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La BCE, ta mère et Bilderberg

lundi 10 septembre 2012 à 20:07

(Oh, hé, on arrête de délirer deux minutes là, on ne s’emballe pas, on reprend ses esprits : le rachat de dette par la BCE était attendu depuis des mois, demandé à corps et à cris par les technocrates-oligarques, et cette nouvelle permission ne change rien à la donne. Lancé à 180 km à l’heure tu appuies sur les freins tout en laissant ton pied appuyé à fond sur la pédale d’accélérateur alors que le mur est à 30 mètre, il se passe quoi ? Un gros crissement de frein, de la fumée noire et une caisse qui se jette sur le mur en y arrivant à 160. Mais dans un mur, qu’on y arrive à 160 km/h ou 180, ça change quoi ? Petite mise au point et état des lieux du grand bazar économique et politique en cours.)

Il est toujours amusant de voir la crédulité du plus grand nombre l’emporter quand l’analyse du pourquoi-on-en-est-arrivé-là est à la mode :   le système en place ne serait que la conséquence de choix idéologiques plus ou moins judicieux, d’incompétences vaguement matinées d’arrivisme, de suivisme et d’arrogance, enfin bref : les dirigeants seraient juste des cons bornés, seulement intéressés par l’argent facile et une vision à court termes. En réalité, cette analyse de surface est tout à fait intéressante, mais pour ceux qui tirent les ficelles politiques et économique : il vaut mieux en réalité passer pour un abruti borné, un peu faible, que pour un machiavélique calculateur qui se goinfre sur le dos des peuples…et permet à un système opaque, mafieux et profondément injuste de se perpétuer.

La BCE, ta mère : une accroche facile…surtout la BCE

Parce qu’on s’en fout de ce que fait ou pas la BCE : cette banque centrale indépendante n’est qu’un montage artificiel pour « superviser’ la monnaie franco-allemande, l’euro. La BCE ne fait rien depuis sa création, absolument rien, et n’a de toute manière aucune vocation à faire quoi que ce soit, si ce n’est de gentiment conserver les taux directeurs d’emprunts des banques à un taux ni trop haut ni trop élevé. Quant à ta mère, il est probable que tout ça la dépasse, ce qu’on peut comprendre.  Reste Bilderberg. Nous allons y venir, mais avant, un petit extrait du dernier bouquin de Michel et Monique Pinçon-Charlot, « L’argent sans foi ni loi », qui va éclairer notre lanterne sur l’état de l’économie et de la politique dans le monde et plus particulièrement en Europe :

« Lorsqu’un client demande à sa banque un crédit de 200 000 euros pour acheter un appartement, cela ne signifie pas que la banque va chercher de l’argent dans ses coffres : elle crée 200 000 euros par une simple écriture comptable.« 

C’est important ça, bon à  savoir. L’argent n’existe pas, seule la dette existe. La BCE, c’est du flan. Et puis surtout, dans le même temps, et nous vous en avons beaucoup parlé sur Reflets, il y a comme un problème avec des produits financiers complexes qui s’échangent en haute-fréquence et chamboulent les économies sans rien créer :

« Les transactions sur les produits dérivés et les autres produits financiers spéculatifs ont été 74 fois plus importants que le PIB mondial en 2008 (15 fois en 1990). Les grandes banques françaises consacrent aujourd’hui 80% de leur potentiel à la spéculation et seulement 20% à la gestion des dépôts, salaires et pensions de leurs clients ordinaires. Les « riches » prennent bien soin, cela dit, d’investir aussi dans l’économie réelle. C’est pourquoi, par exemple, ils n’ont pas souffert de la crise des subprimes qui a ruiné les classes moyennes étatsuniennes.« 

Allo, la Terre ? Des transactions sur les produits dérivés 74 fois plus importante que  le PIB mondial ? 80% d’activité spéculative des banques ? Comme dirait l’autre, y’a une couille dans le potage, et on est pas sortis de l’auberge…

Tout le monde a suivi la problématique des spéculations sur les dettes souveraines qui est déclarée comme une « crise », alors qu’en réalité il n’y a que des titrisations pourries qui ont contaminé le système bancaire et embarqué l’Europe dans une surenchère révélant les faiblesses structurelles de l’union monétaire. Mais tout ce montage, savamment concocté depuis le début des années 70 (voir les origines de la crise), qui a profité à quelques uns dont nous avons une brochette représentative assez conséquente dans les sphères du pouvoir politique et des spécialistes de la rente, n’est pas innocent. D’ailleurs, en pleine « crise » des dettes souveraines, il suffit d’aller consulter les statistiques pour se rendre compte que si les populations souffrent économiquement, les classes dirigeantes et les rentiers du capitalisme mondialisé vont très bien. Et ils n’iront pas mal, au contraire, même si le casse-gueule à venir, très prévisible, se révèle être ce qu’il est : un crash mondial.  Pourquoi ? Parce que les décisions ou non-décisions politiques des plus grandes puissances mondiales sont discutées en dehors de tout débat démocratique, en petit comité, avec des informations de première main qui permettent à tout ce beau petit monde de laisser venir et orienter dans le sens qui les avantage.

