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#Gaza : ici on tue avec précision et délicatesse

lundi 19 novembre 2012 à 12:27

Cette vidéo de l’armée israélienne, diffusée sur sa chaîne Youtube est un petit chef d’œuvre de propagande communication. Parce qu’Israël est le seul Etat démocratique de la région et dont l’armée est la plus éthique au monde, il fallait bien ça :

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Gaza bombardé, l’info outragée

lundi 19 novembre 2012 à 02:34

La nouvelle opération militaire d’Israël sur Gaza se poursuit allègrement avec le concours d’une grande partie de la presse internationale qui reprend en cœur la novlangue guerrière sans précaution. Il est question d’une « offensive contre les groupes armés du Hamas », voire même de « représailles israéliennes » suite aux « tirs de roquettes palestiniennes sur Isräel ». Vendredi sur France 2, on parlait même de « missiles palestiniens »! Le déséquilibre des forces est pourtant criant, les armes palestiniennes sont de misérables pétards comparés aux missiles guidés au laser à partir d’avions de chasse F-16, sans parler des drones tueurs dont les images de frappes « chirurgicales » sont balancées en boucle pour prouver leur dextérité, alors qu’ils font tout autant de morts collatéraux dont on ne parle pas. Tout ça prépare les opinions à une invasion armée dans le territoire palestinien. Le petit nom de cette opération militaire est « Colonne de Fumée » (traduction à partir de l’hébreu), alors que les médias occidentaux lui préfèrent celle de… « Pilier de défense » (!).

Nous faisons suivre un texte de Claude Sarah Katz, une démographe proche de l’ONG International Solidarity Movement (ISM) qui vit depuis deux semaines sur place à Gaza et tente tant bien que mal de témoigner…

 

Désinformation

Gaza, 16 novembre 2012. — Non, le gamin qui adorait porter ce T-shirt [ci-dessus] n’est pas « un terroriste du Hamas ». Non, sa mort ne peut pas être imputée à des représailles « obligées » après l’action réussie de la Résistance contre une jeep militaire. Il est mort le jour précédent, un 8 novembre semblable aux jours ordinaires de Gaza. Israël n’était pas « en opération ». Juste, les tanks israéliens ont franchis la « frontière », comme ils en sont accoutumés, et attaqué les fermes les plus proches. Avec des tirs puissants, contre des fermiers sans moyens de défense, atterrés. A quelques centaines de mètres de là, quand le gamin s’est jeté à terre, ses copains qui jouaient avec lui devant sa maison ont cru qu’il plongeait sur la balle. Non, un éclat venait de le faucher.

Alors quand l’AFP commet la dépêche suivante : « Israël mène ce jeudi un deuxième jour d’offensive contre les groupes armés dans la bande de Gaza » , que les médias reprennent à leur compte (le Monde, Médiapart), elle commet une mauvaise action, contre l’information, contre la population de Gaza. Il faut dire, dire sans relâche, que c’est la population qui est visée. Que cette population est humiliée, bousculée, niée dans ses droits, assassinée, depuis tant d’années maintenant. Et qu’au jour d’aujourd’hui cette population est pilonnée, écrabouillée au sol par des moyens militaires aberrants.

Ce que nos médias appellent en se bouchant le nez « les groupes armés de la bande de Gaza », c’est le deuxième des deux seuls moyens de résistance que possède la population à Gaza. Le premier, c’est survivre (« survivre un jour encore, une heure, obstinément »). Et c’est de cela qu’elle est d’abord punie. Quand on a conquis l’essentiel d’un territoire, que faire de ces imbéciles (1 millions 800 000 quand même !) qui se serrent sur le petit bout qui leur reste. Les tuer jusqu’au dernier ? Cela rappelle quelque chose, n’est-ce pas ? Mais probablement difficile à mettre en oeuvre. Alors la terreur. Pour qu’au bout du compte, quand on ouvre la cage, des parents à bout de pleurs et des jeunes écœurés s’en aillent. Le « monde arabe » est grand vous savez. Et ça n’a pas de patrie ces gens là… Mais le plus borné des « observateurs » finis par se rendre compte que ces andouilles se croient palestiniens, et ce avec obstination…

Et le deuxième moyen, c’est la lutte armée. Pour qu’il en soit autrement, il faudrait qu’il y aient des relais significatifs de la cause palestinienne, qui permettent d’avoir une stratégie de conviction. Mais quand le monde est sourd, toujours des combattants se lèvent. Cela s’appelle la Résistance.

