PROJET AUTOBLOG


Reflets.info

source: Reflets.info

⇐ retour index

Le Pistolet et La Pioche S01E01 : WannaCry

jeudi 1 juin 2017 à 20:15
Cette première émission du Pistolet et La Pioche questionne l’emballement médiatique mondial généré par le ver informatique Wannacry qui a infecté des centaines de milliers ordinateurs à travers le monde. Peut-on parler d’attaque ? Etait-ce […]

Le jour du début [global zero day] (3)

jeudi 1 juin 2017 à 17:45

Zero

Siège de la DGSE, Levallois Perret, France, le 4 décembre 2017

— « Nous n’avons pas d’autre choix, c’est une question de survie, monsieur le Ministre ».

Le directeur général de l’ANSSI observait la petite assemblée comme à travers une bulle déformante. Il n’avait pas dormi depuis trente six heures et son cerveau était dans le même état que les jambes d’un coureur de fond après un marathon. Expliquer les finesses techniques de protection des réseaux aux crânes d’œuf du gouvernement ou à leurs conseillers était une mission impossible. Il fallait leur donner des images métaphoriques, des statistiques pour qu’ils puissent piger ce qu’il se passait, un tant soit peu. Et surtout, les convaincre des actions techniques à mener pour éviter que les communications du pays, dans leur ensemble, soient détruites.

l’Assemblée réunie autour de la longue table de réunion de crise, dans le bunker, était silencieuse. Tout le monde attendait la réponse du ministre de l’Intérieur.
— « Vous ne m’offrez pas beaucoup d’options, Patrick.
— « Je vous donne les éléments que nous avons. Les préconisations d’urgence sont là, mais c’est à vous de décider. Isoler le pays d’Internet en déclenchant Aurore est le seul moyen de s’en sortir pour l’instant, c’est ce qu’on pense à l’Agence, en tout cas.
Une main se leva. Le chef de l’agence nationale de sécurité des systèmes d’information fronça les sourcils et donna la parole à celui qui voulait intervenir. Il savait juste que c’était un membre du cabinet du Premier ministre, un type plutôt jeune, à peine quarante ans.
— « Oui ? »
— « Vous avez parlé de solutions locales, de réseaux alternatifs qui ne sont pas touchés. Vous pouvez nous en dire plus ? On pourrait s’appuyer dessus ? »
Patrick Toura soupira.
— « Ce sont des réseaux de hackers, on va dire. Des opérateurs associatifs qui ont eu les autorisations depuis des années, avec des administrateurs réseaux qui maintiennent des connexions de quelques centaines d’abonnés, des barbus en général. »
— « Des barbus ? »
— « On les appelle comme ça parce qu’ils sont dans des communautés de défense d’Internet, et qu’ils ont souvent des barbes ou qu’ils s’amusent à s’appeler comme ça entre eux parce qu’ils pratiquent l’équivalent des systèmes Unix des années 70, mais on s’égare un peu, là… »
— « Attendez. »
La voix du ministre s’était emballée. Il se leva.
— « Les opérateurs nationaux sont en partie inaccessibles, la population n’a majoritairement plus d’accès réseau, mais il y a encore des endroits où c’est possible, où le virus n’est pas entré, et on ne fait rien pour utiliser cette ressource ? »
— « Ce n’est pas vraiment un virus, et… »
— « Epargnez-moi vos explications techniques. Tout le monde comprend quand je parle de virus. Qu’est ce qu’on fait avec ces réseaux de barbus ? »
— « Il se sont débranchés du net, mais ils ont monté leurs propres resolveurs sur leurs réseaux, et on pense qu’ils arrivent à maintenir des serveurs qui informent une partie de la population. Ils sont allés très vite, et des antennes wifi longue portée ont été encore installées ce matin, des membres de leur fédération sur Paris pourraient être reliés dans la soirée… »
Le ministre pointa de son index un peu tremblant le responsable de l’ANSSI :
— « Vous activez le plan Aurore, j’accepte que tous les nœuds de sortie soient coupés. Je fais une déclaration ce soir sur toutes les chaînes : l’isolement réseau du pays débute le plus vite possible. Mais je vous préviens, si ça empire, vous allez le payer. Quant aux barbus envoyez-leur des équipes techniques pour voir ce qu’on peut faire. Ah oui, et convoquez-moi leur chef, s’ils en ont un… »

