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Affaire Bluetouff, Loi renseignement, Snowden, Wikileaks : the big picture

vendredi 29 mai 2015 à 14:28

V

Il y a plusieurs manières d’envisager des événements qui n’ont aucuns rapports directs visibles entre eux mais se concentrent sur des sujets similaires, ou tout du moins parallèles. La première est de traiter chacun d’entre eux séparément et de faire les constats qui s’imposent. C’est le cas des révélations de Wikileaks, puis celles d’Edward Snowden, qui sont le plus souvent orientées dans un cadre géopolitique, avec comme leitmotiv la puissance américaine sans limite, et sa capacité à se mettre hors-la-loi, si elle l’estime nécessaire. Aux politiques de s’indigner poliment, aux journalistes de pointer la réalité des écoutes et de la surveillance de l’administration Obama, aux citoyens de conspuer les acteurs ce ces affaires… et les vaches numériques sont bien gardées. Puis vient la Loi renseignement, en France. Et la confirmation en Cassation de la décision de la Cour d’appel à l’encontre de Bluetouff. Si bien entendu toutes ces affaires n’ont pas autant de poids les unes que les autres, elles sont néanmoins des sortes de bornes, d’une époque qui… change. Radicalement.

Le grand verrouillage mondial est en cours

Lors de la diffusion de la vidéo « Collateral Murder » par Wikileaks, en 2010, personne n’aurait pu imaginer que 3 ans plus tard on apprendrait que les communications de la planète étaient intégralement surveillées par la NSA. Puis, que la France ferait voter une loi de surveillance de masse d’Internet. Que les lanceurs d’alerte seraient pourchassés par des Etats dits « de droit », comme de vulgaires criminels, (et certains, comme Manning, enfermé pour 35 ans) alors que ce sont ces mêmes lanceurs d’alerte qui dénoncent des crimes d’Etat.

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Ce principe de « tuer le messager » est désormais la règle. Et l’affaire de Bluetouff et des fichiers de l’ANSES en est une parfaite illustration. Cet article de blog est éclairant, puisqu’il résume de façon claire et simple la dite affaire. Il dénonce aussi les commentaires absurdes et totalement débilitants de pseudo-analystes de la « chose internet » et du « droit qui en découlerait (selon eux) — analystes qui en viennent à raconter n’importe quoi. Comme comparer le réseau avec des maisons, avec plein d’éléments du monde physique, pour essayer — de façon assez minable, il faut bien le dire — de démontrer une atteinte envers l’ANSES et une faute de Bluetouff, qui n’existe que dans leur pitoyable cerveau d’hypster désœuvré.

Un serveur Internet n’est pas une maison avec des portes, on ne copie pas des fichiers comme on photocopierait des documents, on ne « vole » pas des documents dans répertoires publiques sur le réseau, la confidentialité des données ne s’établit pas en déclarant à un juge qu’elles le sont. Et si aujourd’hui on condamne les internautes, journalistes, sur leur volonté et la compréhension supposée de leurs actes de copie de PDF dans des répertoires publics, il est urgent d’appeler des psychiatres à l’aide ou établir qu’une police de la pensée existe et qu’elle est désormais habilitée à poursuivre tout un chacun et à faire condamner.

Que dit l’époque ?

Nous sommes à la croisée des chemins. Le basculement de civilisation est en cours, quoi qu’en pensent ceux qui ne voient dans l’escalade de la surveillance numérique qu’une simple logique politique opportuniste.

La nouvelle civilisation qui se met en marche est celle de l’information globale et du contrôle des données qui en découle. Une société totalitaire, de gouvernance algorithmique — si les Etats, aidés des multinationales passent au stade de l’industrialisation du contrôle des données — se profile, et en réalité, se met en place. L’alliance des députés conservateurs et sociaux-démocrates au sein de la Commission Commerce du Parlement européen, hier, pour avaliser les points les plus liberticides du Traité de libre échange Etats-Unis-Union européenne (TAFTA ou TTIP), en est la parfaite illustration.

(…) Des amendements très contestables ont été votés conjointement par les sociaux démocrates et la droite sur les services, l’énergie ou encore la propriété intellectuelle, entre autres.

La « grande coalition » entre la majorité des sociaux-démocrates et les conservateurs appelle ainsi à la totale libéralisation du commerce des énergies fossiles entre l’UE et les Etats-Unis et privilégie le mode de négociation le plus risqué sur les services.