Claude Sarah Katz

Lire aussi le billet qu’elle a publié la veille sur le blog du Monde diplomatique

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#Gaza : A qui la faute ? #OpIsrael

vendredi 16 novembre 2012 à 09:52

Une fois encore, la bande de Gaza se retrouve au centre de l’actualité.

Si les violences du début de semaine n’avaient pas attiré les media, habitués à l’embrasement de cette minuscule frontière, la situation a changée depuis avant-hier soir.

L’assassinat par Israël  de Ahmed Jabari, chef de la branche armée du Hamas a sonné comme un gong. Les projecteurs médiatiques se sont à nouveaux braqués sur cette région. Et voilà les IDF (« Israel Defense Forces ») et les mouvements de résistance palestiniens prêt à en découdre dans un nouveau round de violence aveugle et destructrice.

Nous ne nous lancerons pas dans un article de fond cette fois ci. Car sur la situation en Palestine, tout le monde s’est déjà fait sa petite idée. Les médias sont depuis bien longtemps un terrain d’affrontement de prédilection des Israéliens et des Palestiniens. Et à ce jeu les rôles sont depuis bien longtemps répartis. Penchons-nous sur les déclarations de quelques seconds rôles de ce nouvel acte, seconds rôles qui possèdent en partie les clefs d’une éventuelles sortie du conflit : les dirigeants des pays occidentaux.

Déclaration de la maison blanche :

« Le président a exhorté le premier ministre Netanyahu à faire tous les efforts pour éviter les victimes civiles. Ils ont convenus que le Hamas doit stopper ses attaques sur Israël pour permettre de désamorcer la situation »

De son coté le secrétaire des affaires étrangères anglais William Hague a affirmé que le Hamas « porte la principale responsabilitée » de l’attaque israélienne sur Gaza.

Quelques déclarations des dirigeants israéliens maintenant. Netanyahu a affirmé :

« Le Hamas et les organisations terroristes ont choisi d’intensifier leurs attaques sur les citoyens israéliens ces derniers jours. »

Pour Ehud Barack :

« Israël ne veut pas de guerre mais les provocations du Hamas ces dernières semaines nous ont forcés à agir durement et avec détermination »

Mettons maintenant ces quelques déclarations à l’épreuve des faits.

Il nous faudra néanmoins prendre quelques précautions. En effet, nous sommes conscients que, en terre de Palestine, la désinformation bat son plein. Et Reflets n’est pas là pour en rajouter. Nous allons donc nous astreindre à n’utiliser que des sources israélienne ou de grands quotidiens internationaux pour éclairer ces évènements.

Suivez le guide …

28 Décembre 2011 : A l’occasion de l’anniversaire de l’opération « Cast Lead », le général Benny Gantz, chef des forces armées israélienne, affirme à la radio que la dernière grande opération militaire d’Israël dans la bande de Gaza en 2008 a été une « excellente » opération. Il affirme ensuite :

« Un second round n’est pas un choix pour Israël. Il doit être initié par Israël, et doit être rapide et douloureux »

9 mars 2012 : Israël interrompt une fragile trêve négociée par l’Egypte et assassine Zuhair al-Qaissi, chef des « Comités populaires de résistance », initiant ainsi un nouveau cycle de violence. Dans un éditorial de Haaretz, journal israélien, on peut lire :

« Mais était-il vraiment nécessaire, après une longue période de calme d’impliquer Israël dans une guerre qui paralyse la vie de millions de civils »