Mais qu’est ce que c’est ce discours ? Un complot , une conspiration ou quoi ?

Allez, il est toujours très pratique de venir balayer toute analyse politique embarrassante en traitant ceux qui tentent de comprendre avec des outils gênants,  d’adeptes du conspirationnisme. Sauf que des réalités têtues viennent contrecarrer les explications sympathiques des foules qui continuent à croire qu’une opposition politique et des choix gouvernementaux peuvent être en cause dans le grand bazar qui nous entoure. Les sociologues cités plus haut, qui travaillent depuis des années sur les sphères des plus riches amènent une petite analyse intéressante sur ce sujet de la complicité des élites, quelles qu’elles soient :

« La raison pour laquelle les dirigeants des grandes entreprises sont désormais à la fois excellemment bien rémunérés et, en même temps au service étroit des intérêts des actionnaires, c’est que, justement, une bonne partie de leur rémunération est versée sous forme d’actions, pire de stock-options. Leur intérêt n’est pas la santé objective des entreprises qu’ils dirigent – et évidemment pas celle du « capital humain – mais leur valeur en bourse. Il leur faut donc, sans même nécessairement créer de la richesse, baisser le « coût » du travail, pousser les gouvernants à réduire les déficits et équipements publics. Ces gouvernants, sociaux-démocrates au premier chef (la Bourse ne s’est jamais aussi bien portée que sous le gouvernement Jospin en 2000), font le « sale boulot » en détruisant les protections sociales, en réduisant légalement les droits des travailleurs, en privatisant les biens publics. Ils sont pilotés par des structures plus ou moins formelles comme le Forum de Davos, le groupe de Bilderberg où la Commission trilatérale. Commission fondée en 1972 à l’initiative du banquier et industriel David Rockefeller, elle fut longtemps dirigée par le conseiller de Jimmy Carter Zbigniew Brzezinski, proche de Henry Kissinger. Parmi ses membres français, on compte François Bayrou, Nicolas Beytout, Patrick Devedjan, Laurent Fabius, Henri Proglio, Hubert Védrine (membre du CA de LVMH, comme son « camarade » socialiste Christophe Girard), Élisabeth Guigou (http://vigiinfos.canalblog.com/archives/2012/05/30/22788584.html). Cette dernière retrouve Mario Monti, Michel Barnier ou Pascal Lamy au conseil d’administration du think tank des Amis de l’Europe. » 

Et en France, on n’aime pas parler de ces groupes dont de nombreux membres ou dirigeants sont Français : tout ça c’est de la théorie du complot, hein ? Un petit extrait pour conclure et laisser une réflexion s’opérer, tirée d’un blog de chercheurs du courrier international. Attention, ça énerve… :

Le 31 mai 2012 commence à Chantilly (Virginie, Etats-Unis), à une quarantaine de kilomètres de la Maison Blanche, la rencontre de Bilderberg de cette année. Le cercle de Bilderberg se définit lui-même toujours comme un « forum Européen – Américain », et c’est sans doute sa principale spécificité par rapport à la Commission Trilatérale dont la réunion annuelle a eu lieu à Tokyo il y a un peu plus d’un mois. Sous la présidence du PDG d’AXA Henri de Castries, environ 145 participants sont annoncés au Bilderberg de 2012 dont la durée est prévue jusqu’à dimanche. Un article du 31 mai du Huffington Post porte le titre « Bilderberg 2012: Global Leaders Gather For Shadowy Conference At Virginia Hotel », évoquant des mesures sécuritaires sans précédent alors que The Guardian écrit « Bilderberg 2012 : the technocrats are rising at this year’s annual conference »et mentionne en même temps l’activité de la CIA devant la création d’un collectif Occupy Bilderberg. Le 31 mai également, le site de Daniel Estulin diffuse une note intitulée « Bilderberg is ‘a conspiracy reality’ » qui renvoie à son tour à une interview de cet auteur avec WND. Mais de leur côté, les médias français restent incroyablement silencieux sur cette rencontre que préside pourtant un influent PDG français ami personnel de François Hollande et à laquelle participe, en tant que directeur général de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), le « socialiste » français Pascal Lamy. Ou encore, Anousheh Karvar (CFDT,Terra Nova…). Au même moment, la Commission Européenne vient de mettre en ligne ses « Recommandations pour la stabilité, la croissance et l’emploi » pour la période 2012-2013. Parmi les membres d’instances de l’Union Européenne participant à la rencontre de Bilderberg de 2012, on trouve : le vice-président de la Commission Européenne et Commisssaire Européen à la Concurrence Joaquín Almunia, le Commissaire Européen au Commerce Karel de Gucht, la Commissaire Européenne chargée de la Société Numérique Neelie Kroes et le Secrétaire général exécutif du Service Européen pour l’Action Extérieure Pierre Vimont. De quoi, concrètement, discutera-t-on à Bilderberg en rapport avec la situation des pays de l’Union Européenne ? Quels intérêts guideront ce débat ?

Oui, oui, « les médias français restent incroyablement silencieux sur cette rencontre que préside pourtant un influent PDG français ami personnel de François Hollande et à laquelle participe, en tant que directeur général de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), le « socialiste » français Pascal Lamy » : on se demande bien pourquoi ?

