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Orange, Internet et la vision de ses dirigeants…

lundi 25 janvier 2016 à 14:31

cyberdefenseOrangeUn tweet de @bortzmeyer a attiré notre attention ce matin. Présent au FIC, le légendaire taliban du DNS tenait informé ses terroristes de followers des dernières déclarations des participants au forum de la sécurité de Lille. Surprise, le patron d’Orange faisait une sortie dont seuls les grands capitaines d’industrie ont le secret : « Orange a inventé la notion de cyberdéfense en France, à un moment où personne n’en parlait« . Stéphane Richard participe ainsi assez logiquement à la construction de la légende d’Orange. Le storytelling dans le marketing, est quelque chose de très important. On raconte une histoire, vraie ou fausse, peu importe, l’idée étant qu’elle soit « belle ». Ce n’est pas la première fois qu’Orange nous fait le coup. Mais là, désolé, trop gros, passera pas… Parce que en matière d’innovation, de précurseurs… Orange… Comment dire…?

Remontons dans le temps si vous le voulez bien. Au tout début du Web en France. Orange, qui s’appelle encore France Telecom tient une conférence de presse. Comme c’est l’usage, après les déclarations publiques, les membres de France Telecom discutent à battons rompus avec les journalistes en petits groupes. L’un des salariés du groupe est Jean-Jacques Damlamian (que l’on retrouvera plus tard dans la saga Qosmos). Et que dit-il aux quelques journalistes avec qui il discute ? Simplement, qu’Internet est un truc sans grand avenir, d’autant plus que France Telecom fera tout pour freiner son développement au pays des mille fromages, qui lui, justement, en a un beau de fromage : le Minitel (et le « Kiosque Micro » mais qui se souvient de ça ?).

En mars 2000, Kitetoa.com rendait compte de cet épisode peu glorieux pour celui qui était entre-temps devenu directeur du développement de l’opérateur historique. Car il y avait alors une actualité. France Telecom lançait un énième slogan issu d’une cogitation comme seuls les hommes et les femmes de marketing savent en produire. France Telecom, après s’être baptisée « Net Company » (si, si), proposait « Bienvenue dans la vie.com ».

Déconstruction du Storytelling

Las… Au même moment, la Cour des Comptes pondait un rapport sur France Telecom qui déconstruisait tout ce beau storytelling. Extraits :

France Telecom a développé depuis 1995 une offre de services en ligne pour les particuliers en protocole de transmission Internet appelé mode IP (Internet Protocol).

(..)

Même si les décisions essentielles ont été prises en 1995, Internet n’a été une véritable priorité pour France Telecom que depuis l’exercice 1998. cette priorité n’a été clairement affirmée qu’à la fin de 1997 dans la lettre de cadrage budgétaire du président de France Telecom. Dans une première phase, France Telecom, comme beaucoup d’opérateurs de télécommunications, n’a pas cru au succès d’Internet. Ce temps d’incrédulité a duré jusqu’en septembre 1995, soit beaucoup plus longtemps que chez les autres opérateurs. […] Pourtant, sa tentative d’implantation du Minitel aux Etats-Unis au début des années 1990, aurait dû, dès 1993, aider France Telecom à prêter une attention soutenue et informée au phénomène Internet.

(..)

L’entrée de France Telecom sur le marché de l’Internet grand public, décidée en septembre 1995, ne s’est néanmoins pas accompagnée de décisions cohérentes avec ce choix.

L’infrastructure de transport n’a pas été adaptée comme il aurait convenu. Le réseau de transport de données n’était pas préparé à absorber une utilisation massive de données en protocole Internet. Le coeur du réseau à haut débit s’est révélé sous-dimensionné au début 1996, alors que Wanadoo n’était pas encore commercialement ouvert, du fait d’une forte demande des entreprises pour des services en ligne. Le lancement de Wanadoo s’est opéré sur une infrastructure surchargée et mal adaptée au transport de données sur Internet.

De même, le nombre d’accès en mode Internet au réseau de transport de données s’est révélé rapidement insuffisant pour permettre une bonne qualité de service. Cette situation a beaucoup nui à la qualité de l’Internet grand public en France. Tous les fournisseurs d’accès à Internet et  non pas seulement le nouveau service  de France Telecom furent ainsi pénalisés.