Zero-un

Locaux d’Interpol, quelque part en Europe, le 4 novembre

Jonas Reckler regardait l’assistance comme un zoologiste observerait un banc de poissons rouges dans un aquarium. Il portait son unique costume vieux de plus de 30 ans, et se dit qu’en fin de compte c’était une bonne chose de ne pas avoir réussi à trouver de cravate. Il se gratta la barbe en attendant que les gens en face de lui arrêtent de parler. Il était patient, et comme il ne fréquentait pour ainsi dire plus personne depuis plus de 15 ans — à part les gens du labo — la situation avait le don de l’amuser. Une sorte de distraction passagère. L’un des pontes de l’agence de renseignement européenne venait de finir son speech et le présenta brièvement aux autres. « Spécialiste en intelligence artificielle, informatique quantique, bla-bla-bla… »

On lui posa une question, enfin. Il sourit et se mit à parler. Tranquillement. Sans élever la voix. Cinq minutes de long monologue. Quand il eut fini, l’assemblée était silencieuse. Les regards se croisaient, incrédules. Jonas savait qu’il avait fait son petit effet. Et ça lui plaisait. Une voix s’éleva, féminine, plutôt jeune :
— « Vous savez donc ce qu’il se passe, et vous pensez que ce code a échappé à ses concepteurs ? Mais vous nous dites aussi que ce n’est pas un code « normal », qu’il a été généré par une machine en partie quantique, un D-Wave, potentiellement. »
— « C’est bien ça. Certainement celui acheté par Google, et qui été modifié cette année. » Il sourit de nouveau, gratta sa barbe, et eut soudainement très soif.
— « Vous n’auriez pas une bière ? »
Deux types en costume noir se levèrent de concert et sortirent de la pièce. Le barbu obèse avait fermé les yeux et l’assemblée sut instantanément qu’il fallait attendre. Personne n’ouvrit la bouche jusqu’à que les deux costumés revinrent avec une canette de bière.
La femme reprit :
— « Vous n’avez pas parlé des morts, ni des divergences. »
Jonas Reckler avala sa salive. C’était la partie la plus difficile. La plus risquée aussi.
— « J’ai une théorie, mais je ne sais pas si elle va vous plaire. Pas du tout… »

Richard Ferrand : une certaine éthique

lundi 29 mai 2017 à 23:26
Illustration de l’article du Canard Enchaîné sur Richard Ferrand

Depuis mercredi 24 mai et la parution d’un article du Canard Enchaîné sur les petits arrangements de Richard Ferrand — ministre de la Cohésion et des Territoires — les commentaires vont bon train.

La première question a été celle de la légalité de l’opération immobilière de sa compagne. Ce point réglé (de l’avis de la majorité, il n’y a rien d’illégal), est venu ensuite le temps des questions morales. Peut-on, moralement, lorsque l’on est patron d’une entreprise, laisser ladite entreprise passer un contrat avec sa propre compagne ? La question est assez mal posée. Il ne s’agit pas de morale, mais d’éthique. La morale, c’est une chose partagée assez largement, une lecture du bien et du mal. L’éthique est quelque chose de plus personnel. Elle définit ce que chacun estime acceptable ou pas. A partir de là, chacun peut analyser l’éthique de Richard Ferrand et se demander si elle est en accord avec la sienne.

Le résumé de la presse de l’article du Canard Enchaîné a sans doute orienté la réflexion des journalistes et les réponses des politiques.

Pour la plupart, les articles rapportaient qu’une SCI de sa compagne, Sandrine Doucen, avait été choisie par les Mutuelles de Bretagne, dirigées par Richard Ferrand, pour la location d’un local. Certains, plus rares, évoquaient le fait que cette décision avait permis à Sandrine Doucen d’obtenir un prêt bancaire pour acheter les locaux, le fait d’avoir un locataire permettant de rassurer les banques.

Mais rares sont ceux qui expliquaient que la société civile immobilière (Saca) n’avait pas encore d’existence légale (elle fut enregistrée un mois après la décision des Mutuelles de Bretagne) pas plus qu’elle n’était propriétaire des locaux lorsque la décision des Mutuelles de Bretagne a été prise.

