Article rédigé par cep.
J'ai eu l'occasion de tester la dernière version de Ubuntu, la
12.10, Quantal Quetzal. À première vue rien de bien différent par
rapport à la dernière LTS, la 12.04. À première vue seulement car tout de suite
on trouve avec cette version une lourdeur très marquée dans son utilisation.
Depuis quelques années les Ubuntu n'ont jamais fait preuve de légèreté, de
réactivité comme une Debian par exemple, mais avec la 12.10 c'est à un niveau
jamais atteint. Il est incontestable que le côté bling bling a un poids. Sous
prétexte de rendre la distribution "user friendly" comme ils disent, Canonical
ajoute à profusion tout un tas d'artifices, de gadgets qui ont plus pour
vocation de générer des profits pour l'éditeur, des bases d'informations, des
ventes de logiciels et de services, que de faciliter l'utilisation de leur
produit.
Pourtant la facilité d'utilisation réelle, la légèreté aussi, devraient être
la règle numéro un en fonction des utilisateurs débutants qu'ils clament
vouloir servir. Question légèreté il n'est plus question d'installer une Ubuntu
standard sur un machine sans "muscles" et sans mémoire conséquente. D'ailleurs
depuis la version 12.04 il n'est plus possible de configurer une Ubuntu sur un
processeur non PAE, c'est à dire sur les Pentium M et leurs correspondants, sauf à
trouver certaines mini.iso non.pae (je n'ai pas trouvé de lien). On est loin du
slogan d'humanité pour le monde entier tel qu'il avait été rabâché à profusion
au tout début.
Alors on nous dit aussi que Canonical, la maison mère, est une entreprise et
à ce titre doit générer du profit. Certes, et c'est tout à fait légitime. Mais
n'y a-t'il pas manière et manière de générer du profit ?
L'autre jour le Framablog publiait un article
intitulé : " Ubuntu est-elle une distribution commerciale ? Et si oui
pourquoi le taire ? " :
http://www.framablog.org/index.php/post/2012/10/29/ubuntu-distribution-commercial
dans lequel était traduit un texte de Sam Varghese (voir
son blog : http://wildcard.gnubies.com/ ).
L'auteur écrit entre autres : "Shuttleworth a plus ou moins creusé sa
propre tombe. Il aurait dû être clair quant au chemin qu’il allait prendre,
clair à propos de son but, et faire attention à ce que son plan soit
transparent. Une société basée sur GNU/Linux doit tracer son chemin
différemment d’une société ordinaire ; peut-être que Shuttleworth n’en
avait pas conscience."
Oui, une partie de la gêne provoquée par Canonical vient de ce que le côté
commercial n'a pas été mis en avant dès le début et, au contraire, on a vanté
le côté communautaire, le partage. Mais peu à peu le travail communautaire se
résume, pour cette société domiciliée sur l'île de Man, à profiter des apports
de milliers de bénévoles, comme l'écrit Philippe Scofoni dans un
commentaire sur le Framablog : "C'est vrai que ça coute cher de développer
une telle distribution. Canonical en aurait-il les moyens sans la communauté
tout autour de la distribution ? Tous ces traducteurs, ces testeurs, etc.
Alors se pose la question des bénéfices que retire Canonical de ce travail fait
par des bénévoles... ".Oui, et sans oublier au premier chef le travail des
développeurs Debian et ceux des autres paquets incorporés dans une distribution
Linux.
Mais en ce qui me concerne ce n'est pas tant (ou pas seulement) ce manque
d'affichage du "côté commercial" qui me gêne mais plutôt aussi et surtout la
façon dont on cache et génère certaines sources de revenus.
Petit à petit Canonical pousse ses pions, crée des "particularités", une
interface personnelle, un Software Center dont le but
essentiel est de mettre en avant des programmes payants, des possibilités
d'acheter de la musique auprès de revendeurs affiliés, etc. Même si une
entreprise produisant du "Gnu/Linux" est tout à fait en droit de générer du
profit, ce que d'ailleurs fait Redhat et quelques autres,
est-il pour autant normal que cette même entreprise utilise sa position pour
suggérer sans cesse de la consommation, créer des habitudes d'enfermement sans
en avertir clairement ses utilisateurs au moment de l'installation et tout au
long de l'utilisation ? On pourrait même se demander si l'interface
Unity n'aurait pas été développée pour s'affranchir de
Gnome, non pas pour le bien de l'utilisateur mais plutôt pour
développer en toute liberté ses propres gadgets, lens et autres webapps ?
Et dans une certaine mesure en toute discrétion comme on le verra plus
tard.