Bienvenue dans un réseau IP de France Telecom.com

Oh, depuis, l’opérateur s’est rattrapé. Il y a même du DPI en coeur de réseau. Mais de là à dire qu’il comprend les tenants et les aboutissants de ce réseau…

La preuve ? Si Stéphane Richard voulait montrer qu’Orange est à la pointe en matière d’Internet, il aurait parlé de vidéos et de GIFs animés de chats au FIC, pas de cyberdéfense.

Allez, les gens du marketing, fire the cannons ! Envoyez (encore) du lourd…

Le FIC manque quand même un peu d’humour

dimanche 24 janvier 2016 à 14:43

rainbowhatLe Forum International de Cybersécurité se tient les 25 et 26 janvier à Lille. Il s’agit d’un très bel évenement où se donnent rendez-vous une bonne partie de l’écosystème de la sécurité informatique. Et quand on parle de sécurité informatique, on y inclu au FIC les forces de l’ordre, les professionnels et les amateurs. Cette mixité a fait du FIC au fil des éditions un espace d’échange et de rencontre assez hors du commun, largement salué par l’ensemble de la communauté.

Le FIC lieu d’échange, symbole d’ouverture ce n’est pas que sur la plaquette de l’avis de nombreux participants. Mais quand une jeune startup met le doigt sur une faille de sécurité du site web du FIC, on a quand même l’impression que ce petit monde de la sécurité est ancré à ses vieux démons. 01Net a relaté l’histoire de Cesar Security, cette jeune startup qui a épinglé le site du FIC, contacté les responsable de ce site, avant de se retrouver en garde à vue avec son matériel saisi.

Niveau calendrier, cette affaire ne pouvait pas plus mal tomber, juste après l’adoption à l’assemblée nationale d’un amendement visant à exempter de peine (et non de poursuite, de garde à vue, ni même de condamnation) les personnes qui remonteraient des failles de sécurité.

En l’état, même si c’est un bon début, cet amendement est loin d’être satisfaisant. Déjà parce qu’on peut estimer qu’on a autre chose à faire que de la garde à vue quand on est chercheur et qu’on trouve. D’autre part parce que ça coûte vite cher en matériel (nous pourrions épiloguer longtemps sur la restitution de matériel saisi… mais on vous fera comprendre qu’il vaut mieux tirer un trait dessus), et surtout, qui dit poursuite dit frais de défense.

Remonter une vulnérabilité, avec cet amendement ou non, ça coûte donc plusieurs milliers d’euros, même si vous êtes dispensés d’amende.

Mais pour en revenir à l’affaire Cesar Security, nous sommes très surpris chez Reflets de cette réaction des organisateurs du FIC attendu que le FIC est quand même l’évènement qui concentre des sociétés qui s’adonnent aux mêmes pratiques que cette jeune startup.

Souvenez vous, nous étions en janvier 2014. Nos amis d’iTrust avaient jugé bon de lancer un audit sauvage sur Reflets.info et de nous envoyer un rapport d’audit en nous « conseillant vivement de corriger ». Le hic, c’était qu’iTrust n’était pas bien intime avec le versionning des packages Debian et se laissait abuser par les faux positifs remontés par son outil. L’affaire nous avait surtout beaucoup amusé et elle est pourtant très similaire (les vulnérabilités réelles et sérieuses en moins). Reflets aurait tout à fait pu, comme le FIC, porter plainte contre l’un des intervenants majeurs (enfin il parait) de cet évènement, pour les mêmes motifs qui ont motivé le FIC à porter plainte contre Cesar Security. Ça aurait fait un peu tâche quand même non ?

Bref, nous regrettons que le FIC manque d’humour et de recul à l’égard de cette jeune société, car même sans connaitre en détail le fond de l’histoire, le FIC porte ici plainte au motif d’une pratique dramatiquement banale de ce petit écosystème, et surtout, envoi un mauvais signal à une période où nous aurions tous à gagner à échanger de manière sereine et ouverte.

Face à la prise en otage du monde, hackons nos existences

dimanche 24 janvier 2016 à 11:58
hackerdef

Photo : @epimae (CC-BY-NC-SA 3.0 fr)

La période que nous vivons est difficile, perturbante. D’un point de vue collectif, et individuel. Chacun ou presque tente de trouver une issue aux énormes défis qui se dressent devant la société française : écroulement économique, destruction sociale, marchandisation et mort de la culture, extinction des principes du vivre-ensemble universels, agonie du politique. Mon regard s’est posé sur un petit ouvrage en rangeant une bibliothèque nouvellement construite, celui de Stéphane Hessel : « Indignez-vous ! ». Il est est sorti cette tribune, bouteille jetée dans la mer de confusion qui prédomine aujourd’hui. Rien d’autre que des constats et des issues, parfaitement envisageables, pour tous ceux qui ont encore envie de fabriquer un monde humainement acceptable.

Indignez-vous ! : le cri d’un vieux monsieur dépassé

Stéphane Hessel analysait le monde dans son ouvrage « Indignez-vous ! » à l’aune de sa longue expérience débutée dans la première moitié du XXème siècle. La seconde guerre mondiale était un moment crucial, formateur et constitutif d’une voie de lutte pour sortir d’un état sociétal et politique mortifère. Hessel a participé à sortir sa société humaine de l’ornière dans laquelle elle était enfoncée, a lutté, et aidé à construire le monde d’après, celui de la sécurité sociale, des retraites par répartitions, des Droits universels. 60 ans après, Stéphane Hessel portait un regard sur le monde libéral, celui qui opprime la majorité des êtres humains. Un regard un peu lointain et pessimiste. Hessel, au final, proposait l’indignation comme remède collectif.

Les indignés espagnols ont été inspirés, en 2011, par l’ouvrage de Stéphane Hessel qui fut pour beaucoup à la base de leur mouvement. L’indignation collective espagnole a été une très belle expérience, pleine d’espoir. Puis elle s’est écrasée sur le mur de la puissance étatique, bancaire, entrepreneuriale, politique, et n’a pu que renaître, quelques années après sous la forme établi, connue du parti politique. Podemos. Un parti d’indignés, des indignés plutôt policés, qui tentent de jouer le jeu des dirigeants en costard-cravate-tailleur en s’habillant avec des chemises ouvertes et des jeans délavés. Tout ça est très courageux, intéressant, mais ne mènera nulle part. L’indignation ne mènera nulle part. L’analyse de Stéphane Hessel était simplement celle d’un vieux monsieur dépassé par le monde du XXIème siècle, un monde bien plus torturé, complexe, rapide, multiforme, vicieux et politiquement totalitaire que ne l’était celui de sa jeunesse.

Où est le contrôle, où est et le pouvoir ?

L’indignation est une forme de reconnaissance du pouvoir établi. S’indigner ne mène nulle part, et n‘a aucune chance d’améliorer quoi que ce soit sur la planète, au contraire. Plus les individus s’indignent, plus leur énergie est détournée de l’action concrète, de la fabrication, de la construction. Résister, avec un ennemi oppresseur connu et localisé, a une valeur, ce qui fut le cas lors de la seconde guerre mondiale. Au XXIè siècle, l’indignation est une voie d’extinction des bonnes volontés. En électronique, une résistance sert à empêcher un trop plein d’énergie électrique de passer, elle affaiblit le courant qui la traverse.

Résister, en s’indignant, en luttant, est le meilleur moyen d’être sous contrôle, de démontrer que le pouvoir est aux mains de ceux qui prétendent le détenir. Dans un monde ultra-technologique, pris dans les serres de puissances financières colossales, aux visages anonymes, la lutte est toujours écrasée, la résistance anéantie ou récupérée.

La dictature managériale est dans les têtes

Le fonctionnement imposé au monde est nommé libéral, ou néo-libéral, voire ultra-libéral, et il n’est pas une simple application d’une théorie politico-économique ayant pour but de faire [mieux] fonctionner les sociétés. Parler du libéralisme n’est pas parler de « libertés », mais d’une voie de gouvernance et au delà, d’une forme de philosophie de la vie, de « gestion des existences ». La pensée néo-libérale a écrasé le monde, et réussi un tour de force, celui de changer les mentalités, pour au final, les gouverner. Le néo-libéralisme fonctionne uniquement parce que les populations pensent leurs propres existences en termes néo-libéraux.

Efficacité, optimisation, gestion, management, comptabilité, utilité, organisation, processus, rapidité, gains, performance, profits, capacités, évaluations : tous ces concepts ont recouvert le monde. Pas seulement celui de l’entreprise, comme ce fut le cas, dans une mesure plus limitée il y a quelques décennies, mais celui de la vie des individus. Dans leur « fonctionnement familial », leurs loisirs, leurs échanges sociaux, leur vision de la société. Le culte de l’efficacité, de l’optimisation et du profit s’est répandu dans les esprits : chacun, ou presque est une petite entreprise néo-libérale qui essaye d’optimiser sa gestion quotidienne de la vie. On gère ses enfants. On améliore son quotidien. On optimise son temps de travail. On organise sa vie. On profite de ses temps libres…

Hacker nos existences : reprendre le pouvoir

Le seul pouvoir réel des individus qui veulent un autre monde, plus juste, moins violent, plus harmonieux, plus apaisé, plus équilibré, etc, est celui de créer ce monde à leur propre échelle. Cette possibilité de reprendre le pouvoir n’est pas une simple vue de l’esprit, elle est parfaitement concrète. Mais elle demande de modifier profondément notre rapport au dit monde, et à notre existence. C’est un hack. Et  le hacking étant ce qu’il est, il est nécessaire de scruter notre propre fonctionnement, afin de le comprendre, le démonter, puis le modifier pour qu’il fasse « autre chose » . C’est cet « autre chose » qui devient le hack de notre existence. Un autre fonctionnement implique une autre mentalité, une autre façon de faire. Parce qu’un hack c’est du « faire », pas du « dire ». Ce n’est pas résister ou s’indigner, c’est fabriquer. Et avec toute fabrication, il y a du sens. Le hacking fabrique aussi du sens.

Hacker nos existences signifie donc faire autrement dans une société qui ne fonctionne que d’une seule manière, celle du « libéralisme » appliqué à tous. Le pouvoir que nous en retirons est évident, il permet de faire — au quotidien — un maximum de choses indépendamment, le plus possible, du système en place (quel qu’il soit : système de pensée, politique, économique), par soi-même le plus souvent, sans payer des intermédiaires ou des instances supérieures.

Il est ainsi possible, à sa propre échelle individuelle, au départ, d’exister autrement dans la société. Se ré-emparer de l’énergie, de son habitation, de l’éducation (surtout de la relation à ses enfants), de se nourrir, de s’activer ou de ne pas s’activer, de réfléchir, de dormir, prendre du plaisir, vaquer, cultiver, se déplacer, échanger…

Comment penser changer le monde, l’améliorer, en laissant un téléviseur expliquer le monde à ses enfants ? Comment vouloir se libérer des multinationales en leur donnant en permanence la plupart de ses rentrées d’argent ? Comment vouloir un monde d’échanges et de partages en passant le plus clair de son temps à regarder des écrans et à ne pas rencontrer des gens physiquement et ne pas faire des choses avec eux, physiquement ?

Hacker nos vies, pour hacker la société, dans un sens positif, passe par un changement personnel, quotidien, concret, puis par la rencontre avec d’autres hackers quotidiens pour faire… [toujours] ensemble.

Ainsi, est-il possible de créer son propre réseau de communication et d’accès à Internet, d’ouvrir des lieux d’échanges, de savoirs, de savoirs-faire, de créer son énergie, son habitat, de produire sa nourriture, d’en produire à plusieurs : vivre, quoi…

How to : relancer l’économie française avec 2000 euros

mercredi 20 janvier 2016 à 19:08

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Le « plan d’urgence » pour l’emploi de François Hollande a été dévoilé : formation des chômeurs, baisse de la rémunération des heures supplémentaires, augmentation du temps de travail et… prime à l’embauche de 2000€ à destination des PME. Cette liste de mesures exprime parfaitement la vision de l’économie le chef de l’Etat. Une vision archaïque et décalée. Ou bien…?

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Quelques unes des dernières mesures de Hollande en lien avec son plan d’urgence pour l’emploi, sur le site http://bilan-ps.fr

Politique de l’offre des 80’s-90’s

La politique économique de l’offre que François Hollande veut activer est censée dynamiser le secteur productif, les entreprises. Dans le vieux monde, celui d’il y a 30 ans, ce type de politique était soutenu par des politiques monétaires, en général, des dévaluation. Pour booster les exportations. Le principe était simple : les entreprises avaient des carnets de commande assez pleins, pouvaient être incitées à embaucher si l’Etat leur donnait un coup de pouce. A l’époque l’industrie française était encore florissante : le pays produisait de nombreux biens, et la concurrence avec les pays du sud, les émergents d’aujourd’hui, était nulle, ou presque. Mais surtout, l’Etat investissait. 30 ans plus tard, la situation n’est pas vraiment la même…

Refuser d’ouvrir les yeux, ou bien autre chose ?

François Hollande fait comme si nous étions encore ce pays des années 80 ou 90. Pour lui, les entreprises sont florissantes et voudraient bien embaucher, mais hésiteraient à le faire. Les travailleurs leur couteraient trop cher. Il suffirait donc de donner 2000 € aux PME par salarié embauché, puis leur permettre de moins payer les heures supplémentaires et former des tas de jeunes gens pour que la « machine à emplois » reparte.

Cette analyse de la situation est stupéfiante : ou bien François Hollande est aveugle, entouré d’incompétents, ne connaît pas le monde de 2016, ou bien… il ruse.  La deuxième solution paraît plus probable. Car en effet, comment imaginer un instant que les PME tournent à plein régime au point de vouloir embaucher, mais hésiteraient à le faire sous prétexte que ça leur coûterait trop cher ? La croissance économique de la zone euro n’est pas fameuse (1,6% en 2015) et repose sur la baisse de l’euro et du prix du pétrole, comme celle de la France, à 1,1% . C’est une croissance basée avant tout sur la consommation en, ce qui n’indique pas une véritable reprise.

Les grands pays émergents sont pris dans un très fort ralentissement de croissance de leur PIB, le Brésil en tête. Comme ces pays étaient devenus un moteur de croissance mondiale…

En France, les investissements publics sont réduits à une peau de chagrin, ou presque : l’austérité budgétaire d’Hollande a asséché la plupart des secteurs générateurs d’activités économiques. Pourtant, Hollande devait renégocier le TSCG qui active cette austérité en Europe…

Le mensonge libéral du coût du travail et des entreprises étranglées

La réalité économique de 2016 n’est pas celle renvoyée par le chef de l’Etat. Le mensonge est flagrant : les petites, moyennes entreprises manquent de travail, de carnets de commande bien remplis, pas d’employés au rabais. Plus de 40 milliards d’euros de crédits d’impôts leur ont été offerts par l’Etat avec le CICE : aucune n’a particulièrement embauché. Non pas qu’elles ne le voulaient pas, mais plutôt parce que leur activité n’augmente pas assez pour le faire.

Si demain François Hollande décidait de relancer l’investissement de l’Etat, redonnait des moyens financiers aux collectivités territoriales, lançait des chantiers publics, les entreprises embaucheraient, puisque les commandes afflueraient. Sans les 2000 € et sans toutes les aides. C’est une évidence économique bien connue. Et si le déficit public enflait un peu durant deux ou trois ans, il diminuerait, comme la dette publique, une fois la relance effectuée par le jeu des recettes générées. Cette mécanique d’investissements publics est d’ailleurs celle activée par Barak Obama depuis 2009 pour sortir de la crise.

La question du refus de François Hollande de pratiquer une politique de la demande arrive donc. Et celle de son orientation politico-économique. Hollande a nommé Macron. Macron est un libéral et le monde libéral ne pratique qu’une politique, celle de l’offre, destinée aux entreprises. Avec comme objectif le recul du rôle de l’Etat, le détricotage du système social par répartition, au bénéfice du privé, ainsi que la quasi disparition des impôts pour parvenir à la fin du service public. L’objectif du libéralisme [européen] est la fin de la protection des travailleurs, au profit d’un marché tout puissant, associé à des entreprises de très grandes tailles pouvant pratiquer la flexibilité maximale sur le marché de l’emploi. Le rêve du grand patron, le cauchemar des salariés.

Toujours recommencer, inlassablement

Les annonces du « plan d’urgence pour l’emploi » de François Hollande sont là pour une seule chose : laisser penser qu’il agit en faveur de la réduction du chômage. En réalité, ce que fait François Hollande est exactement la même chose que ce qu’a fait Nicolas Sarkozy durant son mandat, avec à la clef pour ce dernier, 747 000 personnes mises au chômage en 5 ans. Hollande en est déjà à plus de 680 000. Le concept est usé mais Hollande va l’utiliser de nouveau : ça n’a pas suffi, il faut donc aller plus loin. « J’ai donné plein d’avantages aux entreprises, usé de plein de carottes, et elles n’ont pas embauché ? C’est que ce n’était pas suffisant ! Il va falloir leur en donner plus. »

Mais oui, François…

Le cycle de la politique de l’offre couplé à l’économie libérale « auto-régulée » [vision économique qui est toujours considérée comme hyper performante chez les élites, bien qu’envisagée comme « freinée » par les « charges » sur les entreprises, les lourdeurs de l’Etat, les contraintes de la société] est intéressant pour ceux qui l’activent :  plus ce cycle montre ses capacités à détruire l’économie, les protections sociales, crée des inégalités criantes, plus ceux qui l’activent hurlent qu’il faut « encore plus » de ce même libéralisme. Un peu comme si, alors qu’on reprocheraitt à un bus qu’on ferait rouler en première, pied au plancher, de ne pas aller assez vite, on ne faisait jamais rien d’autre que de l’alléger du poids de ses occupants. Et à chaque fois, alors que le bus continuerait à hurler dans les tours, bloqué à 50 km/h, on s’en prendrait à ces satanés passagers, qu’on continuerait d’éjecter. Et comme il peut y avoir beaucoup de passagers, l’histoire peut continuer longtemps.

La politique de l’offre, qu’Hollande chérit, est une sorte de pensée magique, qui s’auto-alimente : un mantra absurde, univoque, et déclaré éternel. Le pire dans cette affaire reste que des solutions très sérieuses de relance économique existent, par une politique de la demande et de la remise en marche de l’investissement public. Couplé à une politique forte de lutte contre l’évasion fiscale. A l’OFCE, au sein des Economistes atterrés, des gens très sérieux l’expliquent depuis des années. Mais visiblement ça n’intéresse pas Hollande, Macron, Valls, Sarkozy, Lemaire, Fillon, Juppé, Bayrou… et tous ceux qui se passent le trône républicain. Comme s’ils s’étaient tous donné le mot. Etrange, non ? A moins qu’ils n’aient un intérêt certain, une fois leur poste rendu, à ce que les entreprises ultra-libérales soient le plus satisfaites possible de leur politique de l’offre…?

Manuel Valls est-il un algorithme ?

lundi 18 janvier 2016 à 21:19
valls-pensee-algorithmique

De l’art de faire accroire que l’on pense

La question de la parole et de l’action politique se pose crûment après les récentes déclarations du Premier ministre lors de la commémoration de l’attaque contre l’Hypercasher. La phrase clef, que Kitetoa dénonce ici, est désormais connue : « Expliquer le djihadisme, c’est déjà l’excuser un peu ». Cette phrase est reliée au concept récent de gouvernance algorithmique, exprimé ici. Au delà des « agents administratifs logiciels » qui sont à l’œuvre grâce aux « boites noires », et donnent aux agents humains des renseignements sur ce que sont — ou ne sont pas — les citoyens parcourant le net, un nouveau cran a été atteint avec la déclaration de Manuel Valls. Une déclaration qui exprime une nouvelle forme de pratique politique. La politique algorithmique. Explications.

Portes logiques

Sans rentrer dans le détail des fondements théoriques de l’informatique, le principe de fonctionnement d’un ordinateur est assez trivial, comparé à celui d’un être humain. L’ordinateur ne réfléchit pas, il compare. Et bien que sa vitesse de comparaison soit bien supérieure à celle de son équivalent humain, il n’en reste pas moins limité à cette obligation de passer par des portes logiques. ET, OU, ET/OU : le champ de réflexion d’un « cerveau de silicium est limité. Il se contente le plus souvent avec des algorithmes de fournir des réponses très simples à des problèmes… très complexes. L’ordinateur ne connaît pas le « peut-être », la remise en question, l’empathie, le doute, le questionnement intérieur.  Bien entendu, avec de nombreuses données, plein de variables et des paramètres dans tous les coins, un algorithme peut donner le change, laisser accroire une forme d’intelligence. Mais cette illusion ne fonctionne pas longtemps lorsque l’on pénètre dans les sphères de l’humain. De la psychologie, de la sociologie, de l’histoire. De la politique ?

Un ordinateur pourrait-il diriger le pays ?

La question qui se pose est donc la « part algorithmique de Manuel Valls ». Si nous mettions en œuvre un programme informatique pour remplacer le Premier ministre — disons pour venir discourir et réagir à des événements, afin d’orienter sa politique à la suite de ces mêmes événements ou pour constater des problèmes — l’algorithme serait assez simple :

Si
Problème de société [sans islamisme]
Dire : « nous avons entendu le message »
Affirmer son autorité
Ajouter politique sécuritaire/libéralisation économique à politique identique
Autrement si
Problème de société [avec islamisme]
Dire phrase type [dictionnaire de phrase islamisme]
Ajouter adjectifs [aléatoire] « inexcusable, intolérable, innommable, impardonnable »
Ajouter politique sécuritaire à politique identique
Fin si

Quelle différence y-aurait-il entre une « machine Manuel Valls » équipée de cet algorithme — et qui viendrait parler à la suite d’attentats comme ceux du 13 novembre, ou de l’agression de Marseille d’un adolescent de 16 ans contre un enseignant juif — et le vrai Manuel Valls? Aucune. Une machine effectuerait exactement la même démarche que Manuel Valls : elle réagirait, avec son dictionnaire de phrases et d’adjectifs, et proposerait, dans cette même logique, des lois, des aménagements encore plus sécuritaires. Refuserait de « comprendre, « d’analyser »,  puisque son programme le lui interdit, mais quand bien même : un algorithme ne peut pas « comprendre » le phénomène djihadiste en lien avec la société (son histoire, son économie, sa politique, ses influences etc…). Pourtant Manuel Valls et son gouvernement sont censés le pouvoir. Normalement.

Les conséquences de l’algorithmie appliquée à la politique

Il va sans dire qu’une société qui refuse de chercher les causes profondes de ses problèmes — et ne pratique qu’une seule et même politique basée sur la seule efficacité binaire — risque de se confronter à des problèmes très graves. Une société moderne et ouverte, dont les fondements sont ceux du siècle des lumières, qui a participé à changer le monde en montrant l’exemple avec l’universalisme des droits de l’homme, qui se retrouve sous le joug politique de gouvernants sans âme, dans le refus de réfléchir, ne peut pas survivre longtemps.

La France est ce pays, qui a su engendrer des artistes incroyables, des intellectuels brillants, des mouvements contestataires puissants, qui a inventé un nombre incalculables de choses merveilleuses, accueilli des millions d’étrangers, et qui est — en partie — désormais sous le règne d’algorithmes.

Ce constat amène à se poser la question suivante : si les politiciens au pouvoir sont désormais parfaitement binaires, incapables de débattre du fond des problèmes, seulement programmés pour affirmer une même et unique chose, dans chaque circonstance, avec l’impossibilité, le refus de chercher, analyser les problèmes afin de proposer des voies qui pourrait les résoudre, comment pouvons-nous encore faire société ?

En nous transformant en citoyens algorithmiques ?