Le serpent se mord la queue

Toujours pas illégal, mais le serpent qui se mord la queue commence à prendre forme. Sans l’appui des Mutuelles de Bretagne, pas d’achat de local, pas de formation de SCI. Sans la présence de Richard Ferrand à la tête des Mutuelles de Bretagne, probablement pas de décision pour la location d’un local n’existant pas encore. Sans local et sans SCI, une autre décision aurait sans doute été prise par les Mutuelles de Bretagne.

Juridiquement, ni le parquet, ni le garde des sceaux, ni les amis politiques de Richard Ferrand, ni Richard Ferrand lui-même ne voient quoi que ce soit de répréhensible ou encore, susceptible de justifier une enquête. « C’est de l’argent privé« . Rien à voir avec un certain François Fillon qui s’était approprié de l’argent public en salariant sa femme pour plus de 600.000 euros à l’Assemblée Nationale, pour un travail dont il reste à prouver qu’il ait existé. Ici, la prestation, la location du local, a été fournie. Mieux, l’offre de la SCI (la Saca) était la moins-disante. Les Mutuelles de Bretagne ont donc fait une bonne affaire. Même si elles ont pris à leur charge les 184.000 euros nécessaires à la réfection des locaux (dont un tiers est en sous-sol).  Ethiquement, par contre, le petit arrangement du couple et de l’entreprise se discute largement. Juridiquement, personne, jusqu’ici, ne s’est interrogé sur un concept de droit que l’on appelle « l’abus de bien social ». Oui, il est interdit de détourner de l’argent public, mais il est également interdit de détourner de l’argent dans le privé. La décision des Mutuelles de Bretagne de retenir la SCI de la compagne du patron a permis à cette dernière de multiplier par 3000 en six ans la valeur des parts de la société.

Le président qui va renverser la table

Elu confortablement sur un projet plutôt vague et en réaction à la présence au second tour de Marine Le Pen, Emmanuel Macron se présente comme le jeune président qui veut faire de la politique autrement. Répondre à l’exaspération des Français vis-à-vis des arrangements d’une classe politique minée par les affaire et les petits arrangements, est son leitmotiv. La première loi de son quinquennat sera justement un texte moralisant la vie politique. Quant à ses ministres et ses candidats aux législatives, il les a choisis en passant leur vie au tamis ultra-fin. Pas question de subir un Jérôme Cahuzac. Fort bien. Mais comment expliquer à l’électorat que Richard Ferrand… et bien, c’est différent. Ce n’est ni Jérôme Cahuzac, ni François Fillon ? N’a-t-il pas profité de sa position pour mettre un peu de beurre dans des épinards déjà bien beurrés alors que la plupart des gens dans les cercles inférieurs ont du mal à boucler les fins de mois ? Qu’ils n’auront eux, jamais la possibilité de réaliser un arrangement de ce type, pas illégal mais pas atteignable ?

Ce n’est pas un problème moral. C’est un problème d’éthique. Si les « administrés » ne peuvent pas obtenir certains « avantages », il n’y a pas de raison que ceux-ci soient monnaie courante pour ceux qui « administrent » au nom des « administrés ».

Tu t’es vu quand tu te défends ?

La politique autrement. On attendait de voir ce que c’était. On a vu. La défense de Richard Ferrand est en tout point identique à celle de François Fillon. Et à force de mettre en cause le Canard Enchaîné qui aurait bénéficié des confidences d’un « corbeau » (ça change du cabinet noir) pour écrire un article sur une affaire qui n’en serait pas une, il est possible que le volatile en remette une couche… On a déjà vu le film très récemment et on sait comment il finit.

En attendant, c’est Le Parisien qui s’y colle avec cet article expliquant que la promesse de vente pour l’acquisition du local a été signée par Richard Ferrand et non par sa compagne. Toujours décontracté au niveau de la morale et du droit ?

