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Cyrille BORNE : Faut-il "nettoyer" une Ubuntu/Canonical ?

jeudi 8 novembre 2012 à 17:00

Article rédigé par cep.

J'ai eu l'occasion de tester la dernière version de Ubuntu, la 12.10, Quantal Quetzal. À première vue rien de bien différent par rapport à la dernière LTS, la 12.04. À première vue seulement car tout de suite on trouve avec cette version une lourdeur très marquée dans son utilisation. Depuis quelques années les Ubuntu n'ont jamais fait preuve de légèreté, de réactivité comme une Debian par exemple, mais avec la 12.10 c'est à un niveau jamais atteint. Il est incontestable que le côté bling bling a un poids. Sous prétexte de rendre la distribution "user friendly" comme ils disent, Canonical ajoute à profusion tout un tas d'artifices, de gadgets qui ont plus pour vocation de générer des profits pour l'éditeur, des bases d'informations, des ventes de logiciels et de services, que de faciliter l'utilisation de leur produit.

Pourtant la facilité d'utilisation réelle, la légèreté aussi, devraient être la règle numéro un en fonction des utilisateurs débutants qu'ils clament vouloir servir. Question légèreté il n'est plus question d'installer une Ubuntu standard sur un machine sans "muscles" et sans mémoire conséquente. D'ailleurs depuis la version 12.04 il n'est plus possible de configurer une Ubuntu sur un processeur non PAE, c'est à dire sur les Pentium M et leurs correspondants, sauf à trouver certaines mini.iso non.pae (je n'ai pas trouvé de lien). On est loin du slogan d'humanité pour le monde entier tel qu'il avait été rabâché à profusion au tout début.

Alors on nous dit aussi que Canonical, la maison mère, est une entreprise et à ce titre doit générer du profit. Certes, et c'est tout à fait légitime. Mais n'y a-t'il pas manière et manière de générer du profit ?

L'autre jour le Framablog publiait un article intitulé : " Ubuntu est-elle une distribution commerciale ? Et si oui pourquoi le taire ? " : http://www.framablog.org/index.php/post/2012/10/29/ubuntu-distribution-commercial

dans lequel était traduit un texte de Sam Varghese (voir son blog : http://wildcard.gnubies.com/ ).

L'auteur écrit entre autres : "Shuttleworth a plus ou moins creusé sa propre tombe. Il aurait dû être clair quant au chemin qu’il allait prendre, clair à propos de son but, et faire attention à ce que son plan soit transparent. Une société basée sur GNU/Linux doit tracer son chemin différemment d’une société ordinaire ; peut-être que Shuttleworth n’en avait pas conscience."

Oui, une partie de la gêne provoquée par Canonical vient de ce que le côté commercial n'a pas été mis en avant dès le début et, au contraire, on a vanté le côté communautaire, le partage. Mais peu à peu le travail communautaire se résume, pour cette société domiciliée sur l'île de Man, à profiter des apports de milliers de bénévoles, comme l'écrit Philippe Scofoni dans un commentaire sur le Framablog : "C'est vrai que ça coute cher de développer une telle distribution. Canonical en aurait-il les moyens sans la communauté tout autour de la distribution ? Tous ces traducteurs, ces testeurs, etc. Alors se pose la question des bénéfices que retire Canonical de ce travail fait par des bénévoles... ".Oui, et sans oublier au premier chef le travail des développeurs Debian et ceux des autres paquets incorporés dans une distribution Linux.

Mais en ce qui me concerne ce n'est pas tant (ou pas seulement) ce manque d'affichage du "côté commercial" qui me gêne mais plutôt aussi et surtout la façon dont on cache et génère certaines sources de revenus.

Petit à petit Canonical pousse ses pions, crée des "particularités", une interface personnelle, un Software Center dont le but essentiel est de mettre en avant des programmes payants, des possibilités d'acheter de la musique auprès de revendeurs affiliés, etc. Même si une entreprise produisant du "Gnu/Linux" est tout à fait en droit de générer du profit, ce que d'ailleurs fait Redhat et quelques autres, est-il pour autant normal que cette même entreprise utilise sa position pour suggérer sans cesse de la consommation, créer des habitudes d'enfermement sans en avertir clairement ses utilisateurs au moment de l'installation et tout au long de l'utilisation ? On pourrait même se demander si l'interface Unity n'aurait pas été développée pour s'affranchir de Gnome, non pas pour le bien de l'utilisateur mais plutôt pour développer en toute liberté ses propres gadgets, lens et autres webapps ? Et dans une certaine mesure en toute discrétion comme on le verra plus tard.