On essaye de garder en vase clos les "Ubuntueros" comme ils disent, en les
encourageant à acheter auprès de leurs affiliés, mais pas seulement. On les
traque aussi. Et cela à leur insu. Nulle part lors de l'installation d'une
Ubuntu il n'est précisé que le système que vous allez utiliser va vous traquer,
vous espionner et confier (revendre ?) à des tiers nombre de vos faits et
gestes.
L'épisode Amazon a fait beaucoup de bruit, mais Amazon
n'est pas le seul affilié d'Ubuntu pouvant disposer de vos habituels faits et
gestes. Officiellement il y aurait 24 sociétés qui peuvent vous tracer selon
vos activités, goûts, habitudes. Ce seraient : 3sat Mediathek 7Digital ABC
iView Amazon BBC iPlayer Bing Video Dailymotion Encuentro Facebook Flickr
Google-docs (Google) Headweb identi.ca Picassa (Google) RTVE SCI-FI- LONDON TED
Talks Twitter Ubuntu One Vimeo VODO YouTube Education YouTube Movies YouTube
Shows
Et si vous voulez savoir comment les sociétés "tierces" affiliées à
Canonical gèrent les informations qu'elles obtiennent de vous, vous pourrez
consulter individuellement les sites des 24 sociétés listées ici :
http://www.ubuntu.com/aboutus/privacypolicy/thirdparties
En ce qui concerne Canonical c'est ici :
http://www.ubuntu.com/aboutus/privacypolicy
Et oui, c'est ainsi dans le monde de Canonical, c'est à vous de vous
renseigner auprès de leurs "affiliées" sur les risques que vous courrez.
D'ailleurs la situation est à ce point critique que l'Association
Ubuntu-fr, voulant "masteriser" une version francophone de la Ubuntu
12.10 a jugé nécessaire de prendre contact avec la Cnil et de
développer une routine pour informer l'utilisateur de cet état de fait. On peut
suivre la gestion de ce problème sur le forum ubuntu fr :
http://forum.ubuntu-fr.org/viewtopic.php?pid=11328561#p11328561
"D'un point de vue purement légal, nous avons confirmation que seule
Canonical pourrait être inquiétée sur la question du stockage et du traitement
des données personnelles (termes de recherches et adresses IP, en
l’occurrence); la CNIL pourrait envisager de contacter leurs homologues de
Londres, mais ce ne serait pas de notre fait."
Et les choses risquent d'empirer avec les prochaines versions. Outre le fait
que les versions Gnome dans Ubuntu ne seront plus les dernières versions, les
développeurs agréés par Canonical pour disposer de toutes les informations sur
les nouvelles fonctionnalités seront "triés sur le volet" et devront s'engager
à ne pas communiquer sur les nouveautés avant leur sortie. Voir blog :
http://www.markshuttleworth.com/archives/1200
Et si vous voulez vraiment savoir dans quelles conditions seront développées
et menées "par un petit groupe d'ingénieurs très talentueux" certaines parties
des prochaines Ubuntu/Canonical avec en prime le culte du secret pour pourrez
vous référer à ce blog : http://mhall119.com/2012/11/welcome-to-the-skunk-works/
Pour conclure je citerai encore Philippe Scoffoni avec qui
je suis assez d'accord lorsqu'il ne parle pas de "gouvernance mondiale"
:
http://philippe.scoffoni.net/adware-amazon-ubuntu-12-10-x-repetita-avenir-logiciel-libre/
"Il va falloir un jour que la communauté autour d’Ubuntu se pose clairement
la question de savoir si elle peut accorder sa confiance à une entreprise sur
laquelle elle n’a aucun contrôle. La question se pose de savoir s’il ne
vaudrait pas mieux qu’elle s’investisse sur des distributions GNU/Linux à la
gouvernance plus transparente comme Debian."
À cela j'ajouterai pour les utilisateurs de Ubuntu ne voulant pas se laisser
imposer les "gadgets" Canonical mais voulant rester sur Ubuntu qu'il est leur
est tout à fait possible de nettoyer leur distribution en enlevant ces gadgets
ou "adware". Je mettrai si nécessaire à disposition ultérieurement une manière
de procéder pour faire cela.
Enfin, à l'instar de ce commentateur sur le forum Foronix :
http://phoronix.com/forums/showthread.php?74787-Ubuntu-Looks-To-An-SDK-Improved-App-Development&p=294000#post294000
"I look at Ubuntu the same way I look at Android -- a very popular Linux
fork going their own way. They already have their own desktop (Unity), largely
out-of-tree Gnome (patched to hell), their own init system (upstart), their own
Apple store, and now their own SDK. Ubuntu is not Linux anymore, get over it.
"
on pourrait se demander si Ubuntu va rester encore longtemps (ou est encore)
un "véritable" Gnu/Linux
cep
Original post of Cyrille BORNE.Votez pour ce billet sur Planet Libre.