Quant à l’avocat qui était mandaté pour vendre le bien, ancien bâtonnier, il parle « d’enfumage » de la part du ministre en évoquant sa défense. Et il précise que la promesse de vente était assortie d’une condition suspensive : la signature d’un bail entre les Mutuelles de Bretagne et une SCI devant. Décontrasté, comme disait le grand philosophe Garcimore…

Le jour du début [global zero day] (2)

mercredi 24 mai 2017 à 12:02

Siège de la NSA, Fort Meade, Etats-Unis d’Amérique, le 3 novembre 2017

Le directeur opérationnel de la branche 5, Robert Shenley avait du mal à respirer malgré la clim qui tournait à fond. Il desserra le nœud de sa cravate d’un geste lent de ses doigts boudinés, et présentement tremblants. Bob, comme l’appelaient ses vieux amis du Club de Golf, avait de sérieux soucis, depuis une heure. Les plus gros de ses 37 années de carrière dans l’administration américaine. Des problèmes qu’il n’arrivait même pas à envisager globalement, dans leur entière complexité. Une pluie de merde lui était tombée dessus en un instant. C’était comme ça, en tout cas, qu’il voyait, lui, la chose : une pluie de merde. A shitstorm.

Le téléphone posé sur son bureau se mit à clignoter puis à émettre un son aigu. Sous le numéro affiché, un nom : « Stanford. J ». Bob inspira un grand coup et décrocha.
— « Salut Bob… Tu tiens le coup ? » dit la voix sépulcrale à l’autre bout du combiné.
Jerry Stanford avait le chic pour en rajouter, et là, c’était la totale.
— « Je ne sais pas, et toi Jerry, comment tu te sens depuis qu’Internet est tombé ? »
Un blanc. Long. Interminable. Puis la la voix sépulcrale repris :
— « Tu n’as toujours pas organisé de cellule de crise, tout le monde court partout, c’est la panique générale, et tu attends dans ton bureau, Bob ? C’est quoi le problème ? Tu démissionnes, tu penses qu’il n’y a plus rien à faire ? »
Robert Shenley tendit une main tremblante vers le verre de bourbon posé à quelques centimètres du téléphone, le but cul-sec et répondit d’un ton glacial à son vieux camarade et collègue de la NSA :
— « Je t’emmerde Jerry. Tu peux lancer la cellule de crise, on se rejoint dans 10 minutes en bas. ». Puis il raccrocha et se servit un autre verre de bourbon avec la bouteille qu’il planquait dans le tiroir de gauche — celui censé contenir les mails urgents que sa secrétaire lui imprimait tous les jours.

* * *

Quinze responsables de services se regardaient en chiens de faïence autour de la grande table ovale de débriefing. Les mains bien posées à plat sur le meuble stratifié, la plupart des chefs en charge de l’administration de la surveillance numérique semblaient impassibles, en apparence. Les rampes de LEDs collées au plafond clignotaient par intermittence. Les groupes électrogènes ne parvenaient pas à maintenir parfaitement l’alimentation de toute la machinerie infernale qui remplissait les bâtiments. Une machinerie désormais inopérante dans sa grande majorité. Sourde et aveugle, en quelque sorte.
Robert « Bob » Shenley était arrivé avec une demi-heure de retard et personne n’avait ouvert la bouche lorsqu’il s’était assis lourdement en face de l’assemblée. Il serra les bras de son fauteuil en cuir comme si c’étaient ceux d’un être humain à qui il s’accrocherait, une sorte de dernière bouée de sauvetage. Il lança la réunion de crise sans vraiment y croire, avec une voix de crécelle, celle des mauvais jours. La voix du type malade qui sait que son temps est compté. Ce qui s’avéra parfaitement exact, puisque Bob Shenley mourut de façon instantanée 6 minutes et 42 secondes après le début des échanges entre lui et ses subalternes. La mort de Bob pétrifia l’assemblée. Le grand manitou de l’écoute planétaire s’était effondré sans aucun signe précurseur. Comme une marionnette. Ou un grille-pain à qui on aurait tiré la prise de courant.

Quelque part dans un coin de nature de l’hémisphère nord, le 3 novembre 2017

Il n’y a rien de plus beau qu’une forêt qui dévale une colline se dit TreasureOne, le cul bien calé sur sa souche. Il était assis là depuis un temps indéfini, au bord de cette clairière, sur cette hauteur, en face de la forêt qui dévalait une colline, justement. Tout était calme, aucun bruit d’activité humaine. Juste le vent dans les feuilles. Il sortit un paquet de cigarettes neuf de son blouson en cuir, prit une tige, la colla entre ses lèvres et l’alluma avec son briquet tempête. La vie avait changé. Pas que la sienne, toute la vie humaine. Sur la planète entière. En quelques heures. Un truc de dingue.