C’est une déception majeure pour tous les observateurs de la société civile. Ce vote a d’ailleurs été salué comme une avancée par Business Europe, le lobby des plus grandes multinationales européennes (…)

On peut toujours se cacher derrière son petit doigt et argumenter devant son clavier et son écran sur le fait que Bluetouff savait ou pas que les PDF [des PDF qui pouvaient tuer la planète, selon un juge] n’étaient pas « destinés » à être copiés, le fait est que le droit à informer à pris une sacrée claque avec cette décision en appel, confirmée par la Cour de cassation.

Parce qu’au final, les documents de l’ANSES, qui ne contenaient aucune marque de confidentialité, amenaient par contre de nombreuses informations sur la capacité de l’Agence en question à bien connaître la dangerosité de certains produits, à indiquer clairement leur interdiction à l’étranger, et à prôner pourtant… la continuation d’études, de rapports et autres observations « scientifiques » sur ces mêmes produits en France. A les laisser donc circuler dans le commerce. Des produits dangereux et démontrés comme tels… par l’Agence en question.

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Cette information n’a donc aucune valeur pour le public ? Les impôts de chacun d’entre nous financent une agence censée protéger notre santé,  et celle-ci porte plainte parce que des documents démontrant sa mollesse caractérisée sur des sujets de santé publique sont dévoilés ? Tandis qu’elle laisse ces documents à disposition sur le net, dans des répertoires publics, la justice condamne le messager, et il faudrait en plus défendre la « justesse de la décision » de cette dernière ? On croit nager en plein délire. Mais non. Aucun délire. Nous avons simplement basculé dans ce nouveau monde. Celui du contrôle de l’information.

Et maintenant ?

Le métier de journaliste, s’il est effectué avec honnêteté, dans une éthique sincère, n’est pas facile. Celui de spécialiste en sécurité, « hacker public » et lanceur d’alerte, comme c’est le cas de Bluetouff, encore moins. Le but d’une publication comme Reflets est d’informer, réfléchir, alerter, fouiller, triturer tout ce qui traverse la société. Pas de relayer le message des puissants ou de groupe d’intérêts quels qu’ils soient. Il va sans dire que le soutien de certains lecteurs/commentateurs à l’égard de la justice qui n’a de justice dans cette affaire que le nom, est plus qu’agaçant. Inquiétant. Mais sont-ils conscients de la gravité d’une telle décision pour l’avenir ? Oui, l’avenir de nos communications, notre capacité à s’informer, à informer, à dénoncer, alerter ?  Que va-t-elle devenir ? Va-t-elle se retrouver piégée dans l' »Internet civilisé » rêvé par N. Sarkozy et qui se met en place avec F. Hollande ? Un Internet où l’utilisateur est guidé, encadré, et où toute action non conforme au droit national établi à un instant « T » peut être un crime ? Un Internet avant tout marchand, placé sous l’œil vigilant des « radars-caméras administratifs numériques » des services de l’Etat ? Un Internet qu’ils auront défendu, ces vaillants analystes du « droit des serveurs », un Internet où « on ne fouille pas dans les tiroirs des gens quand on rentre dans leur maison » ?

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Si les serveurs internet sont des maisons avec des portes, et les répertoires des serveurs des tiroirs que l’on peut ou non fouiller, même quand ils sont ouverts, alors le grand village Internet est une prison. Et en prison, les gardiens sont les ennemis. Surtout quand les détenus sont majoritairement innocents.

A bon entendeur.

La SNCF torpille un site d’info temps réel [de ses propres trains]

jeudi 28 mai 2015 à 17:42

raildar

Frenchtech es-tu là ? Le ministère de l’économie numérique devrait se pencher sur les pratiques de ses services et autres entreprises dont l’Etat détient des parts. Le cas de Raildar.fr est un cas d’école. Un développeur « s’amuse » à créer un site d’information temps réel des trains de la SNCF. Il le fait en 3 mois. La SNCF s’y essayait depuis… 3 ans. Ca marche bien ce qu’il a fait, Spyou (le développeur, @turblog sur twitter). C’est gratuit. C’est tellement bien, que la SNCF vient de torpiller le projet.

