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El cambio no vendrá con políticos

jeudi 3 septembre 2015 à 11:47

podemos-syrizaPara seguir con el monologo anterior, la pregunta que sigue es “¿que podemos hacer?” Si no bastan revelaciones como las de Edward Snowden, si no bastan los artículos en la prensa internacional, si no basta la película Citizen 4, si no hay la reacción que podíamos esperar por parte de la población… ¿Qué podemos hacer?

Podemos… Esta es una palabra interesante. La hemos oído mucho estos últimos tiempos. Podemos…, juntos, podemos…, podemos cambiar un montón de cosas. ¿Pero que queremos cambiar exactamente?

Cambiar a los políticos parece. Que muchas personas están hartas de lo que hacen y de lo que no hacen.

Cambiar esta sociedad porque se nota que no es bastante igualitaria.

¿Y como hacemos esto?

¿Votando?

¿Pero a quien?

¿A Podemos porque pueden?

¿A Syriza porque hará algo radicalmente diferente?

Esto no funciona. Y no funciona porque no quieren. No funciona porque el resto del mundo no quiere que funcione.

Venceremos, dice la imagen. ¿A quien venceremos? ¿A otros políticos? No tiene ningún sentido…

A lo mejor, el día en que ya no vote nadie pasara algo. A lo mejor tenemos que cambiarnos nosotros mismos, cada uno de nosotros, para iniciar un cambio global. A lo mejor todo empieza en nuestros cerebros, individualmente.

Uno puede cambiar individualmente sin desinteresarse de los otros. Al revés. Cambiarse sólito para convivir mejor con los demás.

Apagar la televisión, dejar de darle importancia a lo que no tiene ninguna, concentrarse en lo que podemos hacer para ayudar a la gente que nos rodea, dejar el ordenador. Que el no puede cambiar nada, ni con peticiones ni con Twitter, ni con Facebook. El no salvara a nadie. ¿Te importa Aylan y todos los que dejan su vida en el Mediterráneo? Puedes salir para España, Grecia, o donde quieras, para ayudar en las playas. Twitter y Facebook no ayudan a Aylan.

Postulat n°2 : la maîtrise des identités conditionne notre rapport moral aux libertés

mercredi 2 septembre 2015 à 19:27

slimpressNous venons de voir que les problématiques liées à l’identité sur Internet sont faites de paradoxes. L’exercice des libertés sur Internet ne déroge pas à une certaine forme de complexité principalement liée à la gestion de ses identités. La liberté d’expression est probablement celle qui vient à l’esprit de tout internaute si on lui demande ce qu’Internet lui inspire. Ce fut le cas en France jusqu’à une certaine époque que nous vous laisserons ici le loisir d’apprécier. Mais la donne a changé. Le parcours chaotique du rapport de l’homme public à Internet, ponctué d’une succession de lois anti-terroristes et pour le bien de l’exception culturelle française, couplé à un accroissement plus que significatif des aborigènes du Net ont conduit à une surveillance accrue des réseaux de communication.

Personne n’aime se sentir surveillé, il est donc logique et naturel de vouloir échapper à la surveillance. Pour un journaliste, c’est même un devoir dont il ne semble pas toujours bien conscient même s’il faut reconnaître à la profession une certaine prise de conscience depuis les révélation d’Edward Snowden sur les programmes de surveillance américains. Mais cette prise de conscience n’est qu’un premier pas.

Non, nous n’aborderons pas ici le piratage du site Ashley Madison pour tenter d’expliquer que la maîtrise de son identité conditionne notre rapport moral aux libertés mais vous avez tout loisir d’y songer en ayant une pensée pour les victimes d’une mauvaise évaluation des risques liés à la gestion de leur identité, d’un site sans scrupule et d’imbéciles qui ont publié leurs données personnelles.

La première entrave à la liberté d’expression et de la presse c’est l’identité

S’exprimer sur un réseau de communication en ligne, c’est échanger. Sur le « Web 2.0 », l’information se construit sur des échanges, des interactions. L’information est copieusement enrichie de commentaires, de contre-information, d’échanges de points de vue. Chaque lecteur apportera un crédit à la manière dont X ou Y relate une information.

Est-ce parce que c’est X ou Y ou est-ce parce que l’information est pertinente ?