Il se revit avec l’équipe du Global Zero Day en train de programmer les instances virales à distance depuis le QG de Hong Kong, deux jours auparavant. 7 personnes venait de perpétrer l’attaque la plus massive que le réseau mondial n’avait jamais subi. En quelques heures, les logiciels de deep learning volés à Alphabet puis modifiés pour devenir des tueurs informatiques avaient comme rongé Internet. Les routeurs s’étaient mis à dérailler, les serveurs à stopper leurs services, les systèmes d’exploitation à effacer les données, le tout dans une danse frénétique de code en perpétuelle évolution.

La contamination s’était propagée à la vitesse des infrastructures du réseau, laissant des portes dérobées sur les matériels avec leur lots de firmwares changés, d’adresses logiques modifiés, de tables de routages corrompues. L’IA se préoccupait d’empêcher la remise en service des matériels actifs de réseau après redémarrage, et son code était suffisamment évolué et adaptatif pour que la majorité des interventions humaines — remplacement de matériels, restauration des services — ne tienne pas plus de quelques minutes. Une corruption totale, perpétuelle : la fin d’Internet. La fin de la civilisation moderne, en réalité. C’était en tout cas ce que pensait TreasureOne.

TreasureOne attendait sur sa souche, que le « grand écroulement » se termine, et comme ses six comparses, il était rentré en Europe une journée avant l’assaut général, loin des villes qui allaient vivre des temps difficiles, coupées d’un maximum d’outils de communication. Il repensa aux étapes de préparation, 14 mois auparavant. Tout était parti d’une discussion autour de la série « Mr Robot ». Fascinante. Grisante. Mais pas assez radicale pour la bande de hackers qui s’était constituée par étapes, entre 2014 et 2015 après une succession d’OP militantes. Ils étaient tous informaticiens — depuis plusieurs décennies pour la plupart. TreasureOne avait commencé à coder et bidouiller du réseau en 1987. Veracity en 1979. ShameOnYou en 1996. Le plus jeune d’entre eux s’était fait la main sur des matériels militaires déclarés inviolables en 2002. Il y avait une seule femme, CodeIsLaw, redoutable dans son domaine de prédilection, le langage assembleur. Plus toute jeune, elle échangeait peu mais était au cœur du projet d’origine nommé QuanticAttack. Un truc de dingue — se répéta le hacker à haute voix.

C’est là, à cet instant, juste après cette phrase, que les problèmes commencèrent à apparaître. Les divergences, comme elles furent ensuite nommées. Le hacker n’arriva pas à finir sa cigarette, qui tomba de sa bouche. Il émit un « fuck » plus proche d’un croassement qu’autre chose et écarquilla les yeux. Devant lui, au dessus de la forêt, dans le ciel, au milieu des nuages, quelque chose s’était formé. Il se leva et commença à s’avancer pour mieux discerner ce qui venait d’apparaître.

TreasureOne ne put jamais dire par la suite ce qu’il advint du phénomène, puisque le noir complet se fit autour de lui. Il perdit immédiatement connaissance.

Les menstruations de la honte

lundi 22 mai 2017 à 21:41

Il n est pas très habituel de lire des choses au sujet de la contraception sur Reflets mais quand contraception cohabite avec sociologie, Reflets semble un bon lieu pour une telle réflexion.

Il n’a certainement pas échappé à certains ou certaines d’entre vous que le stérilet hormonal Mirena est sous le feu des projecteurs et pas de la meilleure manière. Depuis une dizaine de jours, ce petit objet de silicone rempli d’hormones, semble être la cause de nombreux effets secondaires et pas des moindres.

Crises d’angoisse, syndromes dépressifs, humeur sombre, vertiges, chute de la libido, troubles neurologiques, chutes spectaculaires de cheveux, prise de poids, inflammation des articulations, douleurs gynécologiques et j’en passe et des meilleures. Et tout cela dans un silence assourdissant du corps médical. Les remontées des effets indésirables sous la forme de pharmacovigilance sont tellement importantes que l’association SHV Stérilet Hormones Vigilance, tout récemment créée et validée par la préfecture, a été invitée par l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé) à travailler sur le sujet.

Au delà de ce petit objet et de ses conséquences désastreuses, une vraie question se pose, celle de la place de la femme dans notre société hyper médicalisée.

