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Sous le sable de la jungle de Calais, le béton de « Heroic Land »

lundi 24 octobre 2016 à 13:53

hl-mappromoAlors ça y est. Le camps de Calais, qui abrite environ dix mille réfugiés – hommes, femmes et enfants espérant se rendre en Angleterre -, est donc en phase de démantèlement depuis ce matin, 24 octobre. Tout ce remue-ménage n’est pas seulement du à la météo diplomatique à l’exaspération des habitants de Calais et du roulage de mécanique pré-électoral du Premier ministre. L’idée est de nettoyer la zone et faire place nette pour lancer le grand chantier de la sénatrice et maire droitière de la ville, Natacha Bouchard (LR tendance Sarko), à savoir un parc d’attractions qui répond au doux nom de « Heroic Land ».

Ce qui ressemble à une grosse blague, vue la situation humanitaire déplorable de ce coin de France, doit très sérieusement ouvrir ses portes en 2019. Mais le chantier de ce vaste Luna Parc à la gloire des mangas et de la SF de pacotille doit surtout débuter en 2017, c’est à dire après demain. Ça urge. Ça se bouscule au portillon pour espérer occuper les quelque mille emplois précaires promis par ce nouveau projet d’aménagement débilisant qui va divertir le populo, ou plutôt faire diversion, pour que l’affaire des migrants de Calais ne soit plus qu’une vieille histoire pour gauchistes désœuvrés.

Alors bien sûr, pas surprenant de voir une collectivité locale, dans une région dévastée par la misère économique et le déclin industriel, chercher à changer la donne en « redynamisant » son territoire avec un projet capable de « mobiliser les énergies » et de faire rêver petits et grands. C’est bien connu, la culture, l’art et les loisirs, c’est le nouvel opium des peuples chômardisés par les délocalisations de la compétition globale. Tenez, n’est-ce pas à Lens que le mythique musée du Louvre a ouvert une succursale afin de compenser la désertification post-industrielle ? Comme à Abou Dhabi, dans le Golfe persique — mais pas vraiment pour les mêmes raisons.

hl-jungle-mapLe chantier ne va pas prendre place exactement sur le site de l’actuel camps de réfugiés — on a quand même de la pudeur chez les élus du « calaisis », — il sera juste à moins de trois kilomètres. Ce projet à 275 millions d’euros va s’étendre sur 60 Ha, comprenant un parking géant et une cité dortoir en plastique, Heroic City, avec hôtels à la Disneyland en prime. Le plan com de la mairie a tout prévu pour éblouir les investisseurs : « faire de Calais une destination touristique majeure »; « en accolant au nom de la ville celui d’une activité à fort pouvoir d’image positive, il contribuera à rehausser la notoriété de la ville en France et dans les pays européens voisins. » Ils espèrent attirer 1,5 millions de gogos par an, estimation justifiée par une avalanche de données statistiques qui fait déjà trembler les concurrents (« 14,3 millions d’habitants à moins de 1h30 de transport, plus de 60 million à moins de 3h »). Tout en mettant l’accent sur « la porte d’entrée de l’Europe continentale pour le Royaume-Uni » que constitue Calais qui « bénéficie d’un flux de voyageurs transmanche de 31,4 millions de personnes par an ». Whaouh.

Photo Katja Ulbert (vue sur Wikipedia)

Sans en dire un mot, les promoteurs ont misé sur la présence des réfugiés (et de leur expulsion, c’est pareil) pour faire cracher l’État au bassinet. C’est même un vrai chantage auquel s’est livrée la maire Bouchard, si l’on en croit la presse locale, rarement fâchée avec les édiles : « Migrants à Calais : Natacha Bouchart réclame 50 M€ aux ministres français et britannique », titrait La Voix du nord en août 2015. Et elle le disait très clairement en des termes pas du tout diplomatiques :

La sénatrice-maire de Calais estime le dommage économique à 50 M € et réclame aux deux pays des compensations financières. «  J’attends un chèque et des compensations. Si les ministres n’écoutent pas, une plainte sera déposée auprès de l’Etat pour préjudice par rapport au fonctionnement d’une collectivité territoriale, ajoute Natacha Bouchart. Les Anglais sont capables de mettre 25 M € dans la sécurisation du port et du Tunnel, cela doit être possible de verser 25 M € pour la partie économique.  »

Elle envisage par exemple une participation des États dans les projets du Calaisis (Heroic Land) ou que l’Angleterre et la France garantissent la sécurité du Tunnel et du Port auprès des transporteurs et des investisseurs. «  Une indemnisation peut aussi être versée aux commerçants et restaurateurs touchés par l’image qui est renvoyée de Calais  », énumère-t-elle. Elle a rappelé son souhait que Calais soit classée en zone prioritaire, que la sous-préfecture bénéficie également d’un classement supplémentaire.