Un organe de presse a normalement une identité, une raison sociale. Sur Internet, d’un point de vue technique et pratique, un blog est autant un organe de presse que le site web d’un quotidien national, il s’y exprime de la même manière que le quotidien national, souvent avec les mêmes outils. Mais un journaliste jouit de droits auxquels blogueurs et lanceurs d’alertes ne peuvent prétendre.

Il y a bien un joli principe dans la déclaration française des droits de l’homme qui énonce que « tout Citoyen » (même bloggueur ou lanceur d’alerte) a le droit de communiquer ses pensées et ses opinions, mais il y a surtout tout un tas de textes de loi qui vous expliquent que le citoyen dont on parle c’est le journaliste, pas le bloggueur, ni le lanceur d’alerte.

« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. » Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 

Le blogueur ou le lanceur d’alerte ont beau être tout aussi « Citoyens » et parfois plus indépendants et désintéressés qu’un journaliste, ils ne disposent pas d’un droit à la protection de ses sources. Et comme ils n’ont pas légalement le loisir de protéger leurs sources, il ne peuvent que protéger trois choses :

Un blogueur ou un lanceur d’alerte sera naturellement plus enclin à dissimuler des identités, donc plus enclin à être l’objet du scepticisme de ses lecteurs.

Mais…

 

Si c’est un lâche anonyme qui ne cite même pas de source, comment peut-il être pris au sérieux ?

La rupture

Et puis arrivèrent Wikileaks et Chelsea Manning, un immense raté qui partait pourtant bien. Cet épisode marque un intéressant revirement de situation. Le volume et la nature des documents publiés par Wikileaks rendaient de fait le site parfaitement crédible. En dehors de l’administration américaine, tout le monde se fichait bien de savoir qui était à l’origine de la fuite.

Mais on ne peut protéger une source d’elle même.

Même Wikileaks qui déploie des trésors d’outils et de pédagogie pour conserver ses sources anonymes n’a pas pu empêcher Chelsea Manning de révéler à un « journaliste » son rôle dans la fuite des documents militaires classifiés américains. Ce « journaliste » s’est évidemment empressé d’aller dénoncer Chelsea Manning à l’administration américaine.

Prenons le problème sous un autre angle.

Un journaliste est-il le mieux placé pour protéger l’identité d’une source ?

Pourquoi ?

Le courage c’est l’anonymat, pas la carte de presse

Plus une information est pertinente et sensible, moins l’identité de celui qui la révèle est importante. L’information pertinente, celle qui révèle quelque chose au public, qui apporte un éclairage au monde, c’est celle qui disparaîtra totalement des colonnes des quotidiens nationaux si les journalistes refusent de repenser leurs droits, leurs responsabilités et leur métier.

C’est bien mignon de se planquer derrière une carte de presse mais sur Internet, ce n’est pas la carte de presse qui protège l’identité d’une source. La carte de presse, ça fonctionne probablement devant un officier de police, devant un juge, mais c’est bien moins efficace sur Internet, face à des « boîtes noires ». Une carte de presse ne chiffre pas les communications et ne propose pas un moyen sécurisé et anonymisé d’échanger avec une source.

Pour avoir le courage de publier une information sensible, il faut se donner les moyens de la publier dans des conditions optimales, en évacuant au possible toute source de pression potentielle. Là encore, ça ne passe pas par une carte de presse mais par la protection de l’identité d’une source et/ou de sa propre identité.

Dernier point qui peut donner à réfléchir : la protection de l’identité du journaliste, son anonymat, entre en parfaite contradiction avec la logique carriériste de ce dernier puisque c’est sa profession et qu’il a un besoin naturel de reconnaissance pour être en mesure d’évoluer professionnellement.

Le meilleur moyen de protéger l’identité d’une source, c’est de ne pas pouvoir l’identifier

Mais le rôle d’un journaliste, c’est d’identifier sa source pour juger de sa pertinence ?

Non. Cette manière de faire était probablement très en vogue au 20e siècle, mais Internet a sensiblement changé la donne.

De nos jours, il est plus convenable de juger de la pertinence d’une information et non d’une source. La compromission de l’identité d’une source d’information est devenu la principale raison d’une information incomplète, tronquée, fausse, ou orientée.