Dans une soudaine envie d’harmonisation, la SNCF a torpillé le site Infolignes. Du coup, Raildar ne pouvait plus récupérer ses infos temps réel. Pour parfaire le tableau, ils ont installé tout un tas d’éléments pour m’empêcher d’appliquer le même principe sur leur nouveau truc. Du coup nous nous fournissions sur le serveur alimentant les applications mobiles de la SNCF, mais nous en avons été virés comme des malpropres.

Du coup ben … tant pis.

Si vous avez envie de vous taper le boulot pour que ça remarche, envoyez un mail à root at spyou.org et on verra ce qu’on peut faire. Quelques éléments sont dispos sur ce pad.

Le PDG de la SNCF avait vu le site raildar.fr, et avait beaucoup aimé :

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Et voilà, chère madame @axellelemaire, une belle décision de type « frenchtech » dont votre gouvernement [et ses sbires] ont le secret.

Question subsidiaire [cc Guillaume Pepy] : la frenchtech, il faut l’utiliser avec ou sans lustrant ?

P.S : Le site raidlar pouvait faire des choses assez classieuses, comme une heatmap temps réel des trains en retard. Tellement pratique pour l’usager, mais tellement transparent…

heatmap-raildar

 

Valls va recruter plein de hackers

jeudi 28 mai 2015 à 15:30
valls

Eh, toi, là, oui, le jeune : écoute la parole officielle, et convertis-toi à la République laïque au lieu de vouloir djihadiser par Internet !

Il n’est jamais à cours d’idées toujours plus proches des régimes autoritaires, et ça ne lui en fait pas frémir l’une plus que l’autre. Manuel Valls a déclaré vouloir créer une fondation de droit privé qui travaillera pour l’Etat, avec comme objectif « faire de la contre-propagande » sur le net. Très moderne. Très PC Chinois.

Cette officine « fera de la recherche sur l’évolution du discours et de la propagande djihadistes et produira des « outils de contre-discours pour alimenter des community-managers associatifs » annonce notre Macho national. Le principe est grosso-modo de contrer les théories du complot qui fleurissent sur le net et appellent les jeunes gens à devenir de sanguinaires djihadistes. Il paraît même que le Manuel veut recruter des hackers. Beaucoup de hackers : brrrrrr.

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Extrait :

« Nous nous adressons au cœur de cible : les jeunes en voie de radicalisation. Nous allons donc mettre en place un bataillon de community managers de l’Etat pour opposer une parole officielle à la parole des djihadistes, et ne pas leur laisser l’espace numérique.  Nous savons qu’il est difficile pour les autorités, pour l’État, pour les adultes, de s’adresser aux jeunes concernés, les djihadistes utilisant la théorie du complot justement pour décrédibiliser la parole officielle. Il faut reconnaître que leurs sites, leur paroles, sont « très bien faites, très efficaces », c’est une véritable propagande utilisant les moyens modernes pour atteindre les esprits, les cœurs et les cerveaux« .

A quand le ministère de la propagande et de la vérité ?

Le socialisme néo-libéral conservateur, comment ça marche ?

jeudi 28 mai 2015 à 13:31

macronIl est important de donner des noms aux choses. Sinon, le chaos et la confusion nous guettent. Voire la dichotomie mentale, la perte de repères, la sensation d’étrangeté en politique et toutes sortes de choses bizarroides qui mènent le citoyen lambda à ne vraiment plus savoir où il en est. Le Parti socialiste, son gouvernement, sa politique, sont de ces choses qu’il faut savoir définir clairement. D’où le fait que parler de la « gôche » quand on parle du PS, est désormais totalement saugrenu. Historiquement, politiquement, sémantiquement, socialement, économiquement, rien, mais alors rien du tout ne raccorde le PS et sa motion A, Hollande, Valls et leurs ministres de ce qui a toujours été défini comme de « gauche » en France. Mais que sont ils donc, alors ?

Comme le titre l’indique…

Le socialisme néo-libéral (néo)conservateur est un truc assez particulier, que nous autres, observateurs de la vie politique devons aborder. Nécessairement. Socialisme, oui, parce que ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui refusent de lâcher le terme. Evidemment, du socialisme d’origine il ne reste qu’une chose : la volonté de conserver un Etat fort. Pas de partout. Uniquement là où l’on peut appliquer des règles, normes, obligations [toujours] fortes, envers la population. Pas à d’autres entités, comme les multinationales, puisque nous sommes face à des socialistes néo-libéraux. Donc,  je flique la population avec une loi de type république autoritaire limite stalinienne, mais je file les coudées franches aux plus grands groupes industriels — qui taillent la planète en pièce  — en leur filant des cadeaux fiscaux longs comme un jour sans fin. Amusant. Le capitalisme stalinien dans toute sa splendeur. Avec un zest de plus, un truc qui sent bien le rance. Le conservatisme.