Elle n’obtiendra peut-être pas autant, mais l’État a déjà mis au pot 220.000€ dans le budget préparatoire, un « fonds d’études » doté de 1,1 M€. Et il allongera sans doute l’essentiel des 15 M€ d’infrastructures routières qui seront nécessaires pour amener les clients jusqu’au parc géant. Faut pas oublier que la mère Bouchard a mis tout son poids pour convaincre le gouvernement, l’an dernier, de criminaliser encore un peu plus la maigre existence des migrants dans la région. La sénatrice est parvenue à ce que la zone d’Eurotunnel devienne « un point d’importance vitale pour la défense nationale ou un site sensible, dont l’indisponibilité risquerait de diminuer d’une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la Nation ». Notez le « potentiel… économique ». Elle avait déjà des étoiles dans les yeux, Natacha Bouchard.

Photo du

Photo du « masterplaner » de Heroic Land sur son site officiel

Cerise pourrie sur ce gâteau avarié : la présence d’un ex-néonazi dans l’équipe de direction du parc. Un billet fort bien documenté du site Anfifa-autonome.net (mars 2015), puis une enquête de Marianne (septembre 2015) ont en effet établi que Yann Tran Long, qui apparaît tout sourire parmi les quatre principaux dirigeants d’Heroic Land (ci-contre), est bien un ex-militant du groupe nazillon FANE dans les années 80. Aujourd’hui, sa société, Loftus Overseas Management, domiciliée à Hong Kong après avoir fait faillite en France, assure le « masterplan » du parc à thèmes, c’est à dire sa conception et son ingénierie. Son expérience en la matière ? Il aurait participé au Fururoscope (et ben, c’est du joli…), et à d’autres parcs en Corée et en Turquie. Moins connu, le projet fou de Tran Long de monter une copie de Disneyland en… Syrie, en pleine guerre civile, près de Homs (lire ce papier de Vice de 2013 – cf dessin ci-contre). Du lourd…

(c) Vice, 2013

(c) Vice, 2013

L’intéressé a bien tenté de crier à la calomnie, que la mairie a gobé sans broncher en parlant d’une « homonymie »! Il a aussi essayé de faire croire à une confusion avec son frère cadet, Mihn — actuellement proche du maire FN de Fréjus David Rachline –, avec qui il excellait dans les ratonnades nocturnes, comme l’ont démontré des archives dignes de foi du site antifa déjà cité. Enquête complété par un canard local, Le Rusé, qui cite les chiffres de la mairie pour dire que Loftus a été rétribué à hauteur de 665.000€ en frais d’études, soit en gros plus de la moitié du budget préparatoire dont nous parlions plus haut (cf son n°278, 6 mars 2015). Mais Bouchard assume. Après tout, les ex-fachos d’Occident comme Devedjian, Longuet ou Madelin ont eu des carrières autrement plus visibles. « Du passé faisons crâne rasé » oserait-on dire…

Heroic Land a même eu droit à une « concertation publique » entre mars et juin 2016, sorte de « débat public » au rabais, car la loi n’oblige pas les promoteurs, sous les 300 M€ d’investissements, de se plier à cette formalité. Faut dire que les élus du coin n’auraient pas vraiment risqué grand chose — la commission du débat public (CNDP) facilite l’adhésion des projets, et non l’inverse — , à part une perte de temps et d’argent (c’est au promoteur de régler la note, qui s’élève en moyenne à un demi-million d’euros). C’est grâce à l’intervention d’élus d’opposition et de France nature environnement (FNE) que la CNDP a été saisie, et a finalement « conseillé » à l’équipe Bouchard d’organiser cette « concertation » au cours de quatre réunions publiques. Il y a été question, bien évidemment, de la « la sécurisation du parc […] compte tenu, en particulier, de la proximité du camp des migrants ».