Valider l’identité d’une source est plus facile que la validation de l’information. Un journaliste consciencieux ne peut et ne doit pas valider la pertinence d’une information sur la seule base de la validation de l’identité d’une source. Cette identité peut être éclairante sur un contexte motivant la divulgation de l’information mais c’est bien là son seul apport, un apport qui peut se montrer souvent inutile, parfois nuisible.

Ce que nous pouvons conclure à ce stade

 

Lire :

 

Xavier Bertrand : dourak de service ou simplement cynique ?

mercredi 2 septembre 2015 à 18:31

xavier-bertrandComment peut-on en arriver là ? Par pure bêtise ou par cynisme débridé ? La question mérite d’être posée à la lecture de ce document. Bien sûr, il y a cette idée de renvoyer les migrants qui commettent des délits à Calais… Où ça ? En Grande-Bretagne peut être ? Hum… Ah, non, ça ne marche pas, Londres n’en veut pas. En Syrie ? En Mauritanie ? La Libye peut-être ? Mais surtout, il y a ce besoin de faire chauffer le chaudron à haine avec une sorte d’amalgame migrant = délinquant qui vient en France pour y commettre des délits. Xavier, quelqu’un qui dépense à peu près tout ce qu’il a gagné en une vie pour quitter sa terre natale, ses amis, sa famille, quelqu’un qui fuit la guerre, les persécutions, vous croyez vraiment que c’est un délinquant  ?

Et si on interdisait plutôt de territoire ceux qui véhiculent la haine ?

Identité(s), postulat n°1 : Internet n’a pas changé notre rapport à l’identité

mercredi 2 septembre 2015 à 14:36

Internet n’a pas changé notre rapport à l’identité, il l’a enrichi de nouvelles contraintes et de nouvelles pratiques.

La première définition de l’identité que nous retiendrons est l’une des cinq définitions données par le Larousse

Caractère de deux êtres ou choses qui ne sont que deux aspects divers d’une réalité unique, qui ne constituent qu’un seul et même être.

idSur Internet, l’identité n’est pas ce qui nous caractérise mais ce qui permet d’être reconnu, que ce soit par d’autres personnes ou par des machines (par une administration, par une boutique en ligne, par votre banque en ligne…) . Nous adopterons ici le raccourcis de « systèmes » pour définir ces différentes entités. Le concept d’identité ne peut se suffire à lui même, il a besoin d’opérandes plus ou moins folkloriques pour qu’un humain ou une machine soit reconnu par d’autres systèmes : un visage, une date de naissance, un lieu de résidence, un numéro d’identification, un pseudonyme, un numéro de carte bleue, un mot de passe, un adresse IP, une clé de chiffrement…

L’identification c’est la défiance, l’identité, c’est la confiance

Dans un système idéal, c’est l’homme qui choisit et forge son identité en fournissant les éléments qu’il désire, et non le système qui lui impose une identité en lui demandant une foule d’éléments d’identification lui permettant de reconnaître principalement ce qu’il n’est pas, c’est à dire une entrée dans une base de données.

Plus un système est proche de l’humain, moins le besoin d’éléments d’identification est nécessaire pour que le système nous reconnaisse. Même sans prénom, vos parents vous identifieront toujours comme leur enfant.

Plus un système est distant de l’homme, plus son besoin de données d’identification est important. Paradoxalement, plus on fournit d’éléments d’identification à un système, moins ce dernier est respectueux de votre identité, celle qui vous définit en tant qu’humain. Il devient tenté de calculer une identité en fonction de vos habitudes, souvent à des fins mercantiles pour le moment. Demain, ce sera peut-être pour évaluer les chances que vous avez de vous laisser tenter par un stage de fitness en Syrie.

Ce que nous pouvons déjà conclure à ce point :

La notion de gestion des identités

Internet a introduit un nouveau paradigme, celui de la gestion des identités. Selon le système auquel on s’adresse, la notion de confiance est induite

Tout le monde n’a pas besoin de savoir quand je suis connecté à Facebook que je suis un nazipédoterroriste de l’Internet profond, celui du sous sol au fond à gauche,, même si Facebook sait le déduire de lui même. Plus j’alimente, consciemment ou non, Facebook de critères lui permettant de me définir en tant que nazipédoterrorisme, moins je lui accorde de confiance car tout intéressé qu’il est par mon identité agissante (avec qui je parle, à quelle fréquence et de quoi, mais aussi avec quel navigateur de me connectes quelle adresse IP), je lui donne les moyens de définir une identité calculée sur ma personne (à quel point je suis populaire et combien mon profil peut lui rapporter en vendant mon profil à ses annonceurs).