Le cycle de violence est clairement visible sur le graphique suivant, publié par le ministère des affaires étrangères israéliens :

Le prochain cycle de violence semble se dérouler en Juin. Nous devrions le trouver sans problèmes dans les journaux …

16 juin 2012 : Une roquette est tirée depuis le Sinaï Égyptien. Les autorités israéliennes affirment alors que cette roquette a été tirée sur ordre du Hamas, qui aurait lui-même reçu ses ordre des frères musulmans égyptiens. En réponse, les israéliens procèdent à plusieurs frappes sur la bande de Gaza, tuant 5 palestiniens dont une mère et son enfant. Le 18 juin, une nouvelle escarmouche a lieu entre des militants venant du Sinaï et les IDF. En réponse, l’armée israélienne procède à une frappe sur Gaza visant deux « soit disant snipers » circulant à mobylette. Ces évènements vont déclencher une nouvelle vague de violence et cette fois, le mouvement Hamas va être de la partie. Au pouvoir à Gaza, il va ainsi procéder au tir de plus de 100 roquettes, une première depuis presque un an. Puis le mouvement va accepter un cessez le feu négocié par l’Égypte, à condition que Israël cesse ses attaques.

8 octobre 2012 : Les forces de défenses israélienne procèdent à l’assassinat ciblé de deux militants d’un groupe affilié à al-Qaida qui circulaient à moto près de la ville de Rafah. Ces militants sont accusés d’êtres impliqués dans la fabrique d’armes ainsi que dans des attaques sur les civils et des militaires israéliens  »depuis des années« . Le missile qui les vise blesse au passage plusieurs passant incluant trois enfants, une femme et un vieil homme. Cette attaque provoque une réponse massive des groupes palestiniens, et cette fois-ci le Hamas et le Jihad Islamique sont au coeur de la réponse palestinienne.

19 Octobre 2012 : Noam Chomsky visite Gaza, invité à une conférence à l’université islamique. Vous pouvez lire ses impressions sur son voyage ici.

23 Octobre 2012 : Visite de l’émir du Qatar dans la bande de Gaza. Celui-ci promet une enveloppe de 250 millions de dollars pour des projets de reconstruction.  C’est la première fois qu’un chef de gouvernement de cette importance visite Gaza depuis la prise de contrôle de Hamas.

8 Novembre 2012 : Après 2 semaine de relative accalmie, l’armée israélienne fait une excursion près de la frontière. Dans l’échange de coups de feu qui s’en suit, un jeune garçon de 12 ans est tué.

10 novembre 2012 : Les militants palestiniens attaquent une jeep de l’armée israélienne blessant quatre soldats. La réplique israélienne fait deux victimes civiles supplémentaires.

11 Novembre 2012 : Les altercations entre israéliens et palestiniens font une victime civile palestinienne et plusieurs blessés civils israéliens et palestiniens.

12 Novembre 2012 : Les militants palestiniens affirment être prêts à une trêve si Israël cesse toutes ses opération militaires.

14 Novembre 2012 : Israël interrompt deux jours de calme en assassinant le chef de la branche armée de Hamas , Ahmed Jabari.

L’image qui se dégage de cette timeline va à l’encontre des déclarations des dirigeants israéliens. Mais s’il est difficile d’attendre d’une nation qui rentre en guerre, une posture neutre et équilibrée, que penser des déclarations des dirigeants occidentaux,  William Hague et Barack Obama en tête ?

L’enchaînement de ces évènements fait surgir d’autres question bien plus gênantes. Quelle pourrait être l’influence de l’élection récente de Barack Obama dans ce nouveau conflit qui se dessine ? Et quelle est l’influence des prochaine élection israéliennes sur cette nouvelle offensive contre le peuple palestinien ?

Je vous invite à aller lire l’article publié hier par Alain Gresh sur ce sujet.