Mais le plus important, comme l’écrit le « garant » de cette consultation bidon dans son compte-rendu [PDF], c’est (sic) « la quasi absence d’opposition au projet » exprimée lors des réunions. Même si, ceci expliquant sans doute cela, « on regrettera un point préoccupant lors de cette rencontre : l’absence d’interventions de la part de l’État, de la SANEF [le gérant de l’autoroute A26] ou de SNCF Réseau, très largement impliqués dans la réalisation de ces ouvrages et l’atteinte de leurs objectifs ». D’autant que les accointances de la mairie avec le sulfureux Tran Long sont restées dans l’anti-chambre, comme le note le même garant, précisant « que la question du financement du projet par des investisseurs privés n’a fait l’objet
d’aucun échange avec le public, ceci pour des raisons de confidentialité compréhensibles par chacun ».

Allez, il reste encore deux ans pour faire une petite place, dans la scénographie du parc, aux vrais « héros » du démantèlement « réussi » du camps de réfugiés, à savoir les CRS, gendarmes mobiles ou autres petites mains de la préfecture, qui ont fait place nette avec délicatesse et humanité. Jusqu’à ce que les campements se forment à nouveau sur la lande comme on peut s’y attendre.


PS – Sur la situation des réfugiés lors d’une première tentative d’évacuation en février 2016, lire ce papier d’Article11.

 

Moment pub : quand ton Samsung « fait boum »…

jeudi 20 octobre 2016 à 22:29

Il y en a un, quelque part, qui doit se mordre les doigts. Le patron de Samsung France, c’est certain, mais aussi, probablement, le « créa » qui a dû adorer son concept lorsqu’il a proposé une publicité pour le Samsung Galaxy S7 edge & S7 sur la chanson « Boum ! » de Charles Trénet…

Bien entendu il ne s’agit pas du Galaxy Notes 7 qui, lui, fait vraiment Boum et vient de plonger Samsung dans une mouise incalculable, mais la proximité du nom du téléphone vanté dans la vidéo ci-dessous avec celui qui fait véritablement Boum!, laisse la place à une bien mauvaise interprétation de cette publicité.

L’agence de pub qui a eu cette idée lumineuse et explosive est Leo Burnett, si l’on en croit les sites spécialisés. On leur tire notre chapeau (de fou chantant).

Nicolas Sarkozy, s’il remportait l’élection, ne pourrait être investi…

jeudi 20 octobre 2016 à 22:04

ajdaIl est toujours amusant de lire la prose des juristes émérites. Ils savent trouver le point de droit qui fera sourire leurs lecteurs ou qui plantera une épine dans le pied de ceux qui se pensent tout-puissants. Dans la revue « Actualité juridique – Droit administratif » éditée par Dalloz et datée du 17 octobre, Thomas Hochmann, professeur de droit public à l’université de Reims explique pourquoi « toute sortie de l’Elysée est définitive« .

C’est un billard juridique en plusieurs bandes. En résumé, Thomas Hochmann rappelle que si deux mandats consécutifs sont autorisés, la constitution ne permet pas de revenir à l’Elysée. En quittant la fonction, un ancien président devient automatiquement membre à vie du Conseil constitutionnel. Or les fonctions des membres du Conseil sont incompatibles avec tout mandat électoral depuis une loi organique de 1995.

Si un membre ordinaire du Conseil peut démissionner pour reprendre un mandat, il n’en va pas de même pour un ancien président qui est, aux termes de l’article 56 de la constitution, « membre à vie » du Conseil.

Pas de chance donc pour Nicolas Sarkozy : c’est le Conseil constitutionnel qui proclame les résultats du scrutin présidentiel. Ce qui fait dire à Thomas Hochmann que dans le cas où Nicolas Sarkozy était élu, le Conseil serait amené à lui rappeler ce point de droit. Vous pouvez commencer à vous armer de pop-corn…

 

France-Info s’emballe pour un auteur proche du FN

mercredi 19 octobre 2016 à 09:37

obertoneIl faut l’entendre pour le croire… Hier, Philippe Vallet, sur France-Info, expliquait sans rire que le nouveau livre de Laurent Obertone, était « un roman d’actualité aussi angoissant, sombre et fort que 1984 de George Orwell« . Pas moins…

Voilà qui tranche nettement avec l’article publié par France-Info en mars 2013, lorsque la radio qualifiait Laurent Obertone de « journaliste fétiche du FN« .