L’origine du monde un utérus ou une femme ?

Il n’est pas besoin de remonter le temps bien loin pour observer que l’utérus de la femme a été souvent exploré d’une manière un peu péjorative par le monde des hommes. À la fin du dix neuvième siècle, on parlait des humeurs néfastes et polluantes utérines pouvant rendre folles les femmes. Le terme hystérie vient d’ailleurs du mot utérus. Ces messieurs de l’académie des sciences médicales décrivent des manifestations quasiment diaboliques de maladies mentales de femmes, qui semblaient possédées par cet utérus maléfique.

Pauvres femmes débordées par leurs hormones et dépassées par ces mêmes hormones et ne pouvant pas faire face à ce débordement d’émotions voire de violence. Mais oui ce ne sont que des femmes…

Quelques décennies plus tard, le lien est fait entre cerveau et hormones. L’hypophyse dans le cerveau se charge de la production hormonale et répond en fait à des commandes bien précises. Ces découvertes vont alors permettre l’émergence des thérapies hormonales contraceptives ou thérapeutiques.

Mais cachez ces règles que je ne saurai voir

Les découvertes hormonales ont alors permis de contrôler LE mystère féminin. Les règles, les anglaises, les coquelicots, les rhagnagnas, les affaires, les ourses… sont autant de termes pour designer ce qui, chaque mois, nous rappelle que nous sommes des femmes, fertiles, et non enceintes. Pour certaines, c’est une contrainte et pour d’autres c’est un passage important dans notre identité féminine.

Dans chaque culture, existent des rituels pour fêter cette entrée dans la vie adulte mais d’une culture à l’autre le regard des hommes sur ces menstruations est très différent et oscille entre dégoût et fascination voire respect. Toujours est-il qu’il n’est pas rare qu’elles soient considérées comme un processus de purification dont les femmes auraient besoin chaque mois.

Dans notre société occidentale soi-disant évoluée, le regard porté sur ces manifestations sanguines est de plus en plus paradoxal. Entre les femmes qui veulent les assumer pleinement au point de laisser couler leurs menstruations sans aucune protection, le fameux « flux instinctif libre », une société médicale qui prône de plus en plus l’arrêt des règles comme un progrès révolutionnaire libérant les femmes, on ne sait plus à quel sein se vouer. Le stérilet hormonal est d’ailleurs vanté pour l’arrêt des règles qu’il provoque, mais à quel prix pour certaines femmes?

Faut souffrir pour être belle

En ce moment, je rencontre des femmes qui préfèrent souffrir mille maux que voir leurs anglaises revenir. J’ai même vu des femmes qui sont très malades et très affectées par les effets secondaires du stérilet mais qui décident de le supporter car leur compagnon ou mari est content de pouvoir profiter du corps de leur dulcinée quand ils le veulent… dommage, le Mirena enlève la libido à beaucoup de femmes. Je n’ose imaginer ce qui se passe dans les lits conjugaux.

Je crois que c’est le must de la soumission. Cette soumission qui nous habite depuis notre adolescence. Les règles ça peut faire mal, mais faut pas le dire. Aller chez un gynécologue, c’est humiliant et parfois douloureux mais faut pas le dire. Les retours de couche sont douloureux psychologiquement et physiquement mais faut pas le dire. Poser un stérilet peut faire très mal, mais faut pas le dire. Et le pire dans tout cela c’est que nous sommes des soumises volontaires, au point de se mentir entre nous, femmes, quitte à faire passer sa congénère pour une chochotte.

Pourquoi cette omerta mesdames ? Pourquoi supporter tout sans rien dire ? Pourquoi cacher que notre corps, parfois, est difficile à gérer dans ses douleurs et dans ses flux ? Pourquoi penser que si nous faisons disparaître nos règles alors nous serons des femmes libérées ?

La position gynécologique, écarter les cuisses et se taire

La position gynécologique est un des actes les plus humiliants dans nos vies de patientes. Elle est pourtant imposée même dans des événements qui ne le justifient pas. En France, accoucher en position gynécologique est toujours de mise, alors qu’elle n’est pas une position naturelle pour accoucher, au contraire elle ne facilite pas la descente du bébé et est plus douloureuse. Il faut se battre dans les salles de travail pour pouvoir accoucher dans la position où on se sent le mieux.