On essaye de garder en vase clos les "Ubuntueros" comme ils disent, en les encourageant à acheter auprès de leurs affiliés, mais pas seulement. On les traque aussi. Et cela à leur insu. Nulle part lors de l'installation d'une Ubuntu il n'est précisé que le système que vous allez utiliser va vous traquer, vous espionner et confier (revendre ?) à des tiers nombre de vos faits et gestes.

L'épisode Amazon a fait beaucoup de bruit, mais Amazon n'est pas le seul affilié d'Ubuntu pouvant disposer de vos habituels faits et gestes. Officiellement il y aurait 24 sociétés qui peuvent vous tracer selon vos activités, goûts, habitudes. Ce seraient : 3sat Mediathek 7Digital ABC iView Amazon BBC iPlayer Bing Video Dailymotion Encuentro Facebook Flickr Google-docs (Google) Headweb identi.ca Picassa (Google) RTVE SCI-FI- LONDON TED Talks Twitter Ubuntu One Vimeo VODO YouTube Education YouTube Movies YouTube Shows

Et si vous voulez savoir comment les sociétés "tierces" affiliées à Canonical gèrent les informations qu'elles obtiennent de vous, vous pourrez consulter individuellement les sites des 24 sociétés listées ici :

http://www.ubuntu.com/aboutus/privacypolicy/thirdparties

En ce qui concerne Canonical c'est ici :

http://www.ubuntu.com/aboutus/privacypolicy

Et oui, c'est ainsi dans le monde de Canonical, c'est à vous de vous renseigner auprès de leurs "affiliées" sur les risques que vous courrez.

D'ailleurs la situation est à ce point critique que l'Association Ubuntu-fr, voulant "masteriser" une version francophone de la Ubuntu 12.10 a jugé nécessaire de prendre contact avec la Cnil et de développer une routine pour informer l'utilisateur de cet état de fait. On peut suivre la gestion de ce problème sur le forum ubuntu fr :

http://forum.ubuntu-fr.org/viewtopic.php?pid=11328561#p11328561

"D'un point de vue purement légal, nous avons confirmation que seule Canonical pourrait être inquiétée sur la question du stockage et du traitement des données personnelles (termes de recherches et adresses IP, en l’occurrence); la CNIL pourrait envisager de contacter leurs homologues de Londres, mais ce ne serait pas de notre fait."

Et les choses risquent d'empirer avec les prochaines versions. Outre le fait que les versions Gnome dans Ubuntu ne seront plus les dernières versions, les développeurs agréés par Canonical pour disposer de toutes les informations sur les nouvelles fonctionnalités seront "triés sur le volet" et devront s'engager à ne pas communiquer sur les nouveautés avant leur sortie. Voir blog : http://www.markshuttleworth.com/archives/1200

Et si vous voulez vraiment savoir dans quelles conditions seront développées et menées "par un petit groupe d'ingénieurs très talentueux" certaines parties des prochaines Ubuntu/Canonical avec en prime le culte du secret pour pourrez vous référer à ce blog : http://mhall119.com/2012/11/welcome-to-the-skunk-works/

Pour conclure je citerai encore Philippe Scoffoni avec qui je suis assez d'accord lorsqu'il ne parle pas de "gouvernance mondiale" :

http://philippe.scoffoni.net/adware-amazon-ubuntu-12-10-x-repetita-avenir-logiciel-libre/

"Il va falloir un jour que la communauté autour d’Ubuntu se pose clairement la question de savoir si elle peut accorder sa confiance à une entreprise sur laquelle elle n’a aucun contrôle. La question se pose de savoir s’il ne vaudrait pas mieux qu’elle s’investisse sur des distributions GNU/Linux à la gouvernance plus transparente comme Debian."

À cela j'ajouterai pour les utilisateurs de Ubuntu ne voulant pas se laisser imposer les "gadgets" Canonical mais voulant rester sur Ubuntu qu'il est leur est tout à fait possible de nettoyer leur distribution en enlevant ces gadgets ou "adware". Je mettrai si nécessaire à disposition ultérieurement une manière de procéder pour faire cela.

Enfin, à l'instar de ce commentateur sur le forum Foronix : http://phoronix.com/forums/showthread.php?74787-Ubuntu-Looks-To-An-SDK-Improved-App-Development&p=294000#post294000

"I look at Ubuntu the same way I look at Android -- a very popular Linux fork going their own way. They already have their own desktop (Unity), largely out-of-tree Gnome (patched to hell), their own init system (upstart), their own Apple store, and now their own SDK. Ubuntu is not Linux anymore, get over it. "

on pourrait se demander si Ubuntu va rester encore longtemps (ou est encore) un "véritable" Gnu/Linux

cep

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