Mediapart avait pour sa part publié en février 2013 une longue enquête sur l’auteur du livre qui va détrôner 1984 de George Orwell. On y découvrait un Laurent Obertone très actif au sein de la fachosphère sous les surnoms Ubiquiste et Pélicastre jouisseur.

A l’approche de 2017, même les auteurs sont dédiabolisés (volontairement ou pas)…

Comment les multinationales chinoises rachètent des terres agricoles en France

lundi 17 octobre 2016 à 16:57

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(partie 1)

Le rachat de 1700 hectares de terres effectué dans l’Indre par la multinationale chinoise Hong Yang n’est pas passé entièrement inaperçu. Quelques articles sont sortis entre février et mai 2016, vaguement relayés par les chaînes de télévision, puis le sujet s’est effacé, et rien ne transpire depuis. Des informations plus ou moins fiables et vérifiées ont été publiées sur ce rachat de terres agricoles, avec le nom d’un Français à la manœuvre qui a fini par sortir : Marc Fressange. Puis celui d’une autre multinationale chinoise : Beijing Reward International. Des Sociétés civiles agricoles sont aspirées une à une, comme des groupements fonciers agricoles (GFA), des changements de sièges sociaux vers la Normandie s’opèrent en toute discrétion. Puis vient la holding. Parisienne.

Reflets a enquêté, et offre à ses lecteurs une première photographie de cette « opération commerciale » unique dans l’histoire française, qui pourrait bien mener à la création de fermes géantes d’approvisionnements de la Chine sur le territoire hexagonal. En toute légalité.

Rachats de parts de SCEA pour échapper à la Safer

Le départ de cette opération est basé sur un contournement très simple des règles de rachat de terres agricoles (censées protéger au départ « l’agriculture familiale » en France,) par des investisseurs chinois. Le principe est de ne laisser que quelques parts sociales de sociétés civiles d’exploitation agricole (SCEA) aux anciens propriétaires lors du rachat.

En France, des organismes d’Etat, les Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) sont censées réguler les rachats de terres, et permettre que « les projets [agricoles soient] en cohérence avec les politiques locales et répondent à l’intérêt général« . Si une exploitation agricole est rachetée, la Safer du département a un droit de préemption, et de regard sur ce rachat afin d’empêcher que le « modèle français d’exploitation familial » ne soit mis à mal, dit-on au sein des Safer. En réalité, depuis la Loi de modernisation agricole de 2005, cette règle et ces « pouvoirs » des Safer ont été largement assouplis, voire détruits (extrait du site de la Chambre d’agriculture de Haute-Marne) :

La LMA de 2005 est venu légaliser l’émergence d’autres formes d’exploitation à travers de nouveaux dispositifs ou mesures.

•    Le bail cessible ouvre la possibilité de la cession du bail hors du cadre familial, rend possible un accroissement du prix du fermage (par rapport au plafond légal), la suppression du droit de préemption par les SAFER, le congé du preneur, la légalisation des pas-de-porte. Il s’avère que peu de baux cessibles ont été signés depuis l’application de la loi.
•    Le fonds agricole permet une valorisation dissociée du foncier et du capital.
•    Autres mesures en faveur d’un assouplissement du contrôle des structures en matière notamment d’agrandissement des exploitations (relèvement du seuil de surface à partir duquel une autorisation préfectorale est requise, suppression du recours systématique à la CDOA (Commission départementale d’orientation agricole).

•    Les assolements collectifs et les structures juridiques ad hoc, le statut des CUMA, la création de sociétés civiles laitières permettent de légaliser des formes institutionnelles émergentes.

Malgré tout, dans le cas du rachat intégral d’une SCEA, avec changement de propriétaire et donc rachat de l’intégralité des parts sociales de la société, la Safer est prévenue de l’opération et peut intervenir. Dans le bordelais, lors de rachat de domaines viticoles, une responsable de Safer explique par exemple que « Des opérations de rachat de vignobles bordelais par des Chinois ont été effectuées, en intégralité, et dans ces cas là, les Safer peuvent accompagner les nouveaux exploitants, avec un droit de regard, mais aussi en donnant des avantages fiscaux aux racheteurs. Dans le cas des investisseurs chinois des SCA de l’Indre, on ne peut rien faire« . Au point que la Safer a appris que des exploitations agricoles avaient changé de main par des on-dit, et au final, par les journaux, plus d’un an après que la première opération eut lieu . Les investisseurs chinois n’ont pas racheté intégralement les exploitations agricoles, ils ont racheté toutes les parts sociales, moins quelques unes, qu’ils ont laissé aux anciens propriétaires…

Chambrisse : le (presque) départ de l’opération chinoise

La plus grosse SCEA de l’Indre est rachetée fin 2014 par la multinationale Hong Yang (HK) International invetsment company limited à deux agriculteurs-investisseurs britanniques, ayant eux-mêmes acheté cette SCEA quelques années auparavant (et endettés pour d’eux d’entre eux à hauteur de 500 000€ chacun).

