vie d'avant le soulèvement.

Loubna est aujourd'hui une cinéaste pour Basma, un groupe de médias révolutionnaires. Elle se déplace à travers la  Syrie avec une caméra, pour chroniquer en films la révolution. Nous l'avons rencontrée à Gaziantep, en Turquie, pour parler de la vie et de la guerre en Syrie. Extrait de cet entretien.

SD: A quoi a ressemblé le début de la révolution à Lataquié ?

Mrie: Cela a commencé comme dans toutes les villes de Syrie. Les manifestations n'avaient que les slogans ordinaires et pacifiques comme “nous voulons de meilleures écoles”, “de meilleurs emplois”, “démocratie”. Nous ne disions même pas la phrase “al shaab yureed isqat al nizam”—“le peuple veut la chute du régime”.

SD: Y avait-il beaucoup d'Alaouites qui manifestaient ?

Mrie: Non. Pratiquement aucun. Lataquié est plein d'Alaouites, et la plupart soutenaient le régime. Il y avait juste une petite fraction de la société qui était contre le régime, mais ils avaient trop peur pour aller aux manifestations. Dès le premier jour, le régime essayait de persuader les gens que ce n'était pas une révolution, mais juste des terroristes ou un mouvement islamiste contre eux.

SD: Quand tout cela est-il arrivé ? Quand votre famille a-t-elle éclaté ?

Mrie: C'était en novembre. C'était si traumatisant que j'étais incapable de penser. Je me suis sentie coupable, immensément coupable. Je n'ai cessé de pleurer pendant trois jours, puis j'ai compris que ma mère n'était pas morte seulement pour me voir pleurer dans mon lit toute la journée. Alors j'ai choisi l'autre voie : saisir ma caméra et retourner en Syrie.

SD: Vous a-t-elle parlé pendant le dernier mois ?

Loubna

Mrie: Non, on l'a enlevée au milieu d'août. Je n'ai plus eu de ses nouvelles depuis. Même mes tantes et ma grand-mère ne m'ont pas appelée parce qu'elles avaient tellement peur que si les autorités découvraient qu'elles étaient en contact avec moi, on leur ferait du mal. Même mon entourage et mes anciens amis ne m'adressaient plus la parole. Ils ne disaient pas qu'ils étaient désolés, tristes, ou un quelconque sentiment. Ils disaient que je le méritais. Aussi il n'y a pas eu que la perte de ma mère pour me briser le coeur, mais aussi l'attitude de ceux avec qui j'ai grandi.

SD: Quel était le motif de votre père ?

Mrie:  Je n'en ai aucune idée. Peut-être étaient-ils juste convaincus par ces histoires que leur racontait le régime : que c'est un mouvement islamiste, qu'ils vont vous tuer et que vous perdrez tout. Je pense que les grandes familles– la mienne en est une— ont extrêmement peur. Elles savent qu'à la chute du régime elles perdront presque tout, parce que sous le régime elles savaient qu'elles pouvaient tout faire et que nul ne les punirait. Elles pouvaient voler, frauder, dépouiller.

Quant à moi, je comprends les riches familles ou celles qui occupent le pouvoir, mais pas les familles pauvres qui soutiennent Assad. Je pense à mes voisins…ils étaient si pauvres. Je me demandais pourquoi ils soutenaient ce régime ? Que faisait le régime pour eux ?

Après un moment nous avons découvert que c'est quelque chose de religieux pour eux. Les années passées, c'était Hafez Al Assad, et maintenant c'est Bachar Al Assad. Les gens vénèrent ces types. Depuis le début de la révolution, je vais répétant que les manifestants dans la rue, l'opposition, ne sont pas des monstres. J'ai fui en Turquie avec l'aide de l'Armée Syrienne Libre. Ils ont été très bons avec moi et m'ont aidée. Ils savaient que j'étais Alaouite, mais ne m'ont pas tuée comme le pouvoir essaie toujours de le dire.

SD: Pensez-vous qu'ils soient en train de changer d'avis ? Que la communauté change d'opinion ?