Quand je m’authentifie au système d’information de Facebook, je lui fournis les mêmes critères d’identification que je fournis au système d’information de mon entreprise (nom, prénom, mot de passe et email). Les critères sont identiques même si leur valeur peut différer (à minima pour le mot de passe et l’email) . Noms, prénoms et mots de passe n’ont pas de caractère unique, alors qu’un email lui, bénéficie d’un caractère unique (sinon ça fonctionne beaucoup moins bien). Ainsi, l’email de par son caractère unique est devenu, à tort, comme un élément fort, constitutif de l’identité sur Internet. J’insiste sur le « à tort » car l’email devenu l’élément principal d’identification sur Internet, il est aussi de fait devenu l’un des premiers vecteurs de compromission de l’identité, et donc des systèmes d’informations.

Pertinence de critères

Pour définir précisément une identité, un critère seul est forcément non pertinent, même si certains le sont plus que d’autres. Sur Internet, un nom n’est pas pertinent, un prénom l’est encore moins, mais étrangement, un email ou un pseudonyme peuvent l’être beaucoup plus qu’un nom et qu’un prénom réunis. J’en reviens une fois de plus à cet article de Maître Eolas qui explique très bien que sur Internet, son pseudonyme définit mieux son identité que son nom puisqu’on sait que c’est à ce pseudonyme que les propos de son fil Twitter et de son blog sont attachés.

Tout le monde connait son pseudonyme, tout le monde connait son blog, tout le monde connait son amour inconditionnel pour le rugby ou le curling en période de jeux olympiques d’hiver, et tout ceci nous suffit amplement pour lire son blog et échanger avec lui. Son nom et son prénom sont donc des critères non pertinents, ils ne sont pas une barrière à l’échange, à sa crédibilité, et au plaisir que nous prenons à le lire.

Internet introduit de nouveaux critères et une notion de contextualisation plus fine

Si l’email et le mot de passe sont les critères les plus admis dans notre pratique quotidienne d’Internet et du numérique en général, il existe une foule d’autres critères qui savent se faire oublier et qui ne sont pas moins pertinents, c’est la notion de métadonnées.

On identifiera plus finement monsieur untel disposant de tel téléphone chez l’opérateur bidule télécom dont le numéro de téléphone est 06 42 42 42 42, le numéro d’IMEI 42424242424242 qui appelle tel autre numéro de monsieur untel tous les vendredi à 18h30… que par son nom et son prénom. Un ancien président de la République l’a découvert à ses dépens.

La somme de l’insignifiant, ces métadonnées, se montre souvent plus précise sur l’identité d’une personne que sa carte nationale d’identité.

Si la gestion d’une identité numérique peut se borner à un mot de passe, à un email et à un pseudonyme, ce n’est pas du tout le cas de la confidentialité. La confidentialité n’est pas l’anonymat, mais la confiance que l’on a en un système donné pour y réaliser une tâche particulière en fonction d’un contexte donné. Quand on a besoin de confidentialité, tout réside dans l’art de la maîtrise des différents contextes.

Ce que l’on peut déduire de ce premier postulat

On se rend compte qu’un pseudonyme, c’est un élément d’identification supplémentaire, là où l’anonymat vise lui à réduire au minimum tout élément d’identification. L’anonymat induit de la confiance, toute identification est un vecteur de défiance qui réussit un coup de maître sur Internet : donner un (faux) sentiment de confiance.

Un individu aura une confiance naturelle en son identité déclarative (ce qu’il dit être), il contrôlera au moins son identité agissante, c’est à dire ses actions en fonction de cette identité déclarative (ce qu’il fait), mais commettra souvent l’erreur d’omettre la somme de ses métadonnées, son identité calculée ou corrélée.

L’usage d’Internet et des technologies numériques en général ont ajouté une couche de complexité à des concepts que nous maîtrisions pourtant naturellement. Cette complexité peut donner plus de libertés, comme elle peut restreindre nos libertés si on se refuse à faire l’effort de l’affronter.