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Sur le site officiel du registre des entreprises, la multinationale n’apparaît pas avec son nom complet, il est donc impossible de savoir que c’est elle l’acheteuse :

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Une recherche sur le terme « International investment company limited » donne bien entendu des tas de réponse d’entreprises étrangères de tout type, mais pas Hong Yang. C’est donc l’acte notarié qui indique précisément que l’entreprise chinoise Hong Yang a racheté la quasi totalité des parts des associés de la SCEA Chambrisse :

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Cette vente de parts sociales de la SCEA a été effectuée pour un montant de 4 millions quatre cent trente neuf mille euros, sur une valeur du double :

montant-transaction-chambrisse

Les investisseurs chinois font donc des affaires quand ils achètent des terres agricoles françaises, puisque les parcelles possédées par la SCEA Chambrisse — et listées dans l’acte notarié — sont au nombre de six, pour une surface totale de 926 hectares. Le montant payé par Hong Yang ramené à l’hectare correspond donc à 4700€ l’hectare. Un prix inférieur au marché dans ce coin de l’Indre, plutôt compris entre 5000 et 7000€ l’hectare. Mais la SCEA Chambrisse est le point de départ d’une bien plus grosse opération que le simple rachat de terres agricoles cultivées dans l’Indre. Cette opération financière de 2014 marque surtout l’entrée en jeu de plusieurs personnages incontournables dans cette affaire, dont Monsieur Marc Fressange, immédiatement nommé gréant de la SCEA de Chambrisse par les nouveaux propriétaires, Hong Yang International (et ses représentants Chinois, Madame Jun Wang et Monsieur Keqin Hu)  :

nomination-gerant-fressange

Les « vendeurs » britanniques ayant conservé au moins une part restent associés et tout le monde déménage vers la Normandie, tout du moins pour le siège social…

Marc Fressange : le businessman français implanté en Chine qui aime gérer des entreprises agricoles

Le rachat de terres par des entreprises chinoises ne s’arrête pas là. Le fraîchement nommé gérant Marc Fressange en 2014 devient alors très rapidement — durant l’année 2015 — le gérant ou co-gérant de 2 GFA (groupements fonciers agricoles) et de 4 autres SCEA de l’Indre (une sixième a été créée dans un autre département, voir plus bas). Ces sociétés agricoles vont être rachetées à 99% par les amis investisseurs chinois de Marc Fressange et son épouse, puis leur siège social déménagé (pour une grande majorité) en Normandie, à la même adresse que la SCEA de Chambrisse.

Mais qui est donc Marc Fressange ? l’homme est plutôt discret, c’est un ancien diplômé de HEC qui s’est installé en Chine au milieu de la dernière décennie. Il est marié à une avocate chinoise (qui est comme nous le verrons plus bas, la représentante de Hong Yang, madame Wang), ainsi que l’indique un touriste français en voyage dans l’Empire du milieu en 2006 :

Marc Fressange (marié à une avocate chinoise – il paraît que cela aide énormément pour monter une affaire ici et Marc a monté un site de commerce électronique où il propose des produits alimentaires français et européens)

Le gérant de SCEA a crée une entreprise à capitaux étrangers en Chine à cette époque, Ouh La La French Food Co Ltd, qui importe et distribue des produits agro-alimentaire et développe un réseau de magasins pour ce faire, se déclare « directeur Europe » de Chambrisse Investment, une entreprise qui n’existe pas en France, mais dont le dernier terme, investment apparaît récemment dans la structure juridique globale des investisseurs chinois en France. Les informations sur les activités de Marc Fressange ont tendance à s’arrêter en 2014, date à laquelle le premier rachat de SCEA débute :

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ouhlala

Le lien entre l’activité entrepreneuriale de Fressange et son intérêt pour la gérance d’entreprises agricoles en France est assez compréhensible lorsqu’on observe le détail des activités de son business en Chine :