Il faut lire la suite de l’article, très intéressante sur les décisions de la commission européenne et ses préconisations, reliées aux réunions de Bilderberg et de la Trilatérale: http://science21.blogs.courrierinternational.com/archive/2012/05/31/bilderberg-2012-quels-objectifs-i.html

Et puis arrêter de croire qu’on est en démocratie, que voter a un quelconque intérêt…

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Augmenter la masse monétaire, oui mais pour qui ?

dimanche 9 septembre 2012 à 22:04

L’annonce de Mario Draghi de racheter massivement (mais sous condition) la dette publique des pays du Sud a créé beaucoup d’émoi parmi la presse allemande et autres blogueurs, et éditorialistes, qui s’inquiètent de l’augmentation catastrophique du bilan de la BCE. Pourtant lorsque l’on regarde de près les arguments invoqués, ils ne sont pas toujours justes… et leur dogmatisme évite de poser la vraie bonne question : à qui doit profiter la création monétaire ?

Rappel: la BCE ne peut pas faire faillite

En guise de rappel, j’expliquais dernier article sur Reflets pourquoi la BCE ne peut pas faire (comptablement) faillite. Manifestement, le mythe continue d’être asséné comme un épouvantail par certains. Ainsi, Philippe Herlin, blogueur de longue date sur la crise de la dette affirme sur son blog :

(…) la BCE encaissera la perte comme tous les autres détenteurs, alors que pour la Grèce elle était passé à travers. Vu la taille de son bilan, la BCE tombera automatiquement en faillite… à moins que les Etats actionnaires ne compensent la perte, et ils y seront obligés car une banque centrale en faillite fait tomber tout le système monétaire et financier. Et qui paiera ? Le contribuable, bien sûr. Mais cela, Super-Mario ne l’a pas expliqué.

Normal, Monsieur Herlin, ce que vous dites est faux (je vous invite à lire l’article indiqué plus haut). Mais passons, car ce point n’est pas majeur dans ma démonstration.

Création monétaire ! OMG !!?

Les chantres de malheur nous prédisent de l’inflation à deux chiffres, le chaos social et l’arrivée consécutive des martiens sur la Terre. Leur argument ? Rachat de dette = augmentation de la masse monétaire = inflation.

Rien que ce seul raisonnement est contestable car si on le suit à la lettre, il faudrait en conclure qu’il ne faut JAMAIS créer de la monnaie, puisque cela provoquerait forcément, automatiquement, irrémédiablement de l’inflation. Ce n’est bien sûr pas forcément faux, mais alors comment fait-on pour échanger avec de la monnaie ? Je veux dire : si créer de l’argent c’est le MAL, comment on fait pour le faire exister, cet argent ? Il faut bien que la monnaie soit créée à un moment où à une autre pour qu’elle circule dans l’économie. À moins que ces économistes ne défendent un système sans argent, mais j’en doute…

En fait, la masse monétaire n’est pas (et ne doit pas être) un stock fixe, sa taille a besoin de fluctuer en fonction des besoins de l’économie et de ses participants. Il faut voir la monnaie comme un flux.

Il est donc curieux que rien que l’évocation de la « création monétaire » hérisse autant de poils chez les uns et les autres. Ce sujet ne devrait pas être un tabou.

Et la planche à crédit ?

De plus, si l’utilisation de la planche à billet par les banques centrales fait autant jaser, pourquoi ne parle-t-on tout autant de la “planche à crédit » dont les banques privées ont usé et abusé ces dernières décennies et donc l’effet inflationniste haussier sur le prix de l’immobilier n’est plus à prouver ? (cf subprimes) Faudrait-il également rappeler que le cout du logement n’est pas pris en compte dans le calcul de l’inflation ?

Indice des prix de l'immobilier - zone euro (source: BCE)

Indice des prix de l’immobilier – zone euro (source: BCE)

Il est bien beau de revendiquer que les banques centrales ne doivent pas recourir à la création monétaire, mais encore faudrait-il, pour être cohérent, dénoncer également les abus des banques privées de leur usage du privilège de création monétaire dont elles disposent, et qui profite aux investisseurs immobiliers et riches épargnants plus bien sûr qu’à Madame Michu.

Quid du rabais sur les taux ?

Admettons néanmoins que l’inflation augmente suite à l’intervention prochaine de la BCE. Mais quid de la baisse des taux des bons du trésor ? On oublie en effet de rappeler que si les taux baissent grâce à la banque centrale, c’est aussi le coût du service de la dette qui diminue, autrement dit la quantité d’argent transféré du contribuable vers les investisseurs et créanciers étrangers, et autres personnes plutôt aisées, dans une forme de racket indolore bien propre à notre système capitaliste. Donc, ce que perd le pauvre petit contribuable d’un côté (par l’inflation), il le regagne d’un autre coté.

Mais bien sûr ce n’est pas ce qui se passera dans le cas présent puisque l’austérité restera la condition des rachats de dette. Mais encore une fois, ne disqualifions pas dogmatiquement toute intervention des banques centrales sous de mauvais prétextes.