Réactionnaire, capitaliste [sauvage] et… républicain social

La nouvelle norme commune aux partis de gouvernements commence à se voir clairement. Au point qu’il est difficile de différencier la politique d’un François Hollande de celle d’un Nicolas Sarkozy. Les éléments clés de ces nouveaux modes de gouvernance politique, tant du côté du PS que de l’UMP (futur « Les Républicains ») sont assez simples à identifier : coaching en communication avec langue de bois absolument identique [faite d’une novlangue bien dosée], refus de réguler les structures financières/capitalistiques les plus prédatrices, création de nouvelles lois pour contraindre la population de façon ciblée (automobilistes, soignants, enseignants, internautes, fumeurs, vapoteurs, tatoueurs, etc…), refus d’admettre la soumission aux puissances économiques, corruption avérée d’une grande part de ses membres.

Si ces gouvernants tentent de faire adopter des lois de type « progressiste », c’est en général autour d’une thématique déjà en place à l’étranger et qui ne peut que  survenir à terme dans le pays. Le « mariage pour tous » en est un bon exemple. Mais ces pouvoirs sont réactionnaires, et ne peuvent faire autrement qu’adopter tous les codes des conservatismes propres à cet ordre. Sur l’immigration, c’est une évidence, comme pour les lois de surveillance et sur la « sécurité » en général, soulignant la vision paranoïaque et populiste qu’ils incarnent. Le social est bien entendu toujours présent, relié à leur fameuse « République », et même si « l’Etat social » est taillé en pièces morceaux par morceaux, les pouvoirs en place ne peuvent admettre en être les principaux fossoyeurs. A eux, donc, la tâche de saupoudrer quelques mesures compensatoires, très 90’s qui singeraient l’aspect « social » de leur politique: emplois d’avenir, modification des aides au logement, des tranches d’imposition, etc…

Mais quel est le but de tout ça ?

L’orientation de ces politiques est toujours le même, et ce, depuis une trentaine d’années. Faire disparaître l’Etat providence issu des luttes d’avant et d’après seconde guerre mondiale, laisser « le marché » s’emparer de la société. De toute la société. Santé, transports en commun, télécommunications, éducation, voiries, péages, eau, énergie, sécurité, courrier postal  : tout doit être vendu aux mastodontes du privé. Le Traité transatlantique (TTIP ou TAFTA) doit être la cerise sur le gâteau qui viendra valider définitivement cette vente aux enchères globale de nos sociétés post-industrielles.

Les grands de ce monde se réunissent d’ailleurs chaque année pour discuter de ces sujets, qui les préoccupent. S’y retrouvent des capitaines d’industrie, des politiques, des dirigeants de médias, tout ce qui influence le monde. Le groupe peut désormais donner la teneur des discussions, mais continue d’interdire la présence de journalistes et demande à ses invités de ne pas parler du contenu des échanges. L’année dernière, quelques Français y étaient. Des gens de gauche socialistes néo-libéraux conservateurs, comme Fleur Pellerin et Emmanuel Macron. Mais des bouts de la droite libérale réactionnaire aussi, avec du Baroin, et puis du patron de St Gobin et d’AXA. Où ça ? Au groupe Bielderberg.

Les thèmes étaient, entre autres :

Does privacy exist?

The future of democracy and the middle class trap

What next for Europe?

Pas chouette la République  ?

3000€ d’amende et un casier judiciaire pour une requête Google

mercredi 27 mai 2015 à 01:26

palais-de-justiceEn 25 ans d’exercice, j’ai toujours considéré le juge judiciaire comme le meilleur garant de la défense des citoyens contre les égoïsmes, les appétits des grands groupes, le désir de contrôle des Etats. Mais je dois dire ma déception à la lecture de cet arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 20 Mai 2015 dans l’affaire dite Bluetouff. Pour des raisons que j’ignore, la plus haute juridiction française n’a pas voulu voir ou, pire encore d’une certaine manière, n’a pas vu les enjeux d’importance qui pointent derrière cette affaire.