Ouh La La a développe de nombreux partenariats (Société Générale Retail Bankin, MasterCard…) et mène des opérations promotionnelles en association avec la Sopexa, Atout France et le Sial.
Ouh La La France a lance a l’été 2013 Test in China avec la société XTC pour favoriser l’accès des produits agro-alimentaires au marche chinois : Focus Group Consommateurs, Pricing, positionnement produit, importation, vente réseau et via plate-forme internet. Plus d’information sur ouhlalafrance.com

Fressange est tout de même sur Facebook, et il est un soutien — ça ne s’invente pas — des défenseurs de la forêt amazonienne contre les méchantes multinationales qui déforestent :

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Et comme notre gérant est toujours directeur Europe de Chambrisse investment, il a une page Facebook de cette entreprise dont l’existence reste toujours très difficile à prouver :

chambrisse-investment

D’un point de vue strictement marketing, c’est assez léger…

La suite des rachats de terres agricoles dans l’Indre et plus encore…

Marc Fressange est donc aujourd’hui gérant ou co-gérant de 2 GFA et de 6 SCEA : SCEA de Chambrisse, SCEA du domaine de la Tournanciere , SCEA Le Grand Mée, SCEA du Grand Saulay, SCEA des Plaines à blé, SCEA d’Esperabent, GFA Laporte et GFA Kluiskade. La dernière SCEA, d’Esperabent, n’est pas localisée dans l’Indre, mais dans le département du Gers. Cette SCEA est particulière dans la « collection » que Marc Fressange « gère », puisqu’elle n’est pas issue d’un rachat. Elle a été constituée quelques mois avant l’opération de Chambrisse. La SCEA Esperabent est déclarée comme SCEA « de gestion ». Mais l’objet de son activité est bien d’acheter et louer des terres, pour la culture ou l’élevage :

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Par qui a-t-elle été créée ? Suivez notre regard : Monsieur Keqin Hu, dirigeant de la multinationale Hong Yang basée à Honk Kong.

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Viennent ensuite, la SCEA de la Tournancière, toujours rachetée par Hong Yang, en août 2015 :

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La SCEA du Grand Mée est elle rachetée par un autre groupe industriel chinois, Beijing Reward International trade corporation :

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Et là où l’affaire des rachats de SCEA via Marc Fressange devient plus précise, c’est par l’activité de la multinationale Beijing Reward International et celle du couple néerlandais Ammerlaan au sein de leur SCEA : le lait. Pour les agriculteurs qui cèdent leurs parts, c’est l’élevage de vaches laitières sur 3,14 hectares de prairies…

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Et pour les acheteurs, c’est le lait en poudre :

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Mais pourquoi donc Marc Fressange deviendrait-il gérant d’une nouvelle SCEA laitière avec un autre groupe que Hong Yang ? Aurait-il changé de crémerie (façon de parler) ? Pas du tout, puisqu’en réalité, si Beijing international Reward a racheté l’exploitation agricole des Ammerlaan, c’est en tant qu’associée de Reward scientific and technological industry group. Et qui dirige Reward scientific and technological industry group ? Keqin Hu, le patron de Hong Yang.

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La photographie des rachats de terres chinois se précise

Une holding, basée à Paris à été créée fin avril 2016. Elle a comme co-directeurs, Monsieur Marc Fressange et Monsieur Jingwen Zhao, et son président est bien entendu… Keqin Hu. Elle se nomme « Ressources investment« , et non « Chambrisse investment » comme Fressange l’aurait souhaité. Mais des terres sont en cours de rachat ailleurs que dans l’Indre, et Reflets va continuer de dévoiler les méandres de cette opération. Où sont les 700 hectares de plus, tombés dans l’escarcelle de Hong Yang dans l’Indre ? Que font les GFA ? Quel est le business final ? D’autres terres ont-elle été rachetées sur le territoire ou en cours de rachat ?

Une certitude : les multinationales chinoises n’ont pas investi en France pour simplement laisser des ouvriers continuer à jouer avec des moissonneuses batteuses et des machines à traire. Marc Fressange et son épouse, Madame Wang, n’ont pas non plus décidé depuis deux ans de se déguiser en gentlemen farmers.

Le « plan » est beaucoup plus vaste. Et très inquiétant pour l’agriculture paysanne et les territoires en général…