Ce qu’il faut bien voir aussi, c’est que les interventions de la BCE ne font que contrecarrer les dysfonctionnements du marché monétaire de la zone euro. Cette intervention est à ce titre légitime. Si l’on part du principe que l’on s’interdit de faire défaut, alors les taux aussi élevés de la dette italienne ou espagnole sont absolument illégitimes. En effet, comme je le rappelais dans cet article :

  • soit la dette publique est effectivement risquée, alors un taux d’intérêt élevé est légitime, mais cela implique que le risque justifiant cette rente peut se réaliser. En d’autres termes, un Etat comme la Grèce peut tout à fait se mettre en faillite et ne pas rembourser ses créanciers.
  • soit on stipule que la dette souveraine n’est pas risquée (ce qu’ont présumé pendant trop longtemps les marchés, sans que cela ne soit inscrit nulle part dans des textes de lois !), auquel cas les taux d’intérêts élevés tels que le sont ceux de la dette des pays méditerranéens sont absolument illégitimes. Pourquoi ? Tout simplement car la prime de risque est alors nulle (la prime de risque étant ce qui justifie une partie du taux d’intérêt, en plus du taux d’actuariat). Dans une telle hypothèse, les taux devraient être capés à un certain niveau (+/- celui de l’inflation) , ou la Banque centrale devrait pouvoir prêter en dernier ressort à l’Etat. Mais en contrepartie, tous les moyens requis pour rembourser la dette seraient également légitime (austérités, privatisations etc).

Jusqu’alors, nous nous interdisions de faire défaut et de corriger les dysfonctionnements de la dette. Autrement dit, on donne le beurre et l’argent du beurre aux investisseurs. Mais étrangement, ceux qui s’insurgent contre l’intervention de la BCE n’évoquent que très peu ce dilemme, préférant défendre à leur insu le statu quo (qui les arrange bien?).

Alors peut être bien que l’intervention de la BCE est une mauvaise idée (je suis personnellement convaincu que le défaut est à la fois souhaitable et inévitable)… Mais des mauvais arguments pour justifier une bonne conclusion demeurent… de mauvais arguments.

Un vrai bon argument contre le QE

Maintenant, si vous voulez de vrais arguments contre le quantitative easing, jetez plutôt un oeil à cet article du Guardian qui nous indique que dans un rapport de la Banque d’Angleterre elle-même, celle-ci reconnait que sa politique de quantitative easing a profité aux plus riches :

La Banque d’Angleterre a calculé que la valeur des actions et obligations avaient augmenté de 26% (soit 600 milliards de pounds) suite à la politique monétaire, soit l’équivalent de 10.000£ par ménage du Royaume Uni. Mais elle ajoute que 40% des gains sont allés aux 5% les plus riches.

Remarquez donc bien que je ne m’enthousiasme pas de l’annonce de la BCE : tout va continuer gentiment comme avant puisque nous serons toujours les grands perdants.

Mais où est le vrai problème ? Le vrai problème est-il vraiment le gonflement du bilan de la BCE ? Où bien est-il plus précisément que cette création monétaire n’est pas affectée aux bons endroits, ne profite pas aux bonnes personnes ?

Autrement dit, et si on pouvait faire mieux, autrement ?

Renflouons les citoyens !

Imaginez par exemple que l’on utilise la planche à billet pour financer un revenu de base aux citoyens de la zone euro !! Plutôt que de verser le fruit de la création monétaire dans les comptes de trading des banques, la BCE verserait quelques centaines d’euros pas mois dans les dépôts bancaires des citoyens de la zone euro.

Prenez moi pour un fou si vous voulez, mais l’idée, si elle est hétérodoxe, n’en est pas moins sérieusement fondée. Et n’est d’ailleurs pas inconnue des hautes instances (au sein de la Banque d’Angleterre, par exemple). Jugez en cette tribune de Anatole Kaletsky sur le site de Reuters :

Une telle mesure est trop controversée pour qu’aucun décideur n’en parle publiquement, même si certains en ont discuté en privé. Plutôt que de donner l’argent fraichement imprimé aux traders, les banques centrales pourraient la distribuer directement au public. (…) Cela n’augmenterait pas la charge de la dette puisque ces versements seraient financés par la planche à billet, à un coût nul pour le gouvernement autant que pour les générations futures, au lieu de vendre des obligations à intérêt.

Donner de l’argent gratuitement peut paraitre trop beau pour être vrai, ou même largement irresponsable, mais c’est exactement ce que la Fed et la Banque d’Angleterre ont fait pour les banquiers et les traders des marchés monétaires depuis 2009. Diriger le QE vers le grand public ne serait pas seulement plus juste, mais serait également plus efficace.

Il ajoute plus loin :

Distribuer de l’argent au grand public était la seule réponse aux interminables récessions et pièges à liquidités qui unissaient Milton Friedman et John Maynard Keynes.

Le seul (vrai) problème ? Je l’ai trouvé dans cet article qui évoque également cette possibilité :

Bien sûr, si vous commencez à donner de l’argent directement aux gens, il se pourrait qu’ils finissent par comprendre que le système économique dans son ensemble est basé sur une drôle de monnaie… Et qui sait ce qui se passerait ensuite ?