Mrie: A présent ils sont coincés en plein milieu. Ils perdent leurs enfants au combat. Ils perdent leur génération à l'armée. Ils savent donc que le pouvoir ne fait rien de bon pour eux, mais en même temps ils ont très peur de l'opposition. Il y a des éléments islamistes dans la révolution, et ça leur fait peur. Ils sont au milieu. Ils savent que le pouvoir ne les aide pas, mais en même temps ils ont peur de l'opposition.

J'ai entendu dire que, lorsque les corps des morts arrivent dans les villages des Alaouites, tout le village se met à maudire Bachar Al Assad et à maudire son gouvernement parce qu'il ne les protège pas et ils se sacrifient pour quelqu'un qui ne fait rien en retour.

SD: D'après ce que nous ne cessons d'apprendre, le régime a terrifié la communauté alaouite au point qu'elle pense que c'est une bataille pour sa survie, ou sa mort. Comment pensez-vous pouvoir apaiser ces craintes ?

Mrie: Le problème de cette communauté c'est qu'elle ne comprend pas. Tout ce qu'ils savent, c'est que si on est Alaouite et contre le régime, le châtiment sera doublé.

S'ils voyaient simplement les informations, allumaient la télé et écoutaient les slogans, ils sauraient que ce n'est pas une révolution contre eux.

SD: Si aujourd'hui quelqu'un se dressait dans la communauté alaouite, comme vous, pour soutenir la révolution, que se passe-t-il ?

Mrie: Ils tueraient sa mère.

SD: C'est ce qu'ils disent ?

Mrie: Non, mais c'est arrivé à moi. Je ne suis pas une terroriste. Je n'ai rien fait de mal. J'ai juste fait un pas hors de ma petite communauté et dit que j'étais avec la révolution, avec mon peuple. Je ne vais pas assister à tout ce bain de sang et me taire. Ce n’est pas une cause politique, c'est devenue une cause de l'humanité…ceci est une révolution pour nous, pour nos enfants et nos petits-enfants.

SD: Le régime entier pourrait changer demain. Si cela arrive, comment cette communauté va-t-elle réagir ? Comment la Syrie va-t-elle changer s'il y a tant de peur à l'intérieur de la communauté alaouite ?

Mrie: Nous avons à présent des zones libérées. Il y a des Alaouites dans ces zones libérées, vous pouvez donc voir des échantillons d'une nouvelle Syrie, comment ce sera. [L'opposition] ne tue pas les Alaouites, ne les chasse pas de leurs maisons. Nous sommes un. Nous ne sommes qu'une bonne communauté. Pas à cause de Bachar Al Assad, mais parce que nous sommes un peuple pacifique.

SD: Il y a des Alaouites dans la coalition, dans l'opposition. Est-ce des personnes respectées par la communauté alaouite dans son ensemble ? Peuvent-elles prendre une position dirigeante, aider la communauté ?

Mrie: La communauté hait les Alaouites qui sont avec Moaz al Khatib. Ils disent que ce sont même pas des Alaouites, mais des proscrits.

Loubna

Je suis dans cette situation moi-même. Ils ont fait effraction dans ma maison, ont volé toutes mes affaires, mes papiers de l'université. De ma communauté alaouite, qui est le soutien du régime, je n'ai rien reçu d'autre que des mauvaises paroles sur Facebook.

SD: Que disaient-ils ?

Mrie: Tu l'as mérité et nous souhaitons que ce qui est arrivé à ta mère t'arrive à toi aussi.

SD: La colère pourrait-elle toujours demeurer contre les Alaouites pour leur appui à Assad, et avec quelles conséquences pour la Syrie ?

Mrie: Les bombardements se poursuivent toujours en Syrie et chaque jour nous avons plus de morts. Nous ne pouvons donc pas vraiment décider maintenant de la forme de la Syrie future. Nous savons que la vengeance ne construit pas un pays, ne construit pas la démocratie. Nous sommes descendus dans la rue et avons fait des sacrifices pour faire un pays neuf ; ce n'est pas la vengeance qui nous y aidera. Mais nous punirons ceux qui ont commis des fautes, qui ont tué.