Quels sont les faits constants de cette affaire ? Ce 27 août 2012, Olivier Laurelli dit Bluetouff fait ce que des millions de gens font chaque seconde : il saisit dans la barre de recherche Google, une requête. Sans surprise, le moteur lui répond en lui proposant une série de liens. Bluetouff prend connaissance de l’un de ses liens et des documents qu’il renferme. Les documents sont principalement des comptes rendus de groupe de travail ou des échanges d’experts dans le cadre d’une agence traitant de la santé publique, l’ANSES. Le sujet est les nano substances. Notre internaute écrit un article sur le site d’information reflets.info.

Ce qui ne s’est pas passé de manière constante dans cette affaire ? Tout d’abord, Bluetouff n’a cassé aucune porte ou n’a pris aucune porte arrière pour accéder aux documents. En d’autres termes, le délit d’accès frauduleux à un système visé par l’article L 323-1 du Code pénal n’est pas constitué. Bluetouff est relaxé de ce chef, tant devant le Tribunal correctionnel que devant la Cour d’appel et, de manière incidente, devant la Cour de cassation. Ce qui ne s’est pas passé non plus, c’est que Bluetouff n’a pas mis en danger par sa publication, la santé publique, pas plus qu’il n’a enfreint l’ordre public. Les documents consultés et commentés ne présentent aucun risque particulier, pas plus qu’ils ne sont régis par aucun statut spécial de type secret défense, ce qui confirmé par l’Anses elle-même, ni ne comportent une signalétique particulière interdisant leur lecture. Enfin, les « agissements » de Bluetouff n’ont provoqué aucune victime. L’Anses ne s’est pas constituée partie civile ni devant le Tribunal, ni devant la Cour d’appel.

Un maintien frauduleux sans accès frauduleux préalable

Alors que s’est-il passé pour qu’il y ait condamnation pénale dans ce dossier ? La Cour de cassation valide l’analyse de la Cour d’appel qui a jugé que dans ce cas, il y a eu « maintien frauduleux dans un système » (STAD) au sens de l’article 323-1 du Code pénal, délit puni des peines maximales de deux ans d’emprisonnement et de 3000 euros d’amende, peines que le Gouvernement projette de doubler dans le projet de loi sur le renseignement actuellement au Sénat, sans qu’on comprenne quel est le lien entre ce doublement des peines et le renseignement d’ailleurs.

Pour les juges d’appel et de cassation, les documents n’auraient pas dû se trouver à disposition du public. L’Anses a fait une erreur, c’est à l’internaute d’en assumer la responsabilité. Et d’ailleurs, sans doute vexé, c’est le RSSI de l’Anses qui dépose plainte pénale et se trouve à l’origine de l’affaire judiciaire, même si par la suite, l’Anses ne se constituera pas partie civile. Pour les juges, Bluetouff aurait dû rechercher l’origine de ces documents et s’ils étaient confidentiels pour l’Anses.

Ce faisant, la Cour de cassation, a créé une obligation à la charge de chaque internaute de s’enquérir du statut juridique des documents publics mis à sa disposition, pour savoir s’ils devaient ou pas se trouver accessible au public. Sans quoi, le délit de « maintien frauduleux » est encouru ?

Surtout, et c’est le problème majeur au-delà du cas traité, les juges ouvrent une voie, une action, à toute personne ou organisation, à qui déplairait telle ou telle information, puisqu’il lui suffirait de faire valoir que les documents commentés, rapportés, devaient ne pas se trouver là où ils ont été trouvés. Les juges donnent un outil de menace d’une voie de droit contre les lanceurs d’alerte, les journalistes citoyens, les journalistes professionnels, et même tout citoyen. Là où le droit de la presse s’échine depuis un siècle et demi à protéger la liberté d’expression, les sources des journalistes, la Cour de cassation vient offrir la potentialité pour les censeurs, de recourir à un délit informatique.

Comment comprendre cette décision ? On peut simplement constater que la condamnation est double. Elle se compose d’une amende et de l’inscription de la condamnation au casier judiciaire d’Olivier Laurelli, la demande de dispense d’inscription ayant été rejetée. Au vues de cette seconde sanction, si on avait voulu mettre sous surveillance Olivier Laurelli et tenter de le faire taire, on n’aurait sans doute pas fait autrement.