 

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Le point crucial à relever de la conférence de presse de Moi-Président

mercredi 14 novembre 2012 à 12:59

C’était chouette cette conférence de presse gaulienne dans les ors de l’Elysée avec tous les ministres et 400 journalistes invités à poser des questions à Moi-Président, non ? Ouais, vachement chouette. Il a endossé les habits présidentiels, Moi-Présient, ça y’est, et c’est les spécialistes-analystes-de-la-chose-politique qui le disent. Il n’est plus « normal », mais « responsable », il l’a répété. Super. On est bien contents.

Mais à un moment, un journaliste assez connu pour changer de veste en fonction des pouvoirs en place, a posé une question pas mal carrée et qui est en un certain sens LA question qui tue : « Dites-moi, M’ssieur l’président, là, vous parlez de ramener le déficit à 3%, de faire de la rigueur budgétaire, et on voit autour que plus il y a de la rigueur, plus l’économie s’écroule, avec même de la récession en Espagne, en Grèce, au Portugal, enfin bref, la France est programmée elle aussi pour y aller dans la récession. Et dans le même temps, il y a pas mal d’économistes, dont un prix « Nobel » (c’est pas vraiment un prix Nobel, parce qu’en économie ça n’existe pas, mais bon, NDLR) qui expliquent que ces politiques de rigueur vont nous couler, que ça marche pas, au contraire. Et que si la France tente d’arriver elle aussi à 3%, ça va vraiment être la catastrophe. Alors, pourquoi vous continuez quand même vot’rigueur alors qu’on sait que ça va nous planter ?

Et là, il y a une moment très important à retenir dans la réponse de Moi-Président. Parce qu’après un bla-bla-bla classique sur les finances saines, la croissance dans un pacte-paquet-bonux et que c’est pas bien d’avoir de la dette, le Président français a dit quelque chose de vraiment important.

Il a dit qu’il ne dirigeait pas le pays.

Et ça c’est quand même pas mal de l’avouer. Sans s’en rendre compte, hein, parce qu’il ne l’a pas fait exprès, mais sa réponse a été tout de même extraordinaire. En substance, Moi-Président a expliqué que les « marchés » allaient se déchaîner s’il ne faisait pas de la réduction de déficit. Premier point qui indique que les marchés lui dictent sa politique. Et puis un autre aveu extra, et central, crucial celui-là : « si je vais voir les 26 autres de l’union, avec une autre voie, en ne faisant pas comme tout le monde, qu’est ce qu’ils vont dire hein ? Quand même, je peux pas aller contre l’Union, en faisant des choses qu’elle veut pas… »

Et oui, notre président a avoué hier qu’il dirigeait que dalle. Que ses ordres il les prenait à Bruxelles et par les agences de notations.  C’est un bel aveu. Très franc. On peut au moins lui reconnaître ça. Merci à lui. On sait maintenant de façon claire et déterminée comment ça marche. Parce qu’à un moment on se demandait bien pourquoi…

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Concertation(s), piège(s) à con(s)

mardi 13 novembre 2012 à 14:19

Ce matin 13 novembre, on apprend que Greenpeace vient de décliner l’invitation du ministère de l’Écologie de participer au « Grand débat sur l’énergie » qui devrait nous aider à avaler la pilule des gaz et pétroles de schiste (ça fait aussi la Une ce matin) et de nous convaincre que, finalement, « rester dans le nucléaire » a ses avantages.

Qu’est-ce qu’ils ont encore, ces obscurantistes qui rêvent de retourner à la bougie? Ce qui fait tiquer l’ONG, par la bouche de son numéro un Jean-François Julliard (ex-sec’gen’ de Reporters sans frontières), c’est la composition du « comité de pilotage » de ce « grand débat »:

« Il y avait déjà le projet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et ce qui s’y passe en ce moment, les incertitudes sur la fermeure de la centrale de Fessenheim, la déception de la conférence environnementale, le flou qui entoure l’organisation de ce débat et maintenant un comité de pilotage déséquilibré avec deux personnes ouvertement pro-nucléaires », a détaillé le directeur de Greenpeace.

Certes, 2 membres sur 5 ouvertement pro-nucléaire (ou au parcours qui le laissent à penser), c’est déjà too much. Mais les dépêches ne s’attardent pas — et c’est bien dommage — sur l’Iddri, un organisme pourtant créé en 2001, qui est en fait une Fondation, comme l’écosystème ultralibéral sait en produire des tonnes, « reconnue d’utilité publique » depuis 2009. Le bref CV des membres du Comité de pilotage cité plus haut est incomplet: Jean Jouze, le climatilogue de service, est aussi membre du collège de l’Iddri. Cet organisme compte donc 2 représentants sur les 5 que comptent le comité de pilotage.

Or, qui trouve-t-on parmi les 15 administrateurs, issus de son « Collège des fondateurs »?  Des haut cadres de chez GDF-Suez, Veolia Environnement, Lafarge  et… EDF! Ouais! Le plus gros producteur d’électricité nucléaire au monde, les deux plus gros profiteurs de l’écologie de marché, et des industriels bouffeurs d’énergie (Lafarge), en sachant que le dernier fondateur de l’Iddri est Saint-Gobain). Ne manque plus qu’Areva, curieusement absent du casting. Il y a aussi, parmi les parrains de l’Iddri, un truc appelé EpE: « Les Entreprises pour l’environnement ». Un lobby énorme, qui ne compte toujours pas Areva (quelle pudeur!), mais rassemble la quasi totalité des poids lourds industriels tricolores, CAC 40 et compagnie.

Pour accompagner la mission pacificatrice de ce think-tank (lié notamment à Sciences-Po Paris), son conseil d’administration compte des membres d’institutions publiques comme l’Agence de la maitrise de l’énergie (Ademe), l’Agence française de développement (AFD), et trois organismes de recherche, plutôt pro-OGM (Cirad, CNRS, INRA). Je vous laisse aller mater ses publications pour voir si, sur l’énergie (qui ne fait pas partie de ses 5 priorités, déjà), ils ont une vision quelque peu plus « indépendante » que son état-major ne le laisse penser. C’est vrai: halte aux procès d’intention, on peut être industriel et concerné par l’écologie, la vraie!

A l’école du numérique, les enfants sont des numéros

Cet avant-propos introduit idéalement le véritable propos de ce billet. Cet été, le ministère de l’Education lançait une vaste « Concertation » sur la « Refondation de l’école de la République ». Pour encadrer ce « grand débat », Peillon a lui aussi créé un Comité de pilotage de quatre membres. Ces 4 experts — une philosophe, une sociologue, un ancien inspecteur de l’EN et un parlementaire — n’ont pas déclenché le moindre scandale. Ce sont plutôt leurs adjoints — et surtout l’un d’entre-eux — qui ont attiré la suspicion. Ont en effet été nommés par le ministre quatre sous-experts pour diriger les débats dans chacune des 4 grandes thématiques.

Durant la concertation (5 juillet-1er octobre), il y eu une vingtaine de sous-groupes de travail, une centaine d’heures de réunions et des centaines de « contributions écrites » parues sur le site internet… Les « ateliers », réunis à Paris jusqu’au 1er octobre, n’étaient pas ouverts à la presse — « pour ne pas intimider les participants », dit-on au cabinet du ministre. On a pu s’y glisser courant septembre. Pour découvrir que cette opération avait tout de l’enfumage caractérisé.

Tout part d’une initiative du Collectif national de résistance à Base-élèves (CNRBE), un collectif de parents et d’enseignants qui se bat depuis quatre ans pour que cesse le fichage de masse de 14 millions d’élèves à travers fichiers, répertoires et bases de donnes qui confondent gestion et tri sélectif. Les fausses promesses de la Concertation sur l’école, le CNRBE en a fait l’amère expérience.