Le roman de George O.

mercredi 2 septembre 2015 à 14:31

George-orwell-BBCEric Arthur Blair. C’était son vrai nom. Son pseudo a été choisi un peu au hasard. Au détour d’un échange de lettres avec son éditeur Leonard Moore, en 1932. A cette époque, à 29 ans, Eric est déjà journaliste, mais il veut signer des romans, et impossible de signer Blair – il répugnait à voir son vrai nom imprimé, parait-il, sans doute redoutait-il aussi les réactions de sa famille. Lettre à Moore datée du 19 novembre 1932 :

[…Q]uant aux pseudonymes, le nom que j’utilise toujours quand je vagabonde, etc., c’est P. S. Burton, mais si vous pensez qu’il ressemble à un nom qui pourrait exister, que dites-vous de
Kenneth Miles
George Orwell
H. Lewis Allways.
J’ai une préférence pour George Orwell. […]

M. Toujours aurait pu l’emporter. Va pour Orwell, en effet. Il ne ressemble à aucun autre.

Quand je me suis penché sur la vie d’Eric Blair, j’ai été surpris de ne trouver aucune trace de sa voix, sachant qu’il a travaillé à la BBC pendant la guerre. Rien, pas une trace d’enregistrement. Pas de films non plus. J’ai appris par la suite qu’en Espagne, où il est resté six mois en 1937 à se battre dans les milices du POUM (un mouvement libertaire de Catalogne, allié de la CNT pendant la guerre civile), il a été blessé assez grièvement. Il a même eu très chaud. Une balle lui a traversé la gorge, à deux doigts de la carotide. Et sa voix en a, semble-t-il, été affectée.

orwellvoice-bbcmemoAucun historien n’a fait le rapprochement, mais ça mérite de le mentionner. En janvier 1943, un certain J. B. Clark, un des « contrôleurs » de la radio publique britannique, écrit une note de service au sujet d’Orwell. Il se dit « marqué » par le ton de la voix de l’écrivain, qu’il considère comme « peu attractive » et « inappropriée » aux critères de qualité de la BBC (cf document) – « I was struck by the basic unsuitability of Orwell’s voice ».  Et il recommande de le retirer de l’antenne. Finalement, Orwell démissionnera de la BBC en septembre 1943, pour terminer « La ferme des animaux ».

C’est dans un documentaire produit par la BBC, des décennies plus tard, qu’on peut entendre et voir Orwell devant une caméra. C’est bien entendu un docu-fiction, intitulé « A life in pictures ». Un comédien interprète Orwell dans des scènes reconstituées, le tout basé  sur ses déclarations et ses écrits. Ça commence par un entretien fictif, où il se présente brièvement – c’est mis en scène mais ce sont ses propres mots :

J’aime la cuisine anglaise, la bière anglaise, j’aime le vin rouge français, le vin blanc espagnol, le thé indien, le tabac fort, le feu de cheminée, la lumière des chandelles… et les chaises confortables… Je déteste les grandes villes, le bruit, les motocyclettes, la radio, les boites de conserve, le chauffage central et les meubles modernes.…

L’œuvre d’Orwell est trop souvent présentée par le petit bout de la lorgnette. On parle de lui quasiment toujours pour évoquer le père de Big Brother, et on continue de présenter son roman 1984 comme un roman d’anticipation sur la société de surveillance. On va rarement chercher plus loin. Sa peinture du totalitarisme est pourtant bien plus subtile que la description mécanique qu’il installe de son roman. Une dystopie bien plus philosophique qu’un simple ouvrage d’anticipation, où la corruption du langage, la manipulation des masses par le matraquage psychologique apporte l’essentiel du génie littéraire. Son appendice consacré au newspeak – la novlangue – est d’une grande originalité pour une œuvre romanesque, au point qu’il n’a pas été compris par tout le monde. Selon des lettres échangées à l’époque avec ses agents et éditeurs (cf Une vie en lettres, Agone, 2014 – détails plus bas), on apprend d’ailleurs qu’Orwell a du insister pour que l’éditeur américain accepte de publier cet appendice telle quelle dans la version US…