Je vous laisse méditer…

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Le centre commercial du désert

samedi 8 septembre 2012 à 16:27

L'arnaque, Jean de MaillardQuand on s’intéresse au sujet, on entend régulièrement que les banquiers fraudent, que la finance n’a pas de règles, etc. Mais on a rarement l’occasion d’avoir un véritable aperçu de comment se passent les choses, ni même des combines employées. Tout est considéré comme étant très complexe, savant ou obscur. Et cela donne de la finance une image de grosse pieuvre opaque où il se passe tout et n’importe quoi pourvu que ce soit compliqué et hors d’atteinte de compréhension du commun des mortels. Or, tout n’est pas si complexe. Démystifier la finance, la rendre intelligible est à la portée de qui s’y intéresse un minimum.

Le livre de Jean de Maillard, « L’arnaque« , analyse les crises financières en considérant que la fraude est systémique (alors que les crises sont généralement considérées comme un épiphénomène). Et c’est passionnant. Autant pour les explications claires et précises sur l’évolution de la finance au cours de ces dernières années que pour le point de vue développé. Il y a notamment un passage particulièrement marquant et que Reflets voudrait partager avec vous : une fiction de fraude s’appuyant sur la construction d’un centre commercial en plein désert. L’extrait étant relativement long et constitue le point central de cet article. Merci à Jean de Maillard qui nous a autorisé à le publier. Voici comment commence la fraude (p51 et suivantes) :

Un promoteur propose un projet de centre commercial à une caisse, dont il évalue le coût de construction à trois millions de dollars, prétendant pouvoir le revendre quatre millions quand il sera achevé. Sa propre mise n’est que de 50 000 dollars, mais cela ne trouble pas la caisse, pas plus que le lieu de l’implantation du complexe, quelque part dans le désert. Ayant obtenu son emprunt, il commence la construction et se verse des confortables honoraires – disons 200 000 dollars -, ce qui fait plus que rembourser son apport personnel. Personne ne s’est préoccupé – faut-il le préciser ? – de savoir s’il y a des candidats pour s’installer dans ce complexe commercial, des clients pour y faire leurs emplettes ou des investisseurs intéressés par un placement ultérieur, car en réalité la question n’est pas là. Pour justifier une opération si hasardeuse, on s’est contenté de faire évaluer le projet par un expert – il existe aux Etats-Unis une corporation spécialisée dans ces expertises, les appraisers (« évaluateurs »), dont la moralité est loin d’être à toute épreuve, et qui jouera un rôle déterminant plus tard dans la crise des subprimes – qui vient attester sans sourciller la valeur économique du projet immobilier au prix que le promoteur lui a glissé dans l’oreille. Tout le monde est content : le courtier qui monte le prêt pour le compte de la caisse touche sa commission, le promoteur obtient un gros emprunt sur lequel il va vivre le temps que son projet sorte de terre et l’appraiser est généreusement défrayé pour son évaluation complaisante.

Le bon sens voudrait que la caisse d’épargne se préoccupe quand même un peu de la viabilité du projet qu’elle va financer. Mais la déréglementation est passée par là, les Saving & Loan peuvent faire ce qu’elles veulent, où elles veulent et elles sont soit aux abois, soit dirigées par des escrocs ou des truands. Nul n’a cherché à s’assurer de l’utilité du projet ni ne se préoccupe, par conséquent, de la manière dont le promoteur va construire son complexe commercial, ni non plus ne vérifie la qualité des matériaux qu’il emploie sur le chantier (le promoteur peut se faire un petit profit supplémentaire en utilisant des matériaux de qualité inférieure par rapport à ceux prévus dans les plans initiaux) ou l’avancement de celui-ci. Les provisions financières n’en tombent pas moins avec régularité et, quand la construction est achevée, c’est un immeuble piteux et inutile qui se dresse au milieu de nulle part, et dont personne évidemment ne sait quoi faire. A la fin (provisoire) de l’histoire, le promoteur se retrouve avec un complexe commercial vide d’occupants et qui le restera. Il a perdu ses 50 000 dollars et ne peut faire face aux échéances de son emprunt. Mais il s’est largement rattrapé sur ses honoraires qu’il a puisés dans l’emprunt et sur les détournements qu’il a effectués au détriment de la qualité de la construction. La caisse va donc faire jouer l’hypothèque qu’elle a prise sur l’ensemble immobilier mais, ô surprise, elle s’aperçoit que la valeur de celui-ci n’est plus de quatre millions de dollars comme promis, ni même de trois, tout au plus de deux. Le promoteur est déjà loin, mais qu’à cela ne tienne, puisque la caisse est devenue propriétaire, c’est elle qui va poursuivre l’arnaque.

La voici donc maintenant avec une propriété inutile de deux millions de dollars à l’actif de son bilan. Reste à régler le problème comptable du prêt impayé, avant de repartir vers de nouvelles frasques. Si elle trouvait un acquéreur pour la somme de deux millions de dollars, valeur maximale du complexe immobilier, elle devrait enregistrer et provisionner une perte d’un million de dollars. Mais elle n’a même pas d’acquéreur. Fâcheuse posture qui pourrait réveiller les superviseurs de leur profonde torpeur et peut-être l’obliger à déposer son bilan. C’est compter sans l’imagination des banquiers. La caisse commence par chercher un autre promoteur, aux ambitions encore plus démesurées que le précédent, puisqu’il rêve d’un complexe encore plus grand, à six millions de dollars.