Ils se sont souvenu qu’en mars 2009, le parti de Martine Aubry publiait « La France en liberté surveillée ». Ce texte plutôt radical, en pleine période sarkozyste, dressait, sous forme d’abécédaire, la liste noire des mesures liberticides à proscrire (à consulter en PDF ici). A à la lettre « B » figurait « Base élèves / BNIE », le fichier des écoles et sa « base des identifiants », devenu RNIE en février 2012 (répertoire élargie, bon pour classifier élèves, lycées, apprentis et étudiants!). Bref, le CNRBE espérait lui aussi que le changement, ce soit pour maintenant. Le collectif prend contact avec le cabinet de Peillon au mois de juin, et décroche une « audience » avec deux conseillers le 13 juillet. On leur conseille alors de se joindre à la fameuse concertation pour exposer leurs revendications.

Quelques semaines après, ils sont « invités » à se joindre à l’une des quatre thématiques, « Un système éducatif juste et efficace », et de son groupe de travail « Une grande ambition pour le numérique ». Soit, se disent-ils, pourquoi pas. Alors ils se renseignent. Et voilà qu’ils tombent sur la personnalité choisie pour encadrer les débats de la thématique. Il s’agit d’un certain François Momboisse, présenté comme le président de la FEVAD. Féquoi?? La Fédération pour l’école et la valorisation de la démocratie ? Mmm. Raté: c’est tout simplement le lobby des « entreprises de vente à distance ».

François Monboisse est en effet un fin connaisseur de l’école (de commerce) : ce polytechnicien détenteur d’un MBA de management a passé « les dix-huit premières années de sa carrière chez des fabricants de produits de grande consommation », dixit son CV officiel publié par le ministère, dont 11 ans pour le lessivier Procter & Gamble, et finira sa brillante carrière de grand pédagogue scolaire au groupe Pinault-Printemps-Redoute, en gérant des filiales de la Fnac comme… Eveil & Jeux ! Le ministère, en revanche, ne dit pas qu’il est aussi membre du comité exécutif du MEDEF et, depuis juin 2012, président d’un autre lobby européen, E-Commerce Europe.

En 2011, Monboisse fait partie des 18 brillants élèves à rejoindre la classe du Conseil national du numérique (CNN), un machin créé par Sarko pour fédérer les forces vives des marchands de rêve informatique — tous des dirigeants d’entreprises. En mars 2012, ce CNN a pondu un rapport sur « Le choix du numérique à l’école » [PDF]. Dans lequel il est question:

En mars 2012, alors que la loi sur la protection de l’identité, qui prévoit la future carte biométrique d’identité, notre expert en école numérique déclarait, à propos de la puce « services » devant servir de sésame électronique:

«Avec cette puce en option sur la carte d’identité biométrique, les commerçants et les consommateurs auront un moyen d’identification fiable. C’est une bonne chose. On pourrait même imaginer un système européen, voire universel».

Entre-temps, le Conseil Constitutionnel a censuré en partie cette loi, pour supprimer le recours au vaste fichier central et la 2eme puce « services ». Dommage pour notre lobbyiste en chef.

BREF… Invités à débattre du « numérique à l’école » lors d’un dernier atelier, le 19 septembre, des délégués du CNRBE sont venus y lire un texte et ont tourné les talons, ne voulant pas cautionner un échange d’épiciers. En effet, du fichage et du marquage à vie des enfants, il n’en fut point question — ou presque.

Dans le rapport final de ce beau travail d’enfumage [PDF], rendu public le 1er octobre, on peut y lire de précieux conseils sur « Le numérique, une priorité pour la réussite ». On ne peut s’empêcher tout de même d’y voir une logorrhée de poncifs euphorisants inspirés par les mêmes lobbies représentés par M. Monboisse. Le tout recouvert d’une couche de vernis « participatif » pour rendre le tout acceptable. Sur 52 pages, il y en a 1 et demi. Évidemment, on ne parle que du numérique qui « libère » (et libéralise, au sens économique), pas de celui qui asservit, catalogue, tri, classifie les élèves pour qu’ils se façonnent au mieux aux exigences du marché du travail. Cf pages 49-50:

Après les « débats publics », les « rencontres citoyennes » et autres instances de diversion, la Concertation (et ses « comités de pilotage ») a de beaux jours devant elle. Rompez.

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