Blair n’a vécu que moins de 47 ans (25 juin 1903 – 21 janvier 1950), une vie durant laquelle sa production littéraire sera plutôt complète (22 ans). Sa boulimie d’écriture peut s’expliquer sans doute par son état de santé, qui a toujours été fragile. Sa vie est en effet rythmée par la maladie – il souffrait d’insuffisances respiratoires, ses poumons ont été mis à rude épreuve, surtout qu’il fumait énormément (plusieurs paquets par jour, et sans filtres…), jusqu’à ses derniers jours. Il fera de nombreux séjours à l’hôpital à partir de ses 26 ans, ses médecins l’enverront plusieurs fois changer d’air au Maroc, à Marrakech, et il passera les dernières années de sa vie à séjourner à Jura, une île minuscule en plein océan Atlantique, au large de l’Écosse. C’est là-bas qu’il écrira Nineteen eighty-four, jusqu’aux dernières relectures en décembre 1948 (il paraîtra en juin 1949, sept mois avant sa mort, des suites des longues complications d’une forme de tuberculose).

Orwell avait tout de l’écrivain baroudeur, un côté Albert Londres ou Joseph Kessel (qui était son contemporain). Chacune de ses expériences personnelles a alimenté ses reportages, tribunes, essais ou romans. De la Birmanie à la Catalogne, en passant par l’Angleterre prolétarienne et les tripots de Paris. C’est d’ailleurs suite à sa première hospitalisation, en 1929 à l’hôpital Cochin, qu’il en tirera un essai, intitulé simplement How the Poor Dies (mais publié beaucoup plus tard, en 1946). Sur cette période, c’est plutôt son récit Down and Out in Paris (Dans la dèche à Paris et à Londres), paru en 1933, qui a été le plus marqué cette époque.

Burmese_daysSon premier véritable roman, que j’ai découvert tout récemment, est le plus saisissant – Burmese Days publié en 1934 (Histoire Birmane, Ivréa – paru aussi en poche chez 10/18).

C’est sans doute en écrivant ce récit qu’il a décidé de changer de patronyme, car il s’imprègne de sa propre expérience. Il a été, pendant cinq ans (1922-27), officier dans la police impériale de Sa Majesté en Birmanie, à l’époque une simple région des Indes britanniques. Assez surprenant, voire choquant, pour cet homme qui a cultivé longtemps des idées libertaires! Son père était un de ces petits fonctionnaires dévoués qui émargeait à l’Indian Civil Service, la machine coloniale britannique d’extrême-orient. Orwell est né en Birmanie mais a passé toute son enfance en Angleterre, dans un milieu petit bourgeois puritain et très ennuyeux (il décrivait ironiquement son milieu social comme « lower-upper-middle class »). A 19 ans, il décide – ou est incité par son père, peu importe – de partir aux Indes pour servir dans la police impériale. Cela aura eu au moins le mérite de le dégoûter de l’ordre impérial, et c’est ce qui a déclenché son besoin d’écrire.

Son roman birman décrit avec une noirceur et un réalisme glaçant comment le complexe de supériorité des anglais était, en soi, devenu une prison, une caste à part entière, où les sujets de la couronne, dans leur petits clubs minables interdits aux indigènes – qu’ils soient domestiques, serveurs ou magistrats – s’enfermaient eux-mêmes dans une vie arrogante et mortifère. Sa description des relations hypocrites qui s’établissaient dans les colonies – ce qui devait ressembler aux comptoirs français de l’époque – dresse un tableau sinistre et implacable de la domination impérialiste. Un roman trop méconnu…

unevieenlettresJe n’ai jamais lu de biographies d’Orwell, il y en eu peu d’ailleurs. Orwell avait donné des instructions pour qu’aucune histoire de sa vie ne soit publiée. Sonia Brownell, sa veuve – sa seconde épouse, qui se maria avec lui alors qu’il était presque mourant, sa première (Eileen) ayant succombé avant lui en 1945 – résistera longtemps pour que cette promesse soit exaucée. Jusqu’à ce qu’elle décide de confier ses archives à un professeur de sciences politiques, Bernard Crick, qui publiera l’ouvrage en 1980 (George Orwell: A Life).