Sans en arriver à l’accouchement, la visite chez le gynéco fait partie de nos vies depuis notre adolescence. La position est par elle même une position où nos moyens sont coupés. On ne voit pas ce qu’on nous fait. On ne voit pas le médecin. Les actes, s’ils ne sont pas annoncés par le médecin, sont surprenants et parfois douloureux. Et la consultation se passe comme si on avait laissé notre personnalité et nos capacités de refus dans le vestiaire avec notre petite culotte.

Est ce le fruit de cette position particulièrement inconfortable et humiliante ? Ou tout simplement de vieilles habitudes transmises de génération en génération de nous sentir honteuses de notre utérus et de ses manifestations ? Ou oserais-je le dire tout simplement le fruit de cette bonne vieille tradition judéo-chrétienne dont nous sommes tous imprégnés ?

Je doute fort que la vierge marie, qui était vierge, ait dû passer par les affres du spéculum et du toubib qui farfouille en grognant dans son utérus. Non parce qu’elle, elle est pure… pas comme nous…

Stérilet hormonal, la consécration de la non féminité

Une fois n’est pas coutume mais je vais oser parler de ma petite expérience personnelle. J’ai accepté le stérilet hormonal à mon corps défendant. Je n’étais pas alors une débutante avec mes quarante quatre ans bien sonnés à l’époque. J’avais déjà eu deux enfants et pas moins de quatre stérilets cuivre non hormonaux. Je déteste les hormones de synthèse. Je suis issue du milieu médical donc assez au fait sur le danger des produits hormonaux. Et pourtant le jour où je me suis retrouvée, jambes écartées sur la table d’examen de ma gynécologue, toutes mes convictions sont tombées et j’ai accepté bêtement ce dispositif sans aller en vérifier la notice. Il faut savoir messieurs que nous allons acheter le stérilet à la pharmacie. On nous recommande de ne pas l’ouvrir car matériel stérile oblige. Le gynécologue pose le dispositif et jette la boite et la notice sans nous lire la liste impressionnante d’effets secondaires. Comment ai-je pu avoir cette naïveté et cette soumission pour ne pas aller me renseigner sur Internet sachant que je ne prends jamais rien sans éplucher les notices ?

Au bout de quelques mois, un état étrange et inhabituel a commencé à m’envahir. Plus de libido, des crises d’angoisse voire de panique, des sensations que j’étais au seuil de ma propre mort, et j’en passe. Il m’a fallu quelques années pour comprendre la cause de mes maux. Une fois cette saloperie enlevée, j’ai mesuré les conséquences vicieuses et insidieuses de ce petit bout de silicone hormonal.

Mon histoire ressemble à celle de milliers de femmes et on recense des cas encore plus graves avec des séquelles physiques, familiales et socio-professionnelles dramatiques sans qu’aucun médecin n’ait pu — ou voulu — faire le lien avec le stérilet.

Heureusement il y a des femmes qui supportent très bien ce stérilet hormonal mais certaines d’entre elles deviennent très agressives quand on parle des quelques milliers de femmes — ou peut être plus — qui souffrent actuellement. Encore un phénomène social ?

Et maintenant on fait quoi ?

L’enjeu n’est pas d’accuser les médecins ni même de pointer du doigt un responsable ou de priver les femmes qui supportent ce stérilet de ce mode de contraception.

Au delà de la volonté que les femmes qui souffrent soient reconnues et informées des risques de ce dispositif, mon propos est de réinterroger la position de la femme et le regard porté par le milieu médical mais aussi par la société toute entière sur nos caractéristiques principales, qui font que nous sommes des nanas.

Cette soumission utérine et hormonale est peut être la pire que nous vivons et celle à laquelle nous participons de notre plein gré. Si le combat des féministes devait se situer quelque part, il devrait peut être commencer là, dans les cabinets des gynécologues, dans notre éducation avec nos filles, mais aussi dans le partage quotidien de notre situation de femmes avec nos compagnons, maris, amants.

Pour ma part, j’ai pris conscience de ma soumission et j’arrête là ce cycle infernal. Je suis une femme qui ne veux plus souffrir quand on lui pose un stérilet, qui désire qu’on entende sa difficulté quand elle a ses règles, qui ne veut plus avoir honte d’avoir des problèmes de femme.

Libérons nos hormones