Acte 1 : la caisse déniche sans difficulté un appraiser qui lui certifie une évaluation du complexe, déjà construit dans les conditions que l’on connaît, au prix désormais de cinq millions de dollars. Acte 2 : la caisse propose au second promoteur un prêt de six millions de dollars à condition qu’il achète son complexe commercial en déshérence pour le prix évalué par l’expert véreux, soit cinq millions de dollars. Acte 3 : la caisse prête au promoteur ses six millions de dollars pour qu’il achète son immeuble. Sur l’emprunt qu’elle accorde au promoteur, elle va imputer l’apport personnel que le promoteur est censé verser – il n’a donc même pas besoin de débourser un centime – ainsi que les échéances couvrant deux années de remboursement. Pour que les choses soient bien claires : non seulement le second promoteur n’a pas versé un seul dollar pour le rachat du complexe commercial vide d’occupants et de clients, mais la banque a inclus dans son prêt deux années de remboursement de ce même prêt et donc elle se rembourse avec son propre argent… Qui dit mieux ? Acte 4 : les comptables entrent en action, ils vont maintenant habiller la combine pour transformer une perte pharaonique en gain fabuleux.

Nos magiciens vont s’y prendre de la manière suivante : les trois millions prêtés au premier promoteur apparaissent en charge, mais l’immeuble a été revendu cinq millions (au lieu de deux). Bénéfice affiché : deux millions de dollars ! Mieux encore, la caisse touche tous les mois ses remboursements de prêt du second promoteur et pour cause, puisque c’est elle-même qui se les verse. Elle enregistre donc un chiffre d’affaire positif. Mais ce n’est pas fini : la caisse s’est défaussée de l’immeuble du premier promoteur qu’elle avait sur les bras sur le second promoteur, celui qui rembourse son prêt rubis sur l’ongle avec l’argent que lui a prêté la caisse. En réalité, comme c’est la caisse qui paie tout, elle se retrouve « plantée » de neuf millions de dollars. Mais on n’y voit que du feu jusqu’au baisser de rideau, pourvu que les auditeurs ne viennent pas fouiner trop avant, et surtout trop tôt, dans les comptes. Pour la petite histoire, il semble bien que la Silverado où officiait Neil Bush se soit trouvée impliquée dans diverses affaires de ce genre.

Cette cavalerie ou « boule de neige » plongera dans des abîmes de perplexité n’importe qui, un peu sensé et approximativement honnête : durant tout ce temps, la caisse doit servir 15% d’intérêts (taux à l’époque) à ses déposants, tandis qu’elle se contente, en fait de rentrées d’argent, de percevoir les échéances d’un prêt qu’elle paie elle-même et enfin, au terme de deux ans pendant lesquels elle se rembourse à elle-même son propre prêt, elle aura toujours sur les bras son programme immobilier invendable puisque le second promoteur aura alors, bien entendu, rejoint le premier dans la banqueroute. Le tout pour neuf millions de dollars, comme cela a déjà été dit. Mais c’est oublier que les Savings & Loan ne sont plus que des machines à sous trafiquées, cachées derrière un décor de pacotille. Prêter de l’argent pour contribuer à l’amélioration de l’habitat est devenu le cadet de leurs soucis et sûrement pas, en tous cas, le moyen par lequel elles veulent gagner de l’argent. Ce qu’elles font, c’est écumer les campagnes à la recherche de déposants attirés par des taux faramineux, en les rassurant avec la garantie des 100 000 dollars sur les dépôts donnée par le gouvernement. Et surtout elles misent à tire-larigot sur le marché des junk bonds. Là encore, il faut aller voir d’un peu plus près comment les choses se sont passées.

Emettre des junk bonds assure des rentrées d’argent juteuses, en acheter aussi. On peut donc gagner sur les deux tableaux, tel est le miracle de la finance malodorante. Les plus malignes des caisses (disons plutôt les plus malins de leurs dirigeants) vont se servir en effet des junk bonds pour monter des LBO ou, plus simplement, elles vont en vendre pour pouvoir en acheter et faire la culbute autant de fois que le système le permettra dans l’attente de la chute finale. […]

Avec ces manières de faire, la faillite est évidemment assurée mais, on s’en doute, l’argent n’est pas perdu pour tout le monde. Pourtant, personne n’a jamais sérieusement demandé à Keating, Good, Walters, Bush, Paul et tous les autres de rembourser quoi que ce soit. Ils ont continué de rouler en voiture de luxe, d’habiter des maisons cossues dans les plus beaux quartiers des villes les plus chères. La seule précaution qu’ils ont dû prendre a consisté, comme Neil Bush, à mettre l’argent dans des trusts ou au nom de leur épouse. […]

Il n’empêche que le grand mystère des Savings & Loan, jamais éclairci, est de savoir où est passé l’argent. Question à 500 milliards de dollars. […] En fait, il y a d’ailleurs une question dans la question, plus intéressante encore : pourquoi personne ne s’est-il préoccupé de retrouver cet argent et de faire rendre gorge aux spoliateurs qui ont détroussé les petits épargnants trop confiants et le contribuable américain, payeur en dernier ressort ? Force est de dire que la grande presse américaine, d’habitude si jalouse de son indépendance et si fière de ses capacités d’investigation, a brillé dans cette affaire par son inconsistance. Seuls quelques journalistes, universitaires et chercheurs, curieux mais isolés, sont allés renifler du côté des alambics qui ont servi à fabriquer cette impressionnante distillerie financière. De leur propre aveu ils n’ont pu en reconstituer qu’une faible partie, qui laisse cependant déjà rêveur. Car ce que l’on trouve dans ce scandale est un assemblage ahurissant de financiers douteux, de mafieux, d’escrocs, d’agents de la CIA, d’hommes politiques de tous niveaux, jusqu’au plus élevés. De quoi alimenter le fantasme de conspiration cher aux Américains. Comme l’a avoué Dick Thornburgh, Attorney General [ndlr : équivalent au ministre de la justice] de George Bush, un brin laconique et sur un ton désinvolte : « Il y a beaucoup de gens à blâmer dans ce fiasco. »

En lisant ce passage, on se dit « on y est ! ». Voilà, pour une fois, expliquée clairement toute la perversité du système : les affreux organisent des arnaques massives en étant protégés par le système (ils ne sont pas contrôlés, ni avant, ni après, ni même poursuivis ; alors ne parlons pas d’être condamnés…). Le pillage des travailleurs et des Etats par des banquiers véreux se passe au grand jour et dans l’impunité la plus totale. Et il ne faut pas s’en étonner quand l’idéologie dominante est à la dérégulation : plus de limites, plus de contrôles, plus de responsabilités, la seule règle qui reste est celle de l’argent facile et rapide. Bien sûr, chaque fraudeur est en réalité responsable de ses actes (encore qu’il faille vérifier qu’il n’y ait pas été contraint) mais si l’on cherche les véritables responsabilités de cette arnaque globale, il faut regarder du côté des politiciens au pouvoir qui ont totalement démissionné de leurs attributions en faisant de la finance une zone de pillage et de non-droit.

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Pari passu, pas vu pas pris, la BCE et le mur

vendredi 7 septembre 2012 à 14:38

Alors…, Vous avez vu ? L’euro est sauvé. Et c’est Mario Draghi qui l’a fait. Nicolas Sarkozy, le fameux sauveur de la zone euro peut aller se rhabiller. Ne parlons même pas de François Hollande et de son volet de croissance, ni d’Angela Merkel et de son austérité. Tous des petits joueurs. Il aura suffi que super Mario fasse quelques déclaration hier pour que la solution tant attendue soit enfin dévoilée. Paf ! Une annonce de rachat de dette sans limite, le conditionner à de l’austérité et hop, les marchés jubilent. Enfin « rassurés ». Les marchés action sont au beau fixe, les taux des pays visés par l’annonce, l’Espagne et l’Italie, baissent. Bref, une réussite sur toute la ligne. Notez que même la presse française salue l’immense réussite de l’ancien vice président de la branche européenne de Goldman Sachs. C’est dire.

Reflets a obtenu une interview exclusive du professeur Philippulus, expert international qui a une vision un peu divergente.

- Reflets : Professeur, vous semblez peu optimiste à propos des décisions annoncées hier. Pourquoi ?

C’est le châtiment ! Faites pénitence ! La fin des temps est venue ! Oui, nous aurons la peste ! … Et le Choléra !… Et ce sera la fin du monde valet de Satan !

– Oui, bon…, mais nos lecteurs attendent des explications plus précises, Professeur…

Commençons par le concept du rachat de dette des pays en difficulté.

D’une part, les dernières tentatives de ce genre n’ont pas fonctionné, d’autre part, c’est un message terrible envoyé aux pays en question : vous avez vécu à crédit, vous allez pouvoir continuer.

- Mais cette fois c’est différent, ces rachat seront conditionné à des programmes d’austérité !

Les programmes d’austérité étaient mis en place avant. L’Italie et l’Espagne les ont démarré avant l’été. Plus d’austérité ne fera que freiner un peu plus une croissance déjà en berne. Pas de croissance, pas de recettes fiscales. Pas de recettes fiscales, pas d’assainissement des comptes. Pas de baisse de l’encours de la dette. La seule chose qui est certaine avec ces programmes façon FMI des années 80, ce sont des troubles sociaux très sérieux dans quelques temps.

Par ailleurs, accepter des mesures d’austérités comme annoncé va probablement impliquer des décisions au sein des parlements de ces pays. Et cela va décaler le début des opérations. Attendez que les marchés aient intégré cette donnée et vous verrez les taux de ces pays repartir en flèche.

- Vous êtes très négatif, Professeur. Cette fois, la BCE a lancé un message fort avec la séniorité !

Le fait d’opter pour le Pari Passu et donc de renoncer à son statut de senior bondholder ne fait qu’aggraver la situation, à terme. Premier point, cela implique que si l’Espagne fait défaut (et/ou l’Italie) ou si la dette de ces pays est restructurée, la BCE verra ses actifs terriblement dépréciés. La « stérilisation », c’est bien joli mais je n’y crois pas vraiment dans le cas qui nous occupe. Notez que les pays de la zone son ses « actionnaires ». Qui paiera pour renflouer la BCE ? Les contribuables. S’ils le peuvent encore. Bon courage… En d’autres termes, pour que vous compreniez bien, on va faire payer aux citoyens les conneries des politiques, des financiers, des ultra libéraux. Le surendettement, que ce soit pour le secteur privé ou le secteur public, ça finit toujours de la même manière. On ne peut plus rembourser. Emprunter pour rembourser de la dette, c’est ridicule.

Deuxième point, lors des rachats de dette précédents, comme pour la Grèce, ceux-ci se faisaient avec un statut de séniorité. Du coup la Grèce, en cas de pépin, risque bien d’expliquer que ce que l’on fait pour l’Espagne, on doit le faire pour elle. Bien entendu, ce ne sont pas les mêmes marchés (dette primaire et secondaire), mais même si le droit permet, en toute logique, que les traitements soient différents, la Grèce ne se privera pas de pousser ses pions.

– Vous êtes un oiseau de mauvaise augure et en plus, les faits vous donnent tort ! Les taux espagnols ont baissé !

Et ? Vous trouvez que c’est une réussite une baisse de 6,6% à un peu moins de 6 % du dix ans ? L’Espagne ne s’en sortirait pas même avec une baisse très importante de ses taux long terme. Éviter un défaut, gagner du temps (encore et toujours), c’est possible avec la jolie monétisation de la dette décidée par Mario Draghi. Régler les déséquilibres macro économiques existants, c’est impossible. C’est tout le mécanisme annoncé hier et les pseudos solutions énoncées auparavant qui reposent sur des fondations bancales. Croyez-vous qu’il soit logique d’appliquer les mêmes « remèdes » (la même politique monétaire) à des pays ayant des environnement macro économiques aussi différents ? Tout ça ne peut que mal finir. C’est le châtiment ! Faites pénitence ! La fin des temps est venue ! Oui, nous aurons la peste ! … Et le Choléra !… Et ce sera la fin du monde valet de Satan !

- Reprenez-vous Professeur…

Vous avez raison, je m’égare. Revenons à la baisse des taux hier :

Elle est belle la baisse, hein ?

Attendez, prenez du recul pour avoir une meilleure vue.

Avec l’annonce d’hier, on atteint le niveau de mai dernier, soit à peine trois mois en arrière… Vous noterez par ailleurs que le dernier sommet de la dernière chance (Hollande-Merkel) du 29 juin 2012 – que tout le monde avait salué positivement, a eu un effet mitigé sur les taux espagnols à 10 ans.

L’Espagne est encore un peu loin des 3%, en dépit de 21 sommets de la dernière chance et de l’annonce d’hier par Mario Draghi. Temps de vie de l’annonce de Draghi ? Hum… Ajoutez à tout cela que le rachat de dette sur le marché secondaire est conditionné à l’acceptation par l’Espagne et l’Italie de nouvelles mesures d’austérité. Ce qui allonge le processus de déclenchement des achats. Que se passera-t-il entre aujourd’hui et … début octobre au plus tôt ? Et puis appeler les pays à faire fonctionner le FESF et le MES (qui n’existe même pas encore)… Coucou Mario, l’Espagne est l’un des principaux contributeur de ces fonds. Vu son état… En même temps, il y a de la logique à faire sauver le mourant par… le mourant…

- Attendez Professeur, même Christine Laboulette Lagarde a dit que c’était une annonce formidable : « We see the ECB’s action as an important step toward strengthening stability and growth in the Euro Area.« …

« une étape importante vers le renforcement de la stabilité et de la croissance dans la zone euro » ?

Voyons voir… Hier Mario Draghi a dit lui même : « Au-delà du court terme, nous nous attendons à ce que la reprise de l’économie de la zone euro n’intervienne que très graduellement. La dynamique de la croissance devrait rester freinée par le nécessaire processus d’ajustement des bilans dans les secteurs financier et non financier, par l’existence d’un chômage élevé et par une reprise irrégulière. » « La croissance économique dans la zone euro devrait rester faible avec les tensions persistantes sur les marchés financiers et l’incertitude renforcée qui pèsent sur la confiance et le sentiment. L’intensification renouvelée des tensions sur les marchés financiers peut potentiellement affecter l’équilibre des risques sur la croissance et l’inflation. »

Quant aux économistes du Fonds Monétaire International que « dirige » Mme Christine Laboulette Lagarde, ils ont abaissé leurs perspectives de croissance le 16 juillet dernier, notamment pour la zone euro (voir page 6, 7 et 8 notamment).

En résumé, je vous annonce que des jours de terreur vont venir!… La fin est proche!… Tout le monde va périr!… Et les survivants mourront de faim et de froid!… Et ils auront la peste, la rougeole et le choléra!…

- Merci professeur. vous pouvez remettre votre camisole. L’interview est finie.

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