Une manière d’en savoir autant, si ce n’est plus, sur la vie d’Eric Blair, est de se plonger dans un ouvrage paru l’an dernier aux éditions Agone, Une vie en lettres (traduit de A life in letters, Peter Davison, 2010). Un livre construit comme un récit  biographique, à travers sa propre correspondance, mais aussi celle de sa femme Eileen et d’amis proches – à partir de 1930 (il existe donc très peu de traces de lettres de sa vie en Birmanie, notamment).

A propos de sa blessure de la guerre d’Espagne, il fera cette confidence quelques années plus tard:

« Je suis plutôt content d’avoir été touché par une balle parce que je pense que ça va nous arriver à tous dans un avenir proche et je suis heureux de savoir que ça ne fait pas vraiment très mal. Ce que j’ai vu en Espagne ne m’a pas rendu cynique, mais me fait penser que notre avenir est assez sombre. Il est évident que les gens peuvent se laisser duper par la propagande antifasciste exactement comme ils se sont laissés duper par ce qu’on disait de la courageuse petite Belgique, et quand viendra la guerre ils iront droit dans la gueule du loup. »

C’est en lisant ces quelques trois cent lettres – dont à peu près les deux-tiers sont inédites en français – que l’on s’imprègne du personnage, et que l’on découvre ses nombreuses contradictions. Comme, par exemple, le rapport qu’il entretenait avec l’impérialisme, le patriotisme et le pacifisme, notions sur lesquelles il ne sera pas toujours droit dans ses bottes. La réalité de la guerre lui fera adopter une attitude « pragmatique », qui n’ont pas du tout été acceptées dans les cercles de la gauche radicale anglaise qu’il n’a pourtant cessé de fréquenter. Il redoutait en effet la menace sérieuse que représentait l’empire japonais sur la stabilité démocratique des Indes britanniques. C’est d’ailleurs dans le service « overseas » (outre-mer) qu’il officia à la BBC, rejoignant l’équipe de propagande officielle du gouvernement (même s’il anima également sur les ondes des émissions littéraires et culturelles, adaptant des classiques pour produire des « dramatiques » qui étaient fort appréciées).

Dans le documentaire scénarisé de la BBC, on le voit par exemple donner des conseils du maniement des armes (grenades, fusils…), pour apprendre à chaque citoyen de se défendre en cas d’invasion allemande… Son engagement en Espagne pendant la guerre civile explique aussi cela – il passera de longs mois sur le front, dans les tranchées, même si ces moments furent plus ennuyeux que dangereux, selon de nombreuses lettres et la description qu’il en fit dans son incroyable récit Hommage à la Catalogne. Il militait, disait-il, pour un « patriotisme révolutionnaire », une formule qui sonne comme un oxymore aujourd’hui mais qui lui permettait de différencier patriotisme et nationalisme… Il prétendait en effet qu’une fois la guerre terminée, la cohésion des « gens ordinaires » (la common decency, un des piliers de la pensée politique d’Orwell) dans l’adversité pourrait servir d’étincelle à l’esprit révolutionnaire du prolétariat anglais (lire ce billet qui résume bien cette question).

[sa carte de presse en 1943 – source]

 

Pour apprécier la vie d’Eric Blair à travers ses correspondances, je vous invite à écouter deux émissions diffusées sur Radio Libertaire en mars et avril dernier (dans la bien nommée Les Amis d’Orwell). La première reproduit des extraits d’une rencontre dans laquelle interviennent le directeur de collection d’Agone, Jean-Jacques Rosat – orwellophile convaincu, philosophe au Collège de France – et le traducteur de l’ouvrage, Bernard Hoepffner. A noter la lecture d’une lettre qu’Orwell envoie à un éditeur inconnu, dans laquelle il se lance dans un récit biographique inédit (à écouter à partir de 6’30). A la fin, anecdotique mais touchante: une lettre qu’Orwell envoie en avril 1946 à Anne Popham, une femme qu’il tente de séduire (après la mort d’Eileen), lui proposant de devenir « la veuve d’un homme de lettres » – se sachant malade et condamné (1h23’30). Finalement, c’est une certaine Sonia Brownell qui acceptera cette transaction étonnante …

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Dans le second volet Jean-Jacques Rosat se penche sur la pensée politique d’Orwell, le parcours de cette pensée politique, pour aborder à peu près l’essentiel de sa vie littéraire. (Un peu plus long, 2 heures d’écoute).

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Pour aller plus loin: