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Ami lecteur, tu reprendras bien un gros bol d’AFP et de Reuters ?

mercredi 31 octobre 2012 à 15:56

Allez, trêve de critiques stériles, peu constructives, aidons la presse à s’en sortir. Le Reflets Think Tank (RTT), une spin-off de ./Rebuild.sh, la société qui édite Reflets.info, propose ses services aux sites des journaux traditionnels. Nous pouvons encore sauver Lemonde.fr et peut-être Liberation.fr. Ecrire à rtt@reflets.info pour une prise de contact.

Plus sérieusement, il n’est pas inutile de s’interroger sur les raisons du désamour à l’encontre de la presse de la part des générations actuelles.

Le nombre de lecteurs de la presse écrite est en chute libre depuis des lustres. Les dirigeants des entreprises de presse ont testé à peu près toutes les solutions qui leur venaient à l’esprit. Autant d’échecs patents. La baisse du prix, la hausse du prix, la réduction de la pagination, la hausse du prix de l’espace publicitaire, la réduction du format, l e changement de couleur du papier, …

Jamais la presse ne se remet en question sur la qualité de ce qu’elle produit. Comme si les lecteurs se détournaient parce que « les articles sont trop longs« , parce que le prix du quotidien n’est pas assez, ou est trop élevé, parce que le cadeau fourni avec l’abonnement n’est pas assez wiiiizzzz, on en passe. Non, non, le lecteur ne se détourne pas parce qu’il met en cause la qualité des articles proposés. Ça, c’est impossible.

Et pourtant…

Qui n’a jamais lu un article sur un sujet qu’il maîtrise très bien et n’y a pas repéré des incongruités, des approximations, des erreurs patentes, des compromissions évidentes ? De là à généraliser sur le mode « s’ils se trompent sur un sujet que je connais, ils doivent écrire n’importe quoi sur tous les sujets« , il n’y a qu’un pas. Que les lecteurs franchissent allègement.

Qui n’a jamais remarqué que sur les sites des journaux, les articles sont tous les mêmes, parce que simplement, les journalistes sont transformés en machines à couper et reformuler (un peu) des dépêches AFP, Reuters ou Bloomberg ? Et encore, quand c’est modifié par un humain parce que la plupart du temps, les dépêches sont propulsées par le système d’information, sans modification.

Un exemple ?

Aujourd’hui, la hausse du chômage dans l’Union européenne est annoncée par Eurostat. Vous le savez, une partie de la presse veut taxer Google pour la citation de ses articles à forte valeur ajoutée dans Google News. Regardons donc ce que la presse a produit pour ce sujet qui fait à l’instant même où l’on écrit ces lignes, la « Une » de Google News.

Chez nos amis du Nouvel Obs, dirigé par une grande connaisseuse du monde de la presse (on y reviendra), une très belle dépêche AFP, citée comme telle :

Et bien entendu, autour de cet article à très forte valeur ajoutée, une pub pour la Sodexo, une autre pour les téléarlarmes, une autre pour les week-end romantiques, une autre pour Generali, une autre pour une voiture Polo et un pavé pour des campagnes Adwords de Google…

Maintenant, Francetvinfo, un site de France Télévision. Toujours un article rédigé à base d’AFP (c’est signalé en bas de l’article) avec… zéro valeur ajoutée. Cette fois, pas de publicité pour illustrer les contours de cet article illuminant le lecteur par son analyse pertinente.

Passons au troisième site évoqué en « Une » de Google News sur le sujet du chômage en Europe : La Tribune. Devenue « pure player » en raison de difficultés économiques importantes. Que nous apporte-t-elle de plus ?

Un article qui ne mentionne pas l’usage de l’AFP. Pourtant, on y retrouve des phrases issues de la dépêche :

Autour de l’article, toujours à forte valeur ajoutée AFPiène, pas moins de neuf espaces de publicité.

Avec toute cette bonne volonté des journaux (je n’ai pas dit des journalistes), le lecteur n’a que l’embarras du choix. Les analyses sont poussées à l’extrême, les prises de positions variées, on apprend beaucoup à la lecture de ces articles proposés par la crème de la presse française, et il est important de lire tous les articles sur le sujet, car ils diffèrent (au niveau des virgules et des retours chariot).

Les critiques des lecteurs vis-à-vis de la presse sont parfois pas toujours) justifiées. Et ce n’est pas en écrivant des articles plus courts, en augmentant le prix de vente des journaux, que l’on sauvera la presse écrite dans ce pays. Il faudrait peut-être avoir le courage de l’autocritique, laisser les gens de presse faire des journaux et renvoyer les financiers faire de la finance dans les entreprises classiques (oui, une entreprise de presse n’est pas une entreprise comme les autres). Le chemin est long et probablement trop ardu pour ceux qui sont à la tête des groupes de presse. Ils vont donc probablement les mener à la faillite en klaxonnant.

 

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N’est pas révolutionnaire qui veut, dans le petit monde du journalisme

mercredi 31 octobre 2012 à 13:47

Ces dernières années, le nombre de « pure players » a drastiquement augmenté. Rue89, Mediapart, Owni, …, ils sont nombreux dans le petit monde du journalisme à choisir la publication uniquement sur le Net, cet outil formidable de diffusion d’informations. Et tous d’expliquer qu’ils allaient faire un journalisme d’un genre nouveau. Pratiquement révolutionnaire. Ça tombe bien, il y a un désamour croissant des générations actuelles pour la presse. Oui, sauf que, n’est pas révolutionnaire qui veut. Peut-être parce que pour faire les journaux « pure players », on a recréé des rédactions très classique, avec des journalistes tout à fait traditionnels, suivant des règles très anciennes ?

Depuis la nuit des temps, les journalistes mettent leur travail, leur « mission », sur un piédestal. Leur rôle est très important. Il consiste à informer le public. Sans eux, le peuple dans son ensemble serait sans doute inculte. Et pour pouvoir être irréprochable dans cette mission d’intérêt public, les journalistes ont adopté en 1938 une « charte » qui fixe les règles d’exercice du métier. Une charte qui mérite d’être un peu revue. En outre, une sorte de jurisprudence du journalisme s’est mise en place. Et s’est figée.

Par exemple, il est convenu que l’on doit donner la parole à ceux qui sont évoqués dans un article. Ils ont le droit de se défendre si besoin. Non ?

Par exemple, le journaliste doit être « objectif ».

Par exemple, le journaliste se présente sous son nom et énonce sa qualité de journaliste s’il est à la recherche d’informations.

Bref, le journaliste est honnête, respectueux, transparent. Tout cela parce qu’en face, il a affaire à des gentlemen. Qui bien entendu, répondront à ses questions avec la plus grande honnêteté, la plus grande transparence et dans le souci d’une information complète et juste du public.

L’arrivée du Net aurait pu changer les choses. Le journalisme 2.0 aurait pu voir le jour. Et pourtant…

S’ils se vantent d’inventer un nouveau genre de journalisme, les sites des pure players ont failli. Bien entendu, ils ont réussi partiellement. Avec moins de contraintes que les journaux traditionnels, avec moins de dinosaures et de pachydermes dans les structures de direction, avec moins de financiers fanatiques des fichiers Excel, dans la liste des actionnaires, les pure players ont ouvert des portes. Ont signé quelques enquêtes jamais vues ailleurs, ou rarement (si l’on excepte le Canard Enchaîné). C’est paradoxalement la cas de Mediapart dont la rédaction est pourtant composée de nombreux journalistes venant de la presse papier 1.0.

Mais pour ce qui est des règles qui régissent leur façon de travailler, rien n’a vraiment changé. On donne toujours la parole à ceux que l’on évoque dans les articles. Et puisqu’il s’agit de la parole « officielle », on ne la remet pas clairement de doute, on ne la critique que très partiellement. Franchement, à quoi sert d’obtenir une citation des patrons d’Amesys ou des autorités françaises sur l’AmesysGate pour l’insérer dans un article sur ce sujet ? A rien.

Ils ont un « agenda », des choses à défendre, à enterrer, qui sont tellement éloignés de la réalité et de ce qui s’est passé, que cela n’a aucun intérêt.

No info-hacking allowed

Depuis 1938, on ne fait pas de social engineering, sous aucune forme, pour obtenir des informations. Tout ça, c’est mal, pas honnête.

Ce qu’oublient les journalistes 1.5, c’est qu’en face, il y a une armée de communiquants, disposant de budgets faramineux, dont l’unique but est de construire une image positive de leurs employeurs. Qu’il s’agisse des politiques, des entreprises, tout est fait pour fabriquer une image policée, acceptable et même « appétante ». Chez nos amis communiquants (c’est de bonne guerre), personne n’hésitera un instant à mentir, travestir la réalité, manipuler les journalistes, tenter de les acheter, soutirer des informations à grand coups de social engineering. Le monde a beaucoup évolué depuis 1938. Les journalistes, peu.

Bien entendu, le monde de la presse n’est pas resté figé. On est moins « objectifs » (neutres)  que par le passé, on utilise parfois des méthodes peu avouables pour obtenir des informations, mais dans le fond, la presse dans sa grande majorité continue de participer à la fabrication d’un monde idéal (pour les communiquants) ayant pour combustible le storytelling.

Ce qui est étrange c’est que depuis des années, le nombre de lecteurs baisse, qu’en dépit de toutes les solutions stupides testées par les dirigeants de sociétés de presse, la tendance ne s’inverse pas. Il suffit de lire un peu ce qui se raconte à propos des journalistes sur Internet pour prendre la mesure du désamour croissant des générations actuelles vis-à-vis de la presse. Peut-être qu’ouvert à un monde moins teinté par le storytelling (via Internet ?), le public aspire à une presse moins complaisante vis-à-vis de la communication ?

Il est peut-être temps de se lancer… de s’auto-déterminer ? Essayer de ne plus être aussi « objectif », d’user de méthodes plus radicales pour faire émerger une information moins standardisée ?

Mais pour cela, il faudrait que la presse n’appartienne pas à de grands patrons d’industrie et redevienne la propriété de patrons de presse…

L’arrivée de pure players offre un espoir dans ce sens. Sauf bien entendu, quand leurs propriétaires décident de revendre à des grands groupes, comme ce fut le cas, par exemple de Rue89.

Mais l’on retombe sur une équation que seul le Canard Enchaîné a su résoudre : comment gagner de l’argent pour garantir son indépendance sans reposer sur des investisseurs extérieurs, et sans avoir besoin de la publicité pour vivre ?

 

 

Full disclosure : Kitetoa a toujours travaillé dans la presse.

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Le Point : robots, veuillez cacher ces articles que je ne saurais voir…

mardi 30 octobre 2012 à 19:58

Ah… Le Point, un vrai journal qui sait redresser les torts lorsqu’il le faut. Par exemple, sa dernière couverture est parlante : il y a en France des « enfants gâtés » qui bénéficient de salaires mirifiques, de revenus indus, qui échappent à l’impôt. Salauds… Heureusement, Le Point, et son directeur de la rédaction, Frantz-Olivier Giesbert sont là pour pointer du doigt tous ces « enfants gâtés » qui ont tant de choses à se reprocher. Dans la foulée du Nouvel Observateur qui a un fichier robots.txt très personnel et de Challenges dont le fichier robots.txt dépasse l’entendement, Reflets est allé voir celui du valeureux Point. Vous allez voir, ça vaut aussi son pesant de cacahouètes.

Si le début du fichier semble classique, la suite est plus discutable.

A leur arrivée sur le site du Point, tous les moteurs de recherche reçoivent pour instruction de ne pas archiver des fichiers de type zip ou xls (pourquoi pas .doc, .xlsx, mystère…) et se voient interdire l’entrée dans certains répertoires comme « /user/classeur/. Jusque là, tout le monde comprend à peu près.

En revanche, lorsque Le Point demande aux robots des moteurs de recherche et autres indexeurs fous de ne pas référencer un article parlant de « faussaires » et de « naïfs », on a comme une envie d’aller regarder de quoi il s’agit.

Tout simplement d’un article qui évoque des personnes ayant, si l’on en croit l’auteur de l’article, profité de la crédulité de certains pour leur vendre des croutes au prix de tableaux de maîtres.

Étonnamment, Le Point ne veut pas que ce papier ressorte dans les requêtes sur des mots clefs qu’il contient. Et il explique d’ailleurs aux moteurs de recherche qu’un droit de réponse publié à propos de cet article, ne doit pas être indexé non plus.

Ce qui est très intéressant, c’est que la presse qui vient sur le Net s’accommode assez bien de certaines possibilités offertes par le Web.

Si vous lisez l’article sur les faussaires et les naïfs, vous notez qu’il n’est nulle part fait mention de ce droit de réponse. Et quand vous lisez le droit de réponse, vous notez qu’il n’est nulle part fait mention du nom de l’auteur de ce droit de réponse.

L’article n’est pas signé (sur le Web), l’était-il sur la version papier ?

Mon petit doigt me dit que l’article en version papier devait être signé (on va y revenir), mais je peux me tromper. Et tout cas, cette histoire a visiblement été un peu plus loin qu’un simple droit de réponse puisque Le Point a été condamné (Tribunal de grande instance de Paris, 17ème chambre civile, 24 janvier 2007)…

Plus drôle encore (oui, c’est possible), en inscrivant ces URLs à ne pas indexer, dans le robots.txt de son site, Le Point provoque une indexation de cet article :

Et comme il y a une série d’URLs à ne pas indexer, il n’est pas inutile d’aller regarder les autres. Par exemple celle-ci. Où l’on apprend que Le Point ne veut pas que l’on sache qu’il a été condamné pour la publication de cet article. Mais surtout, on apprend dans cette « Publication judiciaire » (ordonnée donc par décision de justice) que l’article papier… était signé de Vincent Merlot. Un nom qui disparaît dans la version en ligne. Pour ce qui est des autres URLs interdites, la raison est moins évidente et il appartient au Point de l’expliquer si bon lui semble.

 

 

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Radio Reflets Bêta-0.1

mardi 30 octobre 2012 à 12:50

Reflets écrit beaucoup. Quasiment 1200 articles depuis sa naissance.

Il nous est venu l’envie de faire parler le journal.

Avec l’aide de la Cantine et de Tryphon, c’est devenu réalité. Reflets parle !

Nous avons bêta-testé Radio Reflets le 24 octobre.

A partir du mois de janvier, nous serons en direct et en public à la Cantine tous les mois avec un invité. Écoutez-nous, participez en venant dans le public, podcastez-nous, partagez !

 

 

Radio Reflets Bêta-0.1

24 octobre 2012.

Invité : Laurent Bonelli, sociologue, co-rédacteur en chef de la revue Cultures et conflits, professeur de science politique à Nanterre, auteur et co-auteur de nombreux ouvrages traitant de la surveillance.

Animateurs : Drapher, Fabrice Epelboin, Kitetoa.

Technique : Epimae, Mael.

Télécharger le fichier audio (mp3)

Écouter :


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La photo au féminin

dimanche 28 octobre 2012 à 12:37

La photographie est une technique de reproduction de la réalité inventée par des hommes et expérimentée par ces derniers. Portraitistes, reporters, photographes sociaux, sportifs, très rapidement cette expression lumineuse a envahi les différentes strates sociales. Petit à petit, l’art photographique se met au service de la femme et de ses courbes corporelles mises en valeur de différentes façons par la gente masculine. On retient particulièrement les clichés des stars telles que Brigitte Bardot, Marlène Dietrich et bien d’autres encore. Bien qu’elles semblent prédestinées à s’exposer devant l’objectif, nombreuses sont celles qui ont osé l’impensable : glisser leur regard derrière un appareil photo.

Si il est difficile de déterminer quelle est la première voleuse de lumière, on peut avec certitude citer quelques unes de ces femmes qui ont marqué, chacune à leur manière la photographie par leur regard subtil et leur sensibilité toute particulière.

Diane Arbus, New York et ses bizarreries

C’est par son mari, que cette jeune new yorkaise des années 20 apprend la photographie à 14 ans. D’abord styliste, elle n’osera explorer cet art que dans les années 60. Fascinée par l’étrangeté de cette société américaine pudiquement débridée, Diane capture ses concitoyens au travers de portraits intimistes et souvent dérangeants. Elle noue avec ses modèles une proximité extrême qui lui permet alors de prendre des images saisissantes d’authenticité. Proximité si intense qu’elle n’hésite pas à coucher avec ses modèles attrapant moult maladies sexuelles qui ont failli l’emporter à trépas plusieurs fois. Handicap, transexualité, homosexualité, nanisme, et autres bizarreries de la nature humaine nourrissent la production de cette femme sensible et dépressive. Elle dresse ainsi un tableau saisissant et troublant de sa société urbaine.

En 1967, elle vole l’image de ces deux jumelles qui inspireront quelques années plus tard le cinéaste Stanley Kubrick pour son film Shining.

Diane Arbus est une des maîtres du noir et blanc. Un fort contraste, des noirs tranchés, un cadrage très serré, un décor inexistant font de ses prises de vue une scène perturbante où l’observateur se trouve embarqué dans un autre temps, dans un autre monde, dans un étrange voyage vers ce que l’humanité aimerait cacher. Elle tient à maîtriser le travail graphique dans son entièreté. Ainsi, elle développe elle-même ses propres clichés.

Mais Diane est une femme fragile, elle mettra fin à ses jours en 1971, noyant à jamais une oeuvre considérable dans une overdose de barbituriques.

Gisèle Freund, un regard sur les têtes pensantes

Gisèle Freund est une fugitive de l’Allemagne nazie. Adolescente, elle apprend la photographie et se passionne pour cet art. C’est au travers d’une vie riche en voyages et en rencontres qu’elle devient le témoin de la vie intellectuelle des années après guerre, jusqu’en 1981 où elle fera le cliché officiel de François Mitterand.

Très rapidement, Gisèle se mettra à l’agfacolor. Ainsi, elle sera une des premières à réaliser des portraits couleurs de ses modèles. Les prises de vue, telles que celle ci de Virginia Woolf, se déroulent lors d’une conversation, de manière naturelle. Le modèle est comme pris à son insu, donnant une sensation de discussion de salon et de proximité de la personne. C’est cette intimité qui frappe chez cette voleuse de lumière, cette impression d’avoir toujours connu la personne.

André Gide, Sartre, Simone de Beauvoir, Samuel Beckett, André malraux, Cocteau.. peu échapperont au regard acéré de la portraitiste. Elle se pose ainsi comme le véritable témoin d’une réalité sociale de l’époque où la pensée, la philosophie et l’existentialisme occupaient les terrasses de café de Paris et d’ailleurs.

Gisèle ose parfois de légères mises en scène. Ainsi, on voit Jean Cocteau allongé près d’une main sculptée, clope à la main, dans une attitude douloureusement pensive, les lèvres légèrement maquillées, mettant en valeur la personnalité énigmatique de cet homme de lettres. Gisèle Freund est une amie avant d’être une voleuse d’images et c’est cette complicité qui rend ses clichés plus intimistes encore.

Bettina Rheims, la nudité vue par une femme

Bettina Rheims est une des femmes ayant osé photographier la nudité de la façon la plus crue et la plus incorrecte. Les mêmes clichés pris par des hommes auraient sûrement été vulgaires mais elle a su rajouter ce zest de pudeur qui fait de ses prises de vue une scène délicate et troublante.

Cette photo issue de la série « chambre close » capture des images de jeunes modèles jouant un rôle de prostituées, et ce dans des espaces très confinés, colorés mettant nos sens à la limite de l’overdose.Cette photographe française aime photographier l’incorrect, la nudité, la pauvreté sexuelle voire la soumission. La scandaleuse n’a pas peur des paradoxes en capturant tantôt des nudités provocantes, tantôt des hommes politiques voire des présidents (Jacques Chirac).

Bettina est une voleuse d’images « dans le vent », et c’est grâce à Paris Match entre autres, qu’elle a pu photographier les stars de la musique, du cinéma… Elle réalise ainsi des prises de vue subtiles, très colorées et où il n’est plus question d’intimité, de moments volés mais bel et bien de starification et de strass.

On perçoit son génie en observant sa facilité pour restituer la personnalité publique de ses modèles. Tantôt elle saisit une Madonna sexy et allumeuse, tantôt une Juliette Binoche délicate et réservée.

Alexandra Boulat, le reportage au féminin

Fille du célèbre photo reporter pierre Boulat, cette voleuse d’images , morte d’une rupture d’anévrisme en plein reportage en Cisjordanie, a vécu sa vie entière au service du reportage de guerre. Elle est l’une des rares à avoir su allier la photographie artistique et le reportage au travers de prises de vues saisissantes de réalisme et de douleur. Alexandra s’est évertuée à photographier les femmes au sein de la guerre : mortes, en deuil, en prison… c’est la douleur qui règne en maître sur ses images. Une douleur solitaire, intense qui donne à voir une réalité des coulisses de la guerre, réalité bien plus angoissante que celle des armes.

Mieux qu’un commentaire, laissons nous pénétrer de ces images.

Alexandra Boulat arpente les dessous des guerres et prend ses clichés au hasard d’une prière

d’une manifestation

Cette photographe a bel et bien réinventé le photo reportage, elle a su capturer de belles images, fortes et angoissantes.

Liz Hingley, une jeune anglaise au service de la photographie sociale et familiale

Le concours de la femme photographe, le prix Virginia a vu sa première édition s’achever il y a quelques jours. Cette chronique ne peut s’achever sans en mentionner la lauréate, une jeune anglaise qui saisit des images familiales avec une procédure bien à elle. C’est en vivant quelques mois au sein de familles défavorisées de Londres qu’elle ramène des séries de vie, et comme elle aime le dire elle même, des scènes d’amour familial, cet amour qui perdure au delà de toute adversité et qui lie les humains entre eux au hasard des rencontres et des naissances.

Liz Hingley est pour l’instant peu connue du public. Elle photographie avec simplicité, spontanéité et franchise. Cette photographie sans fioritures, sans ambages, sans faux semblants, semble marquer notre XXI ème siècle.

 

Le monde de la photographie ne peut plus faire sans les femmes. Elles ne sont malheureusement que peu présentes sur les listes de lauréats des grands prix photo et c’est dommage. Leur regard amène un vent nouveau fait de finesse et de subtilité. Les voleuses d’image s’attachent particulièrement au détail, celui qu’on ne voit pas ou qu’on préfère ignorer. La guerre, la nudité, la souffrance, la pauvreté… rien ne fait peur aux captureuses de lumière, elles veulent être là, témoins implacables de nos réalités sociales, elles remplissent ainsi nos silences d’